Le syndrome de Sézary (SS) fait partie des lymphomes T cutanés primitifs. Il est caractérisé par la prolifération d’un clone lymphocytaire T mature, de phénotype mémoire CD45RO+CD4+ qui se localise dans le sang et la peau, avec une atteinte généralement diffuse, se traduisant cliniquement par une érythrodermie. Il se distingue par son mauvais pronostic, puisque la survie médiane des patients est d’environ 5 ans [1]. Le diagnostic de SS est un problème en pratique médicale, car de nombreuses autres maladies dermatologiques bénignes peuvent se présenter sous la forme d’une érythrodermie. En l’absence de marqueur spécifique, la caractérisation des cellules malignes dans le sang et la peau se fait de façon approximative, par leurs caractéristiques morphologiques et par la détection d’un clone lymphocytaire T. On sait que l’aspect morphologique des cellules de Sézary, au noyau irrégulier « cérébriforme » n’est pas spécifique des cellules malignes. S’agissant de la détection de clones lymphocytaires T, on peut en trouver dans de nombreuses situations, y compris certaines dermatoses inflammatoires bénignes, au cours desquelles peut se produire une expansion clonale de lymphocytes T réactionnels. C’est certainement grâce à la composante leucémique, permettant la culture à long terme de lignées de cellules tumorales circulantes [2], que les plus grandes avancées dans le domaine des lymphomes T cutanés ont été réalisées dans le SS. C’est notamment par cette approche que le récepteur KIR3DL2/CD158k a été initialement montré comme le premier marqueur de surface des cellules de Sézary [3-5]. Les KIR (killer immunoglobulin-like receptors) sont des récepteurs des lymphocytes tueurs naturels (NK), dont les gènes sont localisés sur le chromosome 19 en q13.4 ; ils interagissent avec les molécules du complexe majeur d’histocompatibilité de classe I et transduisent des signaux activateurs ou inhibiteurs des fonctions cellulaires effectrices et immunorégulatrices. Ils participent à la régulation de la tolérance au soi par le système immunitaire non adaptatif. La nomenclature habituellement utilisée pour les désigner témoigne de la structure de chaque récepteur, en indiquant le nombre de domaine immunoglobulinique extracellulaire ainsi que l’existence d’une partie longue (L) ou courte (S) intracytoplasmique responsable d’une signalisation inhibitrice ou activatrice, respectivement. Ainsi, le récepteur KIR3DL2 possède trois domaines extracellulaires et joue un rôle inhibiteur, grâce aux motifs ITIM (immunoreceptor tyrosine-based inhibitory motifs) contenus dans sa partie longue intracytoplasmique (Figure 1). Outre certains lymphocytes NK, le récepteur KIR3DL2/CD158k/p140 est exprimé par des populations très minoritaires de lymphocytes CD8 circulants. C’est en étudiant les clones T CD4+ circulants de malades atteints de SS que nous avons pu montrer que KIR3DL2 caractérise les cellules malignes du SS, et que des clones T non tumoraux circulent également dans le sang des malades [6]. L’analyse des réarrangements γ à l’échelle génomique s’est imposée comme technique de référence pour la détection des clones lymphocytaires T en pratique de routine [7]. Elle peut en effet être appliquée à tout échantillon contenant de l’ADN et nécessite un nombre limité d’amorces, du fait de l’organisation génique relativement simple des gènes du TCRγ. La technique de l’immunoscope, reposant sur l’analyse moléculaire de la région CDR3 hypervariable des transcrits de la chaîne β du TCR [8], permet de caractériser plus précisément les différents clones lymphocytaires T présents dans un échantillon. C’est cette technique que nous avons utilisée pour analyser le répertoire lymphocytaire T de malades avec un SS. Outre des pertes ou une restriction au sein de certaines familles de gènes V du TCRβ, qui traduisent un état d’immunosuppression avancé bien connu chez ces malades, nous avons pu ainsi identifier dans le sang un ou plusieurs clones. Pour déterminer leur nature néoplasique ou réactionnelle, nous avons …
Parties annexes
Références
- 1. Foulc P, N’Guyen JM, Dreno B. Pronostic factors in Sezary syndrome: a study of 28 patients. Br J Dermatol 2003 ; 149 : 1152-8.
- 2. Poszepczynska E, Bagot M, Echchakir H, et al. Functional characterization of an IL-7-dependent CD4+CD8alphaalpha+ Th3-type malignant cell line derived from a patient with a cutaneous T-cell lymphoma. Blood 2000 ; 96 : 1056-63.
- 3. Bagot M, Moretta A, Sivori S, et al. CD4+ cutaneous T-cell lymphoma cells express the p140-killer cell immunoglobulin-like receptor. Blood 2001 ; 97 : 1388-91.
- 5. Poszepczynska-Guigne E, Schiavon V, D’Incan M, et al. CD158k/KIR3DL2 is a new phenotypic marker of Sezary cells: relevance for the diagnosis and follow-up of Sezary syndrome. J Invest Dermatol 2004 ; 122 : 820-3.
- 4. Wechsler J, Bagot M, Nikolova M, et al. Killer cell immunoglobulin-like receptor expression delineates in situ Sezary syndrome lymphocytes. J Pathol 2003 ; 199 : 77-83.
- 6. Ortonne N, Gaudez C, Huet D, et al. Significance of circulating T cells clones in Sezary syndrome. Blood 2006 ; 107 : 4030-8.
- 7. Delfau-Larue MH, Laroche L, Wechsler J, et al. Diagnostic value of dominant T-cell clones in peripheral blood in 363 patients presenting consecutively with a clinical suspicion of cutaneous lymphoma. Blood 2000 ; 96 : 2987-92.
- 8. Pannetier C, Levraud JP, Lim A, et al. The immunoscope technique for analysis of TCR repertoire. In: Oksenberg JR, ed. The human antigen T cell receptor, selected protocols and applications. London : Chapman and Hall, 1998 : 287-325.
- 9. Bouaziz JD, Ortonne N, Giustiniani J, et al. Circulating natural killer lymphocytes are potential cytotoxic effectors against autologous malignant cells in Sezary syndrome patients. J Invest Dermatol 2005 ; 125 : 1273-8.