Volume 138, numéro 1, hiver 2014
Sommaire (12 articles)
Le mot du rédacteur en chef
Gens d’action
Botanique
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Espèces végétales indicatrices des échanges d’eau entre tourbière et aquifère
Julie L. Munger, Stéphanie Pellerin, Marie Larocque et Miryane Ferlatte
p. 4–12
RésuméFR :
Les tourbières jouent plusieurs rôles dans l’hydrologie de surface. Les liens hydrologiques entre les tourbières et les eaux souterraines (aquifères) demeurent toutefois peu connus, ce qui rend les zones d’interaction difficiles à identifier. Ce projet avait pour but d’identifier des espèces et des associations d’espèces floristiques indicatrices de zones d’échanges tourbière-aquifère. Ainsi, des suivis piézométriques et des inventaires floristiques ont été réalisés dans 9 tourbières situées dans le Centre-du-Québec et en Abitibi-Témiscamingue. Les échanges tourbière-aquifère ont été identifiés à l’aide de gradients de charges hydrauliques et les espèces indicatrices à l’aide de l’indice de valeur indicatrice INDVAL. Cette méthode a entre autres permis d’identifier 2 espèces (Carex limosa et Sphagnum russowii) et 4 associations d’espèces indicatrices d’un apport en eau souterraine à la tourbière. Les espèces indicatrices pourraient devenir un outil utile, rapide et peu coûteux pour prédire les zones d’interactions tourbière-aquifère et ainsi faciliter la tâche des gestionnaires du territoire.
EN :
Peatlands play numerous roles in surface hydrology. However, the hydrological links between peatlands and groundwater (aquifers) remain poorly understood, making it difficult to identify areas of interaction. This project aimed to identify plant species and plant species combinations that could serve as indicators of water exchange between peatlands and aquifers. Piezometric and floristic inventories were conducted in 9 peatlands located in the Centre-du-Québec and Abitibi-Témiscamingue regions (Québec). Water exchange between peatlands and aquifers was identified using hydraulic loads, and indicator species were identified using the IndVal index. The study identified 2 indicator species (Carex limosa and Sphagnum russowii) and 4 species combinations that could be used as indicators of a contribution of groundwater to a given peatland. These indicator species and species groups potentially offer a rapid and inexpensive tool for predicting areas of interactions between peatlands and aquifers.
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Est-ce que le roseau commun exotique envahit les marais adjacents aux routes ?
Benjamin Lelong et Claude Lavoie
p. 13–19
RésuméFR :
En Amérique du Nord, le roseau commun (Phragmites australis) représente une nuisance, car les marais envahis par l’haplotype exotique de cette espèce (haplotype M) possèdent une diversité végétale particulièrement faible. Au Québec, l’extension du réseau routier amorcée au début des années 1960 ainsi que l’asphaltage des routes ont facilité la propagation du roseau dans tout le sud de la province, la plante trouvant dans les fossés de drainage un habitat particulièrement propice à son établissement et sa croissance. Le roseau qui se propage en bordure d’une route reste-t-il dans l’emprise routière ou envahit-il tout marais traversé par le corridor routier ? Un système d’information géographique et des photographies aériennes historiques ont permis de cartographier les populations de roseaux présentes dans 14 marais adjacents au réseau autoroutier du sud du Québec. Le roseau exotique était présent dans 9 des 14 marais étudiés. L’analyse historique de l’invasion du roseau dans 3 marais montre que le processus d’invasion a commencé après la construction des autoroutes et qu’il a progressé ensuite de manière constante et rapide. Néanmoins, le roseau ne s’est pas toujours propagé des fossés de drainage de l’autoroute vers le marais adjacent. Il arrive parfois que le roseau s’installe d’abord au sein même du marais avant d’investir le fossé de drainage de l’autoroute voisine. Quoi qu’il en soit, empêcher l’établissement du roseau dans les fossés routiers à proximité des marais constitue une approche prudente de prévention des invasions.
