La psychose maniaco-dépressive encore appelée trouble affectif bipolaire, qui touche 1 % de la population adulte, est caractérisée par une alternance plus ou moins rapide d’épisodes dépressifs et de phases maniaques. Les traitements préconisés visent, d’une part, à diminuer la sévérité des décompensations aiguës par l’administration de neuroleptiques lors des phases maniaques ou d’antidépresseurs lors des épisodes dépressifs, et, d’autre part, à prévenir les récidives par l’administration de thymorégulateurs. Le lithium, l’acide valproïque et la carbamazépine sont les trois principaux thymorégulateurs prescrits lors du traitement prophylactique des psychoses maniaco-dépressives. Bien que l’efficacité clinique de ces psychotropes ne soit plus à démontrer, les mécanismes d’action à l’origine de leurs effets bénéfiques restent controversés. Il est maintenant bien établi que le lithium, en inhibant certaines enzymes impliquées dans le cycle métabolique des phospho-inositides, provoque une déplétion en inositol (Figure 1) [1]. Le lithium est également un inhibiteur de la glycogène synthase kinase-3β, et d’ailleurs la délétion du gène codant pour cette enzyme induit les mêmes effets tératogènes que le lithium, à savoir une dorsalisation de la blastula lors de l’embryogenèse chez le xénope [2]. L’acide valproïque bloque le métabolisme des polyphospho-inositides [3] mais pourrait également agir via l’inhibition de l’histone désacétylase [4] ou la surexpression de Bcl-2 [5]. En menant une étude comparative sur le développement du myxomycète Dictyostelium discoideum et sur la croissance axonale de neurones sensoriels de rats en culture, les équipes d’Adrian Harwood et d’Anne Mudge, de University College à Londres, démontrent que le lithium, l’acide valproïque et la carbamazépine agissent sur une cible commune, le cycle métabolique des phospho-inositides. Le myxomycète Dictyostelium discoideum est un modèle de choix dans l’étude de l’effet des thymorégulateurs sur le métabolisme de l’inositol dans la mesure où les mécanismes de transduction des signaux chez ce protiste présentent de fortes homologies avec ceux des eucaryotes supérieurs. Lorsque les conditions nutritionnelles sont optimales, Dictyostelium vit sous une forme unicellulaire appelée myxamibe. Lorsque les conditions deviennent défavorables, les myxamibes s’agrègent par chimiotactisme pour former un pseudoplasmode, puis entrent dans une phase de développement marquée par la différenciation d’un appareil fructifère. Les chercheurs londoniens ont montré que le lithium et l’acide valproïque provoquent une diminution de la concentration basale d’inositol trisphosphate (IP3) et bloquent la phase d’agrégation des myxamibes [6, 7]. Le lithium et l’acide valproïque induisent également chez Dictyostelium une surexpression du gène codant pour l’inositol-1-phosphate synthase dont la transcription est réprimée par l’inositol in vivo. Ces données démontrent que le lithium et l’acide valproïque provoquent l’un et l’autre une déplétion en inositol, laquelle engendre une diminution de la concentration basale d’IP3. Ces résultats confortent donc l’hypothèse selon laquelle le cycle des phospho-inositides est situé au coeur du mécanisme d’action des thymorégulateurs. Prenant avantage de l’haploïdie de Dictyostelium, ainsi que de la petite taille de son génome, les chercheurs londoniens ont produit par mutagenèse insertionnelle (technique de restriction enzyme-mediated integration) une lignée cellulaire de Dictyostelium résistante aux effets du lithium et de l’acide valproïque sur la phase d’agrégation cellulaire. L’étude de cette souche a révélé, d’une part, que ces myxamibes présentent des taux d’IP3 supérieurs à ceux des cellules sauvages et, d’autre part, que leur phénotype est dû à l’invalidation du gène codant pour la prolyl oligopeptidase (EC 3.4.21.26, POP), une protéase à sérine qui hydrolyse les peptides du côté C-terminal des résidus proline. De fait, l’inactivation de la POP par invalidation génique ou par l’utilisation d’inhibiteurs sélectifs induit une augmentation des taux d’IP3 consécutive à une déphosphorylation de l’inositol (1,3,4,5,6)-pentakisphosphate (IP5, Figure 1) [7]. Ces résultats démontrent que cette protéase à sérine, …
Parties annexes
Références
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