Résumés
Résumé
L’article offre un tour d’horizon des oppositions montées par les organisations syndicales, sociales, environnementales et autres des trois pays de l’Amérique du Nord contre l’Accord de libre-échange nord-américain, l’ALENA, avant de présenter les oppositions et coalitions mises en place contre le projet de création d’une Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA). Il s’agit de rendre compte des stratégies auxquelles le mouvement syndical et les autres mouvements sociaux ont eu recours afin de mettre en place une opposition sociale et politique à l’ALENA, plus tard, au projet de ZLEA, et de mettre en relief les pratiques et les alternatives qui visent à consolider le projet d’Alliance sociale continentale.
Corps de l’article
Introduction
Nous allons effectuer un tour d’horizon des oppositions montées par les organisations syndicales des trois pays de l’Amérique du Nord contre l’Accord de libre-échange nord-américain, l’ALENA, avant de nous pencher sur les oppositions et coalitions mises en place contre le projet de création d’une Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA). Cela dit, nous allons concentrer notre attention sur une dimension spécifique de cette action, à savoir sa dimension politique, et sur deux niveaux, national et continental. Il s’agit dès lors de rendre compte des stratégies auxquelles le mouvement syndical et les mouvements sociaux ont eu recours pour manifester leur opposition à la fois politique et idéologique à l’ALENA, plus tard, au projet de ZLEA, et de mettre en relief les pratiques qui visent à consolider le projet d’Alliance sociale continentale.
Le contexte
Les États-Unis ont ouvert la voie qui conduira à la signature d’une nouvelle génération d’accords commerciaux, tels que nous les connaissons aujourd’hui et tels qu’ils seront négociés par un nombre croissant de partenaires dans les Amériques, avec la négociation d’un premier accord bilatéral de libre-échange avec Israël, accord qui entra en vigueur en 1985[1]. À peine cet accord signé, la Maison-Blanche amorça un second cycle de négociations, avec le Canada cette fois, à l’hiver de la même année, cycle qui aboutit à la fin de 1988 à la signature d’un accord de libre-échange d’une très grande portée. L’Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis (ALE) entra en vigueur le 1er janvier 1989. Ceci fait, les autorités américaines se tournèrent alors vers leur autre voisin, le Mexique, et amorcèrent un troisième cycle de négociations commerciales bilatérales, tout en élargissant considérablement le périmètre de leurs ambitions en proposant à l’ensemble des pays d’Amérique latine et des Caraïbes d’implanter le libre-échange de l’Alaska à la Terre de Feu dans le cadre de ce qui sera appelé, en juin 1990, l’Initiative pour les Amériques. C’est ainsi que les négociations à trois furent enclenchées au tout début des années 1990 par les présidents George Bush du Parti républicain et Carlos Salinas de Gortari du Parti révolutionnaire institutionnalisé (PRI), ainsi que par le premier ministre Brian Mulroney du Parti progressiste-conservateur, et qu’elles aboutiront, en décembre 1992, à la signature de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Mais ce n’est finalement qu’en septembre 1993, après de nouvelles négociations, à la demande du président Clinton, que les termes de l’entente seront définitivement arrêtés. La seule différence notable entre les projets de Bush et de Clinton, c’est que ce dernier exigera que l’ALENA soit accompagné de deux accords parallèles portant respectivement sur le travail, l’Accord nord-américain de coopération dans le domaine du travail (ANACT), et sur l’environnement, l’Accord nord-américain de coopération dans le domaine de l’environnement (ANACE), une exigence qui visait à calmer les appréhensions de deux alliés de longue date du Parti démocrate, les syndicats et les groupes environnementalistes, grâce à quoi l’Accord a pu être ratifié par le Congrès et entrer en vigueur comme prévu le 1er janvier 1994.
Aux États-Unis, en décembre de cette même année 1994, faisant fond sur le projet des Amériques de son adversaire politique et prédécesseur sur ce point également, le président Clinton était l’hôte du premier Sommet des Amériques qui a réuni à Miami les 34 chefs d’État et de gouvernement « démocratiquement élus », une exigence qui servait à maintenir l’exclusion de Cuba des affaires interaméricaines. C’est à cette occasion que se sont amorcées les premières discussions en vue d’en arriver à un accord de libre-échange pancontinental d’ici 2005. Le quatrième cycle de négociations a été officiellement lancé à l’occasion du deuxième Sommet des Amériques, à Santiago au Chili, au mois d’avril 1998.
L’opposition contre l’ALENA aux États-Unis : ART
Les deux premiers cycles de négociations qui devaient conduire à la signature d’accords de libre-échange avec Israël et ensuite le Canada n’ont pas suscité d’intérêt au point de conduire à la formation de coalitions sociales importantes. En revanche, lors de l’ouverture des négociations avec les autorités mexicaines, des oppositions fortes issues de l’un et de l’autre extrême du spectre politique et idéologique ont pris forme. Rappelons à cet égard, les oppositions à droite, du télé-évangéliste républicain Patrick Buchanan et celles du candidat à la présidence Ross Perot, pour ne citer que les plus connues et, à gauche, celles des mouvements syndical et écologiste. Ce sont surtout l’American Federation of Labor et le Congress of Industrial Organizations (AFL – CIO), ainsi que des organisations issues du mouvement écologiste, notamment, le Sierra Club et Greenpeace, qui ont constitué l’opposition sociale et organisé la cabale au niveau politique contre l’ALENA[2].
