Chroniques génomiquesTales of the Genome

Le business du clonageThe cloning business[Notice]

  • Bertrand Jordan

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  • Bertrand Jordan
    Marseille-Genopole, case 901,
    Parc Scientifique de Luminy,
    13288 Marseille Cedex 9, France.

Le clonage animal promet d’être une activité rentable. Certes, des interrogations persistent: bien que la liste des espèces clonées continue à s’allonger (après le chat, le lapin [1] et le poisson-zèbre [2]), le taux de succès reste toujours très faible, de l’ordre de 1 %, et la « normalité » des animaux obtenus fait débat [3, 4]. Néanmoins, l’entrepreneur de ce secteur peut espérer tirer un jour le gros lot: ce que les analystes du marché appellent une killer application, une utilisation susceptible d’être généralisée et de produire d’importants profits. Les applications pouvant donner lieu à d’importants chiffres d’affaires - telles qu’on peut les envisager aujourd’hui - rentrent pour l’essentiel dans trois catégories: la reproduction d’individus exceptionnels, l’obtention d’animaux génétiquement modifiés pour produire des médicaments, et la fabrication d’animaux « donneurs » pour des xénogreffes. Dans chacun de ces cas subsistent encore nombre d’incertitudes - mais tout développement industriel est un pari, et celui-ci intéresse beaucoup d’investisseurs. La reproduction à l’identique et, si nécessaire en nombre important, d’animaux adultes de haute valeur commerciale (ou sentimentale pour ce qui est des animaux de compagnie [5]) ((→) m/s 2001, n°5, p. 604) est un domaine déjà bien exploré. Il ne demande, pour décoller vraiment, que la levée des incertitudes encore présentes concernant la bonne santé des individus obtenus. Notons cependant que la commercialisation de viande ou de lait provenant d’animaux clonés reste interdite, aux États-Unis, par la puissante Food and Drug Administration (FDA), alors que certains éleveurs projetaient de passer à cette étape dès 2003. Cette administration a adressé fin 2001 un avertissement aux entreprises du domaine, comme Infigen ou Advanced Cell Technology, pour leur indiquer que les animaux clonés constituaient à son sens des produits nouveaux soumis à autorisation, au même titre que les vaccins ou les antibiotiques à usage vétérinaire. La restriction est d’autant plus importante qu’elle s’applique également, au stade actuel, à la descendance des animaux en question. Or le marché du clonage de bovins est en grande partie fondé sur la commercialisation, à un prix unitaire de l’ordre de 30000 dollars, de reproductrices d’élite obtenues par clonage à partir d’animaux exceptionnels… La FDA a apparemment été surprise par la rapidité avec laquelle le clonage est devenu une activité commerciale, et par l’émergence d’un marché pour ces animaux. Sa réaction, qui suscite évidemment beaucoup d’inquiétudes parmi les firmes du secteur, semble largement motivée par la perspective d’une apparition prochaine d’animaux génétiquement manipulés afin d’accroître leur production de lait ou de modifier les caractéristiques de leur viande. Ce n’est pas une vue de l’esprit: une entreprise australienne a récemment obtenu quatre génisses dont l’ADN comporte un exemplaire supplémentaire du gène de la caséine; l’objectif est d’augmenter la teneur en caséine, et donc la valeur marchande, du lait produit. D’autres prévoient d’intervenir sur le gène de la myostatine, composant important du muscle, afin d’améliorer les caractéristiques de la viande. Ces perspectives, techniquement très proches, laissent entrevoir de belles batailles entre industriels, écologistes et instances de contrôle. Si l’on en croit les remous provoqués par l’introduction des OGM végétaux, l’on peut également s’attendre à des réactions fort peu enthousiastes de la part des consommateurs… La FDA a confié une étude sur ce sujet à un comité formé sous la responsabilité du National Research Council, émanation de la très officielle Académie Nationale des Sciences des États-Unis. Ce comité a rendu fin août 2002 un avis mitigé, indiquant que les animaux simplement clonés ne posaient probablement pas de problème particulier, mais que ceux dont les gènes avaient été modifiés devaient faire l’objet d’études supplémentaires et d’une réglementation à élaborer. …

Parties annexes