Corps de l’article

Les attentats terroristes du 11 Septembre 2001, la crise financière mondiale de 2007-2009 ou la récente pandémie de la Covid-19 sont des événements qui ont marqué l’économie mondiale, avec des répercussions locales comme internationales sur l’environnement des entreprises (Li et Tallman, 2011; Morgan, Anokhin, Ofstein et Friske, 2020). Ces événements imprévisibles et brutaux, qui ont provoqué de fortes perturbations sur l’environnement des affaires et sur le bon fonctionnement des marchés, correspondent à ce qu’on appelle communément un « choc exogène ». D’anticipation difficile voire impossible à partir d’estimations probabilistes, les chocs exogènes font référence à des événements inhabituels et manifestes qui dépassent la prévision de risque et les estimations de menaces potentielles, en se rapportant davantage au management de crise (Chédotel et Vignikin, 2014; Oetzel et Oh, 2014).

Le concept de choc exogène est progressivement incorporé dans la littérature en sciences de gestion sous différents vocables en lien avec ce concept : crises, catastrophes naturelles ou industrielles, conflits ou encore actes terroristes. Ces exemples s’inscrivent dans la définition du choc exogène par leurs origines, leurs caractéristiques et leurs conséquences directes comme indirectes sur l’environnement (Li, Tallman et Ferreira, 2005; Oh et Oetzel, 2011). Vers la fin des années 1990, ces événements font l’objet d’un intérêt grandissant dans la recherche en management international (MI), en raison de l’interconnexion croissante des économies, marchés et acteurs à échelle régionale voire internationale, qui rendent ces derniers beaucoup plus exposés et vulnérables face à l’apparition de chocs exogènes en provenance d’un marché ou d’une région spécifique (Tan et Enderwick, 2006). Cette globalisation démultiplie l’ampleur de l’impact et la fréquence de ces chocs (Morgan et al., 2020), suscitant, malgré leur difficile anticipation, une attention particulière de la part des chercheurs en MI (Czinkota, Knight, Liesch et Steen, 2010). Au niveau des entreprises, les mouvements d’internationalisation et d’entrée sur des marchés étrangers, soumis à des formes diverses et variées de chocs exogènes, accentuent la probabilité d’être exposées et sévèrement impactées par ces chocs « locaux » (Chung, Lee, Beamish, Southam et Nam, 2013).

La pandémie actuelle de la Covid-19 fait de nouveau ressurgir la nécessité d’intégrer ces événements, de plus en plus récurrents et brutaux, dans les stratégies d’internationalisation. Cela permettra de développer un corpus de connaissances sur les modes de gestion de crise, les capacités de préparation et de résilience à ces chocs, et d’en atténuer les effets délétères sur la performance et la survie à l’international. La multiplicité des formes s’apparentant à ce concept de choc exogène et les différentes dimensions internationales traitées font de la littérature sur ce sujet, un ensemble de travaux très dispersé, voire disparate, agrégeant une variété d’objectifs, de domaines, de méthodologies et de terrains. Ce constat rend compte de la nécessité de recenser l’ensemble des travaux sur les chocs exogènes en lien avec le champ du MI, et cela à partir d’un examen approfondi de la littérature dont l’optique est de synthétiser et structurer nos connaissances actuelles et celles qui restent à explorer. Cela nous amène à poser les deux questions de recherche suivantes : comment les chocs exogènes sont-ils analysés dans le champ du MI ? Et quelles pistes de recherche se dessinent pour l’analyse des chocs exogènes en lien avec le MI ?

Pour répondre à ces deux questions, nous réalisons une revue systématique sur le concept de « choc exogène » dans le champ du MI, allant de 1980 à 2020 et regroupant 176 articles. Celle-ci nous permet de recueillir et d’analyser l’ensemble des travaux publiés avec comme objectifs principaux : (1) de montrer l’intérêt d’étudier le concept pluridisciplinaire de choc exogène pour le MI; (2) de mettre en évidence les tendances de la recherche en MI sur ce concept; (3) et de proposer des pistes de recherche futures.

Cette revue systématique mobilise une analyse de contenu qui permet d’analyser plus en profondeur les travaux sélectionnés et de structurer cette analyse à l’aide du modèle « TCCM » (Théories; Contextes; Caractéristiques et Méthodologies) (Paul et Rosado-Serrano, 2019). Il permet de structurer de manière efficace et systématique les caractéristiques principales des travaux existants pour en faire ressortir les pistes de recherche les plus pertinentes.

