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Peut-on reprogrammer les cellules cancéreuses vers la sénescence réplicative ?

La sénescence réplicative est un processus physiologique dépendant des télomères qui raccourcissent au fur et à mesure des divisions de toute cellule normale et qui conduit à l’arrêt de la prolifération ((→) m/s 2005, n° 5, p. 491). À partir d’un seuil critique de taille des télomères et en l’absence d’expression de la télomérase hTERT, la sénescence réplicative est initiée par des signaux de dommage de l’ADN qui aboutissent à l’activation de points de contrôle du cycle cellulaire comme p53, p16INK4a et pRb (protéine du rétinoblastome). La réexpression de hTERT, observée dans 80 % des tumeurs humaines, ainsi que l’inactivation de p53 et de p16INK4a, également observée dans la majorité des cancers humains, entraînent les cellules vers la prolifération continue encore appelée immortalité réplicative. Cette immortalité peut-elle être réversible ? En d’autres termes, une cellule cancéreuse peut-elle être reprogrammée vers une sénescence réplicative ? C’est la question à laquelle une équipe turque a tenté de répondre en utilisant différentes lignées immortalisées [1]. L’analyse d’une culture au long cours d’une lignée de carcinome hépatocellulaire (Huh7) a révélé une hétérogénéité d’expression d’un marqueur de sénescence, la β-galactosidase ((→) m/s 2005, n° 5, p. 451). De plus, certains des clones obtenus à partir de cette lignée prolifèrent de façon stable alors que d’autres arrêtent leur croissance tout en restant vivantes pendant plus de 3 mois. Dans la lignée Huh7, le gène p53 est constitutivement inactivé et le promoteur du gène p16INK4a est hyperméthylé (aboutissant à une faible expression de la protéine correspondante). La comparaison d’un clone immortalisé et d’un clone sénescent obtenus à partir de cette lignée a permis d’observer une diminution d’expression de p16INK4a et une hypophosphorylation de pRb, un raccourcissement des télomères et une absence d’expression de hTERT dans le clone sénescent, contrairement au clone immortalisé. Injectés in vivo chez la souris nude, les deux clones ont un comportement opposé, le clone sénescent ne formant pas de tumeur et présentant une expression homogène de la β-galactosidase, contrairement au clone immortalisé qui est tumorigène. La perte de tumorigénicité du clone sénescent est donc bien due à une sénescence réplicative in vivo. En étudiant le profil d’expression de différents gènes impliqués dans la voie hTERT, les auteurs ont trouvé une expression élevée du gène SIP1 dans le clone sénescent. SIP1 est un répresseur transcriptionnel qui interagit avec les protéines SMAD dans la voie du TGFβ. Afin de déterminer si SIP1 était capable d’être un protecteur de l’expression de hTERT, un siARN dirigé contre SIP1 a été introduit dans un clone présénescent. Une réexpression de hTERT a alors été observée, associée à un échappement à la sénescence réplicative. Ces travaux suggèrent donc que l’immortalisation cellulaire est un phénomène réversible. L’absence d’induction des gènes p53, p16INK4a et également de p14ARF et p21CIP1 dans le clone sénescent indique que d’autres gènes sont impliqués. Parmi ceux-ci, le gène SIP1, dont l’expression ubiquiste est diminuée dans des échantillons de carcinome hépatocellulaire, pourrait donc agir comme un suppresseur de tumeur.

