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© Photo publiée avec la permission de Mme Christiane Marmonteil.

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Pierre Potier est décédé à Paris le 3 février 2006, à l’âge de 72 ans. Avec lui disparaît une grande personnalité scientifique, qui a marqué la recherche française par l’originalité de ses approches et par ses découvertes qui ont permis des avancée majeures dans le champ des thérapeutiques anticancéreuses.

Pharmacien et docteur ès sciences physiques, directeur de recherche au CNRS, Pierre Potier a mené la majeure partie de sa carrière au sein de l’Institut de chimie des substances naturelles de Gif-sur-Yvette qu’il a dirigé de nombreuses années, ainsi qu’au Muséum d’histoire naturelle auquel il portait un grand attachement. Il a également été directeur général de la recherche et de la technologie au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche de 1994 à 1996 et il était président de la Fondation de la Maison de la chimie.

Membre de l’Académie des sciences-Institut de France, de l’Académie nationale de pharmacie, de l’Académie nationale de chirurgie dentaire et de l’Academia Europaea, médaille d’Or du CNRS, Pierre Potier est l’auteur de plus de 400 publications et de plusieurs dizaines de brevets.

Très tôt, Pierre Potier s’est passionné pour l’isolement et l’analyse structurale de produits naturels et pour leur biosynthèse. En 1965, il invente une modification de la réaction de Polonovski (utilisée pour obtenir la N-déméthylation de dérivés de différentes plantes alcaloïdes), en remplaçant l’un des réactifs, l’anhydride acétique, par de l’anhydride trifluoroacétique. Cette nouvelle réaction allait permettre la synthèse biomimétique de nombreux produits indoliques naturels.

En 1968, il se lance avec ses collaborateurs dans la recherche de nouvelles substances pouvant être utilisées dans le traitement des cancers. Ils mettent au point un test biologique simple, le test à la tubuline, permettant d’identifier et de sélectionner des produits bloquant la division cellulaire et pouvant ainsi devenir de nouveaux antitumoraux. Leur première réussite est la découverte d’une réaction de préparation d’alcaloïdes indoliques complexes, ouvrant la voie à la synthèse à grande échelle de la vinblastine, une importante molécule naturelle anticancéreuse présente dans la pervenche de Madagascar. Cette réaction leur permettra ensuite, en 1978, de mettre au point un dérivé de synthèse plus efficace, qui, développé par les laboratoires Pierre Fabre sous le nom de Navelbine®, est largement utilisé dans le traitement du cancer du sein et de certains types de cancers du poumon.

Poursuivant leurs travaux dans le domaine des thérapies anticancéreuses, ils engagent des recherches sur le Taxol®. Cette molécule, découverte aux États-Unis, était extraite des écorces de troncs d’ifs de Californie et le mécanisme de son action antitumorale - inhibition du désassemblage des microtubules constituant le faisceau mitotique en tubuline - avait été élucidé en 1979. Mais son exploitation nécessitait l’abattage des ifs, dont la croissance est très lente (un arbre centenaire ne fournit qu’un gramme de Taxol®, soit la moitié de la quantité nécessaire pour le traitement d’une seule personne pendant un an). La première découverte de Pierre Potier et de son équipe est celle d’un précurseur du Taxol® dans les feuilles de l’if de nos contrées permettant d’éviter l’abattage massif de ces arbres. Au milieu des années 1980, il sont les premiers à proposer une hémi-synthèse de cette molécule. Ils découvrent que l’on peut extraire des feuilles de l’If européen, Taxus baccata, une molécule apparentée, la 10-désacétyl-baccatine III, et la transformer en grandes quantités en Taxol®. Et, tour de force supplémentaire, ils mettent en évidence, parmi les produits intermédiaires de cette hémi-synthèse, un composé plus actif que le Taxol® lui-même et présentant un spectre d’activité plus large. Cela devait conduire au Taxotère®, développé par les laboratoires Rhône-Poulenc Rorer.

Ces deux découvertes majeures font sans doute de Pierre Potier l’un des inventeurs les plus renommés du monde académique et l’un des plus beaux exemples de chercheurs dont les découvertes essentielles ont été obtenues grâce aux collaborations entre chimistes et biologistes[1]. Le succès mondial de la Navelbine® et du Taxotère®, développés par deux laboratoires français, en témoignent et illustrent, par ailleurs, la réussite d’une collaboration exemplaire entre la recherche et l’industrie.

Parlant de ses motivations et de ses travaux, Pierre Potier disait : « Lorsque j’ai perdu ma première femme, très jeune, d’un cancer du sein (1968), j’ai voulu consacrer du temps aux anti-tumoraux et cela a été la genèse des deux premiers médicaments. Et, lorsque je me suis découvert un diabète de type 2, j’ai pensé qu’il y avait des dérèglements mal compris et je me suis observé, allant même jusqu’à l’extrême limite du danger pour voir ce qui allait arriver. J’ai, du reste, prévu d’organiser un conférence devant les chaires de chimie et de médecine de Claude Bernard et la chaire de pharmacie du Collège de France, dont le titre sera « Chroniques d’un rat qui parle », le rat étant moi »[2].

Pierre Potier, travaillait alors, avec son équipe, sur l’hypothèse selon laquelle la flore intestinale joue un rôle essentiel dans l’évolution du diabète de type 2, pouvant expliquer la résistance à l’insuline, caractéristique de ce diabète. « Dans un diabète, le glucose n’est pas le plus important. Le plus important, ce sont les produits de dégradation du glucose qui sont coupés en petits morceaux, notamment deux molécules, le glioxal et le méthyl-glioxal qui sont d’une toxicité extraordinaire. Je pense que ceux sont eux les responsables de l’accumulation de problèmes au niveau des yeux, du coeur, des reins chez les patients. C’est sur ce point que vont se porter nos efforts. », disait-il[3].

Personnage haut en couleurs, généreux, rieur, voire provocateur, doté d’un solide sens de l’humour et de la répartie, il avait, grâce à sa formation de pharmacien, sa profonde connaissance de la médecine mais également de la chimie, et en particulier celle des produits naturels, une culture générale très vaste et un regard particulièrement acéré et original sur de nombreux domaines de la science.