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La datation au 14C pour dater la naissance de nos cellules !
C’est sans doute l’intérêt croissant porté à la notion de cellule souche neurale et l’absence d’outils permettant de calculer le renouvellement de nos cellules in vivo, qui a donné à Jonas Frisen cette idée originale de dater, comme le font les anthropologues ou les archéologues, la naissance de nos cellules avec du carbone 14 [1]. Mais si l’archéologue exploite la relative constance du niveau de 14C sur terre depuis la nuit des temps et la demi-vie extrêmement longue de cet élément (5 730 ans) pour dater rétrospectivement tout matériel biologique ancien, l’équipe suédoise a au contraire mis à profit l’augmentation importante et transitoire de ce niveau après l’utilisation des armes nucléaires sur deux décennies. Ces grandes quantités de 14C ont été distribuées de façon homogène dans l’atmosphère tout autour du globe dans les années 50 et 60 et décroissent d’environ 50 % tous les 11 ans depuis 1963. Peut-on utiliser ce pic aberrant pour dater rétrospectivement la naissance des cellules d’un organe ? Avant de répondre à cette question, l’équipe a vérifié que le niveau de 14C génomique trouvé dans des cellules jeunes, comme des cellules nucléées du sang, correspondait bien au niveau atmosphérique de 14C à la même période. Quinze millions de cellules suffisent pour déterminer le taux de 14C et la précision de la méthode a été estimée à 2 ans. Les auteurs ont alors mesuré l’âge des cellules de différents organes adultes. Ils ont ainsi pu conclure que la moyenne d’âge des cellules intestinales non épithéliales ou des cellules musculaires d’individus d’environ 35 ans était de 15 ans, celle des cellules cérébelleuses de la matière grise correspond à l’âge de l’individu, alors que les cellules de la matière grise du cortex occipital sont plus jeunes. La limitation de cette approche est qu’elle reflète une moyenne des multiples types cellulaires d’un organe. Une étude à l’échelon cellulaire serait donc plus instructive. Les auteurs ont donc appliqué la même stratégie sur des noyaux purifiés de neurones du cortex occipital et démontré que le niveau de 14C de l’ADN correspond au niveau atmosphérique à la naissance des individus étudiés. Ces résultats suggèrent donc que la neurogenèse n’a pas ou très peu lieu chez l’adulte dans cette région du cerveau. Cette approche pourrait s’avérer prometteuse pour étudier le renouvellement cellulaire dans différentes pathologies. Son seul point noir : le niveau de 14C atmosphérique étant désormais très bas, la méthode deviendra inapplicable pour des individus nés après 2000 ! Vue l’ingéniosité du personnage, Jonas, qui n’avait guère plus de 20 ans en l’an 2000, trouvera bien une autre solution que celle de la reprise des essais nucléaires !
Implication du facteur 5 du complément dans la fibrogenèse hépatique
L'hépatite C en trois chiffres : 170 millions d'individus touchés dans le monde, 300 000 morts par an et un quart des patients porteurs d'infection chronique à VHC (virus de l’hépatite C) développant une fibrose hépatique. Il existe cependant une grande variabilité individuelle dans cette progression de la fibrose vers la cirrhose et le carcinome hépatocellulaire. Comment identifier les facteurs de susceptibilité génétique impliqués dans cette variabilité ? Une équipe allemande s'est attelée à cette question en identifiant deux locus de traits quantitatifs (QTL) impliqués dans la susceptibilité au développement d'une fibrose du foie par croisements de lignées congéniques de souris [2]. Le principe de l'approche a consisté à identifier des lignées de souris « susceptibles » et des lignées « résistantes » à la fibrose hépatique induite par le tétrachlorure de carbone (Ccl4), puis à croiser ces deux types de lignées entre elles. On définit ensuite l'haplotype des souris obtenues en balisant l'intégralité de leur génome. La comparaison phénotype/génotype permet alors d'identifier statistiquement des régions génomiques pour lesquelles le degré de similarité génotypique corrèle avec le degré de similarité phénotypique. Les auteurs ont raffiné cette approche jusqu'à, cette fois, démontrer l'implication d'un gène dans cette susceptibilité à la fibrose [3]. La première étape a consisté à réduire l'intervalle établi pour le QTL identifié sur le chromosome 2, puis d'étudier plus avant un gène candidat prometteur : Hc dont