Défaut de filagrine, ichtyose, et peut-être eczéma…

La forme la plus commune des ichthyoses, l’ichtyose vulgaire, est caractérisée par une desquamation cutanée continue donnant à la peau un aspect sec et craquelé en écaille de poisson, plus particulièrement sur les membres et l’abdomen. Bien que le visage et le cuir chevelu soient en général simplement recouverts d’une desquamation fine et sèche, une alopécie diffuse modérée peut également se produire. Les sillons palmaires et plantaires sont exagérés. La production de sueur et de sébum est limitée et la peau est sèche, particulièrement en hiver. C’est aussi une des maladies mendéliennes les plus fréquentes : 1/250 dans une étude anglaise sur 6 051 écoliers [2]. L’équipe de McLean (Écosse) vient de montrer que le gène codant la filagrine est impliqué dans des ichtyoses modérées et sévères [3]. Dans quinze familles, des mutations, R501X et 2282del4, à l’état homozygote ou hétérozygote composite ont été trouvées chez les sujets atteints. Ces mutations sont semi-dominantes : à l’état hétérozygote, une seule mutation se traduit par un phénotype très discret, avec pénétrance incomplète. La profilagrine est une protéine importante des granules de kératohyaline de l’épiderme. Au cours de sa différenciation terminale, elle est clivée en multiples peptides de filagrine qui agrègent les filaments de kératine. Chez les sujets atteints (homozygotes pour une mutation, ou hétérozygotes composites), les études histologiques et en microscopie électronique montrent une absence complète de filagrine : il s’agit de mutations avec perte de fonction. La profilagrine étant le composant majeur des granules de kératohyaline, il n’est pas étonnant d’observer également l’absence de ceux-ci. La fréquence combinée des deux allèles est d’environ 4 % dans la population d’origine européenne. La pénétrance incomplète et les variations saisonnières [4] expliquent peut-être la faiblesse de l’incidence de 1/250 par rapport aux prévisions statistiques. Cette absence de filagrine interagit peut-être dans d’autres maladies cutanées. Il est possible que les mutations nulles, fréquentes dans la population, jouent le rôle de facteurs modificateurs dans d’autres pathologies ichtyosiques comme les ichtyoses congénitales, le syndrome de Netherton et d’autres pathologies avec atteinte de l’intégrité de l’épithélium stratifié supra-basal. Fait plus important encore, on sait que 8 % des patients atteints de dermatite atopique ont des signes d’ichtyose et que 37 % à 50 % des sujets ayant une ichtyose vulgaire présentent diverses atopies [5]. Cette piste de la filagrine ouvre peut-être un espoir thérapeutique pour les sujets atteints d’eczéma et d’asthme dont le nombre ne cesse de s’accroître : en Grande-Bretagne, 5, 2 millions de sujets sont traités pour asthme et leur nombre a augmenté de 50 % au cours de ces trente dernières années.

Crise de nerf dans la moelle osseuse

Dans la moelle osseuse, les cellules souches hématopoïétiques (CSH) résident au contact des ostéoblastes, dont on découvre au fil des publications le rôle clé dans le maintien du caractère immature des CSH, et dans leur mobilisation hors de la « niche ». On sait depuis quinze ans maintenant que le G-CSF (granulocyte colony-stimulating factor) augmente considérablement le flux des CSH hors de la moelle vers la circulation (désigné par le terme « mobilisation »), ce qui facilite leur prélèvement dans un but de transplantation. Un des mécanismes de cette mobilisation fait intervenir le clivage protéolytique local de CXCL12 (SDF-1), principale chimiokine responsable de la rétention des CSH et des progéniteurs dans la moelle osseuse, et de son récepteur CXCR4, mais aussi de molécules d’adhérence (VCAM), ou du récepteur c-kit et de son ligand [6]. Pourtant les protéases ne sont pas seules en cause, et l’équipe de Paul Frénette apporte deux éléments nouveaux au débat [7]. Elle révèle tout d’abord que l’os est le principal réservoir de CXCL12, et que le G-CSF entraînant une diminution considérable des ostéoblastes, la chute du taux de cette chimiokine peut expliquer le relargage des CSH. Deuxième observation, cette réponse des ostéoblastes au G-CSF est sous le contrôle du système nerveux sympathique (SNS), via les neurotransmetteurs de type noradrénergique ((→) m/s 2001, n° 12, p. 1276) [7].

Lorsque le fonctionnement du SNS est altéré - chez des souris mutantes pour des enzymes impliquées dans la voie noradrénergique, notamment la dopamine β-hydroxylase (DBH), ou chez des souris sauvages traitées par des antagonistes des récepteurs β-adrénergiques ou la 6-hydroxydopamine -, le G-CSF n’entraîne ni réduction ostéoblastique ni mobilisation. De fait, le taux de norépinéphrine dans l’os s’effondre quelques heures après administration de G-CSF, alors que le taux cardiaque reste inchangé. Quelle est la cible locale du G-CSF ? Les auteurs éliminent une action du G-CSF sur une cible neuronale ou gliale centrale, qu’il était licite d’évoquer puisque la masse osseuse est en partie contrôlée par la leptine [8], et que certains neurones expriment le récepteur du G-CSF [9]. Reste l’hypothèse d’une action du G-CSF sur des neurones du ganglion sympathique via le relargage/recapture de la norépinéphrine, ou sur une cellule gliale, mais elle reste à démontrer.

