McGill Law Journal
Revue de droit de McGill
Volume 67, numéro 3, march 2022
Sommaire (3 articles)
Articles
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Rééquilibrer le rôle de la Cour suprême du Canada en procédure criminelle
Terry Skolnik
p. 259–294
RésuméFR :
Durant les deux dernières décennies, la Cour suprême du Canada a créé et a autorisé de nouveaux pouvoirs policiers qui sont exercés de façon routinière. Les pouvoirs d’intercepter des conducteurs au hasard, de détenir des individus pour fin d’enquête et d’effectuer des fouilles par palpation préventive en sont des exemples. La Cour a affirmé que les juges ont la compétence de recourir à la « doctrine des pouvoirs policiers accessoires » pour combler des vides législatifs dans le domaine de la procédure criminelle.
La création judiciaire des pouvoirs policiers est problématique, et cela, à plusieurs égards. La doctrine des pouvoirs policiers accessoires contrevient à la séparation des pouvoirs et mine la primauté du droit. L’exercice des pouvoirs policiers accessoires engendre également du profilage racial et social et de la discrimination. Malgré l’élargissement des pouvoirs policiers, les tribunaux n’ont pas élargi de façon concurrente la portée des recours civils qui visent à contrer l’inconduite policière. Comment rééquilibrer le rôle de la Cour suprême de manière à favoriser la séparation des pouvoirs, à promouvoir la primauté du droit et à mieux protéger les droits et libertés fondamentaux?
Cet article démontre comment la doctrine des pouvoirs policiers accessoires a transformé le rôle de la Cour suprême en matière de procédure criminelle, notamment, de protecteur des droits fondamentaux à créateur de pouvoirs policiers qui portent atteinte à ces droits. L’article explique comment la Cour suprême pourrait rééquilibrer le rôle des trois branches du gouvernement en procédure criminelle et réorienter les tribunaux vers leur fonction primordiale de protecteurs des droits fondamentaux dans ce domaine du droit. La dernière partie de l’article propose quatre solutions pour atteindre ces objectifs de manière à mieux respecter la séparation des pouvoirs, la primauté de droit et les droits et libertés.
EN :
During the last two decades, the Supreme Court of Canada created and authorized new police powers that are exercised routinely. For example, the Court authorized police officers to stop motor vehicles at random, detain individuals for investigative purposes, and carry out preventive frisk searches on people. The Court stated that judges can use the “ancillary powers doctrine” to create new police powers that fill legislative gaps.
The judicial creation of police powers is problematic in several respects. The ancillary powers doctrine is inconsistent with the separation of powers and undermines the rule of law. The exercise of ancillary powers results in racial and social profiling as well as discrimination. Although the judiciary broadened the scope of ancillary police powers, judges did not concurrently expand the scope of civil remedies related to police misconduct. How should the Supreme Court redefine its role within criminal procedure to better safeguard the separation of powers, promote the rule of law, and protect individuals’ fundamental rights and freedoms?
This article demonstrates how the ancillary powers doctrine transformed the Supreme Court’s role within criminal procedure. The Court has shifted away from its core function as guardian of fundamental rights and instead creates police powers that undermine these rights. The article explains how the Supreme Court could rebalance the three branches of government’s respective roles within criminal procedure and redirect judges towards their primary function: protecting fundamental rights. The last part of the article offers four solutions to fulfil these objectives, and ultimately, better respect the separation of power, the rule of law, and individuals’ fundamental rights and freedoms.
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The Limits of the Declaratory Judgment
Justice Malcolm Rowe et Diane Shnier
p. 295–328
RésuméEN :
A declaratory judgment is a determination of rights without consequential relief. Declaratory judgments can be highly useful for litigants, but they are also somewhat lacking in doctrinal clarity, raising a number of questions that go to the core of the judicial role. What does it mean to have a legal right, or to declare the existence of a legal right, if that right, while recognized, is not enforced? It has been held that a declaratory judgment is available only when there is a real dispute between the parties, but what is a real legal dispute without legal rights that can be enforced? When is it the business of courts to declare the existence of such a right?
The purpose of this article is to provide an overview of the use of the declaratory judgment. This article identifies significant outstanding issues, but suggests no resolution. It begins by setting out the history of the declaratory judgment in England and in Canada and traces traditional judicial reluctance to recognize a right without a remedy. It then explores the character of declaratory relief, its similarity with other areas of law, and the tension inherent in declaring rights without a remedy. In the second half of this article, this tension is illustrated through a discussion of recent Canadian cases, mainly at the appellate level, on five topics: declarations about contracts, Aboriginal treaties, statutes, administrative action, and constitutional rights.
FR :
Les jugements déclaratoires permettent aux tribunaux de déclarer l’existence ou non d’un droit sans qu’il ne soit nécessaire d’accorder une mesure de redressement consécutive. Le jugement déclaratoire peut s’avérer particulièrement utile pour les parties à un litige, mais ses contours demeurent flous dans la doctrine. Cette situation soulève un certain nombre de questions relatives au rôle judiciaire : qu’est-ce cela signifie d’avoir un droit ou de déclarer l’existence d’un droit, si ce droit, bien que reconnu, n’est pas mise en oeuvre? La jurisprudence a établi que les tribunaux peuvent rendre un jugement déclaratoire seulement si la question en cause est réelle et non simplement théorique. Néanmoins, qu’est-ce qu’une question réelle si elle n’implique pas des droits à mettre en oeuvre? Dans quels contextes la déclaration de l’existence de droits devient-elle la prérogative des tribunaux?
La présente étude a pour objectif de présenter une vue d’ensemble des modalités de la demande et du prononcé du jugement déclaratoire. Nous identifions certains enjeux actuels, mais nous ne proposons pas de solution. Tout d’abord, nous retraçons la trajectoire du mécanisme du jugement déclaratoire en Angleterre et au Canada et les origines de la traditionnelle réticence judiciaire à reconnaitre un droit sans mesure de redressement consécutive. Nous analysons par la suite la nature du jugement déclaratoire, ses similarités avec d’autres domaines de droit et la tension qui résulte de la déclaration d’un droit sans mesure de redressement consécutive. Dans la deuxième partie de cette étude, nous illustrons cette tension en nous appuyant sur la jurisprudence canadienne récente, provenant principalement de tribunaux d’appel, dans cinq domaines de droits : les jugements déclaratoires concernant des droits contractuelles, des droits découlant de traités autochtones, des droits prévus par la loi, des droits résultant d’une décision administrative et des droits constitutionnels.
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Vers une théorie de la fin de non-recevoir en droit privé québécois
Marie-Lou Laprise
p. 329–367
RésuméFR :
La fin de non-recevoir paralyse définitivement un droit d’action autrement disponible. Malgré des effets dévastateurs et une popularité croissante, quarante ans après sa reconnaissance par la Cour suprême dans l’arrêt Banque Nationale c. Soucisse, ses contours demeurent flous et sa substance, incertaine. Juges et juristes ne s’entendent ni sur la définition ni sur les conditions d’application de cette doctrine mal comprise et peu théorisée. Cet article s’appuie sur une analyse systématique des décisions qui y font appel afin de jeter les bases d’une théorie de la fin de non-recevoir en droit privé québécois. Il introduit une distinction indispensable, absente de la doctrine contemporaine, entre fins de non-recevoir dirimantes et discrétionnaires, clarifie le rôle de maintien de la cohérence du droit des fins de non-recevoir discrétionnaires et systématise les modes et conditions de leur application.
EN :
The fin de non-recevoir, a type of bar to an action, results in the total and definitive paralysis of an otherwise available right of action. Despite its devastating effects and growing popularity, forty years after its recognition by the Supreme Court of Canada in National Bank v. Soucisse, its contours remain blurry and its substance, ambiguous. The legal community cannot agree on the definition or conditions of this poorly understood and under-theorized doctrine. This article builds on a systematic review of recent cases to lay the groundwork for a theory of the fin de non-recevoir in Quebec private law. It introduces a crucial distinction, absent from contemporary commentary, between absolute and discretionary bars, it clarifies the role of discretionary bars in safeguarding the coherence of the law, and it systematizes how and when they may apply.