La stratégie à laquelle ces organisations ont eu recours s’est déployée en deux temps et, à cette fin, en janvier 1991, elles ont mis sur pied deux réseaux parallèles ayant chacun une mission spécifique. Le premier réseau, appelé Citizens Trade Campaign (CTC), avait essentiellement pour fonction de développer une stratégie au regard des législateurs, c’est-à-dire du Congrès, afin de prévenir l’octroi de la procédure dite de fast-track requise par le président Clinton en prévision des négociations commerciales à venir. Quant au second réseau, il devait former une large coalition sociale contre le libre-échange appelée Alliance for Responsible Trade (ART), qui avait un double mandat : développer des alternatives au projet des Amériques, d’une part, et nouer des liens avec des coalitions semblables ailleurs en Amérique du Nord, d’autre part.
Cette double initiative mérite d’être soulignée parce que, historiquement en tout cas, l’AFL – CIO avait plutôt été portée à défendre la politique extérieure du gouvernement américain et à éviter de se compromettre dans des mouvements de solidarité transfrontalière. On pourrait rappeler le rôle stratégique assumé par l’affiliée de l’AFL – CIO en Amérique latine, l’American Institute for Free Labor Development (AIFLD) qui s’est porté à la défense des syndicats qui prétendaient être les « modérés les plus proches des régimes autoritaires, sinon dictatoriaux, contre tous les syndicats progressistes ou radicaux », et dont l’histoire apparaît « sordide » aux yeux de certains auteurs (Armbruster, 1995 : 86). Nous assistons peut-être à un revirement important et significatif de la part de la grande centrale américaine qui semble désormais collaborer de manière plus ouverte avec des organisations syndicales moins complaisantes à l’égard des pouvoirs en place.
L’opposition politique et idéologique de l’AFL – CIO à l’ALENA s’explique par le lien direct que les analystes de la centrale établissaient entre le libre-échangisme et la perte d’emplois à court terme, une perte qui résulterait d’une relocalisation de certaines activités industrielles au Mexique de la part d’entreprises qui voudraient profiter des bas salaires et autres conditions avantageuses qui leur sont offertes dans ce pays par comparaison avec celles qui prévalent aux États-Unis. Cette menace pesait d’ailleurs plus lourdement sur les salariés syndiqués que sur tous les autres. Cependant, afin de contourner le reproche un peu facile qui lui était adressé de s’opposer à l’ALENA pour des motifs essentiellement corporatistes, l’AFL – CIO a très tôt cherché à étendre les enjeux et à élargir ses alliances : concernant les enjeux, l’organisation syndicale a invoqué d’autres questions sociales comme le travail des enfants, les migrations illégales ou le dumping social, et quant aux alliances, elle a cherché, pour des raisons tactiques, à se rapprocher d’un autre adversaire des accords de libre-échange, le mouvement écologiste. En effet, les relations étaient demeurées tendues entre les organisations syndicales et les organisations environnementales, essentiellement parce que les premières reprochaient aux secondes d’ignorer ou de sous-estimer les effets négatifs de l’imposition de normes environnementales aussi bien sur les niveaux d’emplois que sur les perspectives de création d’emplois (Wiarda, 1994 : 124-125).
L’opposition au Mexique : la RMALC
Le cas mexicain est très différent de celui des États-Unis et du Canada, surtout à cause de l’ascendant qu’a le PRI, qui est demeuré au pouvoir pendant plus de 70 ans, de 1928 à juillet 2000[3]’ sur l’ensemble des composantes de la société civile et de ses organisations. Cette domination s’exerçait par le biais de l’affiliation obligatoire au parti grâce au soutien étatique accordé, par exemple, à la Confederacion de los Trabajadores mexicanos (CTM) ou la Confederacion Nacional de los Campesinos (CNC). Le mouvement syndical officiel était en fait incapable de soutenir et de défendre une position autonome face à la politique économique du gouvernement (Baer et Weintraub, 1994 : 163). L’adhésion au libre-échange, à l’aube des années 1980, a été d’autant plus révélatrice de cette absence d’autonomie du mouvement syndical officiel, que les autorités mexicaines avaient systématiquement eu recours au protectionnisme pendant les décennies précédentes, d’une part, et que le réalignement engagé successivement par les présidents de la Madrid et Salinas de Gortari, le premier en fin de sexenio’ l’autre à son début, constituait ni plus ni moins une rupture radicale avec la politique nationaliste à l’égard de leur puissant voisin du Nord, d’autre part.
Le plus frappant dans la « contre-révolution monétariste » mexicaine, au-delà de ses dimensions politiques, voire idéologiques, c’est la rapidité du revirement de la part de l’opinion publique qui s’est montrée passablement complaisante à l’égard de la sanction d’un éventuel accord de libre-échange avec les États-Unis (Villarreal, 1995). Ce retournement s’explique non seulement par l’efficacité de l’ascendant du PRI et de ses instruments de propagande sur les organisations de la société civile, mais également par le fait que des segments importants de l’opinion publique ont cru repérer, dans cette éventuelle ouverture commerciale, une occasion à saisir pouvant permettre à la fois de desceller l’emprise du PRI sur la société et d’élargir l’espace de la démocratie sur le plan domestique. Soulignons, au passage, que la privatisation et la déréglementation apportent sans doute, dansnombre de contextes, leur lot de misères et de capitulations, il n’en demeure pas moins que, en obligeant des pouvoirs institués passablement autoritaires ou autocratiques à relâcher certains contrôles et à lever certaines entraves, ces mêmes mesures peuvent permettre d’ouvrir des brèches dans les dispositifs de domination et de contrôle des pouvoirs en question.
