ÉditorialEditorial

Télomères, maladies et vieillissementTelomeres, diseases and aging[Notice]

  • Axel Kahn

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Le terme de sénescence est ambigu. Il peut en effet être appliqué à l’ensemble des modifications anatomiques et physiologiques d’un organisme vieillissant, ou bien aux phénomènes qui caractérisent des cellules au terme d’un certain nombre de réplications. Or, les relations exactes entre la sénescence réplicative ex vivo, d’une part, la longévité des organismes et leur vieillissement, d’autre part, sont complexes et incertaines. En tout état de cause, les mécanismes du vieillissement in vivo ne sont pas réductibles à ceux de la sénescence ex vivo qui n’en constituent sans doute pas la cause principale. Véronique Gire, dans ce numéro (p. 491), traite de la sénescence réplicative des cellules et du rôle qu’y jouent le raccourcissement et le changement de conformation des télomères. Les télomères constituent la structure coiffant l’extrémité du double brin d’ADN des chromosomes. Ils sont constitués d’une répétition de un à quelques dizaines de kilobase(s) d’une séquence de type TTAGGG. À chaque division cellulaire, les modalités de la réplication de l’ADN rendent inéluctables un raccourcissement de cette structure. En effet, si le brin possédant une extrémité 5’ phosphate peut être recopié en totalité puisque l’ADN polymérase progresse sur sa matrice dans le sens 3’-5’ en synthétisant un nouveau polynucléotide de 5’ en 3’, cela n’est pas possible pour le brin complémentaire qui se termine par un nucléotide 3’ OH. Ce dernier ne peut en effet être recopié qu’à partir d’amorces, de petits ARN appelés fragments d’Okasaki. Le premier d’entre eux s’hybride nécessairement à une certaine distance de l’extrémité du brin. Ce phénomène, associé à une dégradation nucléolytique des extrémités des chromosomes, entraîne un raccourcissement qui, pour les télomères humains, est d’environ 100 pb par division cellulaire. Cette érosion peut être accélérée par le stress, sans doute du fait de l’accroissement de l’action d’exonucléases. Au-delà d’une certaine limite, ce raccourcissement aboutit au phénomène cellulaire de sénescence réplicative qui implique les anti-oncogènes p53, p16INK4a et Rb (protéine du rétinoblastome). En 2002, l’équipe de Titia de Lange a montré que l’élément fondamental pour l’induction de la sénescence réplicative était moins la longueur résiduelle des télomères que leur conformation et la protection assurée par une série de protéines se fixant aux répétitions TTAGGG, tout particulièrement TRF2 [1, 2]. TRF2 empêche en effet la fusion des télomères raccourcis et, lorsqu’elle est synthétisée sous la direction d’un vecteur d’expression, retarde légèrement la sénescence de cellules en culture. Quoi qu’il en soit, le maintien de télomères de longueur suffisante et de conformation correcte associés à des protéines protectrices est indispensable à la poursuite des divisions cellulaires. Les cellules souches, qu’elles soient embryonnaires ou somatiques, sont capables de réparer les télomères, et ainsi d’éviter leur raccourcissement progressif grâce à l’activité d’un complexe enzymatique, la télomérase. Celle-ci comporte une protéine de type transcriptase inverse et un petit fragment d’ARN matrice. L’importance de ce phénomène de réparation dans les cellules souches est attestée par les conséquences pathologiques de mutations des constituants de la télomérase. La dyskeratosis congenita, qui associe d’importants troubles des phanères, une leucoplasie muqueuse, une défaillance médullaire et des complications pulmonaires, est liée à l’altération du composant ARN de la télomérase (TERC). La forme autosomique dominante est due à une mutation du gène de ce composant ARN lui-même, alors qu’une autre forme liée à l’X est la conséquence des défauts d’une protéine intervenant dans son apprêtement [3]. L’existence d’une aplasie médullaire dans la dyskeratosis congenita a conduit une équipe américano-canadienne à rechercher des anomalies de la télomérase dans certaines formes d’anémies aplastiques résistantes au traitement immunosuppresseur. Chez 124 malades testés, des mutations hétérozygotes de cinq types différents ont été détectées chez sept …

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