Une nouvelle génération de vecteurs de thérapie génique : les lentivirus non intégratifs

Les vecteurs lentiviraux, issus des virus VIH (virus de l’immunodéficience humaine), sont capables de transduire des cellules quiescentes et s’intègrent dans le génome de la cellule hôte, soulevant ainsi le risque de mutagenèse insertionnelle. Ces vecteurs semblent d’ailleurs s’intégrer préférentiellement dans des zones de chromatine active. Il avait été montré préalablement que des mutations dites de classe I dans le gène codant pour l’intégrase du vecteur permettaient une synthèse normale de l’ADN dans le noyau de la cellule cible, mais empêchaient le vecteur de s’intégrer. En l’absence de signaux de réplication, l’ADN du vecteur est donc progressivement dilué dans les cellules en division. Jusqu’à présent, les vecteurs lentiviraux non intégratifs avaient surtout permis une transduction stable de cellules in vitro, grâce notamment à l’incorporation de signaux de réplication épisomiques. Ils restaient jusqu’à présent rebelles à l’efficacité de transduction in vivo. Dans un travail collaboratif, des équipes anglaises, américaine et allemande ont étudié l’efficacité de transfert de gènes d’un vecteur lentiviral muté pour l’intégrase dans des tissus quiescents, comme l’oeil, le striatum et l’hippocampe [10]. La mutation D64V aboutit à une proportion d’intégrations de 1/10 000 par rapport à celle du vecteur sauvage. Après avoir vérifié l’efficacité et la stabilité de l’expression d’un gène traceur codé par ce lentivirus défectueux pour l’intégration, injecté par voie intra-oculaire ou stéréotaxique dans le striatum, les auteurs se sont intéressés à la valeur thérapeutique de cette transduction. Ils ont choisi un modèle murin de dystrophie rétinienne, phénocopie de l’amaurose congénitale de Leber. L’injection sous-rétinienne du vecteur lentiviral codant pour le transgène fonctionnel RPE65 a entraîné une amélioration stable de l’électrorétinogramme des animaux mutants pendant plus de 8 semaines. Les auteurs ont ensuite recherché des formes intégratives du vecteur par PCR quantitative. Seul un événement d’intégration a été noté sur plus de 800 amplicons séquencés, rendant peu probable l’hypothèse d’une correction thérapeutique à partir d’éléments intégrés. Ces résultats vont à l’encontre des premières utilisations in vivo des vecteurs lentiviraux défectueux pour la réplication qui n’avaient pas abouti à un tel succès. Ils apportent donc une ouverture nouvelle pour la biosécurité du transfert de gènes. L’intérêt de ces vecteurs, comparativement aux vecteurs viraux non intégratifs, est essentiellement leur immunogénicité moindre par rapport aux vecteurs adénoviraux et leur capacité intégrative plus grande que celle des AAV (virus associé à un adénovirus). Cependant, comme tout vecteur épisomique, leur indication reste limitée aux tissus post-mitotiques pour espérer atteindre une efficacité prolongée.