Ces précisions prennent tout leur sens dès que l’on se tourne du côté des quelques organisations qui ont fait état de leur opposition au projet d’accord de libre-échange et qui, plutôt que de s’opposer purement et simplement à l’ensemble du processus d’intégration économique, ont choisi la voie de l’ébauche d’un projet alternatif. Il est revenu à une organisation syndicale comme le Frente Autentico del Trabajo (FAT) de saisir l’occasion dès 1991 pour monter, de concert avec d’autres organisations[4]’ une coalition, la Red Mexicana de Accion frente al Libre Comercio (RMALC) qui s’est donné le double mandat d’élargir l’opposition à l’ALENA et d’engager une réflexion d’ensemble autour de la rédaction d’un autre accord d’intégration qui tiendrait compte des exigences d’un développement social et durable.
L’action et la stratégie du Réseau mexicain se sont ainsi développées en deux temps. Entre l’ouverture des négociations et l’entrée en vigueur de l’ALENA, c’est-à-dire entre 1991 et 1994, la RMALC a d’abord exigé que les discussions autour des termes d’un éventuel accord soient menées en public et revendiqué en parallèle l’élargissement de la participation. Par la suite, une fois l’accord signé, le réseau a modifié son action et sa stratégie pour se concentrer sur l’analyse et l’étude des impacts de l’ALENA sur l’économie nationale et la population, d’une part, et ouvrir les discussions autour d’une proposition d’accord alternatif qui favoriserait de manière efficace un développement soutenable et juste, d’autre part. Parmi ces actions, la plus notable, est sans doute celle qui a conduit la RMALC à élaborer et à proposer un programme économique alternatif pour le Mexique qui fut soumis à une consultation publique à l’occasion de la tenue d’un « Référendum de la liberté » en 1995. Plus de 430 000 citoyens participèrent à cette consultation.
Canada et Québec : pourquoi deux coalitions ?
Pour comprendre la ligne de partage des oppositions au libre-échange dans les contextes canadien et québécois, il convient de revenir sur le contexte de la création des coalitions. En fait, cette ligne de partage est tributaire de trois facteurs économiques : premièrement, de la dotation en ressources des provinces et de leurs relations avec leurs principaux marchés extérieurs qui sont, dans tous les cas, les États-Unis d’Amérique ; deuxièmement, de la nature des relations commerciales que les provinces entretiennent entre elles ; et, troisièmement, des rôles et fonctions de la politique régionale du gouvernement fédéral sur la centralisation et la décentralisation de l’activité économique au pays. Quelques éclaircissements méritent d’être rapidement effectués[5].
En premier lieu, si les États-Unis et le Canada sont venus si tard à la formalisation de leurs relations commerciales dans un accord de libre-échange, c’est bien parce que les deux pays en étaient venus à se satisfaire d’un certain statu quo qui avait le mérite d’apaiser les craintes qu’aurait inévitablement suscitées dans l’opinion publique canadienne la signature d’un tel accord. Il convient de rappeler à ce sujet que les deux partenaires comptaient déjà au lendemain de la Deuxième Guerre et comptent toujours à l’heure actuelle, parmi les deux économies les plus intégrées de l’économie mondiale. En ce sens, comme nous le soulignerons bientôt, l’ouverture des négociations visait moins à consolider des acquis qu’à préparer le passage à des niveaux encore plus profonds d’intégration au moment où les négociations dans le cadre de la Ronde Uruguay (GATT), en particulier, semblaient piétiner, voire vouées à l’échec. Repoussée jusque-là par le Canada au nom de l’indépendance nationale, la signature d’un accord formel de libre-échange entre les deux pays s’est alors révélée indispensable au Canada, pour consolider son statut de premier partenaire commercial des États-Unis, et aux États-Unis, pour faire avancer les négociations multilatérales dans des directions nouvelles, plus conformes aux réalités des activités transfrontalières.
En deuxième lieu, durant les années d’après-guerre, au lieu de recourir à un libre-échange général, on avait plutôt eu recours à la signature d’accords sectoriels de libre-échange. C’était d’ailleurs cette approche et cette démarche qui avaient contribué au développement et à la concentration de l’activité industrielle à l’intérieur de l’Ontario surtout. Deux accords sectoriels, le Defence Production Sharing Agreement (DPSA) de 1958 et le Pacte de l’Automobile de 1965, avaient en effet permis d’asseoir et de consolider la prééminence économique de cette province sur toutes les autres, avec le résultat que, à terme, cette province devait capter la plus grande part des échanges dans l’axe est-ouest au pays, tout en étant aussi celle qui entretenait le plus haut niveau d’échanges avec les États-Unis.
Cette réalité économique permet d’expliquer la réaction des autorités ontariennes qui préféraient, au mieux, le maintien du statu quo, au pire, le recours à des accords sectoriels à toute stratégie qui aurait débouché sur la signature d’un accord général de libre-échange. A contrario’ cette même réalité a permis de comprendre la réaction des autorités politiques du Québec qui, tous partis politiques confondus, se sont montrés plutôt favorables à l’ouverture de négociations qui pouvaient avoir pour effet d’accroître en faveur de l’économie québécoise la fluidité des échanges dans un axe nord-sud, au lieu de maintenir inchangée une structure des échanges dans un axe est-ouest qui défavorisait l’économie québécoise en lui imposant un déficit commercial systématique par rapport à sa province voisine.
Cette réflexion nous conduit à notre troisième point, c’est-à-dire aux effets et résultats d’une certaine vision de l’économie politique au niveau fédéral même qui, loin de parvenir à freiner le glissement de l’axe de l’industrialisation vers les Grands Lacs, l’a, bien au contraire, favorisé et qui, malgré toute une panoplie de programmes de développement régional, n’est jamais parvenue à infléchir la dynamique de la croissance économique et de la localisation industrielle et financière au pays.
