L’organisation d’un noyau et des chromosomes qui s’y trouvent confinés n’est pas aléatoire et l’incidence fonctionnelle de cette organisation sur la chromatine est importante. Non seulement pour la réplication de l’information génétique et sa transmission, mais aussi pour la transcription de cette information et comme cela sera développé ici, pour le mode de réparation de l’ADN, en cas de dommages. De nombreuses études sur ce sujet ont utilisé la levure de boulanger (Saccharomyces cerevisiae) comme modèle. Cet organisme eucaryote unicellulaire, facile à manipuler génétiquement, montre que beaucoup des principes qui y sont découverts se vérifient dans des organismes plus complexes. Ainsi les extrémités des 16 chromosomes linéaires de S. cerevisiae sont organisées en périphérie du noyau à proximité de l’enveloppe nucléaire. Une telle organisation peut se retrouver à des degrés divers dans certains types de cellules de métazoaires. Les 32 télomères de S. cerevisiae sont de plus regroupés en foyers (environ 5-8 structures discrètes) [1]. La nature de l’association préférentielle observée entre ces télomères n’est pas connue et la dynamique d’un télomère par rapport à ces foyers ne l’est pas plus. En revanche, des études récentes ont mis en évidence la nature des liens responsables de l’ancrage des télomères à la périphérie nucléaire. Deux voies non-redondantes ont été découvertes, celle qui utilise l’hétérodimère Ku70/Ku80 affin pour les extrémités ADN et celle qui emploie Sir4p. Cette dernière, avec Sir2p et Sir3p (Sir : silent information regulator), est enrichie en périphérie du noyau et participe à l’établissement de la chromatine silencieuse trouvée à la périphérie nucléaire. Un partenaire privilégié de Sir4p, Esc1p, sert de lien entre Sir4p et l’enveloppe nucléaire [2]. Ces protéines ne possédant pas de séquence qui pourrait formellement les ancrer à la membrane, c’est ici qu’entre en jeu le pore nucléaire. C’est à travers ce complexe macromoléculaire hautement organisé et conservé, inséré dans la double enveloppe nucléaire, que se font les nombreux échanges de molécules entre noyau et cytoplasme. Au sein du pore nucléaire, on distingue le sous-complexe Nup84 (Nup107 chez les métazoaires) composé de 7 nucléoporines [3]. In vitro, Nup107 est le premier complexe à pouvoir s’associer à la chromatine après la mitose. Cette association est cruciale pour reformer l’enveloppe nucléaire (dispersée lors de la mitose chez les métazoaires) [4]. La notion selon laquelle le pore nucléaire n’aurait pas comme seule fonction de permettre le transport nucléo-cytoplasmique mais jouerait aussi un rôle dans l’architecture du noyau, en permettant l’ancrage de la chromatine, commence à se dessiner. Et chez la levure ? En étudiant la localisation tridimensionnelle de l’extrémité d’un chromosome marqué de façon fluorescente dans des cellules vivantes, nous avons montré que des mutants du complexe Nup84 en affectent sa localisation, à un degré comparable à celui des mutants ku70 et sir4 [5]. Il est à noter que dans les conditions choisies pour cette étude, le transport noyau-cytoplasme n’est pas affecté. Des mutations dans ce complexe pourraient aussi partiellement désorganiser les foyers télomériques [6]. Ainsi, l’organisation de la chromatine en périphérie du noyau nécessite un pore nucléaire fonctionnel qui pourrait fournir un des liens nécessaires à l’ancrage de ku70 ou sir4/esc1 [2]. L’incidence fonctionnelle d’une telle désorganisation chromosomique se manifeste sur l’état transcriptionnel de la chromatine. Les régions proches des extrémités télomériques (subtélomères) sont transcriptionnellement inertes et ressemblent par certains critères à l’hétérochromatine des eucaryotes plus complexes [7]. Si le complexe Nup84 n’est pas fonctionnel, l’extrémité télomérique délocalisée devient transcriptionnellement active [5]. En se délocalisant, il est possible que le chromosome échappe à la concentration périphérique des protéines Sir ; la délocalisation partielle de la protéine Sir3p pourrait aussi expliquer l’effet observé sur la …
Parties annexes
Références
- 1. Gotta M, Laroche T, Formenton A, et al. The clustering of telomeres and colocalization with Rap1, Sir3, and Sir4 proteins in wild-type Saccharomyces cerevisiae. J Cell Biol1996 ; 134 : 1349-63.
- 2. Taddei A, Hediger F, Neumann FR, et al. Separation of silencing from perinuclear anchoring functions in yeast Ku80, Sir4 and Esc1 proteins. EMBO J2004 ; 23 : 1301-12.
- 3. Teixeira MT, Siniossoglou S, Podtelejnikov S, et al. Two functionally distinct domains generated by in vivo cleavage of Nup145p : a novel biogenesis pathway for nucleoporins. EMBO J 1997 ; 16 : 5086-97.
- 4. Walther TC, Alves A, Pickersgill H, et al. The conserved Nup 107-160 complex is critical for nuclear pore complex assembly. Cell 2003 ; 113 : 195-206.
- 5. Therizols P, Fairhead C, Cabal GG, et al. Telomere tethering at the nuclear periphery is essential for efficient DNA double strand break repair in subtelomeric region. J Cell Biol 2006 ; 172 : 189-99.
- 6. Galy V, Olivo-Marin JC, Scherthan H, et al. Nuclear pore complexes in the organization of silent telomeric chromatin. Nature 2000 ; 403 : 108-12.
- 7. Pryde FE, Louis EJ. Limitations of silencing at native yeast telomeres. EMBO J 1999 ; 18 : 2538-50.
- 8. Dilworth DJ, Tackett AJ, Rogers RS, et al. The mobile nucleoporin Nup2p and chromatin-bound Prp20p function in endogenous NPC-mediated transcriptional control. J Cell Biol2005 ; 171 : 955-65.
- 9. Ricchetti M, Dujon B, Fairhead C. Distance from the chromosome end determines the efficiency of double strand break repair in subtelomeres of haploid yeast. J Mol Biol 2003 ; 328 : 847-62.
- 10. Loeillet S, Palancade B, Cartron M, et al. Genetic network interactions among replication, repair and nuclear pore deficiencies in yeast. DNA Repair (Amst) 2005 ; 4 : 459-68.