Découverte de hiéroglyphes mayas de la période préclassique

Dans l’Amérique précolombienne, on trouve sur des calendriers ou des stèles commémoratives des glyphes associés à des signes chronologiques que les Olmèques et les Zapotèques ont gravés dans la pierre, respectivement vers 1500 et 600 avant notre ère. La civilisation maya a, elle aussi, laissé de nombreux cartouches de glyphes dont l’un des plus beaux est sans doute celui de Palenque qui contient 96 caractères et qui a été trouvé dans la tour du « Palais ». S’ils ont été en grande partie décryptés, on ne peut que les interpréter et non les lire. Les plus anciens hiéroglyphes mayas semblent dater du IVe siècle de notre ère. Mais récemment, une découverte exceptionnelle, faite par un groupe de chercheurs du Texas (USA) [11], vient d’être mise à jour au nord-est du Guatemala, dans le département du Peten, sur le site de San Bartolo où les recherches se poursuivrent depuis 2002 [12]. Dans la structure pyramidale appelée Las Pinturas, une pièce centrale a été découverte en 2005. Les murs, recouverts d’une fine couche de plâtre, sont richement décorés de peintures polychromes. Le principal personnage est le Dieu du maïs. Mais sur un autre mur, dont on n’a pu encore déterminer la place initiale, des hiéroglyphes ont été tracés. Les échantillons de bois carbonisés étroitement associés à cette paroi et datés au radiocarbone les font remonter à 300 ans avant notre ère. Le bloc retrouvé comporte dix hiéroglyphes qui devaient faire partie d’un texte plus long qui se trouve peut-être sur des murs enfouis qui restent encore à dégager. Ils devaient accompagner une scène religieuse. Ces glyphes sont proches de ceux qui ont été gravés sur une pierre trouvée à El Porton datant de la même époque. Il semble donc que les Mayas, comme d’autres peuples de l’Amérique centrale maîtrisaient l’écriture depuis plus longtemps qu’on ne le supposait. La manière dont les signes ont été tracés atteste d’une longue pratique. Il est fort probable que ce texte n’est pas unique et qu’il existe d’autres hiéroglyphes mayas anciens au Guatemala ou au Mexique. Pour l’instant, ils sont encore indéchiffrables.

Comment une petite plaquette brave un dogme centenaire

Dans une cellule, les fonctions sont clairement réparties : au noyau revient la transcription du gène en un ARN primaire (ou pré-ARNm), l’épissage des introns non codant par la machinerie d’épissage, le spliceosome, puis l’export des ARNm épissés dans le cytoplasme qui se charge de leur traduction en protéines. Les exceptions à ce schéma sont rares. Or, un petit bout de cytoplasme anucléé, autrement dit une plaquette, s’insurge contre ce dogme et se targue non seulement de contenir des pré-ARNm, mais aussi de pouvoir en épisser les introns. Ces observations de M. Denis et al. [13] sont très étonnantes puisque les plaquettes, issues de la fragmentation du cytoplasme des mégacaryocytes polyploïdes, n’ont ni noyau ni processus transcriptionnel. Et pourtant ces auteurs identifient dans le cytoplasme des mégacaryocytes, et dans les plaquettes qui en dérivent, les composants de la machinerie du spliceosome, en particulier plusieurs ribonucléoprotéines et protéines auxiliaires. Les plaquettes contiennent également les pré-ARNm de l’interleukine-1β et du facteur tissulaire, et peuvent en exciser les introns, démontrant la fonctionnalité du complexe d’épissage cytoplasmique. Cela implique donc que, dans les mégacaryocytes, les ARN primaires aient été exportés hors du noyau dans une forme non épissée, échappant au contrôle de qualité pourtant rigoureux et à la dégradation nucléaire. L’avenir dira comment se fait cet export nucléaire inhabituel des composants du spliceosome et des ARN primaires, s’il ne concerne que certains ARNm, et si c’est une propriété spécifique aux mégacaryocytes. Encore plus fascinant, ce processus d’épissage de l’IL-1β est inopérant dans les plaquettes au repos mais se déclenche lorsque les plaquettes sont activées par leur adhérence au fibrinogène en présence de thrombine. Il s’agit donc d’un nouveau mécanisme de régulation de la synthèse protéique dans le cytoplasme cellulaire. Les auteurs de l’article et de l’éditorial qui l’accompagne [14] proposent la voie de signalisation ERK comme un signal régulateur possible de l’épissage. Ils osent aussi un parallèle entre la morphogenèse plaquettaire, résultat d’extensions cytoplasmiques des mégacaryocytes, et la pousse axonale, et invitent à rechercher également dans les prolongements axonaux l’existence d’un processus cytoplasmique d’épissage des ARN.

Le tabac chez les adolescents : quels dangers pour l’avenir ?

