Résumés
Résumé
À la suite du 11 septembre 2001, la question de la place des communautés musulmanes dans les sociétés européennes a atteint un sommet. Face à l’islamophobie grandissante, politiques et intellectuels ont appelé à montrer une autre image de l’Islam et des citoyens appartenant à cette religion et/ou à ces cultures. Pour effectuer cette tâche, les politiques se sont tournés vers les musées. Quoi de mieux qu’un musée possédant une collection d’arts islamiques pour servir de médiateur entre les citoyens et répondre au « problème musulman » ? Cet intérêt soudain pour les arts de l’Islam s’est traduit par un boom muséal. Berlin, Toronto, Doha, Kuala Lumpur ont vu la naissance de nouveaux musées ou le réaménagement de leurs salles dédiées à ces arts. Mais les arts peuvent-ils aider à déconstruire les clichés et les préjugés, et à réconcilier les citoyens entre eux ? La difficulté rencontrée est que les arts de l’Islam s’arrêtent au XIXe siècle, et ne représentent, de ce fait, qu’un passé révolu de ces cultures. Ce passé est mythifié pour démontrer la beauté de ces cultures face à l’image péjorative de l’Islam contemporain perçu, de manière erronée, sous le regard de l’islamophobie. Entre volonté politique et exposition, il y a un écart de taille.
Toutefois, au-delà de la présentation des objets, la participation inclusive des communautés musulmanes pourrait être un outil pour faciliter ce dialogue. S’appuyant sur une étude empirique, cet article vise à montrer par l’analyse de deux projets, Multaka et TAMAM, mis en place par le Museum für Islamische Kunst de Berlin, de quelles manières le musée se transforme en lieu d’identité à la fois pour les communautés musulmanes et les réfugiés du Moyen-Orient. En effet, Berlin s’inscrit également dans un autre contexte que celui du 11 septembre, celui de la crise des réfugiés de 2015 qui a notamment réitéré ce questionnement au sujet de l’appartenance des musulmans et de leur patrimoine à l’Allemagne. Le musée par la participation vise à inclure ces communautés, devenant une « zone de contact » entre les communautés et leur patrimoine. Ainsi, il tente de répondre aux attentes de la société en permettant aux communautés de se réapproprier leur patrimoine. Mais jusqu’à quel point ces communautés participent-elles à l’élaboration de nouveaux discours ? Ces voix sont-elles accessibles pour les autres publics dans les salles d’exposition ? Cela permet-il un dialogue entre eux ? Face aux débats sur l’islam, et à la réponse forte du gouvernement allemand par le président Christian Wulff avec sa phrase : « l’islam appartient à l’Allemagne », le musée se veut un Heimat pour les communautés musulmanes. En revanche, définir ce lieu comme unique Heimat des communautés musulmanes ne crée-t-il pas au contraire une zone d’exclusion ? En l’absence de réponses à ces questions, la recherche doit se poursuivre.