S’appuyant sur cette revue systématique, notre papier ambitionne de faire plusieurs apports au champ du MI. Premièrement, notre papier contribue à explorer la perception du concept de choc exogène dans le champ du MI et à en présenter les propriétés communes; l’objectif étant de proposer une définition de travail. Deuxièmement, nous dressons une typologie des différentes formes d’événements, se rapportant à ces chocs exogènes, qui ont pu être rencontrées dans cette littérature. Enfin, nous fournissons un aperçu de ce qui a été réalisé en termes de cadrage théorique, de contexte de recherche, de caractéristiques conceptuelles et métriques et de méthodologie. Partant de cet « existant », nous proposons huit pistes de recherche pour faciliter l’appropriation de ces résultats et leur application dans les recherches futures.

L’article est organisé comme suit. Dans un premier temps, nous donnons un aperçu conceptuel du « choc exogène » dans le champ du MI. Nous exposons par la suite la méthodologie ainsi que le modèle TCCM. La troisième partie présente les résultats et tendances de la recherche sur ce sujet. Enfin, dans un dernier temps, nous discutons ces résultats et faisons ressortir des pistes de recherche concrètes pour le champ et nous concluons par les principales limites et perspectives de recherches.

Aperçu conceptuel du « choc exogène » dans le champ du MI

La nouveauté de ce concept dans le champ du MI nous amène à comparer les différentes définitions mobilisées et à en extraire les caractéristiques principales pour une définition précise (voir Tableau 1). En regroupant toutes ces caractéristiques, nous définissons les chocs exogènes comme : des événements difficiles à prévoir ou à anticiper, externes aux organisations et indépendants des forces du marché, aux répercussions brutales directes comme indirectes sur les organisations et leur environnement opérationnel local comme international, perturbant l’ordre existant et générant un fort climat d’incertitudes et de menaces répandues au-delà de la zone touchée.

Le choc exogène est donc rattaché dans la littérature à différentes formes d’événements. En effet, nous retrouvons ce que nous classons sous les formes de crises économiques et financières (Lee et Makhija, 2009), de turbulences environnementales (par exemple, innovation disruptive) (Lee, Chen, Kim et Johnson, 2008), de catastrophes naturelles ou industrielles (Oetzel et Oh, 2014), d’épidémies et pandémies (Tan et Enderwick, 2006), de formes de violences imprévisibles (par exemple, conflits armés, coups d’état, révolutions) (Dai, Eden et Beamish, 2013) et d’attaques terroristes (Liu et Li, 2020). Cette typologie des formes de chocs exogènes est celle que nous retenons pour nos analyses et classification des travaux. En nous intéressant aux chocs exogènes, nous essayons de rassembler la littérature dispersée autour de ces multiples événements qui répondent aux caractéristiques principales de ce concept.

Compte tenu de l’augmentation des flux commerciaux et des liens d’interdépendance entre les différentes économies du monde, ces événements même localisés prennent très fréquemment une dimension globale avec des effets systémiques. De ces effets découlent différents niveaux de conséquences directes comme indirectes sur le climat des affaires (par exemple, perturbations des échanges internationaux, restrictions gouvernementales) ainsi que sur les entreprises et leurs activités internationales (par exemple, dégradation des chaines d’approvisionnement et de distribution à échelle internationale) (Tan et Enderwick, 2006). Bien qu’ayant de multiples conséquences sur les pratiques du MI, ces chocs exogènes sont encore peu traités, car très souvent sous-estimés dans l’analyse de l’environnement (Czinkota et al., 2010), car il est difficile de prévoir ou de gérer ces événements inhabituels, épisodiques et brutaux (Kunreuther et Bowman, 1997). Ces événements associés à des chocs exogènes ont été étudiés par de nombreuses disciplines comme les sciences économiques ou politiques. Néanmoins, ces événements ont largement été ignorés par les chercheurs en MI qui les associaient à des risques environnementaux traditionnels. Au lendemain des attentats du 11 Septembre 2001, les chercheurs en MI ont pris conscience de l’impact fortement déstabilisateur de ces événements sur l’environnement international avec des conséquences négatives sur la chaine de valeur mondial, les coûts des activités internationales et les nouveaux risques de faillites d’entreprises sur les marchés étrangers (Li et al., 2005). De plus, le manque total de préparation des firmes face à l’apparition de tels phénomènes soulèvent le besoin d’analyser la nature de ces phénomènes ainsi que leurs conséquences sur les pratiques en MI (Suder et Czinkota, 2005). Cela permet aussi d’apporter des éléments de compréhension de ces événements, leur donner du sens et de l’importance (Weick, 1988) pour permettre aux organisations de les incorporer dans leur décision stratégique, d’agir et de gérer leurs effets par différents outils qui en découlent comme la résilience (Branzei et Abdelnour, 2010), le management de crise (Bader et Schuster, 2015), le développement d’approche par scénarios (« scénarios catastrophes ») (Kunreuther et Bowman, 1997) ou encore la flexibilité opérationnelle (Tan et Enderwick, 2006).