Les oppositions au Canada et au Québec : Common Frontiers et RQIC
Le coup d’envoi des négociations commerciales canado-américaines a été donné par les deux chefs d’État, le président Ronald Reagan, et le premier ministre Brian Mulroney, lors du Sommet Shamrock tenu à Québec en mars 1985. Le débat a capté l’attention jusqu’aux élections fédérales de 1988.
Au départ, tous les organismes syndicaux et nombre d’organismes sociaux ont mis en lumière les menaces que le projet faisait planer sur l’emploi, sur la législation du travail et, plus généralement, sur les lois sociales au pays. Pourquoi avoir établi cette connexion ? Il y a au moins trois raisons à cela. D’abord, le rapport de la commission d’enquête, qui avait recommandé la signature d’un accord de libre-échange entre les deux partenaires, avait lui-même établi la relation entre la libéralisation des échanges et les niveaux d’emploi. En effet, le Rapport de la Commission sur l’Union économique et les perspectives de développement du Canada’ mieux connu sous le nom de rapport Macdonald, prévoyait qu’« une libéralisation des échanges se ferait surtout sentir sur notre secteur manufacturier », ajoutant immédiatement ce raisonnement sibyllin : « ce secteur ne représente à l’heure actuelle que moins de 20 pour cent des emplois au Canada. Donc, au pire, une libéralisation des échanges n’aurait d’effets directs que sur le cinquième de la main-d’oeuvre canadienne » (Rapport de la Commission sur l’Union économique et les perspectives de développement du Canada, 1985 : 369), comme si une mesure d’économie politique qui risquait d’affecter 20 % de la main-d’oeuvre au pays devait être tenue pour une mesure anodine !
Ensuite, le rapport Macdonald avait lui-même évoqué le fait qu’un éventuel accord de libre-échange pourrait avoir des effets négatifs sur « l’encouragement au développement économique régional, ainsi que sur les initiatives culturelles ». Devant ces défis, les commissaires avaient proposé de recourir à des « exclusions précises qui laisserai[en]t certains domaines hors de l’accord et préserverai[en]t ainsi l’aptitude des gouvernements canadiens, à tous les niveaux, de poursuivre ces grands objectifs » (Rapport de la Commission sur l’Union économique et les perspectives de développement du Canada, 1985 : 395).
Enfin, parce que ce même rapport souligne que le libre-échange « obligerait les provinces à abandonner une partie de leur liberté en ce qui concerne l’utilisation des politiques portant sur les barrières non tarifaires. Cette contrainte les priverait sans doute d’une partie de leur champ de manoeuvre politique et gouvernementale » (Rapport de la Commission sur l’Union économique et les perspectives de développement du Canada’ 1985 : 401) ; or, dans le contexte canadien, ce sont les gouvernements provinciaux qui ont juridiction en matière syndicale et sociale, la juridiction du gouvernement du Canada en matière de travail étant limitée aux seuls employés du gouvernement fédéral et à ceux des entreprises de la Couronne qui relèvent de sa propre juridiction, ainsi qu’à certains secteurs comme les chemins de fer.
Pour ces raisons, parmi d’autres bien sûr, au Canada comme au Québec, l’ouverture des négociations commerciales devait immédiatement susciter l’émergence de coalitions syndicales opposées au projet de libre-échange[6].
Au Québec, c’est en 1986 que la Coalition québécoise d’opposition au libre-échange (CQOL) est formée. Elle regroupe les principales centrales syndicales, à savoir la Centrale de l’enseignement du Québec (CEQ), la Confédération des syndicats nationaux (CSN), la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), ainsi que l’Union des producteurs agricoles (UPA). La première coalition canadienne, Pro-Canada Network, qui a changé son nom pour Action Canada Network, est apparue l’année suivante, en 1987. Malgré la publication et la diffusion de travaux et d’analyses sur les effets négatifs d’un éventuel accord de libre-échange, la CQOL n’a jamais connu le même succès que son pendant canadien qui a su, quant à lui, en alliance, entre autres, avec le Nouveau Parti démocratique (NPD) et le Conseil des Canadiens, engager un véritable débat de société autour des enjeux sociaux et culturels du libre-échange.
Le résultat de l’élection fédérale de l’automne 1988 qui a reporté le Parti conservateur au pouvoir après une campagne électorale au cours de laquelle le libre-échange a habilement été associé à la question de la reconnaissance de la société québécoise en tant que société distincte, a eu un effet démobilisateur sur les opposants au libre-échange au Canada et, peu de temps après, les coalitions se sont sabordées. Tout au plus certains groupes et syndicats ont opposé une fin de non-recevoir lorsque s’est ouverte la ronde subséquente de négociations, avec le Mexique cette fois, mais ils ont renoncé à s’engager plus avant.
En revanche, la situation au Québec a évolué différemment, puisque dès avril 1991, dans la foulée même de l’ouverture des négociations entre le Canada, les États-Unis et le Mexique en vue d’en arriver à la signature d’un Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), une Coalition québécoise sur les négociations trilatérales (CQNT) a été mise sur pied. Cette coalition s’est donné trois objectifs : premièrement, critiquer l’approche réductrice, c’est-à-dire exclusivement commerciale et tarifaire, adoptée par les trois partenaires tout au long de leurs délibérations ; deuxièmement, porter le débat sur la place publique en organisant rencontres, colloques et conférences de presse, tout en sollicitant des entrevues auprès des responsables de ce dossier au niveau politique ; et, troisièmement, participer à la mise sur pied de rencontres et d’échanges avec des syndicats, des associations ou des groupes qui, à l’échelle du continent, partageaient cette approche critique à l’égard du projet d’intégration en cours d’implantation.