Le tabac est un facteur majeur et croissant de maladies cardio-vasculaires et de cancer des voies respiratoires. L’augmentation de l’usage du tabac chez les plus jeunes est un phénomène survenant dans le monde entier. À l’initiative de l’OMS, du CDC d’Atlanta, du CPHA canadien, ainsi que de la majorité des membres de l’OMS, une enquête (GYTS, global youth tobacco survey) a cherché à préciser le plus largement possible les faits et leur projection dans les années à venir [15]. Elle a été menée dans la génération des 13-15 ans, dans 395 sites de 131 pays, répartis dans les six grands secteurs territoriaux de l’OMS. Menée dans 10 000 écoles, elle s’est adressé de façon aléatoire à 2 550 000 écoliers dont les réponses personnelles (entre 50 et 100 % selon les cas) ont fourni les résultats. Presque deux enfants sur dix (17,3 %) ont déjà utilisé le tabac, dont 8,9 % se disent fumeurs habituels. En Asie ou Méditerranée Orientale, 11,2 % utilisent le tabac sous d’autres formes. La proportion de garçons est plus élevée que celle des filles, mais cette différence tend à se réduire, elle est nettement moins importante que la différence entre hommes et femmes à la génération précédente. Parmi les non-fumeurs, 18,3 % se disent disposés à commencer dans l’année qui vient, la proportion s’élevant à 30 % en Europe et en Amérique. Enfin, plus de quatre jeunes sur dix (44,1 %) sont exposés à un tabagisme passif, soit chez eux, soit dans le domaine public. Les projections, qui semblent minimales, envisagent un doublement, de 5 à 10 millions, de décès dus au tabac entre 2005 et 2020. Si le tabagisme féminin continuait à se développer, cette prévalence pourrait, elle aussi, être supérieure. Les limites de cette enquête sont qu’elle n’a concerné que des enfants scolarisés, consentant à répondre, et qu’elle a utilisé leurs réponses personnelles. Les résultats, sans doute sous-évalués, sont, cependant, suffisamment impressionnants pour indiquer qu’il y a là un problème majeur de santé publique qui requiert des mesures. Il faut informer, renforcer les législations, interdire tout tabac à proximité d’institutions scolaires ou d’établissements de santé, redoubler d’efforts pour empêcher le commencement d’une addiction ou faire cesser celle qui existe. C’est toute une campagne d’éducation, dont le cadre en a été fixé par l’OMS en mai 2003, et signé par 158 nations, dont 123 l’ont ratifié. Elle comporte aussi l’élimination du tabagisme passif.

Vers la purification de cellules souches épithéliales mammaires…

L’identification d’une cellule souche donnée se heurte généralement à la difficulté d’identifier ses déterminants antigéniques spécifiques, d’autant que l’expression de ceux-ci peut être modulée rapidement par les conditions de culture. Ce handicap est majoré par leur faible représentation dans le tissu. Cette étape paraît pourtant indispensable non seulement pour suivre le comportement normal et pathologique de ces cellules mais aussi pour rendre plus efficace leur utilisation thérapeutique potentielle. L’équipe de C.J. Eaves (Vancouver, Canada) vient de démontrer qu’il est possible de purifier et de distinguer des cellules souches et des cellules progénitrices de glande mammaire adulte [16]. La glande mammaire se développe à partir d’un petit nombre de cellules de l’ectoderme qui engendrent un réseau canalaire enrobé dans un tissu stromal. L’existence de cellules souches adultes in situ, capables de régénérer le tissu mammaire, avait déjà été démontrée in vivo chez la souris. Ces cellules sont classiquement appelées MRU (unités de repopulation mammaires). La glande mammaire contient également des cellules progénitrices, appelées Ma-CFC (mammary colony forming cells), capables de produire de petites colonies de cellules mammaires adhérentes en culture. Les auteurs ont d’abord confirmé par dilution limite l’existence d’une petite proportion de MRU capable de différenciation à la fois en cellules épithéliales et myoépithéliales, ainsi que des Ma-CFC, suggérant un lien de parenté directe entre MRU et Ma-CFC. Chaque glande mammaire contient environ 1 MRU pour 1 400 cellules dissociées et environ 20 fois plus de Ma-CFC. Par la suite, l’utilisation d’une panoplie de marqueurs antigéniques a permis d’augmenter le rendement de purification de ces cellules aboutissant à un enrichissement de 1 MRU sur 20 cellules. Moins de 10 % d’entre elles appartiennent à la catégorie dite side population sur la base de leur capacité à exclure le colorant Hoechst. Après transplantation, ces cellules MRU peuvent reconstituer l’intégralité d’un tissu mammaire en 6 semaines. Les Ma-CFC se distinguent par le niveau d ’expression d’au moins deux marqueurs antigéniques, CD24 (un marqueur dont l’absence caractérise les cellules souches tumorales de la glande mammaire) et CD49f (un marqueur exprimé par les cellules souches épidermiques). Les deux types cellulaires, souches et progéniteurs, sont très majoritairement en cycle (en phase G1 ou S/G2/M). Cette capacité de distinguer et d’isoler séparément cellules souches adultes et cellules progénitrices permettra d’aborder les mécanismes moléculaires impliqués dans leur autorenouvellement, leur différenciation et leur modulation au cours de l’oncogenèse.

