Les comptes rendus

Les ressources alternatives de traitement Yves Lecomte et Jean Gagné (sous la direction de) Montréal, Revue Santé mentale au Québec. Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec (RRASMQ) 2000, 204 p.[Notice]

  • Lucie Dumais

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  • Lucie Dumais
    LAREPPS
    Université du Québec à Montréal

À l’occasion de son 25e anniversaire, la revue Santé mentale au Québec, en association avec le RRASMQ, publie un document hors série et propose aux intervenants de ressources alternatives de « s’ouvrir aux commentaires et aux critiques d’un lectorat averti et non complaisant » afin d’établir avec rigueur les aspects distinctifs de leur contribution. Le titre annonce déjà des couleurs : on parle du traitement, c’est-à-dire de « notion de traitement élargie » et « d’action thérapeutique au sens plein » (p. 90-91). Ce traitement vise au premier chef à alléger la souffrance humaine, avec comme moyen de base l’écoute de la parole qui donne sens à une telle expérience, souvent désordonnée et dérangeante, mais au coeur de laquelle créer un lien de confiance est une clef pour la guérison, un « code clinique ». La revue souligne en revanche la nécessité pour les intervenants de réviser continuellement leurs codes d’intervention et de s’adapter aux situations particulières des usagers. La quinzaine d’auteurs collaborant aux dix chapitres de l’ouvrage se présentent chacun à leur manière (quoique jamais comme usagers, notons-le…) : psychanalystes, psychothérapeutes, psychologues, sociologues, professeurs d’université, chercheurs, militants, fondateurs ou coordonnateurs d’organismes. Les lecteurs doivent donc s’attendre à avoir des registres différents dans le contenu des articles, et c’est le cas. Mais il faut remercier les deux directeurs de l’ouvrage d’avoir demandé un chapitre introductif qui permet de situer les contributions dans ces divers registres, et féliciter Ellen Corin qui se charge fort bien de cette tâche. Trois articles de fond (théorie, histoire, recherche récente) constituent la moitié de l’ouvrage et ont été écrits par des sociologues et psychologues proches de la recherche universitaire. Sept autres chapitres décrivent les expériences cliniques concrètes et ont été écrits, pour la majorité, par des intervenants de ressources alternatives créées dans les années 1970 et 1980 – et qui sont non seulement de Montréal, mais aussi de Montérégie, de l’Estrie et du Centre-du-Québec. Dans son introduction théorique, Corin situe sur deux registres les efforts des ressources pour continuer et toujours renouveler l’alternative. Il y a l’axe institutionnel, en marge de l’hôpital et de la profession psychiatrique, sur lequel les ressources alternatives en santé mentale continuent de défendre leur place. Il y a aussi l’axe horizontal des savoirs, qui, au fil des ans, ont pu ressembler à des « tâtonnements éclectiques » de diverses approches cliniques, mais sur lesquels les ressources affirment sans cesse que le patient est avant tout une personne qui ne peut être réduite à un objet de diagnostics ou étiquetée par ses déficits. Dans ces savoirs, la personne, même si elle est en position de repli sur soi parce que souffrante, demeure un sujet parlant avec qui un rapport doit être créé et le dialogue, rester ouvert. Or, bien que le psyché de tout être humain demeure ultimement inatteignable, même par la science, les savoirs alternatifs font le pari que, par un dialogue thérapeutique, il demeure en partie saisissable à travers ses émotions, ses idées, ses idéaux, ses qualités et, par conséquent, guérissable. Corin soulève toutefois deux interrogations majeures qui, à son avis, risquent de freiner les élans et les démarches futures de l’alternative, même si celles-ci consistent en une sorte de tension créatrice essentielle pour le renouvellement. Selon elle, les ressources se font peut-être trop « moralement impératives » devant la prise en charge individuelle des personnes : en effet, pourquoi insister, au surplus précocement, sur la reprise en main alors que les personnes sont en désarroi ? L’empowerment est-il la seule issue possible ? Est-il un moyen aussi nécessaire qu’on le croit ? Et si tel …