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L’audition et l’équilibre dépendent de l’intégrité de l’oreille interne, composée de deux parties : la cochlée, responsable de l’audition, et le vestibule, responsable de l’équilibre (Figure 1). L’épithélium neurosensoriel de la cochlée des mammifères, ou organe de Corti, comprend deux types de cellules : les cellules sensorielles, ou cellules ciliées, internes (CCI) et externes (CCE) (Figure 1), responsables de la transduction auditive, et les cellules de soutien.

Figure 1

Organisation de l’oreille interne.

Organisation de l’oreille interne.

A. Vue en coupe de l’oreille humaine. Après avoir été capté par le pavillon et avoir cheminé dans le canal auditif externe, le son fait vibrer le tympan et les osselets qui assurent la transmission mécanique de la vibration sonore jusqu’à la cochlée, organe sensoriel de l’audition. B. Vue de surface de l’organe de Corti. Les principaux éléments nécessaires à la transduction auditive se trouvent à l’intérieur de la cochlée au niveau de l’organe de Corti qui contient une mosaïque complexe de cellules ciliées sensorielles et cellules de soutien. On y trouve deux types de cellules sensorielles : une rangée de CCI (cellules ciliées internes) et trois rangées de CCE (cellules ciliées externes). Au sommet de toutes les cellules ciliées se trouvent des stéréocils, structures indispensables à la mécanotransduction. Pour plus de détails sur l’anatomie fonctionnelle de la cochlée, voirhttp://www.iurc.montp.inserm.fr/cric/audition/.

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Dans l’oreille interne des mammifères, le nombre des cellules sensorielles est fixé définitivement après la phase de différenciation cellulaire. Chez l’homme, on dénombre ainsi en moyenne 3 500 CCI et 12 000 CCE dans une cochlée différenciée, dès le 5e mois de la vie foetale. Par la suite, ce nombre de cellules, ridiculement faible pour une fonction aussi sophistiquée que l’audition, ne fait que décroître au fil du temps en raison des agressions d’origine exogène et endogène (drogues ototoxiques, bruits intenses, accidents ischémiques…) qui les altèrent, ou tout simplement de l’âge.

Les surdités neurosensorielles touchent près de 22 millions d’européens, soit 6 % de la population et, dans la majorité des cas, elles résultent de lésions entraînant des pertes de cellules ciliées ((→) m/s 2004, n° 3, p. 304 et p. 311).

Cette situation est différente dans l’oreille in-terne des vertébrés inférieurs et des oiseaux. Dans ces espèces, les cellules ciliées détruites par le bruit ou des substances ototoxiques sont remplacées par de nouvelles cellules ciliées [1, 2] qui proviennent en partie d’une réactivation de la prolifération des cellules de soutien. Il y a vraisemblablement, dans l’évolution phylogénétique de l’oreille interne des mammifères, un stade où l’épithélium sensoriel perd cette propriété de conserver une population de cellules souches ou celle de permettre leur prolifération et leur différenciation en de nouvelles cellules ciliées. Toutefois, une capacité très limitée de régénération des cellules ciliées subsiste probablement dans le système vestibulaire des mammifères [3]. Depuis ces découvertes, de nombreux travaux ont été entrepris pour essayer de stimuler, dans l’organe de Corti du mammifère, un processus de régénération analogue à celui qui est observé chez les oiseaux et les vertébrés inférieurs. Le remplacement des cellules ciliées détruites par de nouvelles cellules ciliées pourrait en effet constituer une solution thérapeutique aux troubles de l’audition d’origine neurosensorielle, pour lesquels il n’existe à ce jour aucun traitement curatif permettant de restaurer la fonction auditive.