Pourquoi les sauterelles mormones sont cannibales ?

Quand elles se déplacent en masse, les locustes, ou criquets migrateurs, causent des ravages considérables, en Afrique ou en Australie. Il en va de même sur le continent américain, avec les sauterelles mormones (Anabrus simplex), de la famille des Tettigoniidae (ordre des Orthoptères). Quand les Mormons s’installèrent sur les bords du Grand Lac Salé, en 1847, elles commencèrent à anéantir leurs récoltes, mais les mouettes les dévorant en grand nombre préservèrent souvent les habitants de la famine. C’est pourquoi le Sea Gull Monument fut érigé en leur honneur en 1913. Les sauterelles mormones ne volent pas, mais elles essaiment en groupes qui peuvent s’étirer sur 10 km et peuvent parcourir 2 km par jour. Quand elles sont isolées, elles sont rapidement la proie de prédateurs. Le déplacement en groupe semble résulter de leur accroissement en nombre qui diminue les ressources alimentaires. Dans leur marche, elles ne dévastent pas la végétation car leur recherche est sélective. Une étude vient d’être menée dans le sud de l’Idaho (USA), sur une cohorte en marche de 1 km de long [17]. Les chercheurs ont observé que les insectes choisissent de préférence des produits riches en protéines : certaines graines ou fleurs, mais aussi des déjections animales ou des produits imprégnés par les urines des troupeaux. Les sauterelles mangent leurs propres produits de desquamation et s’entredévorent, créant parfois même un danger pour les voitures, en raison de la masse d’animaux morts laissés sur les routes. La préférence pour les aliments protéiques a été confirmée en plaçant sur leur chemin des aliments ayant une composition différente en protéines et en hydrates de carbone. Ce n’est qu’après avoir eu sa ration protéique que la sauterelle mormone commence à manger des produits hydrocarbonés ; pour s’hydrater, de préférence à l’eau, elle choisit une solution saline (optimale à 0,25 M de Cl). La satiété ralentit la locomotion et le mouvement diminue le cannibalisme. L’insecte se défend contre les autres avec ses pattes de derrière ; l’animal immobile est très vite dévoré. En état de privation protéique ou saline, l’insecte est capable de manger d’une traite un congénère aussi gros que lui. L’essai sur animaux isolés montre qu’aussitôt les besoins en protéines satisfaits, la sauterelle rétablit très vite son équilibre nutritionnel, ce qui est également obtenu grâce au cannibalisme. L’ensemble de ces observations montre que les mouvements migratoires sont conditionnés par la recherche en protéines et en sels, et par la fuite en avant pour échapper au cannibalisme de ceux qui sont derrière. Malgré les pertes survenant dans ces déplacements, la sauterelle a intérêt à se joindre à ces marches forcées, l’isolement la rendant encore bien plus exposée aux prédateurs. Ce compromis représente la solution la moins mauvaise pour le groupe en cas de surpopulation et peut peut-être expliquer aussi les invasions de criquets migrateurs des autres continents.

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Anabrus simplex Haldeman ou sauterelle mormone

Anabrus simplex Haldeman ou sauterelle mormone

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Peut-on corriger la mutation drépanocytaire avec des cellules souches ?