Cette grande variété de recherches nous amène donc à établir un examen systématique de la littérature sur le concept de choc exogène dans le champ du MI. La décision de réaliser une revue systématique basée sur une analyse de contenu plutôt que des analyses bibliométriques ou des méta-analyses s’explique par le fait que : (1) le concept de choc exogène dans le champ du MI est très spécifique, (2) il se rapporte à des études très hétérogènes en termes de domaines de recherche, de méthodes empiriques et de mesures, (3) il comprend un nombre relativement réduit de recherches, ce qui facilite l’analyse approfondie de contenu et dont (4) l’objectif primordial est de dresser une vue d’ensemble des recherches existantes et d’apporter des pistes de recherche (Donthu, Kumar, Mukherjee, Pandey et Lim, 2021).

Tableau 1

Définitions du choc exogène

Définitions du choc exogène

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Méthodologie

Pour réaliser cette revue systématique, nous suivons les trois étapes suggérées par Tranfield, Denyer et Smart (2003). Ces étapes se composent de : (1) la préparation de la revue systématique en identifiant l’intérêt de cette recherche et en proposant une définition de travail (cette dernière est présentée dans la partie « Aperçu conceptuel »), (2) la réalisation de la revue avec le processus de sélection, d’extraction et d’évaluation de la qualité du corpus et enfin (3) l’analyse, l’interprétation et la formulation des résultats obtenus. Dans cette partie, nous présentons l’étape de réalisation de la revue systématique.

Sélection et extraction du corpus

Dans le cadre de la sélection du corpus, nous détaillons, le plus largement possible, une terminologie propre au concept de « choc exogène » et au champ du MI pour rassembler le maximum de travaux traitant de ces deux dimensions. Pour réaliser nos extractions, nous choisissons la plateforme bibliométrique SCOPUS comme base de données principale.

Le MI est un champ en sciences de gestion qui est vaste et difficile à cerner. Pour cette raison, nous utilisons une terminologie large que nous déterminons à l’aide d’articles bibliométriques qui mobilisent cette dimension au coeur de leur sélection d’échantillon (Srivastava, Singh et Dhir, 2020).

Quant au « choc exogène », c’est un concept encore peu traité dans la littérature en sciences de gestion. Etant donné que cette littérature est encore très peu établie, notre choix de mots-clés s’appuie donc sur une approche très exploratoire, constituée d’allers-retours entre les lectures de résumés et les choix de mots-clés les plus centrés sur le sujet et en référence à la typologie de chocs identifiés. Nous justifions l’inclusion de chaque mot-clé relatif au « choc exogène » dans le Tableau 2.

Tableau 2

Les justifications d’inclusion des mots-clés relatifs au « choc exogène »

Les justifications d’inclusion des mots-clés relatifs au « choc exogène »

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Après avoir déterminé les termes utilisés, nous procédons à une extraction d’après nos critères d’inclusion, puis par la suite, nous évaluons la qualité et la pertinence de l’échantillon extrait au regard des différentes étapes décrites dans le Graphique 1.

