L’entrevue

Une pratique coopérative : le Café TouskiEntrevue avec Catherine Jauzion, cofondatrice du Café Touski[Notice]

  • Suzanne Garon

…plus d’informations

  • Suzanne Garon
    Département de service social
    Université de Sherbrooke

Situé au 2361 de la rue Ontario Est, le Café Touski est une coopérative de travail en développement. Elle a été mise sur pied par trois jeunes femmes, Catherine Jauzion, Caroline Reeves et Marie-Claude Girard, qui rêvaient d’un restaurant familial dans le quartier Centre-Sud. Ce café de quartier a ouvert ses portes en août 2003 dans un espace assez grand pour abriter une salle de jeux pour les enfants. Il est aussi muni d’un immense jardin entouré d’arbres. « Touski » comme dans : « tout ce qu’il faut pour préparer à manger » et qui est devenu pour les personnes qui y travaillent : « touski faut pour changer le monde… ».

C’est venu d’un besoin. Je me sentais seule avec mon enfant et chaque fois que je voulais aller dans un restaurant, je trouvais ça compliqué. Nous étions plusieurs jeunes mères à vivre ça. Se promener avec nos enfants dans des poussettes, c’était difficile. Lorsque tu es mère monoparentale et que ton enfant a un an, ce n’est pas facile. Lorsque l’enfant est tout petit bébé, c’est amusant, mais lorsqu’il a un an, c’est plus difficile. L’espace se réduit avec des enfants en bas âge. Nous sentions que nous étions limitées dans nos mouvements, pas seulement financièrement. Les poussettes ne passent pas toujours dans les rangées et si les enfants pleurent, ça dérange tout le monde. Nous nous sommes dit que ça serait bien de mettre sur pied un restaurant familial. Nous ne voulions pas aller dans un restaurant comme MacDonald’s. Nous ne voulions pas encourager ça. Nous voulions aussi que ce soit dans le quartier. Puis en plus, il n’y avait rien ici. C’est un quartier quasi désertique en ce qui concerne les commerces de services. Nous avons fait un travail de fond. Nous sommes d’abord allées suivre un cours au Cercle d’emprunt de Montréal pour apprendre à faire un plan d’affaires, ce qui demande du temps. En plus, nous avons fait une étude de marché. C’est là que nous nous sommes rendu compte que notre projet répondait à un vrai besoin. Il existait même une étude de la Ville de Montréal qui concluait qu’un restaurant serait viable dans le quartier et serait même un atout majeur pour sa revitalisation. C’était comme dans un rêve. Tout au long de la réalisation du plan d’affaires, qui a duré au moins un an, nous avons fait un travail de collecte de données, nous avons même fait un sondage. Nous avons interrogé des informateurs clés et lu plusieurs autres études ; tout indiquait que notre projet était viable. Nous sentions que nous étions là au bon moment. C’était parfait parce que nous ne voulions pas imposer notre projet à la communauté. Nous voulions que ce café de quartier y prenne vie naturellement. C’est comme ça que cela s’est passé. Nous avons fait des demandes de subventions et nous les avons obtenues, souvent à notre grande surprise ! Tout s’est mis en place facilement, mais il ne faut pas croire que tout était donné. Nous avons travaillé énormément : bâtir le plan d’affaires nous a demandé beaucoup d’heures de travail, souvent en plus de s’occuper des enfants. Mais nous avions le sentiment que les choses se mettaient en place naturellement. Même le local ne pouvait être plus adéquat avec ce que nous voulions faire. Le jardin est immense et il y a des arbres. Nous y avons aménagé une aire de jeux pour les enfants. C’est vraiment agréable ! Nous avons même gagné le concours québécois en entrepreneuriat, même si, avant de commencer le projet, nous n’y connaissions rien ! Au plan local, nous avons reçu le prix d’économie sociale ; alors qu’au régional, nous avons obtenu le prix d’économie sociale et coopérative. En plus, à tout cela s’est ajouté le prix coopératif Desjardins, à l’échelle du Québec. Nous avons reçu beaucoup de reconnaissance, mais tout s’est passé très bien ; presque comme dans un conte de fées. Au début, nous ne connaissions rien à l’économie sociale. C’est en faisant la recherche de financement que nous l’avons découvert. Nous trouvions que ça correspondait bien à ce que nous voulions faire. Par ailleurs, les programmes de subvention en économie sociale n’accordaient rien à la restauration. Il a fallu trouver la façon de bien démontrer que …