Résumés
Résumé
Avec le vieillissement de la population surgissent des questions juridiques importantes, entre autres en matière de transmission du patrimoine des personnes âgées. Plusieurs aînés possèdent un patrimoine dont la valeur est considérable et ils sont susceptibles de le transmettre à court ou à moyen terme, notamment au moyen de libéralités. Or, on sait que le contentieux relatif aux libéralités consenties par des personnes âgées est abondant. La lecture de la jurisprudence nous apprend par ailleurs que plusieurs motifs de contestation sont en lien avec l’âge de l’auteur de la libéralité.
Devant ce constat, il y a lieu de s’interroger pour savoir s’il faut effectivement se méfier des libéralités des aînés. Les personnes âgées nécessitent- elles une protection particulière à ce chapitre?
Nombreux sont les spécialistes qui mettent en garde contre l’âgisme. Par contre, il convient de distinguer les comportements « âgistes » des comportements « en fonction de l’âge d’une personne ». Si le premier type de comportement résulte de croyances erronées et de stéréotypes envers les personnes âgées, le second peut, au contraire, constituer un comportement approprié en raison de l’âge d’une personne.
Sachant que ces deux types de comportement à l’égard des aînés existent, cet article a pour objectif d’étudier comment « l’âge avancé » de l’auteur d’une libéralité influence le raisonnement des juges. Quel est l’impact des représentations sociales associées à l’âge dans les décisions judiciaires rendues en matière de libéralités? S’il est vrai que le droit se méfie généralement des libéralités, qu’en est-il lorsqu’une personne aînée en est l’auteure?
Abstract
Important legal questions attend the aging of Canada's population. Most notably, patrimonial disposition by the elderly is an increasingly pressing issue. Many older people have large patrimonies that will be transferred in the short or medium term; many will make these transfers through gifts. Litigation surrounding gifts made by elderly individuals is already abundant. A survey of the jurisprudence reveals that several types of argument and defence relate to the age of the gift-giver.
Must we, then, be suspicious of gifts given by older persons? Do the elderly require special protection in this area?
Many experts warn against ageism, but there is space to distinguish “geist”behaviour from behaviour that responds to a person's age. While the former stems from erroneous beliefs and stereotypes about aged persons, the latter may, on the contrary, constitute an appropriate response to differences in age.
Given that these two types of attitude toward the elderly exist, this article studies how the “dvanced age”of a gift-giver influences judicial reasoning. What is the impact of social images of advanced age on judicial decisions in cases of giftgiving? Is it true that the law is more suspicious of gifts when an elderly person does the giving?
Corps de l’article
Introduction
« Ce n’est pas parce que je suis un vieux pommier que je donne de vieilles pommes. »
Discours de Félix Leclerc
La question du vieillissement de la population et de ses impacts socio-économiques est abondamment discutée depuis quelques années, entre autres au Québec. De l’avis de certains, les statistiques sont alarmantes et les Québécois doivent se préoccuper des conséquences sociales du vieillissement, qu’il s’agisse de l’avenir des régimes de retraite, de l’augmentation des coûts des soins de santé ou de l’alourdissement de la dette publique[1].
Avec le vieillissement de la population surgissent également des questions juridiques importantes, notamment en matière de transmission du patrimoine des personnes âgées. Une étude statistique montre que plusieurs aînés possèdent un patrimoine dont la valeur est considérable[2], patrimoine qu’ils sont susceptibles de transmettre à court ou à moyen terme. À qui vont-ils le transmettre?
Les aînés entretiennent des relations avec des personnes dont les intérêts divergent. On peut penser au conjoint, aux anciens conjoints, aux enfants nés de différentes unions, aux amis, etc. Cet éclatement des modèles familiaux, joint au vieillissement de la population, laisse présager que le contentieux en matière de libéralités et de successions devrait continuer de s’accroître au cours des prochaines années. L’étude de la jurisprudence nous apprend d’ailleurs que des libéralités consenties par des personnes âgées sont régulièrement contestées pour différents motifs.
Des proches d’une personne aînée peuvent attaquer la validité de libéralités qu’elle a consenties parce qu’ils considèrent que cette dernière n’était plus en mesure de consentir à une donation ou à un testament, notamment en raison de son grand âge (inaptitude à consentir). D’autres proches peuvent croire que l’âge avancé du donateur ou du testateur l’a rendu vulnérable ou influençable et que, conséquemment, son consentement a pu être vicié, ce qui justifierait que la libéralité soit annulée (captation et influence indue).
Étant donné que le contentieux relatif aux libéralités consenties par des personnes âgées est abondant, il y a lieu de s’interroger pour savoir s’il faut effectivement se méfier des libéralités des aînés[3]. Les personnes âgées nécessitent-elles une protection particulière à ce chapitre[4]?
Mentionnons immédiatement que notre objectif n’est pas d’étudier les normes en matière de capacité ou de consentement[5]. Nous souhaitons plutôt étudier l’impact des représentations sociales associées à l’âge dans les décisions judiciaires rendues en matière de libéralités.
Des auteurs soulignent qu’il faut prendre garde que le souci de protéger une personne âgée ne conduise pas à une perte de son autonomie[6]. Il ne faut pas oublier que la majorité des personnes âgées conservent leurs aptitudes jusqu’à la fin de leur vie[7]. De surcroît, nombreux sont les spécialistes qui mettent en garde contre l’âgisme, c’est-à-dire contre les attitudes ou les comportements qui, implicitement ou explicitement, déprécient certaines personnes en raison de leur âge[8].
Il convient cependant de distinguer les comportements « âgistes » des comportements « en fonction de l’âge d’une personne ». Si le premier type de comportement résulte de croyances erronées et de stéréotypes envers les personnes âgées, le second peut, au contraire, constituer un comportement approprié en raison de l’âge d’une personne[9].
Sachant que ces deux types de comportement à l’égard des aînés existent, nous avons voulu étudier comment l’âge de l’auteur d’une libéralité influence le raisonnement des juges. S’il est vrai que le droit se méfie généralement des libéralités[10], qu’en est-il lorsqu’une personne aînée en est l’auteure?
Notre analyse de la jurisprudence québécoise met en exergue certaines préoccupations des juges lorsqu’il est question d’un donateur ou d’un testateur du grand âge[11]. Si les juges insistent sur la nécessité de respecter l’autonomie de la volonté de tout auteur d’une libéralité, quel que soit son âge[12] (I), on remarque qu’ils refusent néanmoins de faire fi de l’âge lorsqu’il permet d’assurer une meilleure protection de l’aîné, que ce soit de son vivant ou à titre posthume dans les cas de legs ou de donations à cause de mort (II).
I. La sollicitude qui contribue au respect de l’autonomie
Le doyen Carbonnier évoque que le testament confère une « précieuse illusion d’immortalité » à son auteur[13]. De son côté, le professeur Grimaldi explique que consentir une libéralité est une source de satisfaction pour tout individu, particulièrement pour une personne âgée[14]. On comprend en effet que c’est souvent vers la fin de sa vie qu’une personne souhaite se départir d’un ou de plusieurs de ses biens à titre gratuit, que ce soit en prévision de son décès ou simplement parce qu’elle juge que quelqu’un d’autre — généralement une personne moins âgée — pourra en profiter davantage.
L’auteur d’une libéralité doit toutefois être juridiquement capable pour donner ou léguer[15]. Outre cette capacité juridique, il doit également avoir la volonté requise pour consentir à l’acte[16] et son consentement doit être exempt de vices[17]. Est-ce le cas lorsque l’auteur de la libéralité est une personne âgée?
Le Code civil dispose que toute personne majeure est présumée « apte »[18]. L’aptitude à consentir — volonté de tester ou de donner — est ainsi présumée par la loi[19]. Le Code prévoit également que la capacité d’une personne « ne peut être limitée que par une disposition expresse de la loi ou par un jugement prononçant l'ouverture d'un régime de protection »[20].
Ces présomptions signifient qu’une personne âgée peut disposer de ses biens à titre gratuit comme elle le souhaite[21]. Elle ne doit pas être empêchée de le faire sous prétexte qu’elle est « vulnérable » en raison de son âge avancé et qu’elle doit, par conséquent, être protégée contre elle-même ou son entourage[22]. Ses volontés doivent normalement être respectées. Il est vrai qu’elles peuvent être contestées, mais le fardeau de prouver l’incapacité ou l’inaptitude à consentir du donateur ou du testateur repose alors sur celui qui demande l’annulation de la libéralité[23].