Peu de temps après, des groupes et syndicats formèrent une nouvelle coalition au Canada, Common Frontiers, tandis que la CQNT, après avoir également élargi ses alliances, devint le Réseau québécois sur l’intégration continentale (RQIC), en 1994, après l’entrée en vigueur de l’ALENA.
Depuis lors, les deux coalitions ont resserré leurs liens. Elles travaillent en parallèle autour des questions de formation et d’information, d’une part, et elles ont toutes deux été activement impliquées, à l’instar des coalitions issues d’autres pays, dans l’organisation du Sommet des peuples tenu à Santiago en avril 1998, en marge du deuxième Sommet des Amériques, d’autre part.
L’opposition à la ZLEA
Avant de traiter des oppositions à la ZLEA, il convient d’apporter quelques précisions au sujet du processus de la négociation lui-même. Ce processus opère à deux niveaux. Au premier niveau, nous avons les sommets des chefs d’États et de gouvernements qui sont convoqués aux trois ou quatre ans : le premier Sommet des Amériques s’est tenu à Miami en décembre 1994, le deuxième Sommet, à Santiago du Chili, en avril 1998, tandis que le troisième Sommet aura lieu à Québec du 20 au 22 avril 2001. Au second niveau, nous avons les Réunions ministérielles qui réunissent les 34 ministres du Commerce des Amériques et qui se tiennent tous les 18 mois. Elles ont été tenues successivement à Denver (Colorado) en 1995, à Carthagène (Colombie) en 1996, à Belo Horizonte (Brésil) en 1997, à San José (Costa Rica) en 1998 et, enfin, à Toronto (Canada), en novembre 1999. La sixième Réunion ministérielle aura lieu au printemps 2001 à Buenos Aires (Argentine), avant le Sommet de Québec. Elle servira à faire le point sur l’avancement des négociations et à lancer l’étape subséquente, tout comme la quatrième Réunion ministérielle de mars 1998 à San José avait permis de mettre au point le Plan d’action et la formule de négociation qui furent divulgués le mois suivant lors du deuxième Sommet des Amériques.
À l’issue du Sommet de Santiago, le Canada a assumé la tâche de présider les négociations pendant les 18 premiers mois, responsabilité qui a échu à l’Argentine après la Réunion ministérielle de Toronto. À titre de président des négociations, le pays responsable dirige le Comité des négociations commerciales (CNC). La première réunion du CNC a eu lieu à Buenos Aires en juin 1998 et l’on y a défini le programme de travail de neuf équipes de négociations et des trois organes consultatifs. Depuis septembre 1998, les négociations se poursuivent à Miami « afin de mettre au point un ensemble important de mesures de facilitation du commerce pour réaliser les progrès concrets souhaités par les chefs d’État et de gouvernement et les ministres d’ici l’an 2000 » (Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, 1999).
Les négociations officielles sont suivies de près par les milieux d’affaires qui ont mis sur pied un Forum des gens d’affaires des Amériques (FGAA), mieux connu sous son appellation anglaise, Americas Business Forum (ABF), forum qui s’est vu octroyer un statut consultatif officiel par les chefs d’État et de gouvernement[7]. Le Forum tient ses rencontres en même temps que celles des ministres et celles des chefs d’États et de gouvernements depuis la Réunion ministérielle de Denver en 1995. Ainsi, à Belo Horizonte, « plus de 200 recommandations ont été formulées et présentées aux ministres du Commerce », tandis qu’au Forum de San José, « les discussions ont porté sur les 221 mémoires présentés par diverses organisations du secteur privé de 17 pays et groupes régionaux tels le (Groupe andin et la communauté des Caraïbes) CARICOM, le (Marché commun du Cône sud) MERCOSUR et le Marché commun d’Amérique centrale […] et les participants ont établi quelque 210 recommandations ». L’effet utile de ces rencontres mérite d’être souligné, car « plusieurs des recommandations proposées par les participants au Forum de San José se reflètent dans le mandat des équipes de négociations de la ZLEA et dans le Plan d’action issu du Sommet des Amériques de 1998 » (ABF-Canada, 1999 : 26).
