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Le contenu émotionnel des mots peut moduler leur accès à la conscienceBehavioural evidence of nonconscious semantic processing for emotional words[Notice]

  • Raphaël Gaillard,
  • Antoine Del Cul,
  • Lionel Naccache et
  • Stanislas Dehaene

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  • Raphaël Gaillard
    Inserm U562,
    IFR 49,
    CEA/DRM/DSV,
    Orsay,
    France.

  • Antoine Del Cul
    Inserm U562,
    IFR 49,
    CEA/DRM/DSV,
    Orsay,
    France.

  • Lionel Naccache
    Inserm U562,
    IFR 49,
    CEA/DRM/DSV,
    Orsay,
    France et Fédération de Neurophysiologie Clinique,
    Fédération de Neurologie,
    IFR 49,
    Hôpital Pitié-Salpêtrière,
    47, boulevard de l’Hôpital,
    75013 Paris,
    France.

  • Stanislas Dehaene
    Inserm U562,
    IFR 49,
    CEA/DRM/DSV,
    Orsay,
    France et Collège de France,
    11, place Marcelin Berthelot,
    75005 Paris,
    France.
    raphael.gaillard@normalesup.org

Quel accès pouvons-nous avoir à des stimulus non consciemment perçus ? Quel est le niveau de complexité et d’abstraction d’un processus cognitif non conscient ? Il a été montré que des stimulus émotionnels non symboliques tels que des visages exprimant la peur peuvent moduler l’activité des structures cérébrales impliquées dans la perception et l’expression des émotions. Cette modulation persiste, notamment au niveau des amygdales cérébrales, lorsque ces visages sont présentés dans des conditions subliminales, c’est-à-dire lorsqu’ils ne sont pas perçus consciemment [1, 2]. De même un patient dont le cortex visuel a été détruit (cécité corticale) n’est pas capable d’indiquer la position d’un visage dans l’espace mais catégorise correctement la valence émotionnelle exprimée par celui-ci, comme si l’émotion exprimée par ce visage était néanmoins perçue [3, 4]. Cette performance, en l’absence de toute perception consciente, a amené à formuler l’hypothèse d’une voie sous-corticale qui viendrait activer très rapidement les amygdales cérébrales face à des stimulus correspondant à des menaces phylogénétiques (araignée, serpent, visage par exemple) [5]. La situation est très différente pour des stimulus symboliques tels que des mots. En effet on sait que leur lecture implique un certain nombre d’étapes corticales permettant leur reconnaissance et l’accès à leur sens [6]. Qu’en est-il lorsque ces mots ne sont pas consciemment perçus ? Nous avons pu montrer dans une étude publiée l’année dernière que leur contenu émotionnel peut également moduler l’activité des amygdales cérébrales [7, 8]. Nous avions testé trois patients souffrant d’épilepsie sévère chez lesquels des électrodes intracérébrales avaient été implantées pour la localisation précise du foyer épileptogène. Nous avons montré que les potentiels évoqués dans leurs amygdales cérébrales permettent de distinguer les mots émotionnels et les mots neutres, alors même qu’aucun de ces patients n’était capable de catégoriser ces mots selon leur valence (leurs performances étaient au niveau du hasard). Ainsi, cette étude a apporté une démonstration électrophysiologique d’un accès non conscient au sens des mots (la valence émotionnelle est un attribut sémantique), mais sans que l’on retrouve de corrélat comportemental de cet accès. À la suite de ce travail, nous avons testé deux groupes de sujets sains (de 12 et 24 sujets respectivement) dans une expérience au cours de laquelle seul le comportement des sujets était mesuré [9]. Le principe est de présenter les mots dans des conditions variables de masquage, proches du seuil de conscience. Dans un paradigme un peu différent, dit de clignement attentionnel, il a déjà été montré que les mots émotionnels sont plus souvent consciemment perçus que les mots neutres [10]. Quel est le mécanisme de cet abaissement du seuil de conscience par la valence émotionnelle ? Nous formulons l'hypothèse qu’il pourrait être la conséquence de l’accès non conscient au sens des mots, entraînant une facilitation de la perception consciente de ces mots du fait des rapports étroits existant entre le système neuronal dévolu au traitement des émotions (système limbique en particulier) et le système neuronal distribué impliqué dans la perception consciente (réseau fronto-pariétal notamment). Néanmoins, il existe une hypothèse alternative à cette diminution du seuil de conscience n’impliquant pas nécessairement un processus sémantique non conscient. En effet, dans cette étude [10], l’ensemble des conditions était randomisé, si bien que la plupart des mots avaient été consciemment perçus (présentés dans des conditions moins masquées) avant d’être présentés dans des conditions subliminales. On peut donc imaginer que les sujets avaient mieux mémorisé les mots émotionnels (« peur » ou « danger » par exemple) par rapport aux mots neutres et parvenaient donc mieux à les reconnaître lorsqu’ils étaient ensuite davantage masqués. Pour distinguer ces deux hypothèses, nous avons construit un paradigme original permettant la mesure …

Parties annexes