Résumés
Résumé
L’adoption de lois spéciales de retour au travail est devenue un phénomène courant dans l’ensemble du Canada. Malgré leur récurrence, ces actes législatifs visant à mettre fin à un arrêt de travail en cours et à obliger le retour au travail des grévistes ou encore à empêcher le déclenchement d’un arrêt de travail imminent et forcer le maintien de la prestation de travail, dans les deux cas sous peine de sanctions, demeurent exceptionnels. En effet, ils dérogent au régime général des relations de travail, puisqu’en les adoptant, le législateur intervient de façon réactive et ponctuelle afin de suspendre les règles légales encadrant la négociation collective dans le cas d’un conflit de travail spécifique.
L’ampleur du phénomène conduit à s’interroger sur la place que les lois spéciales de retour au travail occupent à l’heure actuelle dans l’encadrement juridique des rapports collectifs de travail. Dans un premier temps, cet article présente un portrait des lois de retour au travail adoptées au niveau fédéral et dans deux provinces canadiennes — le Québec et l’Ontario — au cours des vingt-cinq dernières années (1990–2015) et propose une réflexion sur les enjeux institutionnels qu’elles soulèvent. Dans un deuxième temps, les lois de retour au travail sont analysées à l’aune des droits fondamentaux des travailleurs. L’article propose ainsi une analyse des lois de retour au travail au regard des obligations assumées par le Canada en matière de droit international du travail et s’interroge sur leur constitutionnalité en fonction de la liberté d’association protégée par l’alinéa 2(d) de la Charte canadienne des droits et libertés.
Abstract
Enacting back-to-work legislation has become a common occurrence in Canada. Under the threat of sanctions, these acts aim to end an ongoing work stoppage and force striking employees to return to work or to prevent an imminent strike from beginning and ensure that work is maintained. Despite their repeated use, these legislative acts remain exceptional. Indeed, these laws derogate from the general labour relations regime since, by adopting them, the legislator intervenes in a reactive and timely way to suspend the legal framework of collective bargaining in the case of a specific work conflict.
The extent of this phenomenon leads us to question the role of special back-to-work legislation in the current labour relations framework. First, this article paints the landscape of back-to-work legislation enacted both at the federal level and in two provinces—Ontario and Quebec—over the last twenty-five years (1990–2015) and considers the institutional issues they raise. Second, these laws are analyzed from the perspective of fundamental labour rights. This article thus proposes an analysis of back-to-work legislation in light of Canada’s obligations pursuant to international labour law, and questions their constitutionality with regard to the freedom of association protected by section 2(d) of the Canadian Charter of Rights and Freedoms.