McGill Law Journal
Revue de droit de McGill
Volume 54, numéro 1, spring 2009
Sommaire (6 articles)
Articles
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The Constitution’s Peoples: Approaching Community in the Context of Section 35 of the Constitution Act, 1982
Brent Olthuis
p. 1–43
RésuméEN :
Modern negotiations between the Crown (or private parties) and Canada’s Aboriginal peoples are largely based on the legal principles articulated in major court decisions. Yet those decisions have not yet confronted a fundamental question: how, in the first instance, do we determine which groups can lay claim to the Aboriginal and treaty rights “recognized and affirmed” by section 35 of the Constitution Act, 1982?
The author argues that this question ought to form the theoretical cornerstone of the doctrine of Aboriginal and treaty rights. It is also of critical significance to the continuing process of reconciliation between the Aboriginal and non-Aboriginal elements of Canadian society. The interlocutors in this process must be identifiable.
The community recognition needed to give effect to section 35’s inherently group-centred approach cannot be purely subjective or purely objective in nature. Neither a process of unilateral declaration nor one of pure observation can accurately identify the communities at issue under section 35. Rather, the inquiry requires an exercise of interpretation. To this end, the author proposes guidelines to focus and assist the interpretive process.
This analysis ultimately entails a reconsideration of some of the prevailing orthodoxies in Aboriginal law jurisprudence, including the “test” for determining the existence of Aboriginal rights (from R. v. Van der Peet) and the notion that an individual member of a modern, rights-holding, Aboriginal community must prove an ancestral or genealogical link to a member of the group at some earlier time (from R. v. Powley).
FR :
Les négociations contemporaines entre la Couronne (ou des parties privées) et les peuples autochtones canadiens reposent largement sur les principes juridiques articulés dans les principales décisions jurisprudentielles en la matière. Toutefois, ces décisions n’ont pas encore abordé une question fondamentale : comment, à la base, est-il possible de déterminer les groupes en mesure de revendiquer des droits autochtones et des droits issus de traités «reconnus et confirmés» par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 ?
L’auteur affirme que cette question doit constituer la pierre d’assise théorique de la doctrine des droits autochtones et des droits issus de traités. Elle est également d’une grande importance à la poursuite du processus de réconciliation entre les composantes autochtone et non-autochtone de la société canadienne. Les interlocuteurs de ce processus doivent pouvoir être identifiés.
La reconnaissance de la communauté, nécessaire pour que l’approche axée sur le groupe de l’article 35 soit effective, ne peut être de nature strictement subjective ou objective. Ni un processus de déclaration unilatérale ni une simple observation ne peuvent précisément identifier les communautés visées par l’article 35. Au contraire, cet examen nécessite un exercice d’interprétation, précisé et facilité par les lignes directrices que propose l’auteur.
Cette analyse entraîne ultimement une reconsidération de certaines orthodoxies dominantes de la jurisprudence du droit autochtone. Celles-ci incluent le «test» permettant de déterminer l’existence d’un droit autochtone (issu de R. c. Van der Peet) et la notion selon laquelle un individu, membre d’une communauté autochtone détenant actuellement des droits, doit prouver un lien ancestral ou généalogique à un membre dudit groupe dans le passé (issu de R. c. Powley).
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Between Exclusion and Assimilation: Experimentalizing Multiculturalism
Faisal Bhabha
p. 45–90
RésuméEN :
With increasing frequency, members of cultural minorities are demanding not only equality and non-discrimination as individuals, but also the legal recognition of their collective identities. Their claims to cultural protection and accommodation are necessarily philosophical, political, moral, and (both constitutionally and normatively) legal. This paper is a reflection on the last dimension, the legal axis. The author sets out to delineate the descriptive, interpretive, and normative scope of section 27 of the Canadian Charter of Rights and Freedoms. He is influenced by the approaches to constitutional innovation expounded by theories of democratic experimentalism.
The first part of the paper outlines the textual and normative framework of the Charter’s multiculturalism provision. Section 27 creates two distinct types of interests that give rise to claims: one individual and one group-based, described respectively as “accommodation” and “autonomy”.
The second part of the paper applies the normative framework to two case studies: female genital cutting and sharia tribunals. These examples provide a setting in which to explore the potential of section 27 to address the cultural demands in ways that go beyond conventional doctrinal and normative understandings. The author suggests that an experimentalist interpretation of multiculturalism under section 27 would create a space in which different approaches and institutional arrangements could be tried in order to determine the best practices for handling difficult, highly contextual questions. Instead of limiting possibilities by adopting restrictive approaches that extinguish cultural claims and risk radicalizing groups, the author argues that the normative force of section 27 includes an imperative to create the institutional conditions within which measures can be tried and tested, with the expectation that benchmarks will emerge through practice.
