Le rendez-vous des neurosciences françaises a lieu tous les deux ans lors du colloque de la Société des Neurosciences. Cette année, Yves Agid et moi-même sommes heureux que la revue médecine/sciences ait accepté de scander cet événement en consacrant un numéro à ce champ thématique. Notre objectif est de rendre accessible au plus grand nombre les acquisitions les plus récentes dans des domaines particuliers. Les articles publiés dans ce numéro de médecine/sciences illustrent des aspects de la neurobiologie moléculaire et cellulaire (T. Galvez et J.P. Pin, p. 559), du développement du système nerveux (A. Ghysen et C. Dambly-Chaudière; T. Claudepierre et F. Pfrieger, p. 575 et 601), des mécanismes centraux de la douleur (R. Dallel et al., p. 567), de la neuropsychologie (M. Jeannerod, p. 621), des troubles affectifs (V. Daugé, p. 607), des neurosciences cognitives (D. Boussaoud, p. 583) et de la génétique corrélée aux maladies neurologiques (J.C. Liévens et S. Birman; O. Corti et A. Brice, p. 593 et 613). Les neurosciences représentent un domaine scientifique extrêmement vaste. Le terme « neurosciences » est apparu au début des années 1970 lorsque des scientifiques nord-américains ont décidé de rassembler en une seule société biologistes moléculaires et cellulaires, physiologistes, cliniciens et autres s’intéressant au système nerveux. La Society for Neuroscience était ainsi créée, et son premier congrès eut lieu en 1971. Depuis, d’autres sociétés nationales ont vu le jour, dont la Société des Neurosciences, française, en 1988. Ce regroupement avait pour objectif de concentrer les efforts de recherche sur l’étude du cerveau en développant les échanges - en termes d’outils, d’idées, de techniques et de réflexions, entre experts de disciplines diverses et souvent éloignées telles que la biologie, l’électrophysiologie, la neurologie, la psychiatrie… Il s’agissait de focaliser la recherche, donnant ainsi au mot « pluridisciplinarité » sa pleine valeur. Cette stratégie s’est concrétisée par des avancées spectaculaires dans de nombreux domaines. En particulier, il a semblé impératif que la composante biomédicale soit soutenue en impliquant les données fondamentales. J’ai commencé mon métier de chercheur à la faculté de médecine de Strasbourg en cette fameuse année 1970, étudiant les enzymes de synthèse des neurotransmetteurs aminergiques, champ scientifique qui valut cette même année le Prix Nobel à Julius Axelrod, Ulf von Euler et Bernard Katz. Biochimiste de formation, j’ai néanmoins toujours perçu les neurosciences comme un vaste champ dans lequel on ne pouvait dissocier les aspects les plus moléculaires des composantes les plus intégrées, ces dernières incluant évidemment les neurosciences cliniques. Cette conception, qui paraît aujourd’hui évidente, a été encore illustrée récemment par un atelier de formation de l’Inserm consacré aux méthodes d’analyse en neuropsychologie. Plusieurs cas de malades, victimes d’un accident vasculaire cérébral ou atteints de dégénérescence du tissu cérébral ont été décrits. Un patient ayant une lésion du corps calleux après un accident vasculaire cérébral présentait ainsi, après récupération, une déconnexion hémisphérique: la main droite contrecarrait l’ensemble des actions engendrées par la main gauche; dans une autre séquence, un malade atteint d’une démence à corps de Lewy présentait un syndrome de Capgras, prenant des personnes proches pour des imposteurs, des sosies ou des espions, et agissant comme un étranger à leur encontre. Outre leur aspect pathétique, ces deux exemples abordent un terrain philosophique: l’intégrité de la conscience humaine associée à l’intégrité du cerveau et de son fonctionnement. Le développement spectaculaire de l’imagerie médicale au cours des dix dernières années a permis de pénétrer l’intimité du cerveau sans l’abîmer, et de mettre en lumière les cheminements et les modalités de mise en oeuvre de la pensée, du langage, des actions… Cette même technique …
Parties annexes
Références
- 1. Fukuyama F. La fin de l’homme, les conséquences de la révolution biotechnique. Paris: La Table Ronde, 2002.
- 2. Kirkwood T. Time of our lives: why ageing is neither inevitable nor necessary. Londres: Phoenix, 1999.