Ce qu’il nous est apparu particulièrement intéressant d’observer dans la jurisprudence, c’est la mise en oeuvre de ces présomptions lorsque l’auteur de la libéralité est une personne âgée. Les propos des juges et leurs raisonnements témoignent de leur grand respect à l’égard de la volonté du donateur ou du testateur, quel que soit son âge et malgré les effets apparents de son vieillissement sur sa condition générale. On le remarque notamment lorsque les juges excusent ou justifient les faiblesses du testateur ou du donateur aîné pour confirmer ses libéralités (A). On le constate également lorsqu’ils cherchent à démontrer le caractère logique des choix faits par ce dernier (B).
A. La volonté en dépit de certaines difficultés
La jurisprudence fournit de nombreux exemples de testaments et de donations entre vifs ou à cause de mort dont la validité est contestée. Dans plusieurs cas, l’auteur de la libéralité est âgé et son grand âge est évoqué pour soutenir qu’il ne pouvait pas donner ou léguer ses biens.
En effet, sous prétexte que le testateur ou le donateur a vieilli et que ses capacités factuelles ne sont plus les mêmes qu’auparavant, certains intéressés peuvent plaider qu’il n’était plus en mesure de donner ou de léguer ses biens. La réaction des juges face à ce type d’argument est intéressante.
Tout d’abord, la jurisprudence est constante sur un point : l’âge avancé ne fait naître aucune présomption d’absence de volonté, ni en fait ni en droit[24]. Quel que soit son âge, une personne est présumée saine d’esprit et en mesure de consentir à un acte juridique. Si ce premier constat peut paraître une évidence puisque toute discrimination fondée sur l’âge est expressément prohibée en vertu des Chartes[25], soulignons qu’avant même la constitutionnalisation du droit à l’égalité, les juges rejetaient toute corrélation simpliste entre âge avancé et inaptitude à consentir.
Ensuite, même lorsqu’il est démontré que l’auteur d’une libéralité était en perte d’autonomie, notre étude montre qu’il est rarissime que les juges retiennent le seul âge du donateur ou du testateur pour conclure à une absence de volonté à consentir.
Dès 1904, la Cour suprême soulignait que « [t]he eye may grow dim, the ear may lose its acute sense, and even the tongue may falter at names and objects it attempts to describe, yet the testamentary capacity be ample »[26]. Certes, l’avancement en âge peut avoir des effets sur la condition générale d’une personne, il n’implique pas pour autant que cette personne n’est plus en mesure de donner ou de léguer ses biens[27].
Nombreuses sont les références en ce sens dans la jurisprudence. Les juges utilisent l’âge avancé de l’auteur d’une libéralité pour expliquer ses faiblesses ou ses difficultés qui sont dénoncées par ses proches, sans toutefois en conclure qu’il n’était plus en mesure de consentir. Au contraire, l’âge permet parfois de justifier certains comportements du donateur ou du testateur qui pourraient autrement apparaître « suspects ». Par exemple, parce qu’une personne est vieillissante, les juges reconnaissent qu’elle peut avoir certaines faiblesses, telles que des hallucinations et des pertes de mémoire[28]. Pour apprécier ces comportements, les juges prennent en compte l’âge avancé de l’auteur de la libéralité, ce qui a pour effet de transformer leur compréhension de sa condition générale.
Ainsi, certains juges comparent le comportement de l’auteur de la libéralité contestée avec celui d’autres personnes du même âge, montrant que les éléments évoqués au soutien de l’annulation de la donation ou du testament n’ont rien d’original dans les circonstances. Fréquemment, les juges soulignent que le donateur ou le testateur a agi « comme une personne de son âge »[29] ou que son comportement, qui peut sembler curieux de prime abord, n’a rien « d’anormal » dans les circonstances[30]. La preuve que la personne âgée dépendait de son entourage à certains égards est également jugée insuffisante pour annuler un acte qu’elle a consenti[31]. Le raisonnement des juges s’accorde ici avec l’affirmation des spécialistes du milieu de la santé selon laquelle « il n’est pas nécessaire d’être mentalement apte en toute chose pour l’être en regard de la décision à prendre ici et maintenant »[32].
Les juges s’attendent à ce qu’une personne vieillissante n’ait pas les mêmes types de comportement, les mêmes attitudes ou le même dynamisme qu’une personne plus jeune. Certains comportements généralement jugés inhabituels chez un individu peuvent être considérés comme des comportements compréhensibles eu égard au grand âge du donateur ou du testateur.
À d’autres occasions, les juges mettent en évidence les gestes de la personne âgée qui témoignent de sa lucidité et qui tendent ainsi à confirmer juridiquement sa volonté à consentir. L’autonomie générale de l’aîné dans sa vie quotidienne devient un gage de son aptitude à consentir[33].
De façon générale, les juges réalisent donc que « l’étiquette personne âgée »[34] leur en apprend peu quant à la capacité effective de l’auteur d’une libéralité et qu’ils doivent investiguer davantage. Pour conclure qu’une personne ne pouvait pas consentir une libéralité, il ne suffit pas de constater qu’elle était âgée. Le vieillissement doit avoir fait naître des conditions qui compromettent l’aptitude à consentir[35].
B. La vraisemblance des choix malgré le grand âge
Outre le fait que les juges tendent à minimiser certains effets du vieillissement, l’examen de la jurisprudence révèle qu’ils cherchent à comprendre et à expliquer les libéralités consenties par les personnes âgées, confirmant ainsi leurs volontés.
On sait qu’un donateur est libre de donner aux personnes de son choix, tout comme un testateur est libre de choisir ses légataires. Lorsque les juges analysent les libéralités consenties par un aîné, leur objectif n’est donc pas de vérifier leur caractère adéquat, mais de confirmer qu’elles s’apparentent à des libéralités qui auraient pu être consenties par une personne en pleine possession de ses moyens.
Les juges font état de la « logique » des choix effectués par le donateur ou le testateur et de leur « normalité »[36]. Les juges se réfèrent également au caractère « raisonnable » des volontés exprimées :
[T]he Court is of the opinion that the bequest to Mr. Mignault is not unreasonable in the circumstances. [...] she trusted him because he was highly recommended by her older sister, Muriel. [...] She was angry and upset with Gail. [...] It is not unreasonable that she should wish to reward him for doing so and turn to him to manage her financial affairs.
[...]
The Court cannot ignore the fact that the relationship between Gwennie and Gail suffered a major blow when Gail instituted the Guardianship Proceedings and filed the Motion for habeas corpus. [...] Several witnesses, other than the Defendants, confirmed that Gwennie was very upset about the legal proceedings instituted by Gail.
[...]
The Court is of the opinion that Gwennie bequeathed her property of her own free will to the people who were most significant in her life at the time [nos soulignements][37].
Les juges cherchent à s’assurer qu’il est compréhensible que l’auteur de la libéralité ait choisi d’avantager les personnes qui bénéficient de sa générosité[38]. En démontrant que les libéralités consenties sont raisonnables dans les circonstances, il devient plausible qu’elles aient été consenties par une personne en possession de ses moyens et apte à donner un consentement malgré son grand âge. Si cette appréhension des faits peut être interprétée comme une manifestation du respect de l’autonomie de la volonté du donateur ou du testateur âgé, mentionnons qu’elle favorise également le donataire ou le légataire[39].
Notre examen de la jurisprudence révèle donc que c’est avec sollicitude que les juges étudient chaque situation avant de rendre leur décision relativement aux libéralités consenties par des aînés[40]. Les juges se montrent généralement réticents à déclarer la nullité d’une libéralité pour le seul motif que son auteur était avancé en âge. L’autonomie de la volonté de toute personne est jugée cardinale[41] et les effets du vieillissement qui sont considérés comme « normaux » ne sauraient suffire à l’écarter, particulièrement lorsque les libéralités consenties apparaissent raisonnables ou logiques.
II. La vigilance nécessaire à la protection
Malgré le principe — maintes fois rappelé — de l’autonomie de la volonté du donateur et du testateur, la législation québécoise prévoit plusieurs dispositions qui ont pour objectif de protéger l’auteur d’une libéralité.
La loi prévoit, entre autres, qui peut être l’auteur d’une libéralité[42], qui peut en être le bénéficiaire[43], ce qui peut être l’objet de la libéralité[44] et comment celle-ci doit être consentie[45]. Ces différentes normes ne sont toutefois pas exclusivement destinées aux personnes du grand âge; elles visent la protection de tout donateur et de tout testateur.
Par contre, il existe de réelles préoccupations sociales en matière de protection des aînés, notamment lorsqu’il s’agit de protéger leur patrimoine[46]. Au Québec, une chaire de recherche est consacrée à la maltraitance envers les aînés[47], la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse fait de l’exploitation financière des aînés un sujet prioritaire[48] et un groupe de recherche étudie la question de l’exploitation financière des aînés[49]. Ailleurs, des provinces et des pays ont même adopté des lois qui visent précisément la protection des aînés[50].
