La cause la plus fréquente de décès dans la population adulte des pays industrialisés demeure la mort subite liée à la maladie coronarienne. Son incidence est de l’ordre de 0,36-1,28 cas annuels pour 1000 habitants [1]. Dans 75-80 % des cas de mort subite d’origine cardiovasculaire, le rythme cardiaque enregistré est la fibrillation ventriculaire, la forme la plus grave des troubles du rythme. Parmi les troubles du rythme chroniques ne mettant pas en jeu le pronostic vital immédiat, la fibrillation auriculaire est de loin la plus fréquente avec une prévalence de 1/1000 dans la population adulte, en augmentation constante du fait du vieillissement de la population dans les pays développés. La rythmologie a pour champs d’action les anomalies du rythme cardiaque: la rythmologie clinique assure leur diagnostic et leur traitement; la rythmologie expérimentale a pour ambition de comprendre leur genèse et d’identifier de nouvelles voies thérapeutiques. La rythmologie clinique s’appuie sur l’électrocardiographie de surface et endocavitaire. La rythmologie expérimentale dispose d’un continuum de techniques électrophysiologiques depuis l’étage moléculaire (patch-clamp), cellulaire (patch-clamp et enregistrement des potentiels d’action) jusqu’à l’étage intégré (électrocardiographie). L’ECG (électrocardiogramme) représente l’intégration spatio-temporelle la plus achevée et la plus complexe du fonctionnement répétitif de protéines-canal dont l’activité unitaire est mesurable et dont la nature moléculaire est de mieux en mieux connue. Comme les autres disciplines, la rythmologie a largement bénéficié de la révolution du génome. Les gènes codant pour la plupart des canaux ioniques ont été identifiés par des approches de génétique inverse, ou par analogie de structure de leurs produits. Ces découvertes ont démontré la complexité du transcriptome ionique. Pas moins de soixante-quinze gènes différents codant pour des canaux potassiques ont été recensés dans le génome humain. En parallèle avec le décryptage du génome et l’identification de la localisation chromosomique de nombreux gènes, des maladies génétiques responsables de troubles du rythme ou de la conduction (canalopathies) ont été individualisées et leur gène morbide identifié [2]. Il en est ainsi: (1) du syndrome du QT long [3] dont on connaît au moins 5 formes génétiques (LQT1-5) et qui est lié à des mutations de gènes codant pour des canaux potassiques (LQT1 et LQT2), le canal sodique cardiaque (LQT3), ou des régulateurs de canaux (LQT4 et LQT5); (2) du syndrome de Brugada [4] responsable de fibrillations ventriculaires idiopathiques et lié à des mutations du gène SCN5A codant pour le canal sodique cardiaque; (3) des tachycardies ventriculaires catécholaminergiques [3] liées à des mutations du gène codant pour le canal calcique du réticulum sarcoplasmique; (4) de la forme génétique de la maladie de Lenègre [5] liée à une mutation de SCN5A. On peut remarquer que des mutations dans un même gène (SCN5A) peuvent donner lieu à des phénotypes rythmologiques très différents. La perte de fonction de SCN5A conduit à des troubles de la conduction de l’influx (ce qui n’est pas étonnant étant donné le rôle central du courant sodique dans la conduction), mais aussi à de graves troubles du rythme ventriculaire. On peut rapprocher de cette dernière situation les effets pro-arythmiques paradoxaux des médicaments anti-arythmiques de classe I dont le mode d’action commun est une inhibition du courant sodique. Par ailleurs, il est remarquable de noter que les différents gènes impliqués dans le syndrome du QT long congénital ne produisent pas exactement les mêmes anomalies électrocardiographiques et qu’un oeil exercé est capable dans 70 % des cas de faire le diagnostic du gène muté sur l’aspect de la repolarisation. Rappelons que l’espace QT de l’ECG est le reflet, au niveau du coeur entier, de la repolarisation des cellules du myocarde ventriculaire (voir encadré). …
Parties annexes
Références
- 1. Vreede-Swagemakers JJ, Gorgels AP, Dubois-Arbouw WI, et al. Out-of-hospital cardiac arrest in the 1990’s: a population-based study in the Maastricht area on incidence, characteristics and survival. J Am Coll Cardiol 1997; 30: 1500-5.
- 2. Marban E. Cardiac channelopathies. Nature 2002; 415: 213-8.
- 3. Towbin JA, Vatta M, Li H. Genetics of Brugada, long QT, and arrhythmogenic right ventricular dysplasia syndromes. J Electrocardiol 2000; 33 Suppl: 11-22.
- 4. Naccarelli GV, Antzelevitch C. The Brugada syndrome: clinical, genetic, cellular, and molecular abnormalities. Am J Med 2001; 110: 573-81.
- 5. Schott JJ, Alshinawi C, Kyndt F, et al. Cardiac conduction defects associate with mutations in SCN5A. Nat Genet 1999; 23 : 20-1.
- 6. Nerbonne JM, Nichols CG, Schwarz TL, Escande D. Genetic manipulation of cardiac K+ channel function in mice: what have we learned, and where do we go from here? Circ Res 2001; 89: 944-56.
- 7. Haverkamp W, Breithardt G, Camm AJ, et al. The potential for QT prolongation and pro-arrhythmia by non-anti-arrhythmic drugs: clinical and regulatory implications. Report on a Policy Conference of the European Society of Cardiology. Cardiovasc Res 2000; 47: 219-33.
- 8. Schram G, Pourrier M, Melnyk P, Nattel S. Differential distribution of cardiac ion channel expression as a basis for regional specialization in electrical function. Circ Res 2002; 90: 939-50.
- 9. Gima K, Rudy Y. Ionic current basis of electrocardiographic waveforms: a model study. Circ Res 2002; 90: 889-96.
- 10. Noble D. Modeling the heart-from genes to cells to the whole organ. Science 2002; 295: 1678-82.