FR :
Les membres des minorités culturelles demandent, de plus en plus fréquemment, non seulement l’égalité et l’absence de discrimination en tant qu’individus, mais aussi la reconnaissance par le droit de leurs identités collectives. Leurs revendications de protection culturelle et d’accommodation sont philosophiques, politiques, morales et juridiques. Cet article est une réflexion sur l’aspect juridique de ces revendications. L’auteur cherche à délimiter l’étendue descriptive, interprétative et normative de l’article 27 de la Charte canadienne des droits et libertés. Il est influencé par les approches de l’innovation constitutionnelle mises de l’avant par les théories de l’expérimentalisme démocratique.
Dans la première partie de l’article, l’auteur traite du cadre textuel et normatif de la disposition de la Charte sur le multiculturalisme. L’article 27 crée deux types d’intérêts distincts qui donnent lieu à des revendications : un intérêt individuel et un intérêt collectif, désignés respectivement par les termes «accommodation» et «autonomie».
Dans la seconde partie, l’auteur applique le cadre normatif à deux études de cas : la coupe génitale féminine et les tribunaux de la charia. Ces exemples offrent un cadre d’analyse pour étudier la possibilité d’utiliser l’article 27 dans le but d’aborder les revendications culturelles en allant au-delà des approches doctrinales et normatives conventionnelles. L’auteur suggère qu’une interprétation expérimentaliste du multiculturalisme créerait un espace au sein duquel des approches et arrangements institutionnels divers pourraient être essayés afin de déterminer les meilleures pratiques. Au lieu de limiter les possibilités en adoptant des mesures restrictives qui mettent fin aux revendications culturelles et risquent de radicaliser certains groupes, l’auteur soutient que la force normative de l’article 27 inclut l’impératif de créer des conditions institutionnelles propices à l’essai et au test de pratiques, avec l’idée que des standards émergeront de la pratique.
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Propositions de réforme pour une protection des titulaires de cartes de débit victimes de transferts de fonds non autorisés
Marc Lacoursière
p. 91–132
RésuméFR :
Depuis les années 1960, les nouvelles technologies ont favorisé l’émergence de mécanismes de paiements électroniques. Outre les cartes de crédit, les relations entre les émetteurs de paiements et les consommateurs ne font aucunement l’objet d’une protection législative au Canada et au Québec, n’étant régies que par la common law et le Code civil du Québec. En 1992, le Groupe de travail sur le transfert électronique de fonds a adopté le Code de pratique canadien des services de cartes de débit afin de protéger les consommateurs qui font usage de la carte de débit au Canada et de régir la responsabilité des parties lors d’un transfert de fonds non autorisé. Les contrats bancaires ont graduellement incorporé les dispositions de ce code d’application volontaire, mais ils comportent plusieurs divergences par rapport à ce dernier qui s’avèrent défavorables pour le consommateur. L’expérience du droit étranger, notamment aux États-Unis et en Europe (France, Belgique et Luxembourg), suggère des pistes de solution pour combler les lacunes causées par cette inadéquation entre le Code de pratique canadien des services de cartes de débit et les contrats bancaires, et encourager une intervention du législateur.
EN :
Since the 1960s, new technologies have favoured the emergence of methods of electronic payment. Except in the case of credit cards, the relationship between payment issuers and consumers is not statutorily regulated in Canada and Quebec; it is only subject to the common law and to the Civil Code of Québec. In 1992, The Electronic Funds Transfer Working Group developed the Canadian Code of Practice for Consumer Debit Card Services, in order to protect consumers using debit cards in Canada and to allocate responsibility between the parties in cases of unauthorized funds transfers. This voluntary code has been gradually implemented in banking contracts, but these contracts frequently diverge from the code to the consumer’s detriment. The experience of foreign law, particularly in America, France, Belgium, and Luxembourg, offers potential solutions for the inadequacy of the Canadian Code of Practice for Consumer Debit Card to banking contracts and to encourage an intervention of the legislator
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La constitutionnalité de l’interdiction de publicité directe des médicaments d’ordonnance
Lindy Rouillard-Labbé et Valérie Scott
p. 133–176
RésuméFR :
L’interdiction de publicité directe des médicaments d’ordonnance (PDMO) au Canada implique une confrontation entre d’une part, le droit des individus à l’information et la liberté d’expression des entreprises et d’autre part, la protection de la santé publique. Réagissant notamment au recours intenté en 2005 par CanWest Media Works (maintenant Canwest Media) devant la Cour supérieure de l’Ontario dans le but de faire déclarer inconstitutionnelle cette interdiction, les auteures soutiennent que l’interdiction de PDMO de la Loi sur les aliments et drogues et du Règlement sur les aliments et drogues (RAD) viole la liberté d’expression protégée par la Charte canadienne des droits et libertés, mais que cette violation est justifiée par l’article premier de la Charte.