Procédures d’analyse de la littérature

Tout d’abord, nous réalisons une analyse descriptive de nos données bibliographiques puis, nous procédons à une analyse de contenu. Pour réaliser cette analyse de contenu, nous effectuons un travail de lecture et de codification du matériel textuel en le transformant en des données que nous pouvons manipuler et comparer (Srivastava et al., 2020). Cette analyse de contenu repose sur le modèle TCCM. Ce modèle est une technique de revue systématique qui permet d’organiser et de condenser les analyses pour pouvoir mettre en évidence les résultats de manière synthétique et en extraire des pistes de recherche pertinentes (Paul et Rosado-Serrano, 2019; Srivastava et al., 2020). Celui-ci se construit selon des critères d’analyse préalablement établis et largement acceptés dans la littérature évaluée par les pairs et très utilisé dans les revues systématiques dans le champ du MI (Paul et Rosado-Serrano, 2019; Srivastava et al., 2020). Par sa construction, ce modèle permet d’apporter la rigueur et l’objectivité nécessaires dans les revues systématiques fondées sur des analyses de contenu (Mandler, Sezen, Chen et Özsomer, 2021; Paul, Merchant, Dwivedi et Rose, 2021). Ce dernier se découpe en quatre sous-sections : (1) Théories, qui sert à analyser les cadres théoriques mobilisés et la manière dont ils sont utilisés; (2) Contextes, qui sert à mettre en évidence les éléments empiriques qui caractérisent les articles (région étudiée, niveau d’analyse, acteur); (3) Caractéristiques, qui sert à détailler les approches conceptuelles et métriques des variables mobilisées; (4) Méthodologies, qui sert à présenter le type de méthode et outils utilisés. Pour s’assurer d’une analyse non-biaisée des données et des résultats, nous résumons les étapes menant à l’élaboration des pistes de recherche dans le Graphique 2.

graphique 1

Le processus de sélection du corpus dans la base bibliométrique SCOPUS (1)

Le processus de sélection du corpus dans la base bibliométrique SCOPUS (1)

Notes :

  1. La plateforme bibliométrique SCOPUS est la base de données bibliographique principale pour cette revue systématique. Cependant, il faut noter qu’au préalable, nous avons réalisé quelques recherches exploratoires sur diverses bases de données telles que Google Scholar, EBSCO, SCOPUS et Web of Science (WoS). SCOPUS s’est imposée comme celle ayant la meilleure couverture en termes de revues en sciences de gestion (Srivastava, Singh, et Dhir, 2020).

  2. L’astérisque (*) a été inclus comme symbole de remplacement pour rechercher des variantes des termes.

  3. Bien que le concept de « choc exogène » provienne originellement des sciences économiques et politiques, nous choisissons de nous focaliser sur les sciences de gestion car (1) cette littérature reste émergente dans ce champ disciplinaire et encore aucun travail de revue systématique n’a été produit sur la connaissance des chocs exogènes dans les sciences de gestion et plus particulièrement, le MI, une discipline particulièrement affectée par la survenue de tels événements; (2) l’objectif de ce travail ne porte pas sur le concept pluridisciplinaire de « choc exogène » mais surtout sur les effets de ces événements sur les pratiques des entreprises et des individus.

  4. La recherche par mots-clés a été réalisée avec les termes anglais comme ci-dessus car les travaux sont quasi-exclusivement écrits en langue anglaise et cela permet d’éviter des biais de traduction et d’interprétation dans l’analyse textuelle du corpus.

  5. Pour éviter un biais de sélection, nous choisissons ce classement qui recense l’ensemble des revues en sciences de gestion françaises et internationales de rang 1 à 4. Les éditoriaux, les chapitres d’ouvrages ainsi que les communications sont exclus de l’examen.

  6. Cette relecture consiste à évaluer avec un oeil critique les résumés en nous demandant si l’article traite bien d’une forme de choc exogène et si ce choc exogène est bien associé à une dimension du MI, à savoir sur une activité, une opération ou une entité internationale. Dans cette phase de relecture critique des résumés, nous excluons les articles qui ne traitent pas d’une forme de choc ou qui sont trop éloignés en termes de sens. Nous excluons aussi les articles qui ne traitent pas directement de problématiques du MI parce qu’ils ne se focalisent que partiellement sur ces dimensions en ne donnant que des exemples ou en adoptant un point de vue principalement fondé sur une analyse du marché domestique. De plus, pour éviter un biais de sélection et un manque d’objectivité sur les articles inclus, nous soumettons 25 % des résumés de l’échantillon à un examen par un pair. Cet examen par un chercheur indépendant, spécialiste en MI, permet de confirmer les critères d’évaluation et de sélection des articles (Srivastava, Singh et Dhir, 2020).

  7. Cet ajout « manuel » d’articles repose sur le fait que certains articles ne sont pas compris dans la recherche générique sur SCOPUS en raison de termes trop spécifiques et qui restent minoritaires dans cette littérature comme les termes « pandemic », « exogenous risk », « political events » ou encore des termes faisant référence à des événements concrets sans mention de la forme de choc comme par exemple, « the 09/11 ».