Au Québec, aucune disposition du Code civil ne vise spécifiquement la protection des aînés. Par contre, le Code prévoit qu’il y a lieu d’établir un régime de protection d’un majeur « dans la mesure où il est inapte à prendre soin de lui-même ou à administrer ses biens, par suite, notamment, d'une maladie, d'une déficience ou d'un affaiblissement dû à l'âge qui altère ses facultés mentales ou son aptitude physique à exprimer sa volonté » [nos italiques][51]. Une personne âgée peut donc bénéficier d’une protection particulière si on procède à l’ouverture d’un régime de protection à son égard ou si un mandat en prévision de son inaptitude est homologué[52]. Sa capacité juridique est alors limitée[53]. Autrement, le Code civil traite la personne âgée comme tout autre majeur.
Ce n’est pas tout à fait le cas de la Charte des droits et libertés de la personne qui prévoit expressément :
Toute personne âgée ou toute personne handicapée a droit d'être protégée contre toute forme d'exploitation.
Telle personne a aussi droit à la protection et à la sécurité que doivent lui apporter sa famille ou les personnes qui en tiennent lieu[54].
Bien que l’article 48 de la Charte n’implique aucunement que les personnes âgées ne peuvent pas consentir une libéralité[55], il laisse entendre qu’elles sont susceptibles d’être plus vulnérables et qu’il peut être nécessaire de les protéger contre différentes formes d’exploitation[56]. Si l’autono-mie des aînés ne doit pas être limitée, ni même mise en doute, uniquement en raison de leur âge, l’article 48 de la Charte confirme que la question de l’âge peut difficilement être évacuée totalement[57]. Rappelons également que le Code civil dispose expressément qu’il doit être lu « en harmonie avec la Charte des droits et libertés de la personne »[58].
L’âge avancé de l’auteur d’une libéralité est donc susceptible d’accroître la vigilance des juges dans leur appréciation d’une libéralité. Le souci de protéger le donateur ou le testateur aîné peut ainsi influer sur leur prise de décision. On l’observe notamment lorsque les juges se réfèrent au grand âge comme à un facteur susceptible d’influencer l’aptitude générale à consentir de l’auteur d’une libéralité — existence du consentement (A). On le remarque également lorsqu’il est question d’influence indue et de captation, dans quel cas l’âge avancé peut être présenté comme un élément facilitant l’exploitation du donateur ou du testateur — caractère libre et éclairé du consentement (B).
A. Le grand âge susceptible d’influencer les capacités
On a vu que l’âge avancé seul n’est jamais un synonyme d’une inaptitude à consentir dans la jurisprudence. Par contre, l’âge joint à d’autres conditions peut ultimement mener à une conclusion d’absence de consentement[59].
Par exemple, si à l’âge s’ajoute la maladie, un accident ou la démonstration d’un état de sénilité avancé, la libéralité consentie par l’aîné pourra être annulée en raison de son inaptitude à consentir[60].
C’est d’ailleurs souvent à la suite d’une énumération de facteurs — par opposition à une cause unique — que les juges concluent à l’inaptitude à consentir du donateur ou du testateur :
Compte tenu de son âge avancé, de sa surdité, du fait qu’il était illettré, et des ravages déjà accomplis par la maladie d'Alzheimer, le Tribunal conclut que M. Charest n’avait pas la capacité de donner un consentement libre et éclairé [à l’acte de donation en faveur de son fils] [nos italiques][61].
Vu l’âge du “de cujus”, vu la preuve faite qu'à l’époque, il souffrait de démence qui avait grandement affecté et affaibli ses facultés intellectuelles, que son état de santé était très mauvais, qu’il était très dépendant de son épouse, [...] le testament [...] doit être annulé [nos italiques][62].
Given the testator's age, the seriousness of his illness, his weak condition, the fact that he had always been on good terms with his brothers and sisters and the unusual circumstances surrounding the events that occurred following the testator's release from hospital, I can see no error in that conclusion. I share the opinion of the trial judge that there was sufficient evidence to create very serious doubt as to the mental capacity of the testator to make a will [nos soulignements][63].
En plus d’être décrit comme un facteur susceptible, parmi d’autres, d’influer sur l’aptitude, l’âge avancé du donateur ou du testateur est également présenté comme un facteur aggravant. Par exemple, le juge a constaté dans une affaire que la cause principale de l’inaptitude à consentir de l’auteur d’une libéralité était l’alcoolisme, celui-ci ayant causé son isolement, sa dépendance et sa vulnérabilité. Le juge souligna alors que ces différents éléments étaient « conjugués aux effets de l'âge »[64]. L’âge avancé du donateur ou du testateur est donc susceptible d’accentuer d’autres éléments incapacitants.
Le grand âge peut également mener à une conclusion d’inaptitude partielle à consentir. En effet, dans une décision récente, la juge a conclu que la testatrice était en mesure de consentir de façon générale, mais qu’elle n’était pas en mesure de comprendre une clause en particulier, notamment en raison de son âge avancé, et ce malgré le fait qu’il s’agissait d’un testament notarié :
Il est facile de trouver des explications logiques, surtout pour le notaire qui l'a rédigée. Il faut toutefois se mettre à la place de Denyse Forest, âgée de 82 ans, souffrant d'insuffisance cardiaque terminale avec effets sur les poumons et les reins et vraisemblablement sur le cerveau, à qui on administre de la morphine et de l'oxygène. [...] Elle est constamment entourée de sa famille à cause du décès de son mari. C'est beaucoup demander à une personne en fin de vie que de comprendre une telle clause [nos italiques][65].
Selon notre analyse de la jurisprudence, l’âge n’est pas un facteur auto suffisant pour conclure à l’inaptitude à consentir. Néanmoins, il est régulièrement décrit et présenté comme un facteur parmi d’autres ou comme un facteur aggravant d’autres conditions jugées problématiques. C’est la conjugaison du grand âge avec ces différentes conditions qui permet de conclure que le donateur ou le testateur n’avait plus l’aptitude requise pour se départir de ses biens à titre gratuit.
B. Le grand âge expliquant la vulnérabilité
Outre le fait que l’auteur d’une libéralité doit être apte à consentir, la loi requiert que son consentement soit exempt de vices et qu’il soit libre[66]. Ce ne sera pas le cas si le donateur ou le testateur a été victime d’influences indues ou de captation[67].
L’influence indue et la captation sont fréquemment alléguées lorsqu’une libéralité consentie par une personne âgée est contestée[68]. En effet, lorsqu’il y a un transfert à titre gratuit, il n’est pas rare qu’on soit en présence d’une relation de confiance ou de proximité entre l’aîné et le bénéficiaire de la libéralité, un contexte propice à l’influence indue et à la captation. La loi se méfie d’ailleurs des libéralités consenties dans un tel contexte, ce qui explique qu’elle interdit certains legs ou donations dans des situations précises où les risques de captation sont jugés trop importants[69].
L’influence indue et la captation impliquent que des personnes usent de subterfuges pour influencer l’auteur d’une libéralité, en profitant de sa naïveté ou de sa vulnérabilité. Dans un arrêt de principe, la Cour suprême reprenait les propos de Châteauguay Perrault[70] pour, d’une part, expliquer ce que signifie la captation et, d’autre part, montrer comment l’âge du testateur peut devenir un élément pertinent pour déterminer s’il y a effectivement eu captation :
Les mots « suggestion et captation » illustrent assez bien de quoi il s’agit: quelqu’un s’empare de la volonté du testateur et lui suggère comment il doit tester. Mais ce qui doit être considéré comme suggestion et captation pourra varier d’un cas à l’autre, selon les circonstances particulières propres à l’affaire soumise. L’âge, l’état de santé, la condition sociale du testateur pourront avoir joué un rôle quant au degré de résistance qu’il pouvait opposer aux manoeuvres dont il était l’objet [italiques dans l’original][71].
La Cour suprême exprime clairement que l’âge de l’auteur de la libéralité constitue l’un des critères qui peuvent être considérés par le tribunal pour apprécier s’il y a eu captation[72]. Les tribunaux se réfèrent d’ailleurs largement à ce passage de la décision de la Cour suprême dès qu’une libéralité consentie par une personne âgée est contestée pour motif de captation ou d’influence indue[73]. Dès lors qu’une libéralité qui a été consentie par un donateur ou un testateur du grand âge est contestée, les juges apparaissent d’autant plus vigilants afin de détecter toutes les circonstances suspectes.
