Résumés
Résumé
La cinéaste Julia Ducournau évoque la thématique cannibale dans son premier long-métrage Grave, sélectionné au Festival de Cannes en 2016. À travers le parcours de deux soeurs en école vétérinaire, elle rénove l’imaginaire et l’iconographie du mythe cannibale, tout en s’ancrant dans la lignée d’un cinéma de genre qui s’est construit sur la chair sanglante et à vif des personnages cannibales. Dans cet article, il s’agit d’abord de circoncire ce que fait Julia Ducournau du cannibalisme, afin de voir comment elle met en scène et à l’écran le geste et les rituels de la pratique de l’entre-dévoration, d’autant plus troublante quand elle est intra-familiale. La réalisatrice s’éloigne pourtant des stéréotypes de l’image cannibale par le biais de ses deux personnages de soeurs, Alexia et Justine : cannibales, elles sont aussi au coeur d’une histoire de famille et de bizutage, et doivent s’arracher l’une à l’autre. Le cannibalisme a enfin une fonction dans le film de Ducournau : entre élément de contexte et métaphore de la mutation adolescente, il catalyse la philosophie du devenir centrale à l’oeuvre de la réalisatrice.
Mots-clés :
- Cannibalisme,
- Cinéma de genre,
- New French Extremity,
- Sororité,
- Sang,
- Transgression,
- Monstruosité,
- Animalisation,
- Dévoration,
- Mutation
Abstract
Filmmaker Julia Ducournau evokes the cannibal theme in her first feature film Raw, selected at the Cannes Film Festival in 2016. Through the journey of two sisters in veterinary school, she renews the imaginary and iconography of the cannibal myth, while anchoring herself in the lineage of a genre cinema that was built on the bloody and raw flesh of cannibal characters. In this article, the aim is first to circumcise what Julia Ducournau does with cannibalism, in order to see how she stages and screens the gesture and rituals of the practice of inter-devouring, which is all the more disturbing when it is intra-familial. However, the director moves away from the stereotypical cannibal image through her two sister characters, Alexia and Justine: cannibals, they are also at the heart of a family and hazing story, and must tear each other apart. Finally, cannibalism has a function in Ducournau's film: as a contextual element and a metaphor for adolescent mutation, it catalyzes the philosophy of becoming central to the director’s work.
Keywords:
- Cannibalism,
- Genre cinema,
- New French Extremity,
- Sorority,
- Blood,
- Transgression,
- Monstrosity,
- Animalization,
- Devouring,
- Mutation
Parties annexes
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