Pour sa part, à l’occasion de la Réunion ministérielle de Denver, le mouvement syndical, appuyé par l’Organisation régionale interaméricaine du travail (ORIT), l’aile continentale de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), a organisé une conférence parallèle au terme de laquelle a été rédigée une Déclaration finale dans laquelle les participants font état de leurs préoccupations et revendications relativement au projet d’intégration économique des Amériques. De même à Carthagène, en 1996, le mouvement syndical des Amériques, non seulement a élaboré un nouveau document de réflexion, mais il a tenté également d’exercer des pressions sur les représentants des gouvernements. Ceux-ci, dans leur propre Déclaration finale’ ont reconnu « l’importance de favoriser une plus grande reconnaissance et la promotion des droits des travailleurs et la nécessité d’envisager des mesures appropriées à ce sujet auprès de [leurs] gouvernements respectifs » (Deuxième Réunion, 1996 : 164)
Au cours de ces années, nous assistons à un rapprochement significatif et original, non seulement entre les centrales syndicales elles-mêmes, qui poursuivent leurs échanges et consultations comme elles le faisaient par le passé, mais aussi entre les centrales syndicales et les autres mouvements sociaux à l’intérieur des coalitions nationales d’opposition au libre-échange mises en place au Nord comme au Sud. Ainsi, lors de la réunion des présidents des pays membres du Marché commun du sud (MERCOSUL), du Chili et de la Bolivie tenue à Fortaleza en décembre 1996, la principale centrale syndicale des États-Unis, l’AFL – CIO de même que l’ORIT envoyèrent des représentants pour appuyer les autres centrales sud-américaines qui s’étaient entendues pour organiser une Journée internationale de lutte pour les droits des travailleurs du MERCOSUL. Cependant, peu après, lors de la troisième Réunion ministérielle de Belo Horizonte en mai 1997, ce ne sont plus seulement les représentants du mouvement syndical des Amériques qui se sont réunis, mais également les délégués des coalitions d’opposition au libre-échange qui cherchaient depuis lors à développer des positions communes et à construire les alternatives à l’intégration économique par les marchés. Parmi les décisions prises à Belo Horizonte, la plus innovatrice est sans doute celle qui a consisté à lancer une Alliance sociale continentale (ASC), c’est-à-dire à jeter les bases d’une alliance large et profonde appuyée sur la construction « d’alternatives viables et concrètes à la ZLEA » (Des alternatives pour les Amériques. Vers un accord entre les peuples du continent’ 1998 : 5)
Par la suite, les principales coalitions nationales ont réussi à organiser, en marge du deuxième Sommet des chefs d’États et de gouvernements des Amériques, le premier Sommet populaire des Amériques, tenu à Santiago du 14 au 17 avril 1998. Ce sommet avait été convoqué à l’instigation de cinq coalitions nationales d’opposition au libre-échange, dont quatre issues du Nord, ART, la RMALC, Common Frontiers et le RQIC, une issue du Sud, la Red Chile por una Iniciativa de los Pueblos (RECHIP), la coalition hôte, ainsi qu’à l’instigation d’organisations comme l’ORIT et l’Instituto Brasileiro de Analise Social e Economica (IBASE), avec l’appui également d’organisations féministes, autochtones, environnementalistes et de défense des droits humains[8]. Si le Sommet des peuples a représenté un moment fort de l’opposition au libre-échange dans les Amériques, il a surtout permis de rassembler des opposants venus des horizons les plus divers et d’établir un consensus autour d’un document intitulé : Des alternatives pour les Amériques. Vers un accord entre les peuples du continent. Ce document réunit et rassemble les déclarations et prises de positions issues des 10 forums réunis autour du Sommet des peuples[9].
Devant de telles initiatives politiques et sociales, les gouvernements ne sont pas restés passifs, loin de là. Inquiets de la montée des oppositions au projet de ZLEA et tirant d’amères leçons du ratage des négociations menées à l’instigation de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en vue d’en arriver à un Accord multilatéral sur l’investissement (AMI), les chefs d’État et de gouvernement des Amériques ont confié à l’OEA le mandat de mettre sur pied un Groupe consultatif sur la participation de la société civile. L’idée générale derrière cette initiative, c’est que les négociations de l’AMI, en particulier, ont péri faute d’information de sorte que, si l’on réussissait à remédier à cette lacune, les populations adhéreraient sans réticence au projet des Amériques. Pour le moment, devant la forte opposition issue de certains pays, dont le Mexique, le mandat en question n’a pas pu être réalisé.
En attendant, le processus de formation de coalitions s’étend et s’approfondit. Après le Brésil et la formation là-bas de la REBRIP, ce fut au tour de l’Amérique centrale de se doter de sa propre coalition, la Iniciativa de la sociedad civil sobre la integracion centro-americana (ICIC), tandis que le Congrès latino-américain d’organisations rurales (CLOC) se joignait à l’ASC. Au niveau interne, chaque coalition rallie un nombre croissant d’organisations et de réseaux. Cela dit, ces coalitions ne visent pas à établir une quelconque hégémonie sur les organisations issues de la société civile puisque certaines d’entre elles, les organisations des femmes et des autochtones, pour ne citer que ces deux-là, préfèrent conserver leur autonomie, leur marge de manoeuvre ainsi que leur propre stratégie d’internationalisation.
Les alternatives pour les Amériques et l’Alliance sociale continentale
Prenant acte des échecs consécutifs des stratégies poursuivies par les coalitions nord-américaines contre les accords de libre-échange durant les deux étapes successives de négociations de l’ALE, puis de l’ALENA, d’une part, et prenant acte des acquis, aussi réduits soient-ils, obtenus par suite des pressions et négociations menées par les syndicats et autres acteurs sociaux dans le cadre du MERCOSUR[10]’ d’autre part, les membres des diverses coalitions d’opposition au projet des Amériques ont convenu d’adopter une approche plus offensive face au projet des Amériques. Cette approche vise à accroître l’implication des opposants et à en élargir le nombre en travaillant sur des alternatives au Plan d’action’ au lieu de se contenter d’un refus pur et simple. Devant la démultiplication des lieux d’opposition, devant l’accroissement des effets pervers de la mondialisation des économies et devant la prolifération des critiques, le temps était venu d’engager la convergence la plus large possible en vue de dégager des pistes de réflexion et d’action susceptibles d’offrir des alternatives, et non plus une alternative, à la mondialisation des économies[11]. Il s’agissait désormais de proposer des alternatives sociales, populaires, féministes, environnementales et soutenables au projet préparé par les chefs d’États et de gouvernements. À leur tour, ces alternatives prenaient appui sur les recommandations issues de divers forums couvrant de multiples revendications issues des sociétés.
