La séquence complète d’un génome eucaryote fut obtenue pour la première fois en 1996 chez la levure de boulanger Saccharomyces cerevisiae [1]. Il apparut alors que la moitié des gènes avaient échappé aux cribles de la mutagenèse classique et que, pour bon nombre d’entre eux, leur fonction ne pouvait être prédite par l’analyse de leur séquence. Des études d’analyse fonctionnelle furent alors développées chez S. cerevisiae, comme le projet EUROFAN, financé par la Commission européenne, qui conduisit au clonage et à la délétion individuelle de 700 gènes de S.cerevisiae de fonction totalement inconnue (http://mips.gsf.de/proj/eurofan/index.html). Récemment, un consortium américano-européen a construit 5916 mutants délétés, soit une collection presque complète du génome (96,5 % des phases ouvertes de lecture annotées [ORF, open reading frame] de S. cerevisiae) [2-3]. Chaque gène a été remplacé par une cassette de délétion contenant le gène bactérien KanR responsable chez la levure de la résistance à la généticine [4], et de part et d’autre de celui-ci, deux séquences de 20 nucléotides distinctes et différentes pour chaque délétion (Figure 1). Ces séquences, qui constituent des code-barres caractérisant spécifiquement chaque gène délété, permettent d’analyser en parallèle un mélange de souches délétées. La collection de souches délétées est cultivée dans un milieu donné et des échantillons cellulaires sont prélevés au cours de la croissance. L’ADN des cassettes de délétion est extrait et amplifié par PCR grâce à deux oligonucléotides communs à toutes les cassettes de délétion, puis il est hybridé à des puces à ADN Affymétrix® correspondant aux 11832 code-barres des cassettes de délétion. Dans un mélange de souches, l’abondance d’une souche particulière, quantifiée par l’intensité du signal obtenu sur les puces à ADN, permet d’estimer son aptitude à la croissance et d’en déduire l’avantage ou le désavantage sélectif conféré par une délétion donnée dans des conditions de culture définies (Figure 2). Ainsi, si un gène est nécessaire à la croissance dans des conditions données, l’intensité du signal correspondant au code-barre de sa délétion diminuera rapidement au cours de la croissance dans ces conditions. Cette approche a été utilisée pour identifier les gènes de levure impliqués dans la respiration mitochondriale. L’ADN mitochondrial ne code que pour un petit nombre des polypeptides des complexes de la chaîne respiratoire et de l’ATP-synthase, la grande majorité des protéines mitochondriales étant codées par l’ADN nucléaire et importées dans la mitochondrie. On estime qu’à peine 60 % des protéines mitochondriales ont été identifiées. Quatre mille sept cent-six souches homozygotes délétées ont été cultivées sur 9 milieux discriminants pour la fonction respiratoire, contenant, par exemple, une source carbonée fermentescible comme le glucose, ou non fermentescible comme le glycérol, ou bien encore un agent découplant tel que le dinitrophénol qui perméabilise la membrane mitochondriale aux protons (Figure 2). La validité de la méthode a été vérifiée sur les 425 ORF mitochondriales de levure déjà connues, dont il a fallu soustraire 72 ORF non analysables pour diverses raisons (délétion létale ou impossible à réaliser, signal trop faible pour l’analyse sur puce à ADN). Sur les 353 ORF restantes qui produisent un signal quantifiable, 201 mutants produisent un signal plus faible en milieu non fermentescible qu’en milieu fermentescible et sont donc spécifiquement affectés dans la respiration. Dans un second temps, les 4706 souches délétées ont été classées en quatre catégories d’après leur profil en milieu respiratoire, la classe III (466 gènes) correspondant aux souches spécifiquement affectées en présence de glycérol (conditions respiratoires). Cette classification a permis de découvrir 161 nouvelles protéines, de localisation subcellulaire et de fonction inconnues, impliquées dans la respiration mitochondriale. La moitié d’entre elles contiennent un …
Parties annexes
Références
- 1. Goffeau A, Barrell BG, Bussey H, et al. Life with 6000 genes. Science 1996; 274: 563-7.
- 2. Winzeler EA, Shoemaker DD, Astromoff A, et al. Functional characterization of the S. cerevisiae genome by gene deletion and parallel analysis. Science 1999; 285: 901-6
- 3. Giaver G. Functional profiling of the Saccharomyces cerevisiae genome. Nature 2002; 418: 387-91.
- 4. Wach A, Brachat A, Pohlmann R, Philippsen P. New heterologous modules for classical or PCR-based gene disruptions in Saccharomyces cerevisiae. Yeast 1994; 10: 1793-808
- 5. Foury F, Kucej M. Yeast mitochondrial biogenesis: a model system for humans? Curr Opin Chem Biol 2002; 6: 106-11.
- 6. Grunenfelder B, Winzeler EA. Treasures and traps in genome-wide data sets: case examples from yeast. Nat Rev Genet 2002; 3: 653-61.
- 7. Pflieger D, Le Caer JP, Lemaire C, Bernard BA, Dujardin G, Rossier J. Systematic identification of mitochondrial proteins by LC-MS/MS. Anal Chem 2002; 74: 2400-6
- 8. Hughes TR, Marton MJ, Jones AR, et al. Functional discovery via a compendium of expression profiles. Cell 2000; 102: 109-26.
- 9. Steinmetz LM, Scharfe C, Deutschbauer AM, et al. Systematic screen for human disease genes in yeast. Nat Genet 2002; 31: 400-4.