EN :
In North America, the exotic haplotype M of the common reed (Phragmites australis) is considered a problematic invader of wetlands, negatively affecting marsh plant diversity. In Québec, the extension and paving of the road network at the beginning of the 1960s, provided suitable habitat (roadside verges and ditches) for the successful establishment and growth of this grass, and contributed to its spread across the southern part of the province. However, to what extent the common reed populations that had established along roadsides spread into adjacent wetlands, had not been determined. The present study used a geographic information system and historical aerial photographs to map common reed populations located in 14 marshes adjacent to highways in southern Québec. The exotic haplotype was present in 9 of the 14 marshes investigated. The historical analysis of 3 of these marshes showed that the invasion process was initiated after the construction of the highway, with the plant constantly and rapidly occupying successively larger areas. However, the exotic haplotype of the common reed did not always spread from roads to marshes; occasionally, it established in the marsh and then spread along nearby roads. Nevertheless, preventing the establishment of the exotic haplotype of the common reed in roadside ditches would be a prudent approach to help preserve adjacent marshes from this invasive exotic plant.
Entomologie
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L’anax précoce au Québec : une libellule migratrice
Michel Savard
p. 20–31
RésuméFR :
Dans le cadre des travaux du Migratory Dragonfly Partnership, les limites nord des aires de dispersion et de reproduction de l’anax précoce (Anax junius) au Québec ont été mises à jour à partir de la documentation scientifique et des données inédites des participants à l’Initiative pour un atlas des libellules du Québec. Chaque année, dans les basses terres de l’Outaouais et du Saint-Laurent, les premiers adultes immigrant des États-Unis se montrent en mai, exceptionnellement à la fin avril. L’espèce est occasionnellement rapportée dans les contreforts laurentiens et appalachiens de même que dans les régions habitées situées plus au nord du 47e parallèle, sans apparemment dépasser le 50e parallèle le long des côtes de l’estuaire maritime et du golfe du Saint-Laurent. L’émergence de populations estivantes de naïades se produit régulièrement dans la zone tempérée feuillue entre la mi-août et le début octobre tandis que l’émergence de populations hivernantes de naïades s’observe rarement en juin ou au début juillet dans l’extrême sud du Québec. Dans la zone tempérée mixte, des émergences peuvent se produire dans l’enclave bioclimatique du Témiscouata et fort possiblement dans celle du Saguenay–Lac-Saint-Jean. D’après le modèle climatique de Gérardin et McKenney (2001), la limite nord de reproduction de l’anax précoce pourrait atteindre le 49e parallèle, suivant l’isotherme de 15,7 °C pour les 3 mois les plus chauds. Il semble peu probable que l’anax précoce puisse compléter un cycle vital dans la zone boréale, par exemple à l’île d’Anticosti. L’impact des changements climatiques devrait se manifester sur la précocité de l’arrivée printanière des adultes immigrants et sur l’augmentation de la fréquence des émergences de populations hivernantes et estivantes de naïades.
EN :
The northern limits for Québec of the dispersion and breeding ranges of the common green darner (Anax junius) were updated during work for the Migratory Dragonfly Partnership. The new limits presented are based on scientific literature and previously unpublished data from the Québec Dragonfly Atlas Initiative. Each year, the first adults arriving from the United States of America are reported from the lowlands of the Outaouais and St. Lawrence rivers in May, and exceptionally in late April. The species is also occasionally reported from the Laurentian and Appalachian foothills, and from inhabited areas along the shores of the Estuary and the Gulf of the St. Lawrence River between the 47th and 50th parallels north. In the extreme southern part of Québec, the emergence of overwintering populations is occasionally observed in June or early July. In the temperate deciduous region of the province, the emergence of summer populations regularly occurs from mid-August to early October. In the temperate mixed region found in the Témiscouata area, emergences may occur and this might also be the case in the Saguenay–Lac-Saint-Jean area. According to the climate model proposed by Gérardin and McKenney (2001), the northern limit of the breeding range of the common green darner could reach the 49th parallel, following the 15.7°C isotherm for the warmest three summer months. Therefore, it seems unlikely that this species is able to complete its life cycle in boreal regions, such as on Anticosti Island. Climate change could be marked by an earlier arrival of immigrant adults in the spring, and by an increase in the frequency of the emergence of overwintering and summer populations of naiads.