La diffusion, dans les quatre langues officielles, au lendemain de la tenue du premier Sommet des peuples des Amériques, du document intitulé Des alternatives pour les Amériques. Vers un accord entre les peuples du continent’ marquait à la fois l’aboutissement d’un travail amorcé à Belo Horizonte et un jalon important dans cet ambitieux projet de constitution d’une alliance sociale embrassant le plus grand nombre de secteurs et d’acteurs issus des 35 sociétés civiles des Amériques, y compris Cuba.
Au point de départ, le document sur les alternatives définissait les principes généraux suivants, à savoir que :
[...] le commerce et l’investissement ne doivent pas constituer des fins en soi, mais bien des moyens susceptibles de nous mener vers un développement juste et durable. Il est essentiel que les citoyens et les citoyennes exercent leur droit de participer à la formulation, à la mise en oeuvre et à l’évaluation des politiques sociales et économiques du continent. Les objectifs centraux de telles politiques doivent être la promotion de la souveraineté économique, le bien-être collectif et la réduction des inégalités à tous les niveaux.
Conclusion
Partisans et adversaires du Plan d’action issu du deuxième Sommet des Amériques se sont campés dans des positions inconciliables. Le processus est long et les négociations s’avèrent complexes[12]’ voire aléatoires, puisque la Maison-Blanche ne dispose pas encore du mandat de négocier que lui assurerait l’octroi de la procédure dite de fast-track de la part du Sénat, une condition indispensable à la sanction de l’accord par le pouvoir législatif[13].
Pour le moment, les partenaires des États-Unis poursuivent les négociations sans se préoccuper outre mesure des contraintes constitutionnelles, tout en gérant au mieux les défis posés par les revendications issues des sociétés civiles elles-mêmes. Dans le cas du Canada, une position conciliante a poussé les autorités politiques à reconnaître le rôle de la société civile et de ses représentants ; cette reconnaissance a pris la forme d’un appui apporté à l’organisation du Sommet parallèle qui s’est tenu en même temps que le Sommet ministériel de Toronto en novembre 1999. Bien sûr, on peut penser que cette concession de la part des autorités canadiennes relève moins d’une ouverture d’esprit qu’elle ne répond à un objectif stratégique précis ; en effet, en tant qu’hôte du troisième Sommet des chefs d’État et de gouvernement, le gouvernement doit chercher à atténuer le plus possible les éventuelles oppositions sociales au projet des Amériques.
Pour leur part, les coalitions ne font pas relâche non plus. On peut s’attendre à un élargissement des alliances d’un côté, à l’approfondissement des revendications de l’autre. Ces revendications sont multiples et diverses, mais la plus centrale, pour le moment, c’est la dénonciation de la clandestinité de la négociation elle-même et la réclamation du dépôt du texte de la ZLEA.
Par ailleurs, l’opposition dans les Amériques rejoint toutes ces autres oppositions et coalitions montées contre l’ouverture d’un prétendu Cycle du millénaire sous l’égide de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à Seattle à l’automne 1999, ou à l’occasion de la réunion conjointe du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale au début de l’an 2000. En ce sens, la convocation d’un troisième Sommet des Amériques en avril 2001 risque d’être un autre moment privilégié dans cette vaste entreprise de contestation de la libéralisation des marchés et de la privatisation des économies.
Parties annexes
Notes
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[1]
Nous avons été amenés à proposer une distinction forte entre deux générations d’accords commerciaux, distinction en vertu de laquelle l’accord de 1985 entre les États-Unis et Israël, mais surtout l’ALE de 1989 entre les États-Unis et le Canada, représentent bel et bien l’instauration d’un nouveau régime commercial international qui trouvera un premier aboutissement au niveau mondial dans l’AMI, en particulier. Cet argument a été développé dans C. Deblock et D. Brunelle (1996). « Le régionalisme économique international : de la première à la deuxième génération », dans Michel Fortmann’ Neil Macfarlane et Stéphane Roussel (dir.), Tous pour un ou chacun pour soi. Promesses et limites de la coopération régionale en matière de sécurité’ Québec, Institut québécois des hautes études internationales, 271-316.
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[2]
Une liste incomplète des groupes environnementaux et des associations de consommateurs opposés à l’ALENA comprendrait les noms suivants : Environmental Action ; Friends of the Earth, U.S. ; Greenpeace ; Natural Resources Defence Council ; Sierra Club ; Center for Science in the Public Interest ; Community Nutrition Institute ; Consumer Federation of America ; National Consumer League ; Public Citizen ; Public Voice ; Arizona Toxins Information Project ; Child Labor Coalition ; Community Nutrition Institute ; Southern Arizona Environmental Management Society. Ces groupes et associations, formellement ou non, ont constitué le front des « Verts » contre l’ALENA. De plus, on a assisté à la formation de plusieurs autres coalitions formées de groupes de droite, par exemple, avec Patrick Buchanan, derrière le mot d’ordre « America First ». À ce propos, il convient de préciser que le Citizens Trade Campaign dont il sera question ci-après, se présente comme une coalition formée de groupes de gauche (Wiarda’ 1994 : 128-9).
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[3]
Le PRI porte ce nom depuis 1946. Cependant, il est l’héritier direct du Partido Revolucionario établi par Plutarco Elias Calles en 1928-1929. Le nom a été par la suite changé en Partido de la Revolucion Mexicana par Lazaro Cardenas en 1938. Par ailleurs, comme on le sait, à la suite des dernières élections, le PRI a été délogé par le Partido de accion nacional, le PAN, de Vicente Fox.
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[4]
La RMALC est composée d’organisations syndicales, paysannes et indigènes, de groupes environnementalistes, d’ONG, ainsi que de chercheurs.