l'orthologue chez l'homme est le fragment C5 du complément. En effet, le fragment de clivage C5a du complément est connu pour ses activités pro-inflammatoires et chimio-attractives, entraînant le largage de cytokines, une contraction musculaire lisse et une augmentation de la migration des neutrophiles et de la perméabilité vasculaire. De plus, le récepteur spécifique de C5a, C5R1, est notamment exprimé dans les myofibroblastes activés, cellules en partie à l'origine de la fibrose hépatique. Pour démontrer l'implication du gène Hc dans la fibrose, les auteurs ont créé une lignée transgénique de souris portant un BAC de 118 kb ne contenant que le seul gène Hc. Les souris transgéniques normalement « résistantes » à la fibrose du foie acquièrent un phénotype de susceptibilité. A contrario, l'injection intraveineuse d'un hexapeptide dérivé du segment carboxy-terminal de C5a et dont l'activité inhibitrice sur le récepteur C5R1 a déjà été démontrée, permet de diminuer la fibrose hépatique induite par le Ccl4. Enfin, quatre SNP du gène C5 ont été utilisés pour déterminer l'haplotype de plus de 250 patients infectés par VHC : aucune différence significative n'a été notée entre la population infectée par VHC et la population témoin. En revanche, une différence haplotypique significative entre les patients VHC porteurs d'une fibrose discrète et ceux porteurs d'une fibrose sévère a permis d'identifier un haplotype à haut risque et un haplotype à bas risque. Une augmentation significative du taux sérique de C5 a été détectée chez 100 individus sains porteurs de l'haplotype à haut risque. Ce travail est donc exemplaire, alliant génétique statistique de la souris, démonstration moléculaire et thérapeutique pour une maladie dont l'évolution est sûrement multigénique et qui constitue un des plus importants problèmes de santé publique dans le monde.
Fusionner pour mieux reprogrammer
La reprogrammation d'un génome d'une cellule différenciée vers un état embryonnaire est un des sujets qui passionnent les scientifiques, peut-être encore davantage depuis l'avènement du clonage. Pour appréhender ce phénomène, une équipe américaine (Université d'Harvard) a utilisé un vieux procédé : la fusion artificielle par le polyéthylène glycol de deux types cellulaires, des cellules ES et des fibroblastes humains [4]. Après un système de sélection permettant d'éliminer les cellules parentales, deux clones de cellules hybrides ont été obtenus et comparés aux lignées parentales. Comme les cellules ES de départ, les cellules hybrides se divisent a priori sans sénescence, expriment les marqueurs embryonnaires oct4 et SSEA4, forment des corps embryoïdes et développent, une fois injectées chez la souris nude, des tératomes formés de cellules exprimant des marqueurs des 3 feuillets embryonnaires, mésodermique, endodermique et neurectodermique.
Deux questions essentielles ont ensuite été posées : les gènes embryonnaires de la cellule somatique parentale sont-ils être activés dans la cellule hybride ? La réponse est oui. L'information épigénétique y est-elle également reprogrammée ? La réponse est encore oui, permettant de conclure que ce « mariage » forcé entre cellules ES et cellules somatiques entraîne bien une reprogrammation du matériel génétique somatique vers un état embryonnaire souche. Enfin, pour déterminer si les deux états transcriptionnels embryonnaire et somatique coexistent dans la même cellule, les auteurs ont établi et comparé le transcriptome des trois types cellulaires. Il semble en réalité que la fusion ait réduit au silence 99 % des gènes fibroblastiques.
Même s'ils sont le fruit d'une fusion artificiellement induite, ces résultats ouvrent des perspectives intéressantes pour la compréhension des mécanismes impliqués dans la reprogrammation d'une cellule différenciée. Les auteurs vont même au-delà, imaginant pouvoir remplacer l'ovocyte, dans des expériences de clonage thérapeutique, par une cellule ES. Ainsi serait-il possible de créer, à façon, de nouvelles lignées ES humaines d'intérêt thérapeutique en reprogrammant n'importe quelle cellule somatique par le truchement d'une lignée de cellules ES établie ? Avant d'entériner cette vision futuriste, encore faudrait-il éliminer le génome de la cellule ES parentale tout en gardant le pouvoir de reprogrammation et la pluripotence des cellules ainsi obtenues.
Les transferts ne sont pas que nucléaires dans le monde des cellules souches !
