Et de cinq ! Le 8 décembre dernier, la revue Nature publiait la séquence complète du génome du chien essentiellement réalisée par le BROAD Institute (Boston, MA, États-Unis) sous la direction de Kerstin Lindblad-Toh [1]. Ainsi, après ceux de l’homme, de la souris, du rat et du chimpanzé, le chien a été choisi pour compléter cette liste déjà impressionnante de génomes pour lesquels une connaissance très approfondie est maintenant disponible. Pourquoi le chien et pas un autre mammifère ? Quelles avancées cette séquence va-t-elle permettre ? Est-il nécessaire d’allonger encore cette liste ? Telles sont les questions auxquelles nous tenterons de répondre. Mais d’abord, il convient de rappeler quelques faits sur la séquence proprement dite et son établissement. La séquence publiée par K. Lindblad-Toh et ses collaborateurs correspond à celle d’un chien unique, une femelle boxer, sélectionnée parmi beaucoup d’autres chiens de diverses races pour son faible niveau de polymorphisme. Ces deux éléments, associés à l’utilisation d’un programme d’assemblage amélioré et à l’utilisation de cartes génomiques denses et robustes expliquent pour beaucoup la qualité exceptionnelle de cette séquence, supérieure à celles des autres génomes, séquence humaine exceptée. Autre point intéressant à souligner, la séquence publiée résulte uniquement de l’assemblage d’un shotgun profond du génome canin entier, démontrant, s’il en était encore besoin, la puissance de cette approche pourtant décriée à l’excès lorsque fut proposée en 2002 son adaptation aux génomes de mammifères. Le chien est la première espèce domestiquée par l’homme comme l’attestent les données archéologiques et de biologie moléculaire, les dates les plus communément avancées se situant entre – 13 000 et – 15 000 ans. Par ailleurs, les analyses d’ADN mitochondriaux et génomiques de dizaines d’échantillons de loups et de chiens de très nombreuses races indiquent clairement que toute la population canine actuelle dériverait d’une origine commune de loup asiatique, canis lupus [2] sans toutefois éliminer la possibilité de croisements occasionnels avec d'autres espèces du genre canis. Cette origine unique alliée à la très grande diversité anatomique, comportementale et de susceptibilité aux maladies constitue la base de l’intérêt du chien comme modèle à nul autre pareil pour l’analyse des relations génotypes/phénotypes. Comme chacun peut le constater, si le Berger allemand ou le Husky ont conservé un aspect général peu éloigné du loup, comment s’imaginer de prime abord que le Chihuahua ou le Greyhound, pour ne citer que ces deux races, puissent être des représentants de la même espèce. Au cours des siècles, et singulièrement depuis 300 à 400 ans, l’homme a exercé une pression de sélection énorme en réalisant des croisements orientés vers la création de plus de 300 races ayant des phénotypes répondant à des besoins divers comme la chasse, le gardiennage de troupeaux ou d’installations, ou plus simplement de compagnie et d’aide à la personne [3, 4]. Sur le plan anatomique, ces croisements dirigés ont produit une variété que n’offre aucune autre espèce mammifère. Ils ont aussi modelé des aptitudes comportementales aussi diverses que celles exprimés par le Labrador ou le Pit-bull, par exemple, et une capacité au moins de certaines races à communiquer avec l’homme très supérieure à celle exprimée par le loup ou le chimpanzé [5]. Malheureusement cette sélection fondée sur des caractères phénotypiques ou comportementaux s’est accompagnée de la co-sélection d’allèles morbides responsables à l’état homozygote de nombreuses maladies génétiques de sorte que la plupart des races de chiens – chacune d’entre elles étant peu ou prou un véritable isolat génétique – souffrent d’un grand nombre de maladies souvent spécifiques de races ou de groupes de races apparentées. Au-delà des maladies génétiques à transmission mendélienne simple, beaucoup de races de chien présentent …
Parties annexes
Références
- 1. Lindblad-Toh K, Wade CM, Mikkelsen TS, et al. Genome sequence, comparative analysis and haplotype structure of the domestic dog. Nature 2005 ; 438 : 803-19.
- 2. Ostrander EA, Wayne RK. The canine genome. Genome Res 2005 ; 15 :1706-16.
- 3. Ostrander EA, Galibert F, Patterson DF. Canine genetics comes of age. Trends Genet 2000 ; 16 : 117-24.
- 4. Parker HG, Kim LV, Sutter NB, et al. Genetic structure of the purebred domestic dog. Science 2004 ; 304 : 1160-4.
- 5. Hare B, Brown M, Williamson C, Tomasello M. The domestication of social cognition in dogs. Science 2002 ; 298 : 1634-6.
- 6. Sutter NB, Eberle MA, Parker HG, et al. Extensive and breed specific linkage disequilibrium in Canis familiaris. Genome Res 2004 ; 14 : 2388-96.
- 7. Galibert F, André C, Hitte C. Le chien, un modèle pour la génétique des mammifères. Med Sci(Paris) 2004 ; 20 : 761-6.
- 8. Breen M, Hitte C, Lorentzen TD, et al. An integrated 4249 marker FISH/RH map of the canine genome. BMC Genomics 2004 ; 5 : 1-11.
- 9. Hitte C, Madeoy J, Kirkness EF, et al. Facilitating genome navigation: survey sequencing and dense radiation-hybrid gene mapping. Nat Rev Genet 2005 ; 6 : 643-8.
- 10. Kirkness EF, Bafna V, Halpern AL, et al. The dog genome: survey sequencing and comparative analysis. Science 2003 ; 301 : 1898-903.
- 11. Sutter NB, Ostrander EA. Dog star rising: the canine genetic system. Nat Rev Genet 2004 ; 5 : 900-10.
- 12. Murphy WJ, Larkin DM, Everts-Van der Wind A, et al. Dynamics of mammalian chromosome evolution inferred from multispecies comparative maps. Science 2005 ; 309 : 613-7.