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graphique 2

Le processus d’analyse de contenu, étapes du modèles TCCM et pistes de recherche

Le processus d’analyse de contenu, étapes du modèles TCCM et pistes de recherche

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Résultats

Les deux parties suivantes présentent les résultats et les enseignements de cette recherche (Tranfield et al., 2003). Nous proposons ici un aperçu du corpus puis nous détaillons les résultats de l’analyse de contenu qui s’organise sous la forme du modèle TCCM.

Aperçu de l’échantillon

Le Tableau 3 donne un aperçu des 176 articles composant notre corpus. Celui-ci rend compte de 41 années de recherche sur le concept de « choc exogène » associé au MI. Le premier article parut sur ces deux dimensions dans les revues en sciences de gestion date de 1980 et se situe en résonance avec les turbulences économiques et politiques de la Guerre Froide (Ryans et Shanklin, 1980).

La publication moyenne par année sur ces deux dimensions est relativement faible (4,2 publications par an) mais ce chiffre reste à nuancer, car nous observons une grande disparité de publications entre les trente premières années (1980-2010) et les dix dernières (2010-2020) (voir Graphique 3). Ces dernières années concentrent 66 % de l’échantillon avec un véritable essor de la publication sur ces deux dimensions à partir de 2010 qui s’explique par la dernière crise économique et financière mondiale qui a touché la majorité des pays du monde et a bouleversé radicalement le commerce international (Yu et Lindsay, 2016). Par ailleurs, cette dernière crise mondiale se trouve être un des chocs exogènes les plus étudiés de cette revue systématique (voir Tableau 4). Cet essor de la production scientifique rend compte d’une littérature encore récente qui prend racine dans les problématiques actuelles. En effet, le Tableau 5 présente l’évolution des formes de chocs exogènes étudiées par période selon la classification que nous avons retenue. Les nouvelles formes de chocs étudiées apparaissent en forte adéquation avec les événements concrets ayant marqué chaque décennie. C’est notamment le cas de l’essor de l’étude des pandémies et épidémies en lien avec la survenue d’événements comme l’épidémie Ebola, SARS et Covid-19 dans la dernière décennie (2011-2020).

Tableau 3

Description de l’échantillon

Description de l’échantillon

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Tableau 4

Top 3 des chocs exogènes spécifiques les plus cités

Top 3 des chocs exogènes spécifiques les plus cités

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Tableau 5

Répartition du nombre d’articles par forme de choc exogène

Répartition du nombre d’articles par forme de choc exogène

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La recherche portant sur ce sujet apparait comme une recherche pluridisciplinaire compte tenu de la grande diversité de domaines de recherche, des revues qui englobent tous les champs des sciences de gestion (voir Tableau 6). Le sujet n’a donc pas seulement intéressé les revues publiant en MI, mais aussi d’autres disciplines comme le marketing ou encore la gestion des ressources humaines.

Dans la partie suivante, nous approfondissons ces premiers résultats par une analyse de contenu des 176 articles, ce qui va nous permettre de proposer des pistes de recherche futures théoriques, empiriques et méthodologiques sur notre sujet.

Analyse de contenu

Théories (T)

Cette sous-section analyse les cadres théoriques mobilisés dans notre corpus (Tableau 7). Notre analyse se fonde sur un codage systématique des cadres théoriques mobilisés dans chaque article. De plus, afin d’enrichir l’étude de ces cadres théoriques, nous associons chaque article à leur domaine de recherche pour affiner les explications sur les théories et objets de recherche[1].

Tout d’abord, l’approche par les ressources ou RBV est le cadre théorique le plus représenté dans l’ensemble du corpus (36 articles; 20,45 %). La RBV est utilisée pour mettre en avant le rôle vital des ressources pour la croissance mais surtout la survie de la firme et ses capacités d’adaptation face à un choc exogène. La création et le maintien d’avantages concurrentiels vont permettre à la firme de surmonter ces événements déstabilisateurs. C’est le cas, par exemple, des ressources expérientielles. Oetzel et Oh (2014) mobilisent l’expérience des entreprises et filiales qui ont connu des formes spécifiques de chocs exogènes (attaques terroristes, catastrophes naturelles et industrielles) pour expliquer leur probabilité plus élevée de se développer sur un marché touché par ce type d’événement. La mobilisation des différentes théories dérivées de la RBV apparait particulièrement liée aux domaines de recherche du MI et du marketing. En effet, les thématiques soulevées par ces deux domaines de recherche sont très focalisées sur d’une part, la question de la survie ou de la sortie des multinationales de marchés étrangers affectés par des chocs exogènes (Dai, Eden et Beamish, 2017) et d’autre part, sur des questions de performance à l’export dans des conditions de turbulences environnementales (Lisboa, Skarmeas et Lages, 2013). L’intérêt est d’étudier l’effet bénéfique ou néfaste de ces événements sur la façon dont les capacités de reconfiguration et de management des ressources peuvent influencer les questions de performance internationale (Fainshmidt, Nair, et Mallon, 2017).