Foresterie
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Les génomes du pin gris et du pin tordu, témoins des bouleversements climatiques passés
Julie Godbout et Jean Bousquet
p. 32–44
RésuméFR :
La phylogéographie est un champ de la biogéographie qui s’appuie sur les outils de la génétique afin de mieux comprendre les conséquences d’évènements anciens sur la répartition de la diversité des espèces. Les aires actuelles de répartition de 2 espèces de pin dur, le pin gris (Pinus banksiana Lamb.) et le pin tordu (Pinus contorta Dougl. ex. Loud.) étaient presque entièrement recouvertes par l’inlandsis au moment du maximum glaciaire, il y a 21 000 ans. Ces 2 espèces représentent donc d’excellents modèles pour étudier l’effet de la dernière glaciation sur la diversité génétique des espèces et pour la compréhension des mouvements de colonisation qui ont accompagné le réchauffement climatique de l’Holocène. L’utilisation de marqueurs génétiques de l’ADN mitochondrial et chloroplastique a permis de détecter une structure géographique marquée pour chacune des 2 espèces, permettant de mettre en évidence plusieurs éléments du paysage ayant favorisé la différenciation génétique de sous-groupes durant l’ère glaciaire. Ces marqueurs ont aussi permis de détecter une introgression naturelle entre ces espèces ainsi que des fluctuations de leurs répartitions au cours de l’Holocène. Les contextes historique, théorique et méthodologique sont aussi abordés de façon à permettre la comparaison avec d’autres espèces du biome boréal.
EN :
Phylogeography is a field of science that uses genetics tools to understand how historical events have shaped the genetic diversity of species. The current natural ranges of 2 North American hard pines species, jack pine (Pinus banksiana Lamb.) and lodgepole pine (Pinus contorta Dougl. ex. Loud.), were almost completely covered by ice sheets during the last glacial maximum, 21,000 years ago. For this reason, these 2 species represent excellent models for studying the effect of the last glacial period on genetic diversity. Furthermore, they help provide a global image of colonization pathways used by species as the climate became warmer at the beginning of the Holocene. The use of DNA markers from chloroplast and mitochondrial genomes allowed detection of a geographical structure for each species. This structure results from landscape features that altered gene flow between sub-groups of populations, so favouring genetic differentiation between such groups during the glacial era. Natural introgression between the 2 species and fluctuations in their natural ranges that would have occurred during the Holocene, were also detected using the genetic tools developed. Historical, theoretical and methodological contexts are also presented to allow comparisons of these results with those from other species within the boreal ecosystem.
Histoire
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Perceptions environnementales et description du paysage de la Nouvelle-France aux xviie et xviiie siècles
Lydia Querrec, Réginald Auger et Louise Filion
p. 45–55
RésuméFR :
Cette synthèse, regroupant documents d’archives, récits historiques et interprétations d’historiens et de chercheurs, a pour but de dégager les perceptions environnementales des premiers explorateurs européens à avoir foulé les terres de la Nouvelle-France et, en particulier, celles de la région de Québec. Aux xviie et xviiie siècles, les Européens ont cherché à acquérir des connaissances sur leur nouvel environnement, souvent au contact de populations amérindiennes. L’établissement des nouveaux arrivants passait par l’acclimatation au territoire afin d’en exploiter les ressources naturelles, en vue de faire de la France une grande puissance au sein de l’Europe. Cette découverte de la Nouvelle-France reflète un engouement pour les sciences naturelles et une certaine sensibilité à la nature. L’appropriation du territoire et l’installation des Européens passaient par une modification de l’environnement dans toute la vallée du Saint-Laurent. Les documents concernant la période historique en Nouvelle-France sont nombreux, mais néanmoins difficiles à repérer et à lire du fait de l’utilisation du vieux français. En réunissant en un seul et même document le fruit de lectures et de réflexions, cet article permet une sensibilisation du lecteur aux étapes initiales de la colonisation et de l’adaptation des premiers occupants européens à leur environnement.
