La restriction calorique prolonge la durée de vie de nombreux animaux [1]. Ainsi, la longévité d’une souris dont l’alimentation est limitée peut être jusqu’à 30 % supérieure à celle d’une souris qui se nourrit à volonté. Des expériences sont en cours sur de grands singes pour déterminer si ce phénomène existe également chez les primates. Les résultats préliminaires obtenus sont prometteurs et suggèrent que la restriction calorique pourrait augmenter la longévité humaine [2, 3]. Il s’agirait alors du seul traitement connu pour accroître notre espérance de vie. Les mécanismes par lesquels la restriction calorique agit sur la longévité sont inconnus. L’explication la plus couramment invoquée implique les radicaux libres. Ces molécules, produites par la respiration cellulaire, sont fortement réactives et peuvent oxyder lipides, protéines et acides nucléiques dans la cellule. L’accumulation de dommages dus aux radicaux libres serait l’une des causes du vieillissement cellulaire [4,5]. De nombreux résultats expérimentaux confortent cette théorie: par exemple, la durée de vie de la drosophile est accrue par l’augmentation de l’expression des enzymes qui neutralisent les radicaux libres dans cet organisme. Chez les mammifères, la restriction calorique semble s’accompagner d’une diminution des dommages oxydatifs [5]. Ainsi, la restriction calorique pourrait diminuer la formation des radicaux libres en ralentissant le métabolisme et/ou en renforçant les mécanismes de défense cellulaire contre l’oxydation. La levure de boulanger Saccharomyces cerevisiae est, elle aussi, soumise au vieillissement, et on appelle durée de vie des cellules le nombre de divisions qu’elles peuvent effectuer avant d’atteindre la sénescence ((→) m/s 1999, n° 12, p. 1454). Leonard Guarente et son équipe ont montré que les effets bénéfiques de la restriction calorique s’appliquent également à S. cerevisiae [6]. Ces cellules sont habituellement cultivées en présence de glucose. Or, la diminution de la concentration de glucose dans le milieu de culture augmente la durée de vie des cellules de 20 à 30 % [6] ((→) m/s 2001, n° 6-7, p. 764). Partant de cette observation, Lin et al. ont utilisé des techniques de génétique et de biologie moléculaire pour disséquer les mécanismes par lesquels la restriction calorique augmente la longévité des cellules de levure [7]. Leurs résultats sont surprenants à plus d’un titre. En effet, contrairement aux résultats attendus, les cellules carencées ne sont pas plus résistantes aux dommages oxydatifs que des cellules témoins. Au contraire, la restriction calorique s’accompagne d’un accroissement de la respiration et, de façon surprenante, c’est cet accroissement de la respiration qui est lui-même responsable de l’allongement de la longévité. Le groupe de Guarente, en mesurant l’oxygène consommé par les cellules, a tout d’abord observé que la restriction calorique provoquait une augmentation de la respiration cellulaire. On peut proposer une explication simple à ce phénomène. La levure dispose de deux voies métaboliques principales pour produire de l’ATP à partir de nutriments: la respiration et la fermentation. La fermentation est une cascade de réactions enzymatiques qui a lieu dans le cytoplasme. En revanche, la respiration met en oeuvre le cycle de l’acide tricarboxylique et les réactions de phosphorylation oxydative qui ont lieu dans les mitochondries. Quand les ressources nutritives sont abondantes, la fermentation est prédominante. Quand ces ressources se raréfient, les cellules privilégient la respiration, qui produit plus d’ATP. L’augmentation de l’activité respiratoire des cellules soumises à une restriction calorique peut donc se comprendre, mais a-t-elle un rôle dans l’accroissement de la longévité? Pour le savoir, les auteurs ont d’abord produit des cellules incapables de respirer. Pour ce faire, ils ont délété des cellules le gène CYT1, qui code pour le cytochrome c1. Ce transporteur des électrons de la membrane mitochondriale est indispensable à la respiration. …
Parties annexes
Références
- 1. Masoro EJ. Caloric restriction and aging: an update. Exp Gerontol 2000; 35: 299-305.
- 2. Lane MA, Tilmont EM, De Angelis H, et al. Short-term calorie restriction improves disease-related markers in older male rhesus monkeys. Mech Ageing Dev 2000; 112: 185-96.
- 3. Roth GS, Lane MA, Ingram DK, et al. Biomarkers of caloric restriction may predict longevity in humans. Science 2002; 297: 811.
- 4. Johnson FB, Sinclair DA, Guarente L. Molecular biology of aging. Cell 1999; 96: 291-302.
- 5. Lee CK, Klopp RG, Weindruch R, Prolla TA. Gene expression profile of aging and its retardation by caloric restriction. Science 1999; 285: 1390-3.
- 6. Lin SJ, Defossez PA, Guarente L. Requirement of NAD and SIR2 for life-span extension by calorie restriction in Saccharomyces cerevisiae. Science 2000; 289: 2126-8.
- 7. Lin SJ, Kaeberlein M, Andalis AA, et al. Calorie restriction extends Saccharomyces cerevisiae lifespan by increasing respiration. Nature 2002; 418: 344-8.
- 8. Blom J, De Mattos MJ, Grivell LA. Redirection of the respiro-fermentative flux distribution in Saccharomyces cerevisiae by overexpression of the transcription factor Hap4p. Appl Environ Microbiol 2000; 66: 1970-3.
- 9. Defossez PA, Lin SJ, McNabb DS. Sound silencing: the Sir2 protein and cellular senescence. Bioessays 2001; 23: 327-32.