Le sport, et en particulier le football, nous a habitué à la « saison des transferts » encore baptisée plus explicitement mercato pour signifier qu’il s’agit du moment où les clubs achètent et vendent à prix d’or les joueurs dont ils ont ou n’ont plus besoin. Certains scientifiques vont maintenant rejoindre cette rubrique journalistique, à commencer par Midrag Stojkovic, professeur à l’université de Newcastle en Angleterre, qui avait obtenu la première licence autorisant son équipe à effectuer des transferts nucléaires dans le cadre des recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines et le clonage thérapeutique. Il quitte les brumes du Nord-Est pour le ciel ensoleillé de Valence en Espagne et, à en croire le quotidien The Guardian qui en fait sa une [5, 6], les 6 millions de livres de financement de son projet anglais pour devenir directeur du nouveau Centre de Recherche Prince Felipe doté d’un batiment neuf de 274 millions de livres. Le secteur des biotech britannique est en émoi et redoute à son tour le brain-drain !
Une nouvelle piste thérapeutique dans les épilepsies pharmacorésistantes
Les épilepsies affectent près de 1 % de la population, environ 500 000 personnes en France. Les épilepsies pharmacorésistantes présentent un risque de mortalité cinq fois plus élevé que la population normale, mais depuis une quarantaine d'années, les progrès sur la compréhension des mécanismes physiopathologiques et l'amélioration des traitements ont été rares. En particulier, on comprenait mal pourquoi les benzodiazépines, qui sont efficaces pour bloquer les crises à leur début, perdent cette capacité après 30 minutes et deviennent totalement inactives en moins d'une heure. Une explication vraisemblable vient d'être proposée dans une étude qui combine élégamment la visualisation du routage des récepteurs GABAA et la mesure de leurs propriétés fonctionnelles [7]. Sur des tranches d'hippocampe en conditions témoins, les récepteurs GABAA, visualisés en immunocytochimie à l’aide d’anticorps dirigés contre les sous-unités β2/β3, mais aussi les sous-unités γ2 sur lesquelles se fixent les benzodiazépines, sont localisés à la synapse des neurones granulaires du gyrus dentelé. En revanche, 30 minutes après induction du status epilepticus dans le modèle lithium-pilocarpine, la libération du GABA à la synapse est augmentée, et 69 % puis 75 % des récepteurs membranaires visualisés par les sous-unités β2 /β3 et γ2, respectivement, sont internalisés. Parallèlement, la fréquence de l’inhibition synaptique GABAergique diminue de 50 %, ce qui est compatible avec le maintien des crises. En revanche, les récepteurs extrasynaptiques qui contiennent la sous-unité δ et sont responsables de l’activité tonique du GABA, sont toujours actifs. Ces observations sont compatibles avec la cinétique de développement de la pharmacorésistance. Ainsi, l'augmentation de la libération de GABA pendant les crises pourrait conduire à son accumulation dans la fente synaptique et à la désensibilisation et l'internalisation rapide des récepteurs GABAA postsynaptiques, résultant en un défaut d'inhibition et une émergence de crises auto-entretenues. En conséquence, les auteurs proposent de nouvelles pistes thérapeutiques par la manipulation des états de phosphorylation ou des mécanismes d'internalisation et de routage des récepteurs GABAA.