La drépanocytose est une maladie orpheline, et pourtant c’est l’une des maladies génétiques les plus fréquentes, qui touche par centaines de milliers des sujets originaires d’Afrique, du Moyen-Orient et de l’Inde. Les traitements symptomatiques ou pharmacologiques qui en limitent les conséquences ne guérissent pas. La greffe de moelle, seule thérapeutique complète, requiert des donneurs compatibles, présente des risques, est onéreuse, et n’est donc pas envisageable à l’échelle de la maladie. L’utilisation de cellules souches embryonnaires (ES) a été envisagée par l’équipe de Y.W. Kan (Université de Californie, San Francisco, États-Unis) [18]. Y.W. Kan est un habitué des premières : mise en évidence d’un premier polymorphisme en aval du gène β S en 1978 [19], construction d’un ARNt fonctionnel corrigeant une mutation en 1982 [20], apports décisifs concernant la structure des gènes α-globine. La preuve de la possibilité d’une correction du déficit immunitaire de la souris Rag2-/-via une stratégie de recombinaison homologue dans des cellules ES obtenues après transfert nucléaire a été publiée [21]. L’essai thérapeutique actuel a été effectué chez une souris transgénique porteuse de la mutation βS dans un transgène de 240 kb, comportant tous les gènes du locus et leurs séquences régulatrices, dans le but de reproduire la structure chromatinienne humaine. Chez ces animaux, des lignées de cellules ES ont été obtenues à partir de blastocystes produits par fécondation sans aucune étape de transfert nucléaire. Après avoir contrôlé la présence de la mutation dans ces cellules ES, les auteurs ont procédé à une recombinaison homologue, par le système cre/lox, d’un segment englobant le gène β-globine entier, remplacé par un segment analogue du gène β A. Deux constructions différentes ont été essayées, dans le but de sélectionner celle qui obtenait une correction sans remaniement. Ces cellules ES corrigées ont été ensuite cultivées in vitro et différenciées en cellules hématopoïétiques et en érythroblastes [22]. En présence d’anticorps anti-HbA et anti-HbS, l’examen sur lames des clones obtenus a permis d’identifier ceux qui exprimaient l’une et/ou l’autre de ces deux hémoglobines (sur 7 clones, 2 n’exprimaient que l’HbS, tandis que 5 exprimaient l’HbA et l’HbS). Le modèle murin permet donc d’envisager la faisabilité du procédé pour corriger les mutations de l’hémoglobine au cours de la drépanocytose et des thalassémies. On sait, en effet, qu’une greffe à partir d’un donneur AS est satisfaisante, et que donc le sujet, s’il est porteur des deux hémoglobines, pourrait être considéré comme guéri. Il reste évidemment des problèmes techniques : quel marqueur employer (ici c’était l’hygromycine) ? Où le situer par rapport au gène transféré (une des deux constructions n’a pas été efficace) ? Est-on sûr d’éviter un rejet immun après transfert nucléaire ? Peut-on extrapoler d’un modèle murin au traitement chez l’homme ? Bien que ce travail représente une étape importante, il reste encore la difficulté technique, le prix de la manipulation et l’incertitude de pouvoir l’appliquer à de grandes séries.

