Devant la pénurie de greffons, trouver une alternative à la transplantation de foie a toujours été une sorte de quête du Graal. La transplantation d’hépatocytes isolés est apparue comme une approche séduisante, mais les essais cliniques sont restés peu nombreux et décevants, limités par l’absence d’expansion de ces cellules in vivo. Pourtant, les capacités d’autorenouvellement et de reconstitution du foie font de l’hépatocyte une sorte de cellule souche monopotente. Des transplantations en série ont en effet démontré, chez le rongeur, l’extraordinaire capacité de division de cette cellule in vivo. D’autres cellules bipotentes, appelées cellules ovales et capables de différenciation en hépatocytes ou en cellules biliaires, ont également été observées dans des conditions pathologiques chez l’homme ou d’induction spécifique chez le rongeur. Leur présence dans des cholangiocarcinomes et la difficulté d’obtenir une population homogène de cellules ovales les ont écartées des approches de thérapie cellulaire. D’après les données les plus récentes, existe-t-il d’autres cellules souches dans l’organisme, à la naissance ou à l’âge adulte, capables de remplir la fonction hépatocytaire ? Les premiers travaux tentant de répondre à cette question datent de presque cinq ans. Depuis, de nombreuses observations sont venues conforter la notion que des cellules médullaires portent une capacité de se transformer in vivo en hépatocytes. Il est ainsi possible de détecter, après greffe de moelle, des cellules provenant du donneur dans le foie du receveur. Parmi celles-ci, on trouve majoritairement des macrophages et des cellules endothéliales, mais aussi parfois des cellules parenchymateuses hépatiques. Cette observation a-t-elle néanmoins une pertinence physiologique ou thérapeutique ? La plupart des travaux ultérieurs ont orienté leurs conclusions vers une réponse négative, tant cet événement de différenciation cellule médullaire-hépatocyte semble rare [1-3]. Très récemment, l’équipe de E.D. Zanjani a utilisé le foie foetal de mouton pour démontrer la capacité de cellules souches hématopoïétiques (CSH) humaines de participer à l’« hépatopoïèse ». En effet, cette équipe a développé depuis plus de 10 ans un modèle de mouton humanisé en tirant profit de la tolérance immune des foetus au cours de la gestation. Après transplantation intrapéritonéale de cellules souches hématopoïétiques humaines chez le foetus au cours de la gestation, les agneaux présentent un chimérisme qui persiste après la naissance. L’équipe de E.D. Zanjani vient désormais de montrer que ces animaux, chimériques dans leur moelle et leur sang, présentent également des hépatocytes humains dérivés des cellules souches injectées. De plus, il semble exister une corrélation directe entre la formation d’hépatocytes et le chimérisme hématopoïétique [4]. Les CSH humaines peuvent ainsi participer au développement du foie à une hauteur de 17 % des hépatocytes, 11 mois après transplantation (Figure 1). Enfin, argument incontournable pour définir la plasticité de cellules souches, les cellules humaines isolées de la moelle de premiers receveurs gardent cette plasticité après transplantation secondaire. Il est possible que le contexte foetal soit particulièrement propice à cette plasticité cellulaire. Chez le rongeur, il a été démontré que les hépatocytes dérivés de la moelle provenaient en réalité d’un événement de fusion entre une cellule myélomonocytaire issue de la moelle donneuse [5-7] et un hépatocyte résident. Cependant, d’autres résultats sont venus récemment contredire cette observation : il serait en effet possible d’obtenir des cellules hépatiques à partir de cellules médullaires en l’absence de fusion in vivo chez la souris [8] ou dans le modèle du foie foetal de mouton [4], voire in vitro lorsque des cellules souches hématopoïétiques sont mises en présence de sérum d’animaux au foie lésé [9]. Néanmoins, les différences expérimentales entre la nature des cellules transplantées, les méthodes de détection et les modèles receveurs empêchent de tirer une conclusion définitive sur la réelle …
Parties annexes
Références
- 1. Mallet VO, Mitchell C, Mezey E, et al. Bone marrow transplantation in mice leads to a minor population of hepatocytes that can be selectively amplified in vivo. Hepatology 2002 ; 35 : 799-804.
- 2. Wagers AJ, Sherwood RI, Christensen JL, et al. Little evidence for developmental plasticity of adult hematopoietic stem cells. Science 2002 ; 297 : 2256-9.
- 3. Wang X, Montini E, Al-Dhalimy M, et al. Kinetics of liver repopulation after bone marrow transplantation. Am J Pathol 2002 ; 161 : 565-74.
- 4. Almeida-Porada G, Porada CD, Chamberlain J, et al. Formation of human hepatocytes by human hematopoietic stem cells in sheep. Blood 2004 ; 104 : 2582-90.
- 5. Alvarez-Dolado M, Pardal R, Garcia-Verdugo JM, et al. Fusion of bone-marrow-derived cells with Purkinje neurons, cardiomyocytes and hepatocytes. Nature 2003 ; 425 : 968-73.
- 6. Camargo FD, Finegold M, Goodell MA. Hematopoietic myelomonocytic cells are the major source of hepatocyte fusion partners. J Clin Invest 2004 ; 113 : 1266-70.
- 7. Willenbring H, Bailey AS, Foster M, et al. Myelomonocytic cells are sufficient for therapeutic cell fusion in liver. Nat Med 2004 ; 10 : 744-8.
- 8. Harris RG, Herzog EL, Bruscia EM, et al. Lack of a fusion requirement for development of bone marrow-derived epithelia. Science 2004 ; 305 : 90-3.
- 9. Jang YY, Collector MI, Baylin SB, et al. Hematopoietic stem cells convert into liver cells within days without fusion. Nat Cell Biol 2004 ; 6 : 532-9.
- 10. Jiang Y, Jahagirdar BN, Reinhardt RL, et al. Pluripotency of mesenchymal stem cells derived from adult marrow. Nature 2002 ; 418 : 41-9.
- 11. Kogler G, Sensken S, Airey JA, et al. A new human somatic stem cell from placental cord blood with intrinsic pluripotent differentiation potential. J Exp Med 2004 ; 200 : 123-35.
- 12. Schwartz RE, Reyes M, Koodie L, et al. Multipotent adult progenitor cells from bone marrow differentiate into functional hepatocyte-like cells. J Clin Invest 2002 ; 109 : 1291-302.