Arianne Robichaud se donne la tâche d’introduire le lecteur à la théorie de l’agir communicationnel (TAC) sous l’angle de son utilité possible pour le champ de l’éducation. En commençant, elle nous présente Jürgen Habermas en l’inscrivant dans l’histoire comme étant lié à une tradition rationaliste. Ainsi, Robichaud débute par une section abordant l’impact de certains penseurs de la rationalité moderne sur la TAC, notamment René Descartes et Emmanuel Kant. Elle enchaîne ensuite sur la tradition de l’École de Francfort, qu’elle présente comme étant issue «d’un prolongement, d’une critique et d’une refondation des visées de la révolution prolétarienne telle que théorisée par Marx» (p. 22). Lorsque deux philosophes de cette école, Horkheimer et Adorno transforment leur objet d’analyse vers la rationalité moderne en visant à «mettre en lumière les rapports entre la domination politique et culturelle et les processus d’intériorisation des interdits et de refoulement des pulsions» (p. 23), ils créent l’espace où s’insère Habermas, qui s’oppose à la conception négative et pessimiste de la raison de deux premiers (p. 25). Par la suite, Arianne Robichaud nous introduit à la théorie de l’agir communicationnel en établissant une filiation entre celle-ci et les travaux de Weber dont les trois complexes de rationalisation (rationalité cognitive-instrumentale, rationalité morale-pratique et rationalité esthétique-pratique) sont mobilisés par Habermas (p. 43). Ces trois complexes de rationalisation équivaudraient à trois systèmes d’action. Toutefois, pour Habermas, il y aurait un point aveugle dans la théorie de Weber, notamment en ce qui a trait à la coordination de l’action, qui est vue par Habermas comme relevant d’une intercompréhension qui donne ainsi à la rationalité son caractère communicationnel (p. 44). C’est la théorie des actes de langage d’Austin (actes locutoires, illocutoires et perlocutoires) qui aiderait Habermas à mener sa «propre théorisation de l’intercompréhension quotidienne» (p. 46). Robichaud aborde ensuite la conception de société à double niveau de Habermas, dont les concepts centraux sont ceux de système et de monde vécu. L’idée à retenir est celle d’une possible disjonction entre ces deux concepts. Le monde vécu est pensé par Habermas comme étant un «horizon où se meuvent toujours déjà les acteurs communicationnels» (p. 53). Le concept de système concerne «une rationalisation croissante du monde vécu» (p. 54). L’auteure parle alors d’une simultanéité chez Habermas du système et du monde vécu qui n’amènerait pas d’harmonie entre leurs différents impératifs, mais une disjonction. En celle-ci résiderait les germes de la domination, que la théorie habermassienne vise à éliminer (p. 56). Le troisième chapitre débute par un retour à l’éducation traditionnelle qui précéderait l’État moderne. En effet, ce serait la «famille qui constitue, généralement, encore aujourd’hui et malgré la progression historique des phénomènes de disjonction que nous exposons plus loin, le berceau de la socialisation de l’enfant, de ses premiers contacts avec le monde et des premiers transferts d’héritages culturels à son endroit» (p. 79). Celle-ci concernerait le monde vécu habermassien (p. 79). À son opposé, «l’école moderne, soit l’éducation institutionnalisée, se présente comme l’une des plus importantes formes de séparation entre le système communautaire constitué par la famille et l’environnement social, et le système partiel de la culture» (p. 81-82). Habermas observe une utilisation progressive du pouvoir de l’État «comme médium d’échange avec le monde vécu des individus et, dans une optique éducative, assure une fonction de reproduction culturelle et d’intégration systémique des jeunes générations» (p. 82), qui mènerait à «un processus de disjonction et de colonisation qui […] génère un certain nombre de pathologies sociales issues d’une pression accrue sur le monde vécu des acteurs» (p. 83). La première section du dernier chapitre traite de l’enfant, que l’auteure qualifie de «grand oublié de la …
Robichaud, A. (2018). Habermas et la question de l’éducation. Québec, QC : Presses de l’Université Laval[Notice]
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Andrea Giselle Mongelós Toledo
Université de Sherbrooke