graphique 3

Production scientifique dans le temps et chocs exogènes ayant influencé la littérature

Production scientifique dans le temps et chocs exogènes ayant influencé la littérature

Notes : les flèches correspondent à la durée réelle observée pour chaque événement.

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Tableau 6

Distribution des domaines de recherche

Distribution des domaines de recherche

Notes : (*) Correspondant aux thématiques de recherche des revues dans le classement CNRS (2020) et FNEGE (2019).

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Tableau 7

Cadres théoriques (T)

Cadres théoriques (T)

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Ensuite, les théories de l’internationalisation comme le modèle Uppsala ou encore le paradigme OLI, sont aussi des théories fortement mobilisées (22 articles; 12,50 %). Elles sont d’ailleurs souvent combinées avec d’autres théories, comme par exemple, avec la RBV (Li et al., 2005). La mobilisation de ces théories met en évidence la nécessité d’incorporer l’analyse des chocs dans les modèles existants du MI. Comme le suggèrent Li et al. (2005) avec l’intégration du concept de « choc exogène » et de gestion de l’incertitude dans le paradigme OLI. Ces événements influencent directement ou indirectement les conditions environnementales sur les marchés étrangers mais aussi les capacités internes ainsi que les stratégies d’internationalisation et d’investissement des firmes (Li et Tallman, 2011). Dans cette perspective, la théorie de la contingence, qui apparait aussi dans notre corpus (10 articles; 5,68 %), s’intéresse aussi aux liens d’interdépendance entre l’environnement externe et celui interne aux firmes pour mieux déterminer les stratégies et réponses spécifiques à chaque événement (Lee et al., 2008).

De nombreux travaux mobilisent aussi des théories liées au management de crise ou management d’incertitude (21 articles; 11,93 %). Dans la même lignée que les théories de l’internationalisation, les théories en lien avec le management de crise apparaissent très liées au domaine du MI. En effet, les travaux mobilisent des outils et connaissances provenant de la littérature de gestion des risques et s’appliquent à traiter des problématiques liées à l’internationalisation et à la gestion de crise d’ampleur internationale (Suder et Czinkota, 2005). C’est le cas, par exemple, des travaux de Tan et Enderwick (2006) qui s’intéressent à la pandémie du SRAS et montrent comment des outils comme l’approche stratégique basée sur les scénarios et le développement de plans de continuité apportent une forte flexibilité aux entreprises et permettent une meilleure préparation face à ces chocs. Ces théories sont davantage mobilisées en association avec des méthodologies qualitatives pour appréhender les mécanismes de gestion de crise (Jallat et Shultz, 2011).

De même, les théories institutionnelle et néo-institutionnelle sont très mobilisées dans notre corpus (19 articles; 10,80 %). Celles-ci mettent l’accent sur l’influence que l’environnement institutionnel exerce sur les firmes, qui doivent se conformer aux normes et aux règles en vigueur pour garantir leur légitimité et leur pérennité (Perez-Batres et Eden, 2008). Elles se prêtent bien aux études sur les chocs exogènes, car chaque opération internationale est soumise à de nouvelles contraintes et évolutions du paysage institutionnel. Ainsi, les changements institutionnels majeurs et soudains, découlant par exemple, des crises financières, affectent particulièrement l’environnement institutionnel le rendant très incertain voire instable dans le cas où l’environnement institutionnel est dit faible (Williams et Martinez, 2012). Les firmes opérant sur ces marchés, sont donc, amenées à adapter leurs capacités internes pour pouvoir survivre et se maintenir dans ces nouvelles conditions. La limite de leur rationalité les amène à adopter des comportements mimétiques sur leurs pairs pour « atténuer l’incertitude de l’environnement institutionnel post-crise » (Chung et Beamish, 2005, p. 44). La mobilisation de ces théories apparait très liée au domaine de recherche du MI. Les thématiques soulevées concernent les questions de choix de mode d’entrée et de performance internationale des multinationales au regard notamment de problématiques liées à la gestion d’incertitude institutionnelle et politique, à la complexité ou instabilité institutionnelle des marchés étrangers (Chung et Beamish, 2005) ou encore à la légitimité des firmes étrangères confrontées à des pressions institutionnelles locales (Hasija, Liou et Ellstrand, 2020). Dans cette lignée, nous retrouvons la théorie des parties prenantes (1 article; 0,57 %). Celle-ci s’apparente aussi aux pressions que peuvent exercer les parties prenantes locales et internationales présentes sur le marché étranger sur le type de réponses des multinationales (par exemple, action directe/indirecte) confrontées à ces fortes turbulences (Oetzel et Getz, 2012).