La lecture de la jurisprudence en matière d’influence indue et de captation montre qu’âge avancé et vulnérabilité sont fréquemment associés par les juges lorsqu’il s’agit d’apprécier le consentement du donateur ou du testateur. Or, si la vulnérabilité renvoie aux notions de fragilité et de besoin de protection, on sait qu’elle recouvre des réalités multiples[74]. Soulignons d’ailleurs que la vulnérabilité n’est pas véritablement un concept juridique[75]. Elle n’est pas mentionnée dans le Code civil ni même dans la Charte. Il s’agit d’une notion large et floue qui peut englober divers facteurs et recouvrir différentes situations. L’âge est souvent présenté comme une cause de la vulnérabilité lorsqu’une personne cherche à prouver qu’il y a eu captation ou influence indue. Il est généralement jugé inversement proportionnel au degré de résistance aux influences[76].
Par ailleurs, les juges ne manquent pas de souligner que certaines situations sont particulièrement pénibles pour les personnes aînées. Devant pareilles situations, la vulnérabilité du donateur ou du testateur s’en trouve accrue :
On sait combien un déménagement est une éventualité pénible et stressante pour la plupart des gens. Pour une personne âgée, cela devient facilement inimaginable. [...] Ça l’est encore plus pour une personne qui est âgée de 90 ans, qui se sait au crépuscule de sa vie, qui n'est plus en parfaite santé, qui ne peut plus vivre seule et a besoin d’aide, et qui craint plus que tout d’aller finir ses jours en institution [nos italiques][77].
Le grand âge peut donc être perçu comme un facteur accentuant la vulnérabilité d’une personne et les juges y sont particulièrement sensibles lorsqu’ils soupçonnent la présence d’influence indue ou de captation. En procédant de la sorte, non seulement ils veillent à la protection du donateur ou du testateur vulnérable, mais ils s’assurent également que le bénéficiaire de la libéralité ne profite pas de ses comportements retors[78].
En somme, s’il est vrai que la personne âgée est généralement en mesure de donner un consentement, il serait toutefois faux de prétendre que son âge n’a aucune influence dans l’appréciation des libéralités qu’elle a consenties. Parce qu’il est âgé, l’auteur d’une libéralité est souvent jugé plus vulnérable que la moyenne des gens. Par conséquent, les juges se montrent particulièrement attentifs à tout signe de faiblesse du donateur ou du testateur aîné qu’aurait pu exploiter un bénéficiaire peu scrupuleux.
Conclusion
Dans une affaire récente où l’âge avancé d’un donateur était mis en preuve pour contester la validité de donations qu’il avait consenties, la Cour d’appel soulignait que « [l]a personne âgée et malade a certes le droit d'être protégée contre toute forme d'exploitation, mais elle conserve également le droit d'être généreuse envers ceux qui l'accompagnent dans cette période de fin de vie »[79].
La Cour d’appel rappelait alors que la prudence est de mise lorsqu’il est question d’empêcher une personne âgée d’agir, même au nom de sa propre protection.
En matière de décisions relatives aux soins de santé, le médecin et maître en philosophie Gilles Voyer explique qu’à son avis « il n’est pas légitime de tenir compte de l’âge si cela vise à en faire un critère de décision unique. […] Mais il est légitime de tenir compte de l’âge en tant qu’un des éléments constituant la situation globale du malade »[80]. Notre analyse de la jurisprudence nous conforte quant à la sensibilité des juges à cet égard lorsqu’il est question de libéralités.
Si la littérature à propos de l’importance de rechercher un équilibre entre « autonomie » et « protection » lorsqu’il s’agit des personnes âgées est abondante, notre étude confirme que de manière générale, les juges sont attentifs à la réalité particulière de certains aînés.
D’un côté, les juges n’hésitent pas à retenir le grand âge comme un des facteurs pouvant expliquer la vulnérabilité de l’auteur d’une libéralité. De l’autre, ils se montrent soucieux de préserver l’autonomie de la personne âgée, et ce même si sa condition générale s’est transformée avec les années[81].
Comme le vieillissement se manifeste différemment chez chaque personne, « selon son genre, sa génération, son statut social, ses conditions socio-économiques de vie, son appartenance ethnoculturelle, son orientation sexuelle, etc. »[82], il est difficile de l’appréhender juridiquement[83]. Les juges doivent demeurer vigilants lorsqu’il est question de libéralités consenties par des personnes du grand âge, mais ils doivent également apprécier les faits avec sollicitude.
Leur tâche n’est pas simple puisqu’ils doivent être attentifs au besoin de protection de certaines personnes âgées, tout en évitant que leur jugement ne soit affecté par des généralisations ou des préjugés à leur égard. Ils doivent se méfier de l’âgisme présent dans la société en général, de celui qui peut émaner de leurs propres représentations du vieillissement, ou encore de celui qui peut teinter les propos des proches du donateur ou du testateur insatisfaits des libéralités que ce dernier a consenties[84].
Il s’agit, certes, d’un exercice de pondération délicat entre autonomie et protection[85].
Parties annexes
Notes
-
[1]
Au Québec, l’importance relative des personnes âgées de plus de 65 ans était de 8,8 % en 1981, comparativement à 15,8 % en 2011 (soit 1,2 million de personnes sur une population de 7,9 millions). On prévoit qu’en 2031, un peu plus d’une personne sur quatre sera âgée de plus de 65 ans. Voir Institut national de santé publique du Québec, Vieillissement de la population, état fonctionnel des personnes âgées et besoins futurs en soins de longue durée au Québec, Québec, Gouvernement du Québec, 2010 à la p 3.
-
[2]
Statistique Canada, Le patrimoine des Canadiens : un aperçu des résultats de l’Enquête sur la sécurité financière (Document de recherche), Ottawa, StatCan, 2005 à la p 13.
-
[3]
Malgré leurs différences, notamment le fait que l’une est un contrat et l’autre un acte unilatéral, nous ne distinguerons pas la donation du testament. Nous avons, au contraire, choisi de les réunir pour mieux observer les conséquences de l’âge avancé sur toutes les formes de libéralités.
-
[4]
Au sujet de la protection des aînés comme « groupe », au même titre que les personnes mineures ou les personnes atteintes de troubles mentaux, voir Donald Poirier, Au nom de la loi, je vous protège! : la protection juridique des aînés au Nouveau-Brunswick et au Canada, Moncton (NB), Éditions d’Acadie, 1997. L’auteur discute du remplacement progressif du critère de « l’incapacité » par celui de « risque social » pour justifier l’intervention de l’État. Voir également Québec, Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, L’exploitation des personnes âgées : vers un filet de protection resserré (Rapport de consultation et recommandations), Québec, 2001 à la p 135 [Commission].
-
[5]
Sur ces sujets, voir Jacques Beaulne, Droit des successions, 4e éd, Montréal, Wilson & Lafleur, 2010 aux para 366-96; Pierre Ciotola, De la donation, 2e éd, Montréal, Chambre des notaires du Québec, 2006 au para 16.
-
[6]
Voir par ex Clémence Lacour, « La personne âgée vulnérable : entre autonomie et protection » (2009) 131 : 4 Gérontologie et société 187 à la page 201. Les références, directes ou indirectes, à cette dichotomie entre l’autonomie et la protection des personnes âgées sont nombreuses. Voir par ex Service de la formation continue du Barreau du Québec, Autonomie et protection, vol 261, Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2007 [Autonomie et protection]; John M Eekelaar et Daniel Pearl, dir, An Aging World : Dilemmas and Challenges for Law and Social Policy, Oxford, Clarendon Press, 1989; Margaret Isabel Hall, « Mental Capacity in the (Civil) Law : Capacity, Autonomy, and Vulnerability » (2012) 58 : 1 RD McGill 61 à la p 86; Poirier, supra note 4. La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a désormais une équipe d’intervention spécialisée en matière de lutte contre l’exploitation des personnes âgées : Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, « Exploitation », en ligne : CDPDJ www.cdpdj.qc.ca/info/droits-de-la-personne/personnes-agees/Pages/default.aspx.
-
[7]
Voir Gilles Voyer, « Ce que la fréquentation des personnes âgées m’a appris au sujet de l’autonomie ou Pour une conception éthique de l’autonomie » dans Autonomie et protection, supra note 6, 135 à la p 151. Pour cet auteur, le fait de vieillir devrait même signifier qu’une personne acquiert davantage d’autonomie puisqu’avec l’âge vient l’expérience (ibid à la p 155). Voir également Marie Beaulieu et Charmaine Spencer, « The Emergence of Older Adults’ Personal Relationships in Canadian Law » (2001) 24 : 2-3 Intl’ J L & Psychiatry 213 à la p 217.
