En 1921, Santiago Ramón y Cajal décrit les cellules immatures observées dans le cerveau comme des « cellules neuro-épithéliales transformées déplacées ». Le concept de l’existence de cellules susceptibles de se diviser et de renouveler des populations neuronales dans le cerveau adulte s’oppose depuis quelque temps au principe de base de la neurogenèse qui est de s’achever avec la période développementale. Ce principe était, il est vrai, déjà bien malmené par les observations accumulées depuis deux décennies, des capacités de remodelage liées à l’activité physiologique ou aux réponses post-lésionnelles. Quelques démonstrations de l’existence de précurseurs neuraux étaient pourtant parues à deux reprises, au début des années 1960 [1] et dans le milieu des années 1980 [2], donnant les prémices de ce qui est devenu une aventure scientifique enthousiasmante, couplée à des perspectives thérapeutiques sans précédent [3-5]. Contrairement aux autres vertébrés, notamment les oiseaux [5], la neurogenèse dans le système nerveux central (SNC) des mammifères adultes est restreinte à deux régions, la zone sous-ventriculaire (ZSV) des ventricules latéraux et la couche sous-granulaire du gyrus dentelé (GD) dans l’hippocampe. Les précurseurs qui naissent dans la ZSV migrent le long du trajet rostral jusqu’au bulbe olfactif où ils se différencient en interneurones dans les couches granulaire et glomérulaire (voir Figure 1 de la Nouvelle de N. Picard-Riera et al., p. 264 de ce numéro). Au niveau de l’hippocampe, les neurones nouvellement formés s’intègrent dans le circuit de la couche granulaire du GD. Dans les deux cas, il s’agit de neurones, mais leur phénotype neurochimique diffère: ceux du bulbe olfactif sont GABAergiques, il s’agit d’interneurones inhibiteurs, ceux du GD sont glutamatergiques, excitateurs, et ont des projections longues, bien que non myélinisées. Le cerveau adulte contient donc des progéniteurs susceptibles de donner naissance à des neurones fonctionnellement très différents. Ce potentiel s’étend à d’autres structures, comme le striatum, et est fortement exacerbé par une situation lésionnelle expérimentale. Toujours contrairement aux oiseaux, chez lesquels les neurones nouvellement formés sont indispensables à l’adaptation saisonnière du chant, on ignore la finalité de cette « neurogenèse adulte » chez les mammifères, pourtant présente chez toutes les espèces étudiées, y compris chez l’homme [6]. L’engouement pour les cellules souches s’explique par le fait que la neurogenèse chez l’adulte est très exacerbée par les situations expérimentalement pathologiques, ce qui ouvre des perspectives thérapeutiques importantes pour les maladies neurodégénératives. On sait que l’épilepsie, l’ischémie cérébrale, ou la lésion du système nigro-strié, accroissent considérablement la neurogenèse observée spontanément dans la ZSV et le GD [7]. Le cerveau dispose donc d’un potentiel latent d’auto-réparation. Cependant, l’étendue des déficits fonctionnels dans ces trois situations indique que ce potentiel, s’il existe, reste inefficace. Cet échec peut s’expliquer de différentes façons: soit les précurseurs produisent un nombre insuffisant de neurones, soit ceux-ci ne sont pas viables, soit ils sont incapables de restaurer les fonctions affectées en raison d’un défaut de différenciation. Ce défaut peut correspondre à l’acquisition d’un phénotype inadéquat en termes morpho-fonctionnels, ou encore à un défaut d’axogenèse ou de synaptogenèse, étapes ultimes de la différenciation qui conditionnent leur intégration dans le circuit lésé. Si les premières conditions étaient envisageables, voire démontrées dans certains cas, la troisième restait bien lointaine. Deux articles viennent de repousser les limites du possible. Accentuer la prolifération des précurseurs neuraux ne signifie pas augmenter le nombre de neurones. Les progéniteurs peuvent donner naissance à différents types de cellules, neurones, astroglie et oligodendrocytes en particulier [8]. Leur prolifération est contrôlée par une combinatoire de facteurs activés par l’état lésionnel. Bien que ces facteurs ne soient pas, ou encore très peu, connus -les analyses in vitro ont permis d’en définir un …
Parties annexes
Références
- 1. Altman J. Are new neurons formed in the brain of adult mammalians? Science 1962; 135: 1127-8.
- 2. Gage FH. Neurogenesis in the adult brain. J Neurosci 2002; 22: 612-3.
- 3. Alvarez-Buylla A, Seri B, Doetsch F. Identification of neural stem cells in the adult vertebrate brain. Brain Res Bull 2002; 57: 751-8.
- 4. Kempermann G. Why new neurons? Possible functions for adult hippocampal neurogenesis. J Neurosci 2002; 22: 635-8.
- 5. Nottebohm F. Why are some neurons replaced in adult brain? J Neurosci 2002; 222: 624-8.
- 6. Temple S. Stem cell plasticity-building the brain of our dreams. Nat Rev Neurosci 2001; 2: 513-20.
- 7. Parent JM, Valentin VV, Lowenstein DH. Prolonged seizures increase proliferating neuroblasts in the adult rat subventricular zone-olfactory bulb pathway. J Neurosci 2002; 22: 3174-88.
- 8. Reynolds BA, Weiss S. Generation of neurons and astrocytes from isolated cells of the adult mammalian central nervous system. Science 1992; 255: 1707-10.
- 9. Arvidsson A, Collin T, Kirik D, et al. Neuronal replacement from endogenous precursors in the adult brain after stroke. Nat Med 2002; 8: 963-70.
- 10. Nakatomi H, Kuriu T, Okabe S, et al. Regeneration of hippocampal pyramidal neurons after ischemic brain injury by recruitment of endogenous neural progenitors. Cell 2002; 110: 429-41.