Le trafic des canaux potassiques dans les myocytes cardiaques et vasculaires

Les canaux potassiques sont les acteurs essentiels de la repolarisation des cellules excitables. Ils permettent l’activation de courants qui ramènent le potentiel de membrane à sa valeur de repos. Dans le système cardiovasculaire, cela aboutit à la relaxation du coeur et à la vasodilatation des vaisseaux. L’article de Cogolludo et al. [23] rapporte que la sérotonine diminue le courant potassique traversant les canaux Kv1.5 en favorisant la formation d’un complexe canal Kv/récepteur 5-HT2A/cavéoline qui est ensuite internalisé dans le cytosol par endocytose. On savait déjà la sérotonine impliquée dans le développement de l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP), et aussi que cette redoutable affection est améliorée par la surexpression par thérapie génique du Kv1.5. Cette étude établit un lien entre ces deux processus physiopathologiques : l’inhibition du courant Kv1.5 par la sérotonine pourrait favoriser la vasoconstriction artérielle pulmonaire. Mais au-delà de l’HTAP, cette étude jette, avec d’autres articles récents, un éclairage nouveau sur la modulation de l’activité des canaux ioniques. À côté des changements d’expression génique ou de l’état de phosphorylation des canaux abondamment décrits depuis plus de 20 ans, il se pourrait que le trafic des canaux à la membrane soit un mécanisme majeur de régulation de l’électrophysiologie cellulaire. Dans la même revue, il y a quelques mois, il avait été rapporté que les canaux Kv1.5, également présents dans les myocytes cardiaques, interagissent avec le système dynéine/kinésine, composé de protéines cytosoliques qui font circuler les vésicules navettes entre les lieux de synthèse et d’adressage des protéines membranaires [24]. L’inhibition de ces protéines-convoyeuses bloque l’endocytose des canaux, entraînant leur accumulation dans la membrane plasmique et l’augmentation du courant repolarisant. Ainsi, le trafic des canaux et leur organisation en larges complexes protéiques dans les domaines spécialisés du sarcolemme sont des processus dynamiques, probablement régulés par différents neuromédiateurs, et qui nécessitent l’intégrité du système microtubulaire des cellules. Il y a là probablement une source de nouveaux mécanismes physiopathologiques.

L’hémoglobine dans les poumons

L’image de l’hémoglobine uniquement intra-érythrocytaire et dont la seule fonction serait le transport de O2 et de CO2 a été largement révisée. On trouve ses analogues dans de nombreux procaryotes et eucaryotes. On découvre aussi sa fonction dans la fixation et le transport du NO et de ses dérivés, et son rôle de protection contre un stress oxydatif. On l’a trouvée, chez la souris, dans les macrophages activés et les cellules du cristallin [25, 26]. Un travail récent de chercheurs américains (University of South Carolina, Charleston) a montré sa présence dans les cellules de l’épithélium respiratoire chez l’homme, la souris et le rat [27]. Les cellules sont les cellules alvéolaires de type II (ATII, ou pneumocytes II), et les cellules Clara. On sait que, in vivo, ces cellules sont essentielles pour la production de surfactant au niveau des poumons et qu’elles interviennent dans l’immunité innée [28]. Les cellules ATII sont aussi des cellules souches dont la différenciation terminale aboutit aux cellules alvéolaires de type ATI, cellules épithéliales assurant les échanges gazeux. Enfin, il a été montré plus récemment que les cellules ATI et ATII peuvent être dérivées des cellules souches hématopoïétiques [29]. À partir de cultures cellulaires d’adénocarcinomes humains et de cellules de rongeurs, les auteurs ont mis en évidence par RT-PCR la présence d’ARNm d’hémoglobine, chaînes α et chaînes β. Ce résultat a été confirmé par séquence, et la possibilité d’une contamination par des cellules érythroïdes éliminée. Les chaînes α et β sont traduites (α à un taux supérieur à β) et les polypeptides détectés par l’utilisation d’anticorps. On ne distingue pas si les protéines ont fixé le groupe prosthétique d’hème, ni si un hétérotétramère d’hémoglobine s’est formé. L’expression du gène θ∈(gène situé à l'extrémité du locus α), habituellement considéré comme un pseudogène, aboutirait sans doute à une protéine instable. Ces résultats soulèvent la question des rôles physiologiques multiples de l’hémoglobine : échanges gazeux, métabolisme du NO, régulation de la pression sanguine, protection contre les stress oxydatifs et ceux des dérivés nitrés. Les cellules ATII pourraient-elles produire des hémorphines, produits de dégradation des globines, et ligands des opioïdes ? Quel est le rôle de l’hémoglobine au niveau des épithéliums pulmonaires ? Transport de gaz, régulation de pH, capture de toxiques de type CO, protection contre un stress, et donc maintien de la production de surfactant par les cellules ATII ? La régulation du métabolisme du NO est sûrement importante, car elle assure la protection contre les dérivés nitrés. Outre une constatation d’ordre biologique, il y a donc là aussi un facteur dont il faudra tenir compte dans l’interprétation de syndromes respiratoires aigus.

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Un des deux dimères fonctionnels de la molécule d'hémoglobine.

Un des deux dimères fonctionnels de la molécule d'hémoglobine.

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