-
[8]
L’âgisme est un terme qui aurait été inventé par Butler pour illustrer le processus de discrimination que vivent les personnes âgées confrontées aux nombreux stéréotypes qui leur sont attribués (voir Marie Beaulieu et Johannie Bergeron-Patenaude, La maltraitance envers les aînés : changer le regard, Québec, Presses de l’Université de Laval, 2012). Sur les dangers de l’âgisme, voir Conseil des aînés du Québec, Avis sur l’âgisme envers les aînés : état de la situation, Québec, 2010 [Conseil des aînés]. Plusieurs auteurs évoquent également les dangers de « l’infantilisation » des personnes âgées (voir par ex Commission, supra note 4 à la p 54).
-
[9]
Conseil des aînés, supra note 8 à la p 5.
-
[10]
Pierre Rainville, « À la confluence du consensualisme et du formalisme : le rôle du silence à l’égard des donations entre vifs » (2010) 112 R du N 283 à la p 290.
-
[11]
Nous avons étudié des décisions québécoises où étaient contestées des libéralités consenties par des personnes de plus de 65 ans au motif d’« inaptitude à consentir », de « captation » ou d’« influence indue ». Nous avons retenu les décisions de la Cour supérieure publiées depuis 1994 et celles de la Cour d’appel et de la Cour suprême publiées depuis 1900.
-
[12]
Rappelons néanmoins qu’il existe un âge minimal requis pour donner ou pour tester (voir art 153, 708, 1813 CcQ).
-
[13]
Jean Carbonnier, « Préface » dans Pierre Catala, La réforme des liquidations successorales : loi no71-523 du 3 juillet 1971, 3e éd, Paris, Defrénois, 1982 à la p 14.
-
[14]
Michel Grimaldi, « L’intention libérale » dans 2e Conférences Roger Comtois de la Chaire du Notariat, présentée à la Faculté de droit de l’Université de Montréal, Montréal, Thémis, 2004 à la p 19.
-
[15]
Voir art 158, 281-290, 703, 707-711, 1385, 1813, 1815 CcQ.
-
[16]
Sur la capacité requise pour consentir au testament, voir art 703 CcQ. Voir également Christine Morin, « La capacité de tester : tenants et aboutissants » (2011) 41 : 1 RGD 143. Le même principe s’applique aux contrats (voir Thibodeau c Thibodeau (1960), [1961] RCS 285 à la p 288 (disponible sur WL Can)).
-
[17]
Voir art 703, 1385, 1398-1408. Voir partie II.A, ci-dessous.
-
[18]
Art 4 CcQ.
-
[19]
Rappelons que le Code civil du Bas Canada utilisait les termes « incapacité », « incapable » et « interdit ». C’est en 1989 que le législateur a introduit les expressions « inaptitude » et « inapte », sans pour autant exclure toutes les références à l’incapacité. De plus, certains auteurs définissent la capacité comme une « [a]ptitude à acquérir un droit et à l’exercer reconnue en principe à tout individu », alors qu’ils définissent l’aptitude comme une « qualité correspondant, chez la personne à laquelle elle est reconnue, à une potentialité de droit; parfois synonyme de capacité juridique » (Gérard Cornu, dir, Vocabulaire juridique, 8e éd, Paris, Presses Universitaires de France, 2007 sub verbis « capacité», « aptitude » à la p 68, 131). Sur ces précisions terminologiques, voir également Édith Deleury et Dominique Goubau, Le droit des personnes physiques, 4e éd, Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2008 au para 418. Soulignons que dans la jurisprudence québécoise en matière de libéralités, les termes « capacité » et « aptitude » sont fréquemment utilisés indistinctement.
-
[20]
Art 154 CcQ. Il faut ajouter l’homologation d’un mandat en prévision d’inaptitude (voir art 2166 CcQ et s).
-
[21]
Voir art 703, 1806 CcQ. Sur la liberté de tester en droit québécois, voir notamment Christine Morin, L'émergence des limites à la liberté de tester en droit québécois : étude socio-juridique de la production du droit, Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2009 à la p 507.
-
[22]
Sauf dans les cas expressément prévus dans la loi qui visent toute personne, qu’elle soit âgée ou non. Pour la donation, voir art 1817, 1836, 1838 CcQ. Pour le testament, voir art 617, 753, 754, 759-761 CcQ. Dans les deux cas, voir également Loi sur les services de santé et les services sociaux, LRQ, c S-4.2, art 275-276 [Loi sur les services].
-
[23]
En matière de testaments, voir Baptist c Baptist, [1894] 23 RCS 37 aux pp 39-40 (disponible sur WL Can); Héritiers de Dorothy Allison et Addis c Clough et Régistrateur du Comté de Missisquoi, [1970] CA 67 aux pp 67-68 (disponible sur Azimut) [Clough]. Si la capacité du testateur est sérieusement mise en doute par une preuve prima facie, le fardeau sera alors déplacé sur l’autre partie qui devra prouver la capacité à consentir au moment de l’acte. Voir Russell c Lefrançois (1883), [1884] 8 RCS 335 aux pp 352-53, 372 (disponible sur QL); Touchette c Touchette, [1974] CA 575 aux pp 576-77 (disponible sur Azimut); Mongeau c Mongeau, [1984] JQ no 516 (QL), AZ-85011014 (Azimut) (CA). Pour la donation, voir Garnett c Garnett, [2004] RL 418 (disponible sur CanLII) (Qc CS).
-
[24]
Voir Laramée c Ferron, [1909] 41 RCS 391 à la p 409 (disponible sur QL) [Ferron]; Clough, supra note 23 à la p 72; Dupaul c Beaulieu, [2000] RJQ 1186 (disponible sur QL) (CS); Normand c Fabrique de la paroisse de Notre-Dame-de-Lourdes, 2002 CanLII 9847 au para 30, AZ-50127880 (Azimut) (CQ) [Normand].
-
[25]
Voir Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c11, art 15; Charte des droits et libertés de la personne, LRQ, c C-12, art 10 [Charte].
-
[26]
Ferron, supra note 24 à la p 409. Voir également les propos de Langelier qui mentionne que « [t]ous les vieillards ont moins de mémoire, de jugement et de volonté, que les gens dans toute la force de l’âge, mais personne ne dira qu’ils sont par cela malades d’esprit » (L’hon F Langelier, Cours de droit civil de la province de Québec, Montréal, Wilson & Lafleur, 1907 à la p 106).
-
[27]
On raconte qu’au début du 20e siècle, certains notaires déclaraient que « le testateur était malade de corps, mais sain d’esprit ». Ces propos sont rapportés dans Châteauguay Perrault, « Insanité, suggestion et captation testamentaires » dans Études juridiques en hommage à monsieur le juge Bernard Bissonnette, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 1963, 443 à la p 468.
-
[28]
Voir par ex Paré c Huot, succession, 2005 CanLII 22934 au para 224, AZ-50320773 (Azimut) (CS), conf par 2007 QCCA 517 (disponible sur CanLII) [Huot] (« [l]e Tribunal reconnaît que Mme Rose Huot Paré est une personne vieillissante. Elle peut avoir des faiblesses momentanées et peut-être répétitives dans le temps » [nos italiques]); Dupaul c Beaulieu, supra note 24 aux pp 1194, 1197 :
L’on ne saurait ignorer [que dame Dupaul] allait avoir 97 ans, que ses capacités physiques la trahissaient de plus en plus. Sa mémoire n’était plus ce qu’elle était, comme le révèlent certains témoignages et certaines annotations à son dossier, et comme cela arrive malheureusement à la plupart des personnes de cet âge.
[...]
Certes, nous l’avons dit, à 97 ans, dame Dupaul se sentait beaucoup plus vulnérable qu’à l’époque où elle était en parfaite santé et dans la force de l’âge. [...] Ceci ne veut pas dire qu’elle n’était pas parfaitement consciente qu’il ne lui restait au mieux que quelques années à vivre. Elle n’était pas dupe [nos italiques].
Voir également Bouchard c Gosselin, 2002 CanLII 35345 au para 47, AZ-50114397 (Azimut) (CS) (où le juge se réfère à des problèmes cognitifs « inhérents à son âge avancé »); Bourgeois c Dagenais, 2013 QCCS 10 au para 114 (disponible sur CanLII) (« même affaibli par la maladie et l’âge et jouissant d’un état de santé défaillant », l’auteur de la libéralité a été jugé apte à consentir).