Le virus de la grippe aviaire chez les oiseaux migrateurs
La crainte d’une pandémie grippale est dans l’air, si l’on peut dire, puisqu’on redoute la transmission à l’homme de virus aviaires. Le virus H5N1, à l’état endémique en Chine du Sud, et dans le Sud-Est asiatique chez les volailles, fait l’objet d’une attention particulière. Un certain nombre de cas de maladie humaine ont été identifiés ces dernières années, mais il semblerait, pour l’instant, qu’il n’y a pas de transmission interhumaine. Le virus lui-même a fait l’objet de nombreuses études, en particulier pour la préparation éventuelle d’un vaccin. Une nouvelle étape vient d’être franchie : le virus H5N1, dont on connaissait le foyer en Chine chez les poulets, a récemment été identifié chez des oies migratrices très loin à l’intérieur du continent asiatique [8]. Dans une réserve naturelle de l’ouest de la Chine, connue comme halte d’été d’un certain nombre d’oiseaux migrateurs : oies sauvages (Anser indicus), mouettes (Larus brunnicephalus), cormorans (Phalacrocorax carbo) entre autres, une épidémie en a tué jusqu’à plus de 100 par jour (1 500 au total). Elle atteint surtout des oies, avec signes cliniques typiques d’une infection par H5N1, paralysie, chute de la tête, démarche chancelante, trémulations du cou. À partir de 92 prélèvements faits sur les animaux morts, des virus H5N ont été isolés 28 fois. Ils sont tous presque identiques entre eux, avec un motif d’acides aminés basiques (QGERRRKKR) caractéristique de formes hautement pathogènes de la grippe aviaire. Tous les isolats étaient porteurs d’une mutation de la Lys 627 du gène PB2, qui a été associée à une virulence accrue du virus chez la souris [9]. L’examen des gènes de l’hémagglutinine, de la neuraminidase et d’autres nucléoprotéines a montré que le virus contaminant les oiseaux de la réserve du lac Qinghai était très voisin de celui du sud de la Chine et du Yunnan, d’où il est probablement issu. En revanche, il est assez différent de celui qui a provoqué des cas de maladie humaine en Thaïlande et au Vietnam [10]. Voici donc ce virus hébergé maintenant par les oies migratrices ; il pourrait donc accompagner ces oiseaux lors de leur voyage d’hiver vers le sous-continent indien, où il n’a jamais été observé jusqu’à présent, et dont on connaît la densité de population. De là, il pourrait gagner l’Europe et élargir considérablement sa distribution géographique. Les mesures de surveillance sont importantes, mais elles pourraient s’avérer difficiles.
Méfiez vous de l’ambroisie !
Outre les allergènes qu’il apporte, le pollen a une toxicité propre par la NADPH oxydase qu’il contient. Le pollen de nombreuses plantes contient des allergènes qui, introduits dans l’organisme par voie respiratoire, sont hydrolysés en peptides par les cellules dendritiques, puis présentés aux lymphocytes T par les complexes majeurs d’histocompatibilité de classe II. C’est là le début d’une série de réactions inflammatoires avec envahissement local par les éosinophiles et les macrophages, production de mucine, synthèse d’IgE et hyper-réactivité respiratoire de type asthme ou rhinorrhée. Outre ces allergènes, le pollen contient de nombreuses autres protéines dont la NADPH oxydase qui occupe une place essentielle dans la production des formes actives de l’oxygène (FAO) par les polynucléaires. Boldohg et al. [11] viennent de montrer que cette enzyme apportée par les grains de pollen induisait localement un stress oxydatif aussi important dans le mécanisme de la maladie que l’inhalation d’allergènes. Ils ont, en premier lieu, observé que des extraits de pollen d’ambroisie, plante connue pour être très allergisante, contenait de la NADPH oxydase. Il en fut de même pour 38 extraits de pollen provenant d’autres plantes allergisantes. En revanche, le pollen de pin, très peu allergisant, n’en contenait pas. Ajouté à plusieurs lignées de cellules d’épithélium bronchique en culture, l’extrait de pollen d’ambroisie entraîne la production de FAO autant que le mélange xanthine-xanthine oxydase souvent utilisé dans ce but. L’inhalation de pollen d’ambroisie par des souris sensibilisées est suivie de la production immédiate de FAO dans le liquide de lavage bronchique précédant l’envahissement par les cellules pro-inflammatoires et les excluant ainsi comme source possible de ces FAO. Lorsque le pollen d’ambroisie est débarassé de la NADPH oxydase, il devient beaucoup moins capable de produire une réaction inflammatoire locale et d’attirer éosinophiles et macrophages alors que l’administration simultanée de ce pollen modifié et d’une source de FAO restaure cette capacité. De même, l’administration de pollen dépourvu de NADPH oxydase augmente le nombre de cellules riches en mucine et la synthèse d’IgE spécifique de l’antigène dans des proportions bien moindres que le pollen intact. Les auteurs concluent à l’existence de deux processus, le premier étant le stress oxydatif dépendant de la NADPH oxydase seule et sans lien avec la réponse immune, le second étant la réaction inflammatoire en réponse à l’introduction d’allergènes. On doit noter que le second processus est amplifié par le premier. À l’inverse de composés comme le gluthation oxydé et le 4-hydroxynonénal formés lors du stress oxydatif et qui possèdent la propriété intrinsèque d’attirer les cellules pro-inflammatoires, l’antigène purifié Amb 1 extrait du pollen d’ambroisie et dépourvu de NAPDH oxydase est beaucoup moins actif que l’extrait total. Associé aux produits d’oxydation, il récupère son activité. Il faut maintenant vérifier si les inhibiteurs de la NADPH oxydase peuvent prévenir ou amoindrir les manifestations inflammatoires des voies respiratoires chez l’homme en réponse à l’inhalation d’allergènes.
