Corps de l’article
Présentation
Cet ouvrage est produit par Bertrand Berger, professeur à l’Université catholique de l’Ouest à Angers, professeur associé à l’Université de Sherbrooke et collaborateur scientifique à l’Université de Nantes. Intitulé Retours gagnants. De la sortie sans diplôme au retour diplômant, cet ouvrage a pour objectif de contribuer à une meilleure compréhension du sujet des retours scolaires gagnants de jeunes français de 16-30 ans ayant obtenu un diplôme postsecondaire. Spécifiquement, cet ouvrage résulte d’une étude menée auprès de 215 jeunes ayant obtenu un bac ou équivalent (124), un CAP ou BEP (58), une certification professionnelle (33) (p. 16). Ces jeunes français de 16-30 ans ont quitté l’école à un certain moment de leur parcours scolaire avant d’obtenir finalement un diplôme. L’étude à la base de la production de l’ouvrage a été réalisée au moyen d’une méthode mixte: un récit de parcours scolaire qui a permis de collecter des données qualitatives; un questionnaire qui a été exploité à des fins statistiques. L’argumentaire proposé par l’auteur comprend cinq chapitres se terminant chacun par un bref résumé.
Le premier chapitre, «De la sortie non diplômante de l’école», permet de comprendre les facteurs qui ont contribué au retour aux études de la population étudiée. Dans ce chapitre, l’auteur propose un regard sur le parcours scolaire et sur les facteurs explicatifs du départ prématuré de l’école. L’analyse des résultats a donné lieu à une variété de facteurs dont les plus récurrents touchent à: 1) la problématique d’orientation; 2) la perception d’une école inadaptée; 3) la marginalisation du projet personnel. Selon la lecture de l’auteur des résultats, des motifs socialement différenciés expliquent le départ prématuré de l’école. En effet, certaines raisons d’abandonner l’école prématurément sont liées à: 1) l’importance de la profession et des bagages académiques des parents; 2) d’autres motifs d’abandon sont liés à la perception selon le genre, c’est-à-dire selon qu’on soit garçon ou fille; 3) finalement ces motifs d’abandon de l’école relèvent de l’incidence du niveau académique du jeune au moment de la sortie de l’école.
Le deuxième chapitre, «La période hors les murs de l’école», propose une description des principaux éléments caractéristiques de la période de rupture du parcours scolaire. Selon les résultats, le peu d’expérience professionnelle acquise pendant cette période s’est révélée positive dans le sens que cela a permis de jouir d’une certaine autonomie sur le plan financier, sur le plan professionnel (apprentissages techniques et sociaux), sur le plan relationnel (liens avec l’employeur, les clients et les collègues) et, finalement, sur le plan de l’organisation personnelle (organisation du quotidien en fonction des conditions de l’emploi). De plus, ce temps a été davantage un moment de questionnement de la durée dans la rupture scolaire qu’un temps de loisir accepté, un moment clé de critique du contexte professionnel et surtout d’autocritique aidée par l’interpellation d’autrui significatif et le maintien des liens avec l’entourage (familial ou amical). Enfin, c’est une période orpheline expliquée par l’éloignement des dispositifs de soutien et d’accompagnement d’une certaine catégorie de jeunes qui, avant l’interruption scolaire, étaient habitués à ne pas solliciter de soutien.
Le troisième chapitre présente un ensemble d’éléments favorables à la reprise du parcours scolaire de la population étudiée. Parmi ces éléments favorables, il y a d’un côté les caractéristiques sociodémographiques qui prédisent le retour aux études, telles qu’«un retour socialement ordonné; le bagage académique des parents et l’effet de rappel; de l’incidence de la filière d’enseignement et du niveau académique de sortie sur le retour aux études» (p. 93-103). D’un autre côté, il y a des facteurs qui contribuent concrètement au retour aux études, tels que: «être encouragé par l’entourage; avoir accès à une formation qui fait sens: trouver son “orient”; voir au-delà du premier diplôme» (p. 106-114). Le chapitre se termine par un résumé précédé d’une discussion des résultats au regard de l’évolution des dispositifs facilitant la reprise du parcours scolaire.