-
[29]
Voir Therrien Bernier c Therrien, AZ-00026491 (Azimut) à la p 4, [2000] JQ no 2359 (QL) (CS) (« la preuve prépondérante démontre qu’elle a agi comme une personne de son âge dans les circonstances difficiles qu’elle vivait. Elle voulait éviter des chicanes de famille mais ne voulait pas que tous ses enfants soient mêlés à ses affaires » [nos italiques]); Michaud c Marceau, AZ-94021096 (Azimut) à la p 19, [1994] JQ no 2806 (QL) (CS) :
[L]es réponses données par madame Michaud au questionnaire de la Protonotaire-adjointe sont sensées et que les inexactitudes qu’on y trouve sont normales quand il s’agit d’une personne de son âge et compte tenu des pressions énormes qui s’exerçaient sur elle [nos italiques];
Fréchette c Fréchette, AZ-97026162 (Azimut) aux pp 26-27, [1997] JQ no 1229 (QL) (CS) :
Il ne note rien d’anormal pour une personne de l’âge de madame Bussières surtout qu’à cette illusion ne se greffe aucun autre symptôme significatif courant : parler à son mari le jour, etc. Il rattache à ces événements un aspect culturel religieux de notre milieu qui fait que l’esprit d’une personne décédée reste près de nous et se manifeste par exemple par l’ouverture de portes d’armoires ou craquements. [...] [I]l est arrivé deux fois sur une période de trois ans qu’elle ait oublié et a engagé deux personnes pour faire des travaux. À 73 ans et plus, les oublis en cause ne sont pas suffisants pour les rattacher à un affaiblissement des facultés intellectuelles [nos italiques];
Laramée c Ferron, [1907] 17 BR 215 aux pp 220, 224 (disponible sur WL Can), conf par Ferron, supra note 24 :
Nous trouvons avec le savant juge que, bien qu’il y ait dans ces interrogatoires des incohérences, des erreurs, et des naïvetés, il n’y a pas une seule réponse qui puisse faire conclure à la folie, et que toute personne ignorante, faible et âgée, dans nos campagnes, exposée à de pareils interrogatoires, peut donner de semblables réponses sans se faire taxer de démence par les tribunaux.
[...]
[D]énote une grande fatigue, bien naturelle chez une personne de son âge et de son peu d’éducation, ayant l’ouïe dure et la vue faible, et qui subit un interrogatoire d’avocat couvrant dix-neuf pages imprimées [nos italiques].
-
[30]
Voir Descôteaux c Descôteaux, 2004 CanLII 31469 au para 57, [2004] JQ no 10024 (QL) (Qc CS) :
« Il n'y a rien d’anormal dans cette situation. Il s'agit là de gestes normaux et très fréquents dans le cadre de relations de parenté qui impliquent des personnes âgées. S'il fallait, dans de telles circonstances, [...] qu'il soit impossible au mandant de faire des cadeaux au mandataire ou impossible au mandataire d'accepter de tels cadeaux, plusieurs enfants refuseraient de rendre service à leurs parents âgés. Ceux-ci, tout en conservant leur lucidité, apprécient l'aide qu'on peut leur apporter dans la gestion quotidienne de leurs affaires. Il s'agit là d'une mesure et d'une pratique courante qui ne déroge en rien à quelque règle régissant les rapports entre un mandant et un mandataire » [nos italiques];
Gigliotti c Cerminara, succession, 2012 QCCS 2457 (disponible sur CanLII) au para 61 [Gigliotti] (« ce qui, selon la notaire, se passe presque à chaque occasion lorsqu'il s'agit de personnes âgées qui désirent faire leur testament ou le changer ou le modifier » [nos italiques]).
-
[31]
Voir Arpin c Arpin, 2009 QCCS 6126 au para 22 (disponible sur CanLII) (« [l]e vieillissement ou la dépendance affective ne sont pas en soi suffisants [pour annuler la donation]. Il faut véritablement une inaptitude mentale à consentir »).
-
[32]
Voyer, supra note 7 à la page 153. Voir également Daniel C Marson, Justin S Huthwaite et Katina Hebert, « Testamentary Capacity and Undue Influence in the Elderly: A Jurisprudent Therapy Perspective » (2004) 28 Law & Psychol Rev 71 à la p 82.
-
[33]
Voir Thibault c Auger, 2012 QCCS 6519 au para 6 (disponible sur CanLII) (« [j]usqu’en 2001, elle habitait seule un petit logement situé sur la rue Duval. Sa santé physique et mentale était bonne, malgré son âge avancé. Elle était autonome, dynamique et très fière. Elle conduisait son véhicule et gérait seule toutes ses affaires » [nos italiques]); Lavallée c Lavallée, 2009 QCCS 5193 aux para 126, 129 (disponible sur CanLII) :
Le quatrième critère a trait à l'âge du de cujus. On ne peut pas dire que Charles-Émile était si vieux que cela, malgré ses 78 ans, compte tenu du fait qu'il n'avait pas de grave maladie et était encore tout à fait autonome, conduisant sa voiture, tondant son gazon, s'occupant de ses affaires financières lui-même, demeurant encore dans sa maison, etc.
[...]
[L] soussigné n'a aucune hésitation à conclure que malgré sa condition physique et son âge, Charles-Émile savait ce qu'il faisait, et était en mesure de donner un consentement libre et volontaire [nos italiques];
Normand, supra note 24 aux para 34, 36 :
[L] preuve démontre que madame Normand sait très bien ce qu’elle fait puisqu’elle téléphone seule au presbytère, mène sa petite enquête pour s’assurer qu’elle parle bien à une personne fiable et démontre également qu’elle veut que cette opération demeure sinon secrète, du moins discrète. Elle interroge soeur Paquet et lorsque le curé Béland lui retourne son appel presque deux semaines plus tard, elle se souvient de cet appel et donne rendez-vous au curé Béland. Lorsque ce dernier se présente, elle a déjà préparé l’argent qu’elle entend donner et malgré son grand âge et même si sa vue est faible, selon les demandeurs, elle a compté trois billets de moins sur un total de 272, ce qui en soi démontre que son esprit fonctionnait normalement, si on tient compte de son âge.
[...]
Malgré son grand âge, madame Normand demeure seule dans sa résidence au moment des évènements. Comment peut-on prétendre qu’une personne puisse vivre seule dans une maison sans être saine d’esprit? Si elle avait été inapte, ses enfants l’auraient certainement fait placer en « institution » [nos italiques].
-
[34]
Cette formulation est inspirée de Voyer, supra note 7 à la page 153.
-
[35]
Voir la partie II.A, ci-dessous.
-
[36]
À titre d’exemple, voir Normand, supra note 24 aux paras 34, 35, 38 :
Les donations ont donc été faites dans un contexte particulier et il n’y a rien d’anormal à ce qu’une personne âgée dispose d’une somme d’argent qu’elle possède. [...]
La preuve a également été faite que madame Normand a toujours été généreuse envers l’Église, effectuant même des dons en cachette de son mari à l’époque où ce dernier était vivant.
[...]
Y-a-t-il quelque chose d’anormal pour une personne âgée de faire un don à l’Église d’une somme d’argent liquide dont elle dispose, alors que ses enfants sont âgés de 50 à 68 ans? Si elle avait laissé des enfants en bas âge, la réponse pourrait être différente mais dans les circonstances, madame Normand a clairement manifesté que c’est à l’Église qu’elle voulait donner cet argent et la preuve ne permet pas de mettre en doute sa capacité de faire ce don [nos italiques].
Voir également Clough, supra note 23 à la p 72 :
Dans le cas actuel, il pouvait être normal pour le testateur de laisser son modeste avoir d'au plus de $5,000 à celle qui, avec ses enfants, avait tenu sa maison de célibataire déjà d'âge avancé pendant des années [nos italiques].
-
[37]
Re Reid Adams Estate, 2012 QCCS 1699 aux para 171, 179, 191 (disponible sur CanLII) [Adams].
-
[38]
Voir Dubé Létourneau c Chouinard, 2011 QCCS 472 aux paras 49, 54 (disponible sur CanLII), conf par 2011 QCCA 813 (disponible sur CanLII) [Chouinard] (« Il appert donc de la preuve que monsieur Chouinard était une personne significative dans la vie de madame Jeanne. [...] [D]u côté de sa famille, madame Jeanne est tout de même relativement seule et encore plus à compter de 2007 » [nos italiques]); Bédard c Bédard, [1998] JQ no 4775 (QL) aux para 50, 54, AZ-98021934 (Azimut) (CS) :
[L]'ensemble de la preuve ne peut permettre de croire qu'il ait voulu, alors qu'il était âgé de 79 ans, donner à peu près tous ses actifs pécuniaires à la défenderesse sous le prétexte, raconté par celle-ci, qu'étant âgé, il n'en avait plus besoin.
[...]