S’appuyant sur des positions théoriques, sur des études empiriques sur les effets de la PDMO et sur la jurisprudence pertinente en matière constitutionnelle, les auteures expliquent d’abord pourquoi elles interprètent le RAD comme interdisant toute PDMO, y compris les publicités de rappel. Concluant à une atteinte à la liberté d’expression, elles examinent ensuite cette atteinte et sa justification au regard de l’article premier de la Charte. Les auteures jugent que protéger les Canadiens contre les effets préjudiciables de la PDMO sur la santé publique est un objectif dont la réalité et l’urgence sont attestées par les résultats de plusieurs études. Ces dernières concluant, entre autres, à l’existence d’une corrélation entre la PDMO et l’augmentation des prescriptions des médicaments publicisés, les auteures estiment qu’il existe un lien rationnel entre l’interdiction de PDMO et l’objectif visant à prévenir l’influence de telles publicités sur la relation entre le patient et le médecin, l’acte de prescription et la santé du patient. Les auteures soutiennent finalement que la prohibition quasi absolue de publicité aux consommateurs reste une atteinte minimale, car aucune alternative ne permettrait d’atteindre l’objectif du législateur
EN :
The prohibition on direct-to-consumer advertisement of prescription drugs (DTCA) in Canada implicates a confrontation between the individual’s right to information and corporate freedom of expression, on the one hand, and the protection of public health, on the other. Reacting to an appeal brought by CanWest Media Works (now Canwest Media) in 2005 before the Superior Court of Ontario to render this prohibition unconstitutional, the authors assert that the prohibition, found in the Food and Drugs Act and the Food and Drug Regulations (FDR), violates freedom of expression protected under the Canadian Charter of Rights and Freedoms. However, they determine that article 1 of the Charter justifies the infringement.
The authors draw on doctrinal theory, empirical studies on the effects of DTCA on public health, and relevant constitutional jurisprudence in support of their interpretation of the FDR as prohibiting all DTCA, including follow-up advertisement. Finding an infringement of freedom of expression, they consider the constitutionality of this infringement under section 1 of the Charter. The authors determine that protecting Canadians from the detrimental effects of DTCA on public health is a valid objective, the reality and the urgency of which have been demonstrated by the results of numerous studies. The authors establish, inter alia, that there is a correlation between DTCA and the increased prescription of advertised medication. They assess that there is a rational link between banning DTCA and reducing the influence of advertising on the relationship between patients and doctors, the act of prescription and, ultimately, the health of the patient. The authors conclude that the near-total prohibition of advertising to consumers is a minimal infringement, given that no alternative would permit the realization of the legislator’s objective.
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The Freedom of Association Mess: How We Got into It and How We Can Get out of It
Brian Langille
p. 177–212
RésuméEN :
Canadian constitutional law regarding freedom of association for workers is a mess. The jurisprudence to date has taken an approach to state action and positive obligations to legislate which is inconsistent with section 15, and has failed to articulate the relationship between the abstract statement of basic rights or freedoms and the detailed statutes and regulations that instantiate and enforce them. This paper focuses on the impact of the recent decision of the Supreme Court of Canada in BC Health. The author argues that this case misunderstood Canada’s labour law history, international labour law obligations, “Charter values”, and the distinction between “freedoms” and “rights”.
This paper argues that by using labour relations statutes as a starting point and applying the constitutional idea of equality, courts can protect freedom of association for workers and find a way out of the mess we are in.
FR :
Le droit constitutionnel canadien relatif à la liberté d’association des travailleurs est un fouillis. Jusqu’à présent, la jurisprudence a traité de l’action étatique et des obligations positives de légiférer de manière incohérente avec l’article 15. Elle n’a pas réussi à articuler la relation entre l’énonciation abstraite des droits et libertés fondamentaux et les lois et règlements détaillés qui leur donnent vie et les mettent en oeuvre. Cet article se concentre sur l’impact de la décision récente BC Health de la Cour suprême du Canada. L’auteur affirme que plutôt que de clarifier le fouillis de la liberté d’association, cette affaire a mal saisi l’histoire du droit du travail au Canada, les obligations internationales en droit du travail du pays, les valeurs de la Charte, la nature des droits du travail et la distinction entre «libertés» et «droits».
Cet article affirme qu’en s’appuyant sur les lois relatives aux relations de travail et en appliquant l’idée constitutionnelle d’égalité, les tribunaux peuvent protéger la liberté d’association des travailleurs et trouver une solution au fouillis actuel.