L’analyse des liens entre la biodiversité et le fonctionnement des écosystèmes est une des grandes problématiques de l’écologie [1]. L’acquisition de connaissances solides sur ce point devient cruciale dans le contexte actuel de crise de la biodiversité. Les pertes d’espèces liées directement ou indirectement aux activités humaines se produisent à un rythme 100 à 1 000 fois supérieur aux extinctions naturelles, et il devient indispensable de connaître l’impact de cette perte de biodiversité sur le fonctionnement et la capacité de régénération des écosystèmes [2]. L’intégrité fonctionnelle des écosystèmes est primordiale : de très nombreux services sont rendus aux sociétés humaines via le bon fonctionnement des écosystèmes comme par exemple l’épuration des eaux ou le maintien de la fertilité des sols [3]. Ils passent souvent inaperçus et sont pourtant indispensables. La pollinisation des plantes à fleurs par les animaux fait également partie de ces services écosystémiques [4]. En effet, plus de 70 % des espèces de plantes supérieures sont visitées par les animaux pollinisateurs, qui assurent leur reproduction et donc leur survie [5]. Les plantes, en tant que producteurs primaires, sont les organismes qui vont capter l’énergie du rayonnement solaire et fixer le CO2 atmosphérique pour former de la matière organique. Elles sont donc à la base des flux de matière et d’énergie réalisés au sein des écosystèmes. L’impact de la diversité des animaux pollinisateurs sur le succès reproducteur des plantes supérieures commence à être connu à l’échelle d’une espèce de plante [6, 7], mais qu’en est-il à l’échelle des communautés végétales ? La réponse à cette question n’est pas triviale. En effet, à ce niveau, les relations entre plantes et pollinisateurs forment des réseaux d’interactions complexes [8] où se côtoient des espèces totalement généralistes, totalement spécialistes ainsi que tous les intermédiaires possibles [9]. Il est donc urgent de mieux connaître l’impact de la perte de biodiversité sur les réseaux d’interactions plurispécifiques [10]. L’approche expérimentale présentée ici y contribue [11] ; elle vise à tester l’impact de la diversité sur la stabilité des réseaux d’interactions plantes-pollinisateurs en suivant une approche fonctionnelle. Des groupes fonctionnels de plantes et d’insectes pollinisateurs ont été construits, sur la base de caractères morphologiques : Un réseau théorique d’interactions peut être bâti avec ces quatre groupes fonctionnels (Tableau I). En raison des contraintes morphologiques, les espèces spécialistes (de plantes ou bien d’insectes) devraient interagir préférentiellement avec les espèces généralistes (d’insectes ou de plantes). Nous avons créé des communautés végétales expérimentales, en faisant varier la diversité fonctionnelle des plantes. Au total, il y avait trois types de communautés végétales, contenant soit l’un, soit l’autre, soit les deux groupes fonctionnels de plantes, à densité contrôlée. Toutes les communautés (36 en tout) ont été recouvertes de cages cubiques en voile de nylon afin d’en contrôler la pollinisation (Figures 1 et 2). Chaque type de communauté a subi 3 traitements de pollinisation, soit par les pollinisateurs à pièces buccales longues, ou à pièces buccales courtes, soit par les deux groupes fonctionnels d’insectes ensemble. L’expérience a été réalisée pendant 2 années consécutives, en contrôlant le nombre total de visites des insectes sur les plantes. Nous avons ensuite analysé le succès reproducteur (production de fruits et de graines) et le recrutement (nombre de plantules qui poussent après deux ans de traitement) des différentes espèces dans chaque communauté végétale. Nous avons pu ainsi répertorier le nombre d’espèces qui se reproduisaient et se maintenaient dans chaque type de communauté, après 2 ans d’expérimentation. Nous avons constaté que l’impact des traitements de pollinisation sur le succès reproducteur des plantes n’est pas le même dans les trois communautés végétales expérimentales. Dans les communautés composées …
Parties annexes
Références
- 1. Loreau M, Naeem S, Inchausti P, et al. Biodiversity and ecosystem functioning: current knowledge and future challenges. Science 2001 ; 294 : 804-8.
- 2. Naeem S, Thompson LJ, Lawler SP, et al. Declining biodiversity can alter the performance of ecosystems. Nature 1994 ; 368 : 734-7
- 3. Costanza R, Arge R, deGroot R, et al. The value of the world’s ecosystem services and natural capital. Nature 1997 ; 387 : 253-60.
- 4. Kearns CA, Inouye DW, Waser NM. Endangered mutualisms: the conservation of plant-pollinator interactions. Annu Rev Ecol System 1998 ; 29 : 83-112.
- 5. Axelrod DI. The evolution of flowering plants. In: Tax S, ed. Evolution after Darwin, vol. 1. The evolution of life. Chicago: University of Chicago Press, 1960 : 227-305.
- 6. Kremen C, Williams NM, Thorp RW. Crop pollination from native bees at risk from agricultural intensification. Proc Natl Acad Sci USA 2002 ; 99 : 16812-6.
- 7. Klein AM, Steffan-Dewenter I, Tscharntke T. Fruit set of highland coffee increases with the diversity of pollinating bees. Proc Roy Soc LondB 2003 ; 270 : 955-61.
- 8. Memmott J. The structure of a plant-pollinator food web. Ecol Lett 1999 ; 2 : 276-80.
- 9. Bascompte J, Jordano P, Melian CJ, et al. The nested assembly of plant-animal mutualistic networks. Proc Natl Acad Sci USA 2003 ; 100: 9383-7.
- 10. Cardinale BJ, Palmer MA, Collins SL. Species diversity enhances ecosystem functioning through interspecific facilitation. Nature 2002 ; 415 : 426-9.
- 11. Fontaine C, Dajoz I, Meriguet J, Loreau M. Functional diversity of plant-pollinator interaction webs enhances the persistence of plant communities. PLoS Biol 2006 ; 4 : 129-35.