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[5]
Ce n’est pas le lieu d’approfondir cette question, mais il reste que la raison fondamentale qui explique le mieux l’existence de deux coalitions, c’est peut-être parce qu’il y a bien deux sociétés civiles au Canada, l’une opérant sous l’égide d’un Code civil, la province de Québec, l’autre, sous l’égide de la Common Law, les neufs autres provinces (Brunelle’ 1997).
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[6]
Entre autres indicateurs de ce réalignement intervenu dans l’économie politique des pouvoirs en place, il conviendrait de citer également : le rapport Forget sur la réforme de l’assurance-chômage, au niveau fédéral, ainsi que le rapport Fortier sur la privatisation, le rapport Scowen sur la déréglementation (Québec, Réglementer moins et mieux, juin 1986) et le rapport Gobeil sur l’organisation gouvernementale, au niveau de la politique provinciale québécoise.
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[7]
Cette participation sera de nouveau confirmée dans le Plan d’action issu du deuxième Sommet des Amériques. En effet, le plan précise que les gouvernements s’engagent à « faciliter la participation du secteur privé aux projets d’infrastructure tant aux niveaux local que transnational qui peuvent servir de base aux accords bilatéraux et multilatéraux à venir ».
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[8]
Depuis lors, en début d’année 1999, le Brésil s’est doté d’une coalition en bonne et due forme, la Red brasileira sobre integraçao dos povos (REBRIP).
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[9]
Ces 10 forums portaient respectivement sur les domaines et thèmes suivants : les alternatives socioéconomiques, l’environnement, la paysannerie et l’agriculture, les droits humains, l’éducation, l’éthique, les autochtones, les femmes, les parlementaires et, enfin, le travail et le syndicalisme, (Memoria de la Cumbre de los Pueblos de América’ Santiago de Chile, 1999.)
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[10]
Le Mercosur prévoit certains mécanismes de consultations, en particulier, à l’intérieur du sous-groupe de travail sur « Les affaires syndicales, les entreprises et la sécurité sociale ». Voir la contribution de Ana Maria Stuart’ « A sociedade civil na intregraçao : movimentos sociais e organizacoes sindicais »’ dans Yves Chaloult et Paulo Roberto de Almeida (1999). Mercosul, nafta e alca. A dimensao social’ Sao Paulo, 120-131.
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[11]
L’idée de défendre l’adoption d’alternatives constitue en elle-même une critique forte du mode de consultation proposé par les gouvernements ; en effet, ce qui grève le plus lourdement l’action des mouvements sociaux à l’heure actuelle, c’est l’absence de tribune politique à travers laquelle ces mouvements pourraient engager, entre eux, les discussions en vue de réconcilier leurs différences et incompatibilités. Or, le mode de consultation mis en place par les exécutifs comporte deux travers : il favorise la passivité et la dépolitisation des enjeux et des contradictions, et il confie de ce fait à ces exécutifs eux-mêmes le fardeau de résoudre les incompatibilités entre les revendications des unes et des autres.
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[12]
Ce n’est pas le lieu d’entrer dans la mécanique de ces négociations. Qu’il suffise, pour donner une idée de cette complexité, de rappeler que les négociations sont menées en parallèle par neuf Groupes de négociations (GN), trois comités, ainsi qu’un Comité tripartite. Les neuf GN mènent chacun la négociation sur les thèmes particuliers. Le Comité tripartite est une instance qui regroupe les trois organisations régionales qui sont activement engagées dans le soutien à la fois logistique et analytique à la négociation, à savoir : l’Organisation des États américains (OEA), la Banque interaméricaine de développement (BID) et la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC). Les trois comités et les neuf GN répondent à leur tour à un Comité technique de négociation ou Technical Negotiation Committee (TNC) qui constitue en quelque sorte le lieu où l’on décide ce qui mérite de monter d’un cran vers le haut et d’être déposé à la table de négociations où siègent ministres ou chefs d’États et de gouvernements eux-mêmes.
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[13]
Aux États-Unis, la Constitution sanctionne un dualisme fort en vertu duquel le Sénat a la main haute en matière d’approbation des traités et autres instruments internationaux signés par l’exécutif. Pour contourner cette difficulté, on a mis au point la procédure de fast-track qui autorise le président à négocier un accord dans un délai prescrit et, si ce délai est respecté, le Sénat ne peut pas amender le texte déposé pour sanction devant lui, il ne peut que l’approuver ou le rejeter en bloc. Bien sûr, pour le moment, les échecs répétés de la Maison-Blanche de se voir octroyer la procédure n’affecte pas sa capacité de négocier, mais il arrivera bien un moment où il faudra que le texte de la ZLEA soit déposé devant le Sénat.
Bibliographie
- ABF-Canada (1999). Document d’information’ Cinquième Forum des gens d’affaires des Amériques.
- Armbruster’ R. (1995), « Cross-National Labor Organizing Strategies », Critical Sociology’ vol. 21, no 2, 75-89.
- Baer’ M. D. et S. Weintraub (1994). The NAFTA Debate. Grappling with Unconventional Trade Issues’ Boulder, Lynne Rienner Publishers.
- Deuxième Réunion (1996). Déclaration finale’ Carthagène.
- Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (1999).
- Rapport de la Commission royale sur l’Union économique et les perspectives de développement du Canada (1985). 3 volumes, Approvisionnements et Services, Ottawa.
- Villarreal’ R. (1995). La Contrarrevolucion monetarista’ Mexico, Editorial Oceano.
- Wiarda’ H. J. (1994), « The U.S. Domestic Politics of the U.S.-Mexico Free Trade Agreement », dans Baer et Weintraub’ 117-143.