Malgré les quelques erreurs dans son témoignage explicables par son âge, il est difficile d'imaginer qu'il aurait, sous le prétexte qu'il n'en avait plus besoin, donné plus de 50 000 $ à la défenderesse sans aucune contrepartie ni obligation [nos italiques].
Voir également Bertrand c Opération Enfant Soleil, [2004] RJQ 1089 au para 63, (disponible sur CanLII) (CA); Godon c Héritiers de Laurent Labelle, [1985] CS 1054 (disponible sur Azimut); McDermid c Howman Trainor, AZ-50184809 (Azimut) aux para 53, 55, [2003] QJ no 9441 (QL) (CS).
-
[39]
À propos des avantages associés à la charge de la preuve en matière de libéralités, voir Michel Grimaldi, Droit civil. Libéralités. Partages d’ascendants, Paris, Litec, 2000 à la p 231; Sophie Lambert, L’intention libérale dans les donations, Aix-en-Provence, Presses Universitaires d’Aix-Marseille, 2006 aux pp 118-19; Rainville, supra note 10 aux pp 366-70.
-
[40]
Sur la sollicitude, voir Paul Ricoeur, Soi-même comme un autre, Paris, Seuil, 1990. Ce philosophe explique qu’il faut savoir se mettre à la place de l’autre et que la sollicitude implique qu’une personne adopte une attitude respectueuse de l’autre qui tient compte de sa vulnérabilité.
-
[41]
Mentionnons que le constat est le même aux États-Unis, voir notamment : Lawrence A Frolik, « The Strange Interplay of Testamentary Capacity and the Doctrine of Undue Influence. Are We Protecting Older Testators or Overriding Individual Preferences? » (2001) 24 : 2-3 Intl’ J L & Psychiatry 253.
-
[42]
Pour la donation, voir art 1813, 1815, 1820, 1840 CcQ. Pour le testament, voir art 707-711 CcQ.
-
[43]
Pour la donation, voir art 1817, 1836-1838 CcQ. Pour le testament, voir art 617, 753, 754, 759-761 CcQ. Dans les deux cas, voir également la Loi sur les services, supra note 22, art 275-276.
-
[44]
Pour la donation, voir art 1818, 1824 CcQ. Il n’y a pas de restrictions particulières pour le testament.
-
[45]
Pour la donation, voir art 1819, 1823, 1824, 1839 CcQ. Pour le testament, voir art 704, 706, 712-730, 772-775 CcQ.
-
[46]
Voir par ex Thomas L Hafemeister, « Financial Abuse of the Elderly in Domestic Setting » dans Richard J Bonnie et Robert B Wallace, dir, Elder Mistreatment: Abuse, Neglect, and Exploitation in an Aging America, Washington, National Academies Press, 2003, 382; Shelly L Jackson et Thomas L Hafemeister, Financial Abuse of Elderly People vs. Other Forms of Elder Abuse: Assessing Their Dynamics, Risk Factors, and Society’s Response (Rapport), US Department of Justice, 2010; Deborah Setterlund et al, « Understanding Financial Elder Abuse in Families: The Potential of Routine Activities Theory » (2007) 27 : 4 Ageing & Society 599; Charles C Sharpe, Frauds Against the Elderly, Jefferson (NC, É-U), McFarland, 2004.
-
[47]
Il s’agit de la Chaire de recherche sur la maltraitance envers les personnes aînées, en ligne : maltraitancedesaines.com/fr. Voir également Beaulieu et Bergeron-Patenaude, supra note 8.
-
[48]
Commission, supra note 4. À propos du Canada, voir Centre canadien d’études sur le droit des aînés, La loi des mauvais traitements et de la négligence envers les aînés : un guide pratique, Vancouver, University of British Columbia, 2011.
-
[49]
Il s’agit du Groupe de recherche en droit des services financiers de la Faculté de droit de l’Université Laval, auquel l’auteure est associée. Les travaux de ce groupe sont subventionnés par l’Autorité des marchés financiers. Voir Groupe de recherche en droit des services financiers, « Programmes de recherche en cours », en ligne : GRDSF www.grdsf.ulaval.ca.
-
[50]
Pour les États-Unis, voir par ex Alaska Stat § 47.24.900 (2013); Elder Abuse and Dependent Adult Civil Protection Act, 3 Cal Wel & Inst Code §15610.63 (2013); ND Cent Code § 50-25.2-01 (2013); SC Code Ann § 43-35-10 (2012). Pour le Canda, voir Poirier, supra note 4.
-
[51]
Art 258 CcQ.
-
[52]
Voir art 2131 CcQ. Tel que mentionné précédemment, ce n’est que si la capacité juridique du donateur ou du testateur est restreinte à la suite d’une procédure judiciaire que celui-ci perd sa capacité de donner ou de rédiger un testament.
-
[53]
Voir art 154 CcQ.
-
[54]
Charte, supra note 24, art 48. Sur l’application de cet article, voir Vallée c Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2005 QCCA 316 (disponible sur CanLII); Turcotte c Turcotte, 2012 QCCA 645 (disponible sur CanLII); Comission des droits de la personne c Bradette Gauthier, 2010 QCTDP 10 (disponible sur CanLII).
-
[55]
Voir Turcotte c Turcotte, supra note 54 aux para 43, 48.
-
[56]
Sur l’application de l’article 48 de la Charte, voir note 54; voir aussi Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c Gagné, [2003] RJQ 647 (disponible sur CanLII) (TDP); Pierre Bohémier et Richard Guay, « L’exploitation des personnes âgées : prévenir pour ne pas être complice » (2005) 1 CP du N 121; Jennifer Stoddart, « L'exploitation au sens de l'article 48 de la Charte des droits et libertés de la personne » dans Service de la formation permanente du Barreau du Québec, Développements récents en droit familial (1995), Cowansville (Qc), Yvon Blais, 1995, 151.
-
[57]
L’âge ne doit pas être le critère de décision, mais il ne faut pas en faire abstraction (voir Voyer, supra note 7 à la page 157).
-
[58]
Disposition préliminaire du CcQ.
-
[59]
Voir SA c FA, 2008 QCCS 3591 au para 198 (disponible sur CanLII); Brochu c Trust Prêt et revenu, (2001), AZ-5040175 (Azimut) au para 120 (CS). Voir également Orville Frenette, « Les conditions de la formation et de l’annulation des testaments » dans Ernest Caparros, dir, Mélanges Germain Brière, Montréal, Wilson & Lafleur, 1993, 45.
-
[60]
Voir Re Succession Tellier, 2006 QCCS 5303 au para 22 (disponible sur Azimut) (« [t]oute personne n’est pas créée égale à cet égard et l’âge, la maladie ou un accident peut parfois entraîner l’affaiblissement de l’esprit. Cela n’emporte pas nécessairement l’incapacité de tester. On ne présumera de l’insanité mentale qu’en cas de sénilité avancée chez une personne âgée » [nos italiques]).
-
[61]
Guay c Charest (1996), AZ-97026011 (Azimut) (CS).
-
[62]
Barrière c Duhaime, [1995] JQ no 3621 (QL), AZ-95021606 (Azimut) (CS), conf par [1996] JQ no 3947 (QL), AZ-96011989 (Azimut) (CA).
-
[63]
Collin-Evanoff c Cadieux, [1998] QCA 18 à la p 21 (disponible sur CanLII).
-
[64]
Snee c Hébert, [1997] RDI 65 à la p 70 (disponible sur Azimut) (CS). Voir également Baptist c Baptist, supra note 23 aux pp 47-48.
-
[65]
Caron c Forest, succession, 2010 QCCS 2604 au para 96 (disponible sur CanLII).
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[66]
Voir art 1399 CcQ.
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[67]
Le juge Girouard explique que les expressions « suggestion » et « captation » proviennent du droit français, alors que « l’influence indue » provient du droit anglais, mais que dans tous les cas, c’est la fraude qui caractérise la suggestion, la captation ou l’influence indue (Mayrand c Dussault, [1907] 38 RCS 460 à la p 463 (disponible sur QL)).
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[68]
Selon un auteur américain, il existerait trois niveaux de capacité à consentir en matière de testaments : une capacité réelle à consentir, une capacité marginale potentiellement ouverte à la captation et l’absence de capacité de tester (voir Frolik, supra note 41 à la p 265).