Le quatrième chapitre, «Ce qui favorise le maintien aux études», présente les principaux facteurs qui confortent la persévérance aux études après le retour. Au regard des résultats, ces facteurs sont regroupés en quatre catégories. La première catégorie: «de la célébration d’autrui» met en priorité: 1) des facteurs de maintien liés au soutien de l’entourage; 2) des facteurs de maintien liés aux relations entre pairs et avec les pairs; 3) des facteurs de maintien liés aux enseignants[1], aux formateurs, voire aux tuteurs, maîtres de stage; et 4) des facteurs de maintien liés au rapport apaisé à une autorité apaisante. La deuxième catégorie «de la célébration de la formation» regroupe 1) des facteurs de maintien liés à l’offre de formation (au contenu, à la place faite au terrain, aux modalités de la validation, à la durée ou aux conditions financières de la formation); 2) des facteurs de maintien liés aux conditions d’apprentissage (aménagements, effectifs, ambiance du lien, conditions matérielles). La troisième catégorie «de la célébration de l’ailleurs et de l’après» regroupe 1) des facteurs de maintien liés à des acquis hors de l’enceinte académique; 2) des facteurs de maintien liés à l’assurance d’avoir un emploi au sortir de la formation. La quatrième et dernière catégorie «à la mobilisation de soi» regroupe 1) des facteurs de maintien liés aux dispositions du jeune, entrepreneur de sa reprise; 2) des facteurs de maintien liés aux dispositions du jeune s’organisant et conciliant les différentes activités du quotidien; 3) des facteurs de maintien liés aux dispositions du jeune tenant le passé scolaire pour preuve; 4) des facteurs de maintien liés aux dispositions du jeune concernant la formation engagée (terminer ce qui est commencé, s’autopersuader de persister) et le contenu enseigné (manifester curiosité et concentration); 5) des facteurs de maintien liés à l’autodiscipline cognitive: s’y mettre et découvrir les bénéfices du labeur scolaire; 6) des facteurs de maintien liés à des évaluations encourageantes.
Le cinquième et dernier chapitre traite des retours infructueux dus à certains obstacles. Dans ce chapitre, l’auteur dégage deux catégories d’obstacles qui défavorisent les retours gagnants des enquêtés dans le parcours scolaire: 1) des obstacles au retour proprement dit et 2) des obstacles au maintien. Pour ce qui concerne les obstacles liés au retour, l’auteur en relève trois: 1) la méconnaissance de l’offre de retour (quelques jeunes de la population étudiée ont mentionné avoir des difficultés à se repérer, trouvent que les cartes représentatives des différentes options possibles et des conditions qui les soutiennent sont quasi inexistantes); 2) l’inadéquation de l’offre (les possibilités de retour ne correspondent pas toujours aux attentes des jeunes); 3) une offre connue, convoitée, mais inaccessible (inaccessibilité expliquée par des phénomènes de sélection complexe, le manque de places dans la formation, les critères d’âge, etc.). Quant à ce qui fait obstacle au maintien, l’auteur relève: 1) les obstacles liés à la forme scolaire (difficultés à se remettre dans la routine scolaire); 2) les obstacles reliés aux difficultés et de planification du travail et des lacunes dans une matière: 3) les obstacles liés à la résignation apprise (développement d’attitudes ou d’attentes d’échec); 4) les obstacles liés à la persévérance (la montée de la pression scolaire de s’outiller obligatoirement pour réussir, rattraper son retard).
Point de vue
Je trouve le titre de l’ouvrage particulièrement accrocheur. Le sujet abordé est pertinent pour la communauté scientifique et pour toute personne en questionnement sur la persévérance scolaire.
Cet ouvrage donne accès non seulement à un portrait français des causes de l’interruption scolaire, mais porte sur des voies concrètes de sortie de cette rupture prématurée en alertant sur les nouveaux obstacles pouvant surgir lors de la reprise du parcours scolaire. Spécifiquement, cet ouvrage se révèle utile pour la prise de connaissance de l’état actuel des lieux en matière d’interruption scolaire des jeunes. Il paraît également inspirant pour de nouvelles recherches sur la question des dispositifs de retour scolaire diplômant. Cet ouvrage est le fruit d’un travail empirique longitudinal. Les résultats amènent des témoignages et des exemples authentiques du départ au retour diplômant. Ce qui peut être salutaire pour les jeunes faisant face à la rupture prématurée du parcours scolaire. La lecture de cet ouvrage par des jeunes en situation d’interruption scolaire leur permettra de rencontrer des situations similaires aux leurs. De plus, cela pourrait leur servir de levier pour la persévérance dans les études jusqu’à l’obtention d’un diplôme.
Nous mentionnons, en terminant, que l’ouvrage regorge de données qui gagneraient à être davantage exploitées et documentées. Par exemple, la mention de l’importance de la profession et des bagages académiques des parents comme l’une des raisons d’abandon de l’école prématurément par les jeunes pourrait être approfondie. Il y a peu d’information sur comment l’importance de la profession et des bagages académiques des parents a été mesurée. Cela pourrait laisser envisager une vision déficitaire du milieu social dans lequel les jeunes qui interrompent leurs études évoluent. Enfin, il pourrait être pertinent, au-delà des constats des obstacles au retour aux études gagnants, de favoriser une réflexion pour que les pistes structurelles d’action à développer soient discutées et différenciées en fonction des obstacles repérés par l’auteur dans son ouvrage.
Parties annexes
Note
-
[1]
Le masculin est utilisé pour alléger le texte