Pourquoi la femme n'est plus sûre d'être la mère biologique de ses enfants…
Jusqu'à présent, l'homme pouvait douter de sa paternité, la femme restait imperméable à ce type d'angoisse… Il n'en sera désormais plus ainsi, du moins si l'on en croit les récents travaux de l'équipe de J. Tilly (Harvard Medical School, Boston, MA, USA) [12] ! Ce groupe avait déjà défrayé la chronique en publiant l'an passé un article suggérant que la production d'ovocytes pouvait persister chez la souris adulte [13]. Ces résultats sont toujours controversés. Cette même équipe bouleverse à nouveau les dogmes en prétendant qu'après une transplantation de moelle ou de cellules sanguines circulantes, des souris stériles produisent des ovocytes. Les cellules souches hématopoïétiques (CSH) et les cellules germinales primordiales (CGP) prennent leur origine dans la même région de l'épiblaste proximal, colonisent une zone appelée AGM (aorta-gonad-mesonephros) avant de migrer vers le foie pour les premières et vers les gonades foetales pour les secondes. Les auteurs ont alors émis l'hypothèse que la moelle adulte pouvait contenir des CGP après avoir détecté, dans des extraits de moelle adulte femelle, l'expression de marqueurs de cellules germinales (Oct4, Mvh, DazL, Stella et Nobox). La moelle de femelles adultes a alors été transplantée chez des souris rendues stériles chimiquement ou génétiquement (souris dépourvues d'ovocytes par invalidation du gène ataxie-télangiectasie). Dans les deux cas, les souris transplantées possèdent des centaines de follicules contenant des ovocytes à différentes étapes de leur développement, contrairement aux femelles non transplantées. Afin de savoir si les cellules circulantes pouvaient participer à la production d'ovocytes, des cellules du sang périphérique issues de souris transgéniques exprimant le marqueur fluorescent GFP de façon ubiquiste ou uniquement dans leurs ovocytes ont été transplantées à des femelles stériles ou non. Des ovocytes GFP+ ont été détectés dans tous les cas, et ce seulement 28 heures après la transfusion ! Ces travaux pourraient ouvrir sur des perspectives thérapeutiques de la stérilité féminine ou de la ménopause prématurée. À condition naturellement que la preuve définitive soit apportée : la naissance de souriceaux portant le génotype des cellules transplantées ! En attendant, voilà de quoi susciter quelques interrogations chez les femmes ayant enfanté après une transplantation de moelle d'une donneuse de sexe féminin !
Un micro-ARN pour diriger le rapport différenciation-croissance cardiaque
S'il est un monde actuellement en pleine expansion, c'est bien celui des micro-ARN ! Leur importance chez les mammifères ne cesse de trouver des preuves, mais leur fonction est en revanche plus complexe à déchiffrer. Une équipe américaine vient d'impliquer un de ces micro-ARN dans le contrôle du développement cardiaque [14]. Les auteurs ont tout d'abord recherché in silico des micro-ARN conservés parmi les espèces et spécifiquement exprimés dans le coeur. Deux micro-ARN codés par deux gènes différents mais quasiment identiques, appelés miR-1-1 et miR-1-2, ont ainsi été identifiés. Afin de déterminer le patron d'expression de ces micro-ARN au cours du développement, l'équipe a créé des souris transgéniques exprimant le marqueur bleu LacZ sous le contrôle des séquences d'amont de ces gènes. Ainsi, il a été établi que l'expression de miR-1 était restreinte au muscle et au coeur en développement avec une préférence ventriculaire pour miR-1-2 et atriale pour miR-1-1. Dans le coeur, cette expression intervient après 8,5 jours de vie embryonnaire au moment de la rotation du tube cardiaque. Le niveau de cette expression est essentiel puisqu'une surexpression artificielle induite chez des animaux transgéniques provoque la mort embryonnaire de l'animal par arrêt de la prolifération des cardiomyocytes. Plus surprenant est le mode de régulation de ces gènes qui les place à la fois en amont et en aval de facteurs connus pour être impliqués dans la cardiogenèse. En effet, le facteur de transcription SRF (serum response factor), essentiel au cours du développement cardiaque [15], contrôle positivement l'expression de ces micro-ARN. D'autres facteurs myogéniques comme myocardine, Mef2 et MyoD, sont également probablement impliqués. Quant aux cibles de ces micro-ARN, toujours plus délicates à mettre en évidence, elles semblent au moins impliquer un facteur essentiel pour le développement du coeur et dont le transcrit est présent tout au long de son ontogenèse : Hand2. Ainsi, miR-1 pourrait ralentir la croissance cardiaque en diminuant l'expression de Hand-2 à une période cruciale du développement. Pourquoi ajouter encore à la complexité déjà étonnante du profil de développement d'un tel organe ? Il s'agit peut être d'une solution fort économique, permettant avec un micro-ARN d'atteindre plusieurs cibles protéiques et d'obtenir ainsi un contrôle fin de l'ontogenèse… On attend en tout cas avec impatience de connaître le phénotype induit par l'invalidation de ces gènes et leur implication potentielle dans des maladies génétiques cardiaques chez l'homme.