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[69]
Par exemple le don ou le legs fait au propriétaire, à l'administrateur ou au salarié d'un établissement de santé ou de services sociaux qui n'est ni le conjoint ni un proche parent du donateur est nul s’il est fait au temps où le donateur y est soigné ou y reçoit des services. Est également sans effet le don ou le legs fait à un membre de la famille d'accueil à l'époque où l’auteur de la libéralité y demeure (voir art 761, 1817 CcQ; voir également Loi sur les services, supra note 22, art 275-276). Le legs fait au notaire qui reçoit le testament, ou celui fait au conjoint du notaire ou à l'un de ses parents au premier degré, est sans effet (voir art 759 CcQ). De même, le legs fait au témoin, même en surnombre, est sans effet (voir art 760 CcQ). Mentionnons également que la loi prévoit la révocation de la donation pour cause d’ingratitude du donataire (voir art 1836-1838 CcQ).
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[70]
Voir Châteauguay Perrault, supra note 27 aux pp 458-59.
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[71]
Stoneham et Tewkesbury c Ouellet, [1979] 2 RCS 172 à la p 199, [1979] 28 NR 361.
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[72]
Mentionnons que « vulnérabilité » et « grand âge » sont aussi associés en droit criminel. Pour des exemples dans la jurisprudence canadienne, voir R c Gélinas, 2010 QCCQ 19379 aux para 19, 49 (disponible sur QL); R c Charland, 2007 QCCQ 7980 au para 13 (disponible sur CanLII). Ajoutons qu’en France, le Code pénal punit expressément l’abus de faiblesse, qui consiste en l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse d’une personne rendue vulnérable, notamment en raison de son âge (voir art 223-15-2 C pén).
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[73]
Voir notamment Chouinard, supra note 38 au para 20; Tremblay c Lépine, succession, [1995] JQ no 865 (QL) au para 28, AZ-95011973 (Azimut) (CA); Rioux c Babineau, [1998] JQ no 5059 (QL) au para 49, 1998 CarswellQue 1741 (WL Can) (Qc CS), conf en partie par 2000 CanLII 6877, [2000] JQ no 1777 (QL) (Qc CA); Cinq-Mars c Boulard Cinq-Mars (1997), AZ-97026193 (Azimut) aux pp 5-6 (CS); Corriveau c Corriveau, 2002 CanLII 16905 aux para 49-50, [2002] JQ no 1904 (QL) (Qc CS); Michaud c L'Espérance, 2002 CanLII 36304 au para 131, AZ-50122130 (Azimut) (CS); Lemoyne c Lemoyne, 2003 CanLII 40489 au para 104, AZ-50193683 (Azimut) (CS); Almond c Hayes, succession, 2004 CanLII 668 au para 149, AZ-50256721 (Azimut) (CS); Martin c Pichette, succession, 2005 CanLII 8505 au para 191, [2005] JQ no 1483 (QL) (Qc CS); Michaud-Caron c Dufour, 2004 CanLII 65628 au para 35, [2004] JQ no 11615 (QL) (Qc CS); MB c JR, 2007 QCCS 3674 au para 91 (disponible sur CanLII); Re Succession Gamble, 2010 QCCS 4171 au para 56 (disponible sur CanLII); Adams, supra note 37 au para 161; Normand, supra note 24 au para 30. Voir également Ciarallo c Ciarallo, 2007 QCCS 4937 au para 55 (disponible sur CanLII); Fréchette c Fréchette, supra note 29.
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[74]
Voir Frédérique Cohet-Cordey, dir, Vulnérabilité et droit : le développement de la vulnérabilité et ses enjeux en droit, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 2000; Vincente Fortier et Sébastien Lebel-Grenier, dir, La vulnérabilité et le droit, Sherbrooke, Revue de Droit de l’Université de Sherbrooke, 2010.
-
[75]
Voir également Pierre Deschamps, « L’État doit-il s’occuper ou se préoccuper des personnes vulnérables? » dans École du Barreau, Justice, société et personnes vulnérables, Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2008, 33.
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[76]
Voir Dupaul c Beaulieu, supra note 24 à la p 1193 (« l'âge vénérable de dame Dupaul [96 ans] combiné à son état de santé défaillant n'étaient pas sans la placer dans un état de vulnérabilité certain que le Tribunal ne saurait ignorer dans l'appréciation de la preuve de l'ensemble des circonstances ayant entouré les donations » [nos italiques]); MB c JR, supra note 73 aux para 105-06 :
Au moment où surviennent les événements importants qui sont l’objet du litige, L... B... est âgé de 71 ans. [...]
[M]ême s’il est lucide et est en mesure jusqu’à un certain point de prendre des décisions qui le concernent, est de toute évidence dans une situation d’extrême vulnérabilité face à sa fille L1... et au défendeur [nos italiques];
Savoie c Savoie, 2002 CanLII 41797 au para 67, AZ-50117890 (Azimut) (CS), conf par [2004] JQ no 3804 (QL), AZ-04019568 (Azimut) (CA) :
Le père est décédé à l'âge de 86 ans. Il n'était plus le même depuis le décès de son épouse, diront les enfants. Il est clair qu'il était affaibli et vieillissant. La crainte persistante d'être victime de vol, l'impression que son entourage veuille lui dérober ses biens n'est pas chose rare chez les personnes âgées. Il est clair que le père se sentait de plus en plus vulnérable à compter de 1997 et devenait soupçonneux [nos italiques];
Théroux c Théroux, 2010 QCCS 407 au para 109 (disponible sur CanLII), conf par 2012 QCCA 418 (disponible sur CanLII) :
Il est clair de la preuve qu'entre 2002 et le décès de Bertrand, Jean-Marie a constamment manoeuvré pour éloigner son père du reste de la famille et chercher à susciter la haine de celui-ci à l’égard de Pierre. Le Tribunal se fonde notamment sur les faits suivants : [...]
4) L'âge de Jean-Marie, plus de 80 ans, son état de santé physique affaibli et vieillissant et, par conséquent, sa vulnérabilité [nos italiques];
Gigliotti, supra note 30 au para 16:
Ayant vraisemblablement réalisé sa vulnérabilité, étant donné son âge, soit 81 ans, la maman aurait discuté avec Angela, l'enfant la plus instruite parmi les trois qui continuaient de demeurer à la maison et celle qui s'occupait des affaires et de la comptabilité familiale depuis déjà fort longtemps, même du temps du père, et il fut alors décidé, selon la preuve non contredite, qu'il serait opportun que la maman signe une procuration formelle et un mandat pour cause d'inaptitude en faveur d'Angela et de Francesca, ce qui sera fait le 9 mai 2006 [nos italiques].
Voir également Re Succession Gaumond-Dupuis (1995), [1996] RJQ 375 à la p 377 (disponible sur Azimut) (CS); Borduas c Borduas, AZ-50081995 (Azimut) au para 67, [2001] JQ no 330 (QL) (CS); Huot, supra note 28 au para 224.
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[77]
Lafortune c Bourque, [2000] RJQ 1852 à la p 1867 (disponible sur Azimut) (CS), conf par [2003] RJQ 1437 (disponible sur CanLII) (CA). Voir également Guay c Charest, supra note 61 (« [m]me Charest s’est sentie de plus en plus isolée par le retrait mental et social de son mari, causé par la maladie qui l’affligeait, une solitude et un poids qui sont devenus plus difficiles à supporter avec l’âge et qui ont miné sa résistance morale » [nos italiques]).
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[78]
Soulignons que les dispositions en matière d’indignité successorale répondent également à cet objectif. Voir art 620-623 CcQ.
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[79]
Turcotte c Turcotte, supra note 54 au para 47.
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[80]
Voyer, supra note 7 à la p 157.
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[81]
Sur l’importance de la capacité résiduelle, voir LP c FH, 2009 QCCA 984, [2009] RJQ 1255.
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[82]
Michèle Charpentier, « L’hébergement des personnes âgées vulnérables — une analyse à la croisée du social et du juridique » dans Service de la formation continue du Barreau du Québec, La protection des personnes vulnérables, vol 344, Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2012, 103 à la page 107.
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[83]
D’ailleurs, on peut légitimement se demander à partir de quel moment ou en vertu de quels critères une personne devient-elle « âgée ». Sur les représentations de la vieillesse, voir notamment Jacqueline Trincaz, « Les fondements imaginaires de la vieillesse dans la pensée occidentale » (1998) 38 : 147 L’Homme 167.
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[84]
Certaines personnes peuvent utiliser l’âgisme pour rationaliser ou minimiser leurs actes, par exemple « en affirmant qu’ils sont les héritiers et qu’ils peuvent déjà commencer à piger dans les biens ou l’argent même si l’aîné est toujours en vie » (Beaulieu et Bergeron-Patenaude, supra note 8 à la p 72).
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[85]
Sur le sujet, voir Barbara Frank, « Réflexions éthiques sur la sauvegarde de l’autonomie » dans Service de la formation permanente du Barreau du Québec, Pouvoirs publics et protection, vol 182, Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2003, 182.