Dans cet objectif, une équipe de chercheurs de l’Université de Harvard à Boston, dirigée par Stephan Heller a mis au point un protocole expérimental permettant d’obtenir in vitro des cellules progénitrices des structures sensorielles de l’oreille interne [4]. Ces chercheurs ont cherché à orienter la différenciation de cellules souches embryonnaires de souris (cellules ES), en cellules sensorielles de l’oreille interne en combinant plusieurs facteurs de croissance comme l’EGF (epidermal growth factor), l’IGF-I (insulin growth factor I) et des FGF (fibroblast growth factor) impliqués dans le développement de l’oreille interne [5-8]. Après dix jours de culture en présence d’EGF et d’IGF-I, suivis de huit jours en présence de bFGF (basic FGF), 96 % des cellules dérivant de corps embryoïdes (agrégats cellulaires se formant spontanément lors du retrait du LIF de la culture de cellules ES, et qui indique la perte du caractère indifférencié des cellules ES et leur engagement dans un processus de différenciation) expriment un marqueur spécifique de la différenciation des cellules ES (cellules progénitrices neuroendocrines), la nestine. Après le retrait de ces facteurs de croissance, ces cellules progénitrices se différencient en plusieurs types de cellules de l’oreille interne, notamment en cellules ciliées.

Pour que ce protocole puisse aboutir à une application thérapeutique, il fallait vérifier d’abord que les cellules progénitrices obtenues à partir des cellules ES, une fois greffées, s’intègrent dans l’épithélium cochléaire et se différencient in vivo en cellules ciliées. Des cellules ES préalablement traitées par l’EGF, l’IGF-I et le bFGF ont été injectées dans la vésicule otique d’embryons de poulet. L’examen des animaux chimères a montré qu’une partie des cellules injectées s’intègre rapidement à l’épithélium de la vésicule otique, préférentiellement au niveau de régions de l’épithélium qui avaient été lésées juste avant la greffe. Lorsque la région est examinée plus tardivement après la greffe, les cellules greffées sont notamment retrouvées dans les couches cellulaires constituant l’ébauche embryonnaire de la cochlée. Ces cellules expriment des gènes et des protéines caractéristiques des cellules ciliées matures normales de l’épithélium cochléaire. Les auteurs estiment donc que l’obtention de cellules progénitrices des cellules de l’oreille interne à partir des cellules ES peut, à terme, déboucher sur le développement de thérapies cellulaires pour traiter les surdités neurosensorielles.

Cependant, le recours à de telles thérapies pose une fois de plus le problème de l’utilisation des cellules ES humaines. Des recherches complémentaires de la même équipe, publiées pratiquement en même temps que les travaux précédents [9], ont abouti à la découverte que des cellules souches adultes présentes dans l’oreille interne, pourraient permettre de contourner cette difficulté. En effet, ces chercheurs ont réussi à isoler une nouvelle population de cellules souches, nichées au plus profond de la composante vestibulaire de l’oreille interne de la souris adulte (Figure 2). Une fois cultivées in vitro, ces cellules forment des sphères (agrégats cellulaires flottants) qui prolifèrent après l’addition des facteurs de croissance de type EGF et IGF dans le milieu de culture. Une fraction de cellules des sphères expriment un ensemble de marqueurs comme Pax2, BMP-4 et BMP-7 (bone morphogenetic protein) caractéristiques du développement de l’oreille interne. Comme le faisait celle des cellules issues des cellules ES, la greffe des cellules souches adultes de la souris dans l’oreille interne de l’embryon du poulet a conduit à la production de plusieurs types cellulaires, dont certaines expriment un phénotype de cellules ciliées.

Figure 2

Potentiel régénératif des cellules souches du vestibule de la souris.

Potentiel régénératif des cellules souches du vestibule de la souris.

Les épithéliums sensoriels de l’oreille interne sont composés de deux types cellulaires : les cellules ciliées (rose) et les cellules de soutien (vert). L’équipe de S. Heller [9] a mis en évidence l’existence d’une population de cellules souches nichées (bleu) dans l’épithélium utriculaire de la souris adulte. À la suite de la perte des cellules ciliées, les cellules souches réactivent leur cycle cellulaire, se divisent et donnent naissance à des cellules progénitrices qui ont la capacité de se différencier en cellules ciliées sensorielles et en cellules de soutien.

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L’ensemble de ces travaux constitue une première approche sur laquelle les chercheurs peuvent s’appuyer pour tester le potentiel thérapeutique des cellules souches dans les surdités neurosensorielles. Néanmoins, avant d’envisager l’utilisation des cellules souches pour restaurer la fonction auditive chez les patients malentendants, leur efficacité thérapeutique doit d’abord être testée dans des modèles animaux de surdité, ou chez des animaux âgés.