Transmission culturelle de l’usage d’un outil chez les dauphins
Les dauphins sont connus pour leurs dons d’imitation, aussi bien dans la nature qu’en captivité. Une observation, faite en Australie dans la baie des requins, a montré que, chez des dauphins souffleurs à nez de bouteille (de l’espèce Tursiops), certains sont capables d’utiliser un outil, en l’occurrence une éponge, et que, curieusement, la transmission « culturelle » de ce savoir se fait selon un mode matrilinéaire [16]. Ce type d’observation n’avait été fait jusqu’à présent que chez des primates (chimpanzé, orang-outang), jamais chez un cétacé. Le suivi a porté pendant une période de 14 ans (de 1988 à 2002) sur plus de 9 000 animaux dont plusieurs centaines ont été photographiés. Certains animaux utilisent une éponge arrachée au fond marin : après l’avoir enroulée autour de leur nez, ils s’en servent comme outil pour explorer les cavités et attraper des poissons. Cette pratique n’a été observée que dans des eaux profondes (≥ 8 m), ce qui n’a pas facilité les biopsies qui ont été réalisées sur 185 dauphins ! Parmi les animaux ayant subi une étude génétique, treize d’entre eux utilisaient une éponge et tous, sauf un, étaient des femelles. Le fait que de nombreuses femelles n’utilisent pas d’éponge exclut une explication purement écologique. Pour tenter d’expliquer ce phénomène, les génomes ont été comparés. L’examen d’une séquence de 355 pb de l’ADN mitochondrial a montré que l’ensemble des 13 animaux sauf un étaient porteurs du même haplotype, alors que celui-ci n’est retrouvé que chez 11,35 % des femelles et 5,41 % des mâles. Cette association non aléatoire (p < 0,001) du comportement et d’une séquence d’ADN mitochondrial démontre donc une transmission matrilinéaire, et non une acquisition individuelle. L’ADN génomique a été caractérisé par l’étude de 12 microsatellites hypervariables, chez les animaux utilisant une éponge et chez ceux qui ne l’utilisaient pas, tant mâles que femelles. La comparaison des résultats a permis d’éliminer toutes les autres hypothèses de transmission, monogéniques ou polygéniques, liées à un autosome, à l’Y ou à l’X. Le seul mécanisme envisageable est une transmission culturelle matrilinéaire. Il est possible que, dans ce groupe assez homogène, toutes les utilisatrices d’éponges procèdent d’une ancêtre commune assez récente. Les auteurs insistent sur le caractère exceptionnel de cette transmission de mère à fille.
L’indulgence des Parques
Les lecteurs de médecine/sciences n’ont pas manqué d’être informés de la découverte du gène KLOTHO qui porte le nom d’une des trois Parques censées détenir le fil de la destinée des humains dans l’antiquité gréco-romaine ((→) m/s 1998, n° 2, p. 236).