De plus, nous retrouvons la théorie de l’apprentissage organisationnel (15 articles; 8,52 %) qui permet d’expliquer la prise de décision d’une entreprise en lien avec ses expériences et apprentissages passés. Plusieurs questions entourent ce cadre théorique et correspondent à la dimension d’acquisition de ces apprentissages et de leur transférabilité. C’est le cas de l’article de Oh et Oetzel (2017) qui traite des limites de la transférabilité de ces apprentissages liés à des expériences passées dans la gestion de conflits violents sur un marché étranger. Ils explorent une de ces limites qui s’assimile à la forte contingence des expériences en lien avec un marché spécifique qui sont à la fois très difficiles à transférer vers d’autres marchés étrangers mais qui présentent un effet positif sur le niveau d’investissement lors de l’apparition de chocs exogènes semblables sur ce même marché.

De même, la théorie du comportement organisationnel apparait aussi fréquemment (12 articles; 6,82 %). Celle-ci appréhende la prise de décision, et notamment la prise de risque des décisionnaires dans ces contextes de forte incertitude. La mobilisation de cette théorie apparait très liée au domaine de l’entrepreneuriat et du MI. En effet, les thématiques soulevées se fondent principalement sur les réponses stratégiques des firmes ainsi que sur les comportements des entrepreneurs dans ces contextes de choc. Les réponses et comportements s’appliquent surtout sur la décision d’internationalisation ou sur le niveau d’engagement sur les marchés étrangers après l’apparition d’un événement de choc et notamment après la survenue de crises économiques et financières (Yu et Lindsay, 2016).

Enfin, même si moins mobilisée, la théorie des options réelles (9 articles; 5,11 %) est la plus citée dans les mots-clés des auteurs. Elle s’attache à expliquer les investissements présents au regard de leur valeur future. Appliquée au champ de la stratégie et du MI, celle-ci correspond aux investissements tangibles comme intangibles qui constituent un portefeuille d’« options » à long terme pour l’entreprise. Ces « options » permettent à l’entreprise de répondre aux événements futurs en transformant des situations désavantageuses en opportunités, en lui offrant des capacités d’adaptation et de flexibilité face aux incertitudes en provenance de l’environnement (Dai et al., 2017). Ce sont ces dimensions de flexibilité et d’adaptation qui sont retenues dans les articles s’appuyant sur ce cadre théorique. C’est le cas dans l’article de Lee et Makhija (2009) où les investissements internationaux des firmes leur offrent, en période de crise, une forte flexibilité opérationnelle et contribuent à améliorer leur niveau de performance.

Les autres théories sont moins mobilisées dans ce corpus. Nous retrouvons l’approche par les réseaux (10 articles; 5,68 %) ainsi que les théories du management interculturel (7 articles; 3,98 %) qui se focalisent sur les expatriés et l’effet de leur capital social sur la performance et l’expérience d’expatriation en contexte de fortes turbulences (par exemple, attaques terroristes) (Bader et Schuster, 2015). Nous observons aussi des théories liées au domaine de recherche de la finance et de la comptabilité comme la théorie de l’ordre hiérarchique financier (3 articles; 1,70 %) et la théorie de l’agence (2 articles; 1,14 %). Ces théories s’intéressent à l’influence des crises économiques ou financières sur la capacité d’endettement et le coût du financement pour les multinationales (Melgarejo Duran et Stephen, 2020). Pour finir, nous soulevons l’utilisation de théories plus éloignées des sciences de gestion correspondant à des théories économiques et sociologiques comme la théorie des économies d’agglomérations (Dai et al., 2013) (1 article; 0,57 %) ou encore l’approche par les mouvements sociaux (Zhang et Luo, 2013) (1 article; 0,57 %). Ces théories permettent d’enrichir les théories existantes en sciences de gestion en apportant une autre perspective aux recherches sur le sujet.

