Classiquement, une mutation stop précoce dans un gène est considérée comme une mutation nulle pour deux raisons : d’une part, le court fragment peptidique produit, correspondant au début de la protéine, n’est en général pas suffisant pour assurer la fonction ; d’autre part, les mutations stop prématurées sont connues pour déclencher la dégradation des ARNm par un système de surveillance des transcrits aberrants, le nonsense mediated decay (NMD) [1]. Le NMD a été montré dans le cas des gènes poly-exoniques lorsque la mutation stop se trouve en amont de la dernière jonction exonique. Cependant, une mutation stop précoce n’est pas toujours nulle. En effet, il existe plusieurs mécanismes permettant d’assurer la traduction malgré la présence d’un stop prématuré, comme la ré-initiation traductionnelle. Ce mécanisme permet la synthèse d’un fragment protéique à partir d’un site d’initiation en aval du codon stop précoce. Si le cadre de lecture est conservé, le produit qui en résulte correspond à la protéine délétée de sa région amino-terminale. Il a été montré que ce processus permet de « sauver » l’expression de certains gènes [2]. Par ailleurs la ré-initiation traductionnelle a la particularité de diminuer l’efficacité du NMD [3]. Depuis quelques années, notre équipe s’intéresse au BPES (blepharophimosis ptosis epicanthus inversus syndrome), comportant des malformations cranio-faciales (essentiellement palpébrales) associées dans certains cas à une insuffisance ovarienne prématurée. Il s’agit d’une maladie génétique rare à transmission autosomique dominante causée par les mutations du gène FOXL2 [4]. FOXL2 est un gène mono-exonique codant pour un facteur de transcription à domaine forkhead. FOXL2 comporte en outre une polyalanine (14 résidus), de fonction inconnue, qui est retrouvée essentiellement dans des facteurs se liant à l’ADN ou à l’ARN (Figure 1A). Différents types de mutations ont été identifiés dans la séquence codante de FOXL2. L’expansion de la polyalanine de 14 à 24 résidus est la plus fréquente puisqu’elle est retrouvée dans 30 % des cas de BPES [5]. Au niveau protéique, l’expansion de la polyalanine entraîne l’agrégation de FOXL2 et sa rétention dans le cytoplasme alors que la protéine sauvage (14 alanines) se localise uniquement dans le noyau de façon diffuse [6]. Ce phénomène d’agrégation liée à des expansions de répétitions homopolymériques est bien connu pour les protéines à polyglutamine [7] et a récemment été décrit dans d’autres protéines à polyalanine [8]. Nous nous sommes récemment intéressés à un autre type de mutations de FOXL2, les mutations stop précoces [9]. Étant donné qu’il est dépourvu d’introns, FOXL2 n’est a priori pas soumis au mécanisme de NMD. Nous nous sommes alors demandé si le mécanisme de reprise de la traduction pouvait se produire lorsque FOXL2 contient un codon stop précoce. Pour répondre à cette question, nous avons exprimé dans des cellules de mammifère (COS-7) des formes de FOXL2 contenant des codons stop précoces, en fusion avec la GFP (green fluorescent protein) en position carboxy-terminale. En cas de ré-initiation traductionnelle, la protéine de fusion produirait une fluorescence verte des cellules. Nous avons testé la ré-initiation pour quatre codons stop en position 19, 31, 41 et 53 (cette dernière mutation étant décrite pour un patient BPES) (Figure 1A). L’observation des cellules au microscope nous a permis de voir que, pour toutes les positions, la traduction d’une protéine de fusion a lieu. De façon inattendue, les protéines de fusion observées ne se répartissent pas de façon diffuse et uniquement nucléaire comme la protéine sauvage. En effet, elles sont fortement agrégées dans les noyaux de toutes les cellules qui les expriment (Figure 1B). De plus, 70 % des cellules présentent une localisation cytoplasmique de la …
Parties annexes
Références
- 1. Maquat LE. Nonsense-mediated mRNA decay. Curr Biol 2002 ; 12 : R196-7.
- 2. Howard MT, Malik N, Anderson CB, et al. Attenuation of an amino-terminal premature stop codon mutation in the ATRX gene by an alternative mode of translational initiation. J Med Genet 2004 ; 41 : 951-6.
- 3. Zhang J, Maquat LE. Evidence that translation reinitiation abrogates nonsense-mediated mRNA decay in mammalian cells. EMBO J 1997 ; 16 : 826-33.
- 4. Crisponi L, Deiana M, Loi A, et al. The putative forkhead transcription factor FOXL2 is mutated in blepharophimosis/ptosis/epicanthus inversus syndrome. Nat Genet 2001 ; 27 : 159-66.
- 5. De Baere E, Beysen D, Oley C, et al. FOXL2 and BPES : mutational hotspots, phenotypic variability, and revision of the genotype-phenotype correlation. Am J Hum Genet 2003 ; 72 : 478-87.
- 6. Caburet S, Demarez A, Moumné L, et al. A recurrent polyalanine expansion in the transcription factor FOXL2 induces extensive nuclear and cytoplasmic protein aggregation. J Med Genet 2004 ; 41 : 932-6.
- 7. Ross CA, Poirier MA. Protein aggregation and neurodegenerative disease. Nat Med2004 ; 10(suppl) : S10-7.
- 8. Albrecht A, Mundlos S. The other trinucleotide repeat : polyalanine expansion disorders. Curr Opin GenetDev 2005 ; 15 : 285-93.
- 9. Moumné L, Fellous M, Veitia RA. Deletions in the polyAlanine-containing transcription factor FOXL2 lead to intranuclear aggregation. Hum MolGenet 2005 ; 14 : 3557-64.