Le gène fut identifié grâce à une lignée mutante de souris qui présentaient un vieillissement prématuré [17]. Les souris homozygotes pour cette mutation entraînant une perte de fonction disparaissaient de façon prématurée vers l’âge de deux mois après avoir présenté toutes sortes de manifestations caractéristiques de la sénilité. Chez l’homme, certains polymorphismes du gène KLOTHO furent retrouvés chez des patients atteints d’artériosclérose ou d’ostéoporose. Mais jusqu’à présent les fonctions précises de la protéine Klotho étaient restées mal connues. Le groupe de Makoto Kuro-o, qui avait déjà identifié le gène, vient d’élucider son rôle grâce à l’étude de souris transgéniques le surexprimant sous le contrôle du promoteur du facteur d’élongation 1α humain [18]. Comparées à celles des souris témoins (souris presque co-isogéniques dans une lignée C3H), la durée de vie des souris transgéniques est augmentée de 30 % chez les mâles, et de 20 % environ chez les femelles. La prise de nourriture et le poids sont équivalents chez les témoins et les souris transgéniques (ce qui élimine une augmentation de la durée de vie due à une réduction de la consommation ou à une plus petite taille). En revanche, les souris surexprimant Klotho ont une augmentation de la résistance à l’insuline et à l’IGF1 (insulin growth factor). Chez les mâles, les concentrations en insuline sont plus élevées, et moindre, l’apport de glucose nécessaire pour maintenir normal le taux de glycémie. Bien que la résistance à l’insuline n’ait pu être observée chez les femelles, celles-ci avaient toutefois une résistance à l’IGF1 très significative. Cette inhibition de la voie de signalisation insuline/IGF1 se fait par l’intermédiaire du domaine extracellulaire de Klotho qui fonctionne comme une hormone en agissant directement sur les tissus périphériques. Klotho se fixe à la surface des cellules (sur des récepteurs différents des récepteurs insuliniques). Il inactive les récepteurs à l’insuline en supprimant la phosphorylation de la tyrosine. Cette inhibition est spécifique car les auteurs ont montré que Klotho n’avait d’action inhibitrice ni sur EGFR (epidermal growth factor receptor), ni sur PGFR (platelet-derived growth factor receptor). Enfin, l’inhibition de la signalisation insuline/IGF1 est la cause directe du retard d’apparition des signes de sénescence et de l’allongement de la durée de vie des souris surexprimant Klotho. Ainsi, c’est en agissant comme une hormone peptidique modulant la voie insuline/IGF1 et en contrôlant le métabolisme de l’insuline que Klotho préside à la destinée des êtres. Nous ignorons encore le rôle biologique des deux autres Parques vénérables, Lachesis et Atropos (qu’on verrait bien en modulatrice le la mort cellulaire), mais nous savons à présent que Clotho n’est autre qu’une hormone anti-vieillissement.
Une dérive épigénétique explique la différenciation progressive des jumeaux
Nous avons tous connu des jumeaux homozygotes quasiment identiques au début de leur vie. Puis ils se différencient, et la différence phénotypique va en augmentant avec les années. Même s’ils succombent à la même maladie, ce peut être à un âge très différent. On a incriminé des causes environnementales ou les habitudes de vie, sans aucune certitude. Ces différences ne sont associées à aucune modification de la séquence nucléotidique de l’ADN. Mais on connaît depuis quelques années d’autres marqueurs, transmis lors de la division cellulaire, et groupés sous le nom d’épigénétique. Un travail international récent, impliquant Espagnols, Suédois, Britanniques et Américains, coordonné à Madrid, met en évidence l’accumulation au cours de l’existence de ces modifications épigénétiques qui différencient les jumeaux [19]. Les auteurs ont étudié chez 18 jumeaux volontaires, dont l’homozygotie a été vérifiée par détermination de microsatellites, différentes modifications épigénétiques : la méthylation de l’ADN, sa quantification globale et la méthylation spécifique de certains sites d’une part, et l’acétylation des histones H3 et H4, d’autre part. On sait que ces deux types de modifications sont liées, interfèrent avec l’expression de gènes, spécifiant ainsi une identité cellulaire. On a mis en évidence des divergences substantielles se constituant progressivement entre jumeaux, réparties sur tout le génome, permettant d’employer le terme de dérive épigénétique (epigenetic drift). Le profil d’expression des gènes à partir de l’ARN est également différent, et cela d’autant plus que les jumeaux sont plus âgés. L’étude a été faite en majorité sur les lymphocytes du sang périphérique, mais un certain nombre de résultats ont été vérifiés sur d’autres types cellulaires : cellules épithéliales buccales, graisse intra-abdominale, muscle squelettique. Il n’est pas possible, actuellement, de savoir si ces différences s’expliquent par des facteurs externes ou internes, l’environnement ou des mécanismes stochastiques, les deux causes n’étant pas exclusives l’une de l’autre. Une question est cependant soulevée dans un commentaire du travail original [20]. Si la majorité du travail a été effectuée à partir de lymphocytes périphériques, il faudrait aussi tenir compte des modifications de cette population avec l’âge des sujets, les sujets âgés ayant évidemment plus de cellules T mémoire et moins de cellules T naïves. Mais l’auteur admet lui-même que la question est secondaire, et que la dérive épigénétique a toute chance d’être la véritable cause des modifications de l’expression génétique.
