L’hypothalamus, qui est la cible de facteurs circulants capables d’informer le cerveau de l’état des réserves et des besoins énergétiques de l’organisme, joue un rôle clé dans la régulation de la prise alimentaire [1, 2]. Les hormones impliquées dans cette signalisation peuvent agir à long terme, comme la leptine et l’insuline dont les concentrations plasmatiques sont corrélées à la masse de tissu adipeux [3, 4], ou à court terme, comme la ghréline, un peptide sécrété par les cellules endocrines de la paroi gastrique et qui stimule la prise alimentaire [5]. Dans un article paru récemment dans la revue Nature, l’équipe de Bloom montre que l’hypothalamus est la cible d’un autre peptide circulant, le peptide YY3-36 (PYY3-36), une hormone de la famille du neuropeptide Y (NPY) qui est sécrétée pendant la période post-prandiale par les cellules endocrines tapissant l’intestin grêle et le côlon ((→) m/s 1998, n° 2, p. 223 et 1999, n° 2, p. 283) [6]. La concentration plasmatique en PYY3-36 est proportionnelle à la quantité de calories ingérées et reste élevée durant plusieurs heures après la fin du repas. Le PYY3-36 induit une sensation de satiété pendant une période de 12 heures. La durée d’action du PYY3-36 est donc plus longue que celle des peptides agissant de façon immédiate sur la prise individuelle des repas comme la ghréline et la cholécystokinine. Dans cet article, les auteurs montrent également que, à l’instar de la leptine, de l’insuline et de la ghréline, le site d’action du PYY3-36 est le noyau arqué de l’hypothalamus. Ces travaux ont le mérite de clarifier les mécanismes impliqués dans l’intégration des signaux hormonaux au niveau du noyau arqué et dans la transmission des informations nécessaires aux réponses comportementales et métaboliques permettant de maintenir l’équilibre énergétique. Le noyau arqué, situé dans la région médiobasale de l’hypothalamus, contient deux populations distinctes de neurones peptidergiques qui exercent des effets opposés sur le contrôle de la prise alimentaire et du poids corporel [7]. Le premier groupe de neurones, localisés dans la partie ventromédiane du noyau, synthétisent le NPY et l’agouti-related protein (AgRP), deux neuropeptides qui, contrairement au PYY3-36, stimulent l’appétit et diminuent la dépense énergétique. Un tiers de ces neurones produit également un autre facteur orexigène, le GABA. Le second groupe de neurones, situés dans les régions latérales du noyau, expriment la pro-opiomélanocortine (POMC) et sécrètent l’α-melanocyte-stimulating hormone (α-MSH), neuropeptide qui inhibe la prise de nourriture et augmente le catabolisme. La plupart des neurones à POMC expriment le neuropeptide cocaine-amphetamine-regulated transcript (CART) qui exerce un effet anorexigène. Les neurones appartenant à chacun de ces groupes se projettent entre autres vers le noyau paraventriculaire et l’aire latérale de l’hypothalamus, lesquels contiennent d’autres réseaux neuropeptidergiques anorexigènes (CRH [corticotropin-releasing hormone], TRH [thyrotropin-releasing hormone]) et orexigènes, MCH [melanin-concentrating hormone], orexines). Les deux groupes de neurones projettent aussi leurs axones au sein même du noyau arqué, ce qui sous-tend des interactions étroites entre les deux systèmes neuropeptidergiques et laisse envisager l’existence de mécanismes de rétrocontrôle. D’une façon générale, lorsque l’un des groupes de neurones est stimulé, l’autre est freiné. Ainsi, à la suite d’un jeûne prolongé, les neurones à NPY sont activés tandis que les neurones à POMC sont inhibés, aboutissant à une stimulation de l’appétit et une récupération des réserves énergétiques. Les neurones NPYergiques du noyau arqué expriment également l’AgRP qui agit comme un antagoniste naturel des récepteurs centraux MC3-R et MC4-R des mélanocortines. L’activation des neurones à NPY/AgRP peut donc stimuler la prise alimentaire par deux voies différentes: en augmentant les taux …
Parties annexes
Références
- 1. Kalra SP, Dube MG, Pu S, Xu B, Horvath TL, Kalra PS. Interacting appetite-regulating pathways in the hypothalamic regulation of body weight. Endocrinol Rev 1999; 20: 68-100.
- 2. Woods SC, Seely RJ. Adiposity signals and the control of energy homeostasis. Nutrition 2000; 16: 894-902.
- 3. Zhang Y, Proenca R, Maffei M, Barone M, Leopold L, Friedman JM. Positional cloning of the mouse obese gene and its human homologue. Nature 1994; 372: 425-32.
- 4. Woods SC, Lotter EC, McKay LD, Porte Jr D. Chronic intracerebroventricular infusion of insulin reduces food intake and body weight of baboons. Nature 1979; 282: 503-5.
- 5. Nakazato M, Murakami N, Date Y, et al. A role of ghrelin in the central regulation of feeding. Nature 2001 : 409; 194-8.
- 6. Batterham RL, Cowley MA, Small CJ, et al. Gut hormone PYY(3-36) physiologically inhibits food intake. Nature 2002; 418: 650-4.
- 7. Schwartz MW, Woods SC, Porte Jr D, Seeley RJ, Baskin DG. Central nervous system control of food intake. Nature 2000; 404: 661-71.
- 8. Cone RD, Cowley MA, Butler AA, Fan W, Marks DL, Low MJ. The arcuate nucleus as a conduit for diverse signals relevant to energy homeostasis. Int J Obesity 2001; 25: 563-7.
- 9. Cowley MA, Smart JL, Rubinstein M, et al. Leptin activates anorexigenic POMC neurons through a neural network in the arcuate nucleus. Nature 2001; 411: 480-4.
- 10. Jégou S, Blasquez C, Delbende C, Tranchand Bunel D, Vaudry H. Regulation of α-melanocyte-stimulating hormone release from hypothalamic neurons. Ann NY Acad Sci 1993; 680: 260-78.
- 11. Bagnol D, Lu XY, Kaelin CB, et al. Anatomy of an endogenous antagonist: relationship between agouti-related protein and proopiomelanocortin in brain. J Neurosci 1999; 19:1-7.
- 12. Jégou S, Boutelet I, Vaudry H. Melanocortin-3 receptor mRNA expression in pro-opiomelanocortin neurones of the rat arcuate nucleus. J Neuroendocrinol 2000; 12: 501-5.