Contextes (C)

L’analyse des différents contextes de recherche dévoile plusieurs informations qui caractérisent les contextes empiriques de notre corpus (voir Tableau 8).

Concernant les régions étudiées, les études portant sur l’Asie de l’Est et du Pacifique et l’Europe sont les plus représentées dans notre échantillon. Cela s’explique par le fait que l’Asie représente un terrain d’étude varié (par exemple, diversité de régimes politiques, diversité de niveau de développement). Cet attrait pour l’Asie émerge dans le champ du MI grâce à l’accessibilité du terrain et à la diversité des formes de chocs exogènes touchant la région (par exemple, crise économique asiatique de 1997-1998, attentats de Bombay en 2008, Covid-19), ce qui en fait une aire géographique de choix pour la recherche sur ce sujet (Chung et al., 2013). Nous notons aussi l’émergence de travaux portant sur des pays moins accessibles et considérés comme émergents comme le Sri Lanka (Reade, 2009) ou le Bengladesh (Branzei et Abdelnour, 2010). L’Europe fait aussi l’objet d’une attention particulière du fait de la forte interconnexion des économies européennes qui incitent une forte internationalisation des firmes européennes mais les exposent aussi beaucoup à ces chocs exogènes, qui sont majoritairement des événements de crises économiques ou financières (Georgopoulos et Glaister, 2018). Par ailleurs, l’émergence de nouvelles régions d’études comme l’Amérique Latine, le Moyen-Orient et l’Afrique représentent des régions moins étudiées, car plus difficiles d’accès mais où l’apparition fréquente de chocs exogènes et la fragilité des pays (par exemple, défaillances des institutions politiques, manque de mesures préventives et d’urgence), en font des terrains pertinents, variés et particulièrement hostiles pour les firmes étrangères (Melgarejo Duran et Stephen, 2020).

Concernant la perspective de chaque article, nous nous intéressons à la fois aux niveaux d’analyse adoptés et aux différents types d’acteurs identifiés (Mandler et al., 2021). De nombreux travaux portent sur le point de vue des entreprises multinationales. Ces acteurs sont particulièrement représentés en raison de leur fort investissement sur les marchés étrangers. Ces investissements internationaux s’expliquent par la diversité des marchés étrangers ciblés par les multinationales mais aussi par l’utilisation de modes d’entrée engageant comme par exemple, les filiales en propre. Cela rend ces acteurs à la fois très performants à échelle internationale mais aussi très exposés à de multiples formes de chocs exogènes pouvant survenir sur ces différents marchés. Par leur activité et leurs caractéristiques (image, réputation), les multinationales sont aussi souvent plus concernées par les réponses et décisions stratégiques qu’impliquent la survenue d’un choc (par exemple, responsabilité sociale) (Zhang et Luo, 2013). De même, de nombreux travaux portent sur les dirigeants et plus particulièrement les employés expatriés dans les filiales de ces multinationales qui sont en première ligne lors de l’apparition de ces chocs, développant toute une littérature liée au management international des ressources humaines (Bader et Berg, 2013).

Nous retrouvons aussi d’autres acteurs comme les petites et moyennes entreprises (PME). Ces types d’entreprises sont moins représentés, car ils apparaissent comme acteurs encore émergents dans le champ du MI et surtout ils semblent moins directement confrontés à ces événements. En effet, en termes de pertes physiques ou matériels découlant, par exemple, d’attaques terroristes ou de catastrophes naturelles, ces acteurs favorisant le mode d’entrée moins capitalistique de l’export, sont donc potentiellement moins directement affectés par ces événements. Les choix d’acteurs et du niveau d’analyse apparaissent très liés au choc exogène étudié et à la pertinence de s’intéresser plus particulièrement à certains types d’acteurs et à certains modes d’entrée en rapport avec les conséquences directes du choc[2]. Nous remarquons, notamment, la surreprésentation du choix des multinationales et des filiales dans les études de chocs liés à des catastrophes naturelles et