L’homéopathie n’est rien d’autre qu’un placebo
Introduite en thérapeutique il y a près de 200 ans, l’homéopathie repose sur la croyance de l’efficacité du traitement par les « semblables » (substances capables de reproduire la maladie chez le sujet sain) à des dilutions telles qu’il ne reste plus dans la solution à administrer aucune molécule du produit original. L’information serait transférée du soluté au solvant par de vigoureuses agitations. Dès son apparition, l’homéopathie a fait l’objet de controverses sur la réalité de ses effets. À son actif, ses défenseurs ont produit ces dernières années des publications concluant que le traitement homéopathique était supérieur à l’effet placebo dans les affections les plus diverses, très souvent pour de petits échantillons. A. Shang et al. [21] représentant plusieurs centres de recherche suisses et britanniques viennent, à l’aide d’une métaanalyse, de confirmer que ces publications souffraient de biais méthodologiques qui leur enlèvent toute crédibilité. Pour cela, ils ont interrogé 19 bases de données, retenu - quelle que soit la langue de publication — les études obéissant à certaines règles élémentaires (groupe témoin traité par placebo, choix du traitement par tirage au sort, échantillons suffisamment larges pour permettre l’analyse statistique, définition précise de l’évaluation des résultats), examiné les références citées dans les articles sélectionnés et pris contact avec des experts de la spécialité. Au final, 105 publications rapportant 110 essais thérapeutiques ont été sélectionnées et comparées à un nombre identique d’essais thérapeutiques conventionnels. Ils ont été couplés pour les maladies traitées et les méthodes d’évaluation et obtenus par tirage au sort à partir du registre « Cochrane ». Ces études incluaient un nombre moyen de 65 malades. Parmi cet ensemble, 21 essais de traitement homéopathique et 9 de traitement conventionnel furent considérés de qualité supérieure (essais en double aveugle avec tirage au sort adéquat, nombre élevé de patients). Les résultats furent convertis en odds ratios de telle manière que des valeurs inférieures à 1 correspondent à des résultats bénéfiques. Une analyse statistique détaillée fut entreprise prenant en compte l’hétérogénéité entre essais et la recherche de l’effet de diverses variables (qualité de l’essai, langue de publication, durée de l’étude, indexation ou non de la revue sur Medline, nature de la maladie traitée…). Les résultats de la comparaison sont sans ambiguïté : si l’on s’en tient aux études de qualité supérieure, les odds ratios sont 0,88 (0,65 à 1,19) pour l’homéopathie et 0,58 (0,39 à 0,85, donc toutes inférieures à 1 et ainsi bénéfiques) pour la médecine conventionnelle. Dans les deux groupes, les études de moindre qualité portant sur des échantillons restreints donnent un plus grand nombre de résultats positifs. Ainsi, si l’on tient compte des biais présents dans les analyses portant sur les deux méthodes thérapeutiques, on ne trouve aucun argument en faveur d’un effet bénéfique de l’homéopathie, alors qu’il existe de solides raisons en faveur de l’efficacité des traitements conventionnels. Ce travail devrait ranger de façon définitive l’homéopathie au rang des illusions. Mais, on le sait, il y a loin entre la mise en évidence d’une vérité scientifique et son adoption par le public et, même… nombre de professionnels. À cet égard, Michael McCarthy dans un éditorial paru dans le même numéro du Lancet [22] commente la première version connue d’un rapport de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Ce rapport apparaît comme le type même de la publication biaisée puisqu’il retient les seules études en faveur de l’homéopathie en ignorant les autres et passe sous silence les noms des experts consultés. Devant les critiques de la communauté scientifique, l’OMS fait valoir qu’il ne s’agit là que d’une étape préliminaire destinée à faciliter les recherches ultérieures. On peut cependant s’étonner que l’OMS apporte sa caution à une méthode thérapeutique largement prouvée comme inefficace.
Parties annexes
Références
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