Aux États-Unis, deux vastes études scientifiques mettent nettement l’accent sur les risques que fait encourir l’hormonothérapie substitutive de la ménopause. La première étude, « the Women’s Health Initiative » (WHI), conduite sur 16608 femmes ménopausées, dont la moitié était soumise à un traitement substitutif et l’autre à l’effet d’un placebo, a été interrompue du fait d’événements indésirables. Ce traitement, administré par voie orale, associait des oestrogènes conjugués équins (Premarin, 0,625 mg/jour) à un progestatif (acétate de médroxyprogestérone, 2,5 mg/ jour). Ce type de traitement, habituel aux États-Unis, est peu utilisé en Europe. Non seulement le risque de cancer du sein est plus élevé (3,8 pour 1000 personnes par an versus 3 pour 1000, soit 25 % d’augmentation) après 5 ans de traitement, mais la protection cardiovasculaire qui aurait pu faire accepter une faible mais réelle augmentation du risque cancéreux se révèle inexistante [1]. Les résultats de la seconde étude conduite sur 44000 femmes durant 20 ans démontrent que celles qui ont utilisé, à la ménopause, un traitement hormonal constitué des seuls oestrogènes présentent un risque significativement augmenté de cancer de l’ovaire par rapport aux femmes non traitées (329 cas après dix ans de traitement contre 205 chez les femmes non traitées, + 60 %) [2]. Dans cette étude, dite « d’observation » et au pouvoir de conviction plus faible qu’une étude « d’intervention », le risque absolu de cancer de l’ovaire reste modéré, mais ces résultats risquent de remettre en question les traitements oestrogéniques seuls à long terme. Il est nécessaire de rappeler les différentes étapes qui ont accompagné la supplémentation en oestrogènes depuis 30-40 ans pour comprendre ces résultats. Le premier gel d’oestradiol a été commercialisé en 1974, le premier patch en 1987, dans le but de supprimer les symptômes liés à la ménopause (bouffées de chaleur, insomnies et troubles de l’humeur, en particulier) et de freiner les altérations dues au déficit oestrogénique associé au vieillissement au niveau de la masse osseuse. Par ailleurs, un grand nombre d’études réalisées dans les années 1980 ont montré que les femmes sous traitement hormonal présentaient un meilleur profil lipidique, avec un taux moins élevé de LDL-cholestérol et un taux plus élevé de HDL; la conviction semblait acquise que le traitement à long terme était bénéfique. Cependant, en 1989, une étude suédoise rapportait une petite augmentation du risque de cancer du sein après neuf ans de traitement hormonal [3]. Le risque était multiplié par 1,7 lorsque le traitement comportait des oestrogènes seuls, et par 4,4 quand le traitement comportait une association oestro-progestative. En 1995, ont été publiés les résultats de la Nurse Health Study dite « Étude des infirmières de Boston », vaste étude prospective de longue durée ayant porté sur 60000 femmes; cette étude révèle à son tour une légère augmentation du nombre de cancers du sein [4], mais à partir de la cinquième année de traitement. Par ailleurs, dans cette étude, les bénéfices dépassaient les risques puisque l’on notait chez les femmes traitées une diminution des accidents cardiovasculaires, ainsi qu’une faible diminution du cancer du côlon. La méta-analyse de 1997 [5] regroupant les résultats de 51 études épidémiologiques et portant sur 53000 femmes est venue confirmer les résultats de la Nurse Study en faveur d’une faible augmentation (x 1,35) du risque de cancer du sein pour une durée de traitement oestro-progestatif (THS) d’au moins 5 ans par rapport à celui des non utilisatrices. Cependant, les cancers chez les femmes utilisant un THS paraissaient plus petits et mieux différenciés et avec moins d’envahissement ganglionnaire et de métastases que ceux détectés dans le groupe de femmes qui ne prenaient pas d’hormones [6]-[7]-[8]. …
Parties annexes
Références
- 1. Writing Group for the Women’s Health Initiative Investigator. Risks and benefits of estrogen plus progestin in healthy postmenopausal women. Principal results from the women’s health initiative randomized controlled trial. JAMA 2002; 288: 321-33.
- 2. Lacey JV, Mink PJ, Lubin JH, et al. Menopausal hormone replacement therapy and risk of ovarian cancer. JAMA 2002; 288: 334-41.
- 3. Bergkvist L, Adami HO, Persson I, Hoover R, Schairer C. The risk of breast cancer after estrogen and estrogen-progestin replacement. N Engl J Med 1989; 321: 293-7.
- 4. Colditz GA, Hankinson SE, Hunter DJ, et al. The use of oestrogens and progestins and the risk of breast cancer in postmenopausal women. N Engl J Med 1995; 332: 1589-93.
- 5. Collaborative Group on Hormonal factors in Breast Cancer. Breast cancer and hormone replacement therapy: collaborative reanalysis of data from 51 epidemiological studies of 52,705 women with breast cancer and 108,411 women without breast cancer. Lancet 1997; 350: 1047-1059.
- 6. Shairer C, Gail M, Byrne C, et al. Estrogen replacement therapy and breast cancer survival in a large screening study. J Natl Cancer Inst 1999; 91: 264-70.
- 7. Bonnier P, Sakr R, Bennessay F, et al. Effects of hormone replacement therapy for menopause on prognostic factors of breast cancer. Gynecol Obstet Fertil 2000; 28: 745-53.
- 8. Santen RJ, Pinkerton J, McCartney C, Petroni GR. Risk of breast cancer with progestins in combination with estrogen as hormone replacement therapy. J Clin Endocrinol Metab 2001; 86: 16-23.
- 9. Hulley S, Furberg C, Barrett-Connor E, et al. for the HERS Research Group. Noncardiovascular disease outcomes during 6.8 years of hormone therapy. Heart and estrogen/progestin replacement study follow-up (HERS II). JAMA 2002; 288: 58-66.
- 10. Expertise Collective Inserm. Hormone replacement therapy. Influence on cardiovascular risk. Paris: Éditions Inserm, 2000.