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Quand la diversité du répertoire des immunoglobulines augmente!Antibody diversity is endless![Notice]

  • Frédéric Ducancel

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  • Frédéric Ducancel
    CEA, DIEP, UMR
    CEA/bioMérieux, Bât. 152, CE de Saclay,
    91191 Gif-sur-Yvette Cedex, France.
    frederic.ducancel@cea.fr

Depuis la mise en évidence du rôle des immunoglobulines (anticorps) dans la réponse immune, les scientifiques ont cherché à expliquer comment un répertoire limité d’anticorps peut interagir avec un nombre quasi infini d’antigènes. En effet, les sites antigéniques reconnus par les anticorps peuvent être portés par toutes les molécules du monde vivant: sucres, lipides, acides nucléiques, petites molécules chimiques (haptènes), peptides, protéines; il peut aussi s’agir de structures moléculaires complexes telles que des protéines glycosylées. Cette diversité de reconnaissance apparaît plus grande encore par le fait qu’une même macromolécule peut exposer plusieurs sites antigéniques à sa surface, et que des anticorps sont également capables de reconnaître des composés organiques synthétiques, ainsi que des molécules du soi (dans les maladies auto-immunes). Les travaux de S.Tonegawa [1], qui lui valurent de recevoir le Prix Nobel de Médecine en 1987, constituèrent une avancée décisive dans la compréhension de l’origine de la diversité du répertoire des anticorps. Au cours du processus de sélection clonale, la combinaison d’un nombre fini de gènes, associée à l’imprécision de la jonction de ces différents gènes, à la combinatoire chaîne lourde-chaîne légère, et enfin aux mutations somatiques ponctuelles disséminées le long des régions variables des chaînes lourdes et légères, constituait jusqu’à maintenant l’ensemble des mécanismes à l’origine de la diversité du répertoire des immunoglobulines. Toutefois, des travaux récents établissent qu’un niveau supplémentaire de variabilité du répertoire des anticorps existe! En effet, les résultats publiés dans la revue Science [2, 3] par D. S. Tawfik et al. démontrent qu’une même molécule d’anticorps peut pré-exister sous plusieurs conformations structurales, chacune étant susceptible de reconnaître un antigène spécifique (Figure 1). Un tel scénario avait été envisagé par Linus Pauling dès 1940 [4], et repris plus récemment sur la base de données expérimentales sur la cinétique de formation de complexes anticorps-antigène [5, 6]. Ces derniers travaux suggéraient qu’un équilibre puisse exister entre plusieurs (au moins deux) conformations structurales (isomères) d’un anticorps unique, et que le ligand principal de cet anticorps reconnaissait préférentiellement un de ces isomères! L’importance des travaux publiés par D.S. Tawfik et al. tient en ce qu’ils apportent des preuves expérimentales directes de l’existence d’un équilibre entre plusieurs isoformes de conformation différente d’un même anticorps, chaque isomère étant capable d’interagir spécifiquement avec des antigènes aussi différents qu’une petite molécule chimique (haptène) et une protéine globulaire. Cette démonstration repose sur l’analyse structurale par diffraction de rayons X de cristaux de l’anticorps SPE7, un anti-haptène initialement, seul ou sous la forme de complexes anticorps-antigène. Le premier résultat de cette étude structurale est que l’anticorps non complexé cristallise sous deux conformations différentes notées Ab1 et Ab2(Figure1): chaque formation présente une organisation spatiale tout à fait différente au niveau de régions importantes constituant son site de liaison ou paratope:les boucles hypervariables 3 des domaines variables des chaînes lourde et légère. Ces différences aboutissent à deux types de paratopes:un paratope assez plat et régulier dans le cas d’Ab1 (une organisation typique d’anticorps qui lient des peptides ou des protéines), alors qu’Ab2 présente un paratope en forme d’entonnoir se terminant par une cavité profonde, aspect caractéristique d’un anticorps spécifique d’haptène. L’obtention des structures cristallographiques de l’anticorps SPE7 complexé à trois haptènes différents, à permis aux auteurs d’établir: (1) que, comme le laissait prévoir la structure de son paratope, c’est bien l’isomère Ab2 qui a été sélectionné pour lier de tels ligands; (2) que cet isomère particulier est par ailleurs capable de lier efficacement différents haptènes; et (3) que cette capacité de liaison fait intervenir des réarrangements structuraux induits (induced-fit) qui permettent à l’anticorps SEP7 de s’adapter aux …

Parties annexes