EN :
This paper synthesizes archival data, historical narratives and recent interpretations of historians and researchers in order to document the environmental perceptions of the first European occupants of New France, with specific attention to the Quebec City region. During the 17th and 18th centuries, Europeans experienced a new environment often through contacts with Native populations. Newcomer settlement was made possible through adaptation to the new territory, with the aim of exploiting its resources in order to place France at the centre of Europe’s endeavour to conquer the New World. Reports and observations of New France reflect the learned Society’s passion for sciences and its sensitivity to nature. Appropriation of the territory and settlement of Europeans came at the expense of the St. Lawrence Valley landscape. While historical documents pertaining to New France are abundant, they can be difficult to decipher considering they are written in Old French. By combining our readings and our own reflections into one document, our contribution brings awareness to the challenges early European had to overcome.
Milieux aquatiques
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Aménagement et suivi de l’efficacité d’une passe migratoire pour l’omble chevalier et le touladi à l’exutoire du lac du Bombardier, Nunavik
Patrick Charbonneau, Étienne Cormier, Richard Brunet et Gail Amyot
p. 56–68
RésuméFR :
Le projet minier Nunavik Nickel a nécessité la construction d’un pont-seuil à l’exutoire du lac du Bombardier au Nunavik, Québec, Canada. Ce pont-seuil devait permettre aux poissons de transiter entre la rivière de Puvirnituq et le lac. Ainsi, une passe migratoire favorisant le passage de l’omble chevalier (Salvelinus alpinus) et du touladi (Salvelinus namaycush) a été aménagée à même le pont-seuil. À la suite de l’aménagement réalisé en 2012, une inspection de la passe migratoire et un suivi de son efficacité ont été réalisés à l’aide du système automatisé IchtyoSTM. L’inspection a révélé que les critères de conception étaient respectés bien que de légers travaux correctifs aient dû être réalisés au printemps 2013 pour améliorer l’appel de la passe migratoire. De juillet à septembre 2012, IchtyoSTM a enregistré 166 évènements correspondant à des passages de poissons, soit 114 touladis, 45 ombles chevaliers et 7 spécimens non identifiés. Un pic de montaison est survenu à la troisième semaine d’août. Ce pic est corrélé avec une augmentation des niveaux d’eau dans le lac à partir de la mi-août. Les montaisons ont été dominées par le touladi en juillet et août, pour passer à une dominance d’omble chevalier en septembre. Les informations récoltées confirment l’efficacité de la passe migratoire du pont-seuil à l’égard du libre passage de l’omble chevalier et du touladi en montaison.
EN :
Development of the Nunavik Nickel mining project required the construction of a dam-bridge at the outlet of Lac du Bombardier (Nunavik, Québec, Canada). A fishway was incorporated into the dam-bridge complex to allow fish (primarily Arctic char (Salvelinus alpinus) and lake trout (Salvelinus namaycush) to move between the Puvirnituq River and the lake. Following completion of the fishway in 2012, it was inspected and its effectiveness assessed using the compute rized IchtyoSTM system. Inspection work confirmed that the fishway complied with the design criteria; however, some minor corrective work was conducted in spring 2013, to improve the attractiveness to fish of water flowing through the fishway. Between July and September 2012, the IchtyoSTM system recorded 166 fish passage events, which corresponded to 114 lake trout, 45 Arctic char and 7 unidentified fishes. A peak in upstream migration occurred during the third week of August, which was correlated with an increase in the lake water level that started in mid-August. The upstream migration was dominated by lake trout in July and August, and by Arctic char in September. The information recorded by the IchtyoS™ system confirmed the effectiveness of the fishway with regard to the free passage of upstream migrating Arctic char and lake trout.