McGill Law Journal
Revue de droit de McGill
Volume 67, numéro 2, december 2021
Sommaire (3 articles)
Articles
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De la fiducie de données en droit civil québécois : étude exploratoire pour un outil en construction
Anne-Sophie Hulin
p. 119–156
RésuméFR :
À l’heure où l’exploitation des renseignements personnels par les organisations publiques comme privées s’intensifie, la recherche de modèles alternatifs de gouvernance des données se développe en vue d’établir un plus haut degré de contrôle et de protection des personnes concernées sur les renseignements personnels. Les pratiques numériques actuelles révèlent en effet que l’exploitation des renseignements personnels joue bien souvent au détriment des droits et intérêts des personnes concernées. Fort de ce constat, la notion de data trust a émergé au sein de diverses juridictions de common law. Celle-ci propose de recourir au droit des trusts pour affiner les modalités d’usage et d’exploitation des renseignements personnels par des tiers. Face à la récente effervescence autour de ce concept, ce texte propose d’étudier quelle pourrait être sa réception en droit civil québécois compte tenu des particularités de son modèle fiduciaire.
EN :
As the exploitation of personal information by both public and private organizations intensifies, alternative models of data governance are being sought to establish a greater degree of control and protection of personal information for the individuals concerned. Current digital practices reveal that the exploitation of personal information is often to the detriment of the rights and interests of the individuals concerned. Based on this observation, the notion of data trust has emerged in various common law jurisdictions. It proposes to use trust law to refine the terms of use and exploitation of personal information by third parties. In light of the recent effervescence surrounding this concept, this paper proposes to study its possible reception in Quebec civil law, taking into account the particularities of its trust model.
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Legal Pluralism and Analytical Jurisprudence: An Inapposite Contrast
Jorge Luis Fabra-Zamora
p. 157–205
RésuméEN :
The intellectual tradition of legal pluralism characterizes itself by way of a contrast to legal centralism or monism. Self-styled pluralists typically attribute centralist and monist views to mainstream theories of law, which I call here analytical jurisprudence. This article argues that the pluralist foundational contrast with analytical jurisprudence suffers from three recurrent defects. First, the pluralist opposition to analytical jurisprudence conflates conceptual questions with empirical, doctrinal, and politico-moral inquiries. Second, pluralists misattribute to analytical jurisprudents an equation between law and state that they do not hold and have the resources to reject. Third, pluralists address the conceptual problems of legal theory by relying on definitions and other reductive methodologies long rejected by analytical jurisprudents. My central claim is that this trio of recurrent defects, which has also been incorporated into the reconciliatory project termed “pluralist jurisprudence,” should be laid to rest.
FR :
La tradition intellectuelle du pluralisme juridique se caractérise par son contraste avec la tradition du centralisme juridique ou du monisme. Les pluralistes auto-proclamés attribuent habituellement des idées centralistes ou monistes aux principales théories de droit, appelées ici « jurisprudence analytique ». La présente étude démontre que ce contraste fondamental entre pluralisme juridique et jurisprudence analytique souffre de trois lacunes. Tout d’abord, les arguments des pluralistes s’opposant à la jurisprudence analytique confondent des questions conceptuelles avec des réflexions empiriques, doctrinales et politico-morales. Ensuite, les pluralistes commettent l’erreur de considérer que les tenants de la jurisprudence analytique assimilent le droit à la prérogative étatique, alors que ces derniers ne défendent pas, et peuvent aisément rejeter, une telle position. Finalement, les pluralistes traitent les problématiques relatives à la théorie du droit en s’appuyant sur des définitions et des méthodologies réductives qui ont été rejetées par les tenants de la jurisprudence analytique depuis longtemps. La thèse centrale de cette étude est que ce trio de lacunes, qui a également été incorporé au processus de réconciliation nommé « jurisprudence pluraliste », devrait être écarté.
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Litigating Cross-Border Aboriginal Title Claims in Canada: The Possibility (and Necessity) of a Federal Legislative Response to Newfoundland and Labrador (Attorney General) v. Uashaunnuat (Innu of Uashat and of Mani-Utenam)
Étienne Cossette-Lefebvre
p. 207–258
RésuméEN :
There are many Indigenous peoples in Canada who have occupied, and continue to occupy today, traditional territories that straddle provincial borders. The decision of the Supreme Court of Canada in Newfoundland and Labrador (Attorney General) v. Uashaunnuat (Innu of Uashat and of Mani-Utenam) illustrates the practical difficulties faced by the Indigenous peoples in Canada who seek to claim Aboriginal rights in a single traditional territory that straddles provincial borders. Because of provincial Crown immunity, Indigenous peoples who wish to obtain a declaration of Aboriginal title that is binding on all the provincial Crowns concerned over a single traditional territory that straddles provincial borders have no choice but to bring proceedings in the courts of all the provinces concerned. This seems particularly unfair, especially since provincial borders were imposed on Indigenous peoples without regard for their pre-existing social organization. Forcing Indigenous peoples to bring multiple claims in multiple jurisdictions is also a threat to access to justice. In this article, I suggest amendments to the Federal Courts Act that would provide the Indigenous peoples in Canada who wish to litigate cross-border Aboriginal title claims with a forum in which all the parties necessary to resolve the issues fairly, including all the provincial Crowns concerned, could be summoned as defendants, and in which a declaration of Aboriginal title, binding on all such defendants, could be sought.
FR :
De nombreux peuples autochtones du Canada ont occupé, et continuent aujourd’hui d’occuper, des territoires traditionnels qui chevauchent les frontières entre différentes provinces. L’arrêt de la Cour suprême du Canada dans Terre-Neuve-et-Labrador (Procureur général) c. Uashaunnuat (Innus de Uashat et de Mani-Utenam) illustre les difficultés pratiques auxquelles sont confrontés les peuples autochtones du Canada qui souhaitent revendiquer des droits ancestraux sur un seul et même territoire traditionnel qui chevauche les frontières entre différentes provinces. En raison de l’immunité de la Couronne provinciale, les peuples autochtones qui souhaitent obtenir une déclaration de titre ancestral liant toutes les couronnes provinciales concernées à l’égard d’un seul et même territoire traditionnel qui chevauche les frontières entre différentes provinces n’ont d’autre choix que d’engager des procédures judiciaires devant les tribunaux de toutes ces provinces. Cette situation semble particulièrement injuste, notamment parce que les frontières provinciales ont été imposées aux peuples autochtones sans égard pour l’organisation antérieure de leurs sociétés. Forcer les peuples autochtones à présenter de multiples réclamations dans de multiples ressorts constitue également une menace à l’accès à la justice. La présente étude suggère d’amender la Loi sur les Cours fédérales afin de mettre à la disposition des peuples autochtones du Canada, s’ils souhaitent revendiquer des titres ancestraux sur un seul et même territoire qui chevauche les frontières entre différentes provinces, un forum où toutes les parties nécessaires à la résolution équitable de ce type de différends, y compris toutes les couronnes provinciales concernées, pourraient être citées à comparaître en tant que parties défenderesses, et où une déclaration de titre ancestral liant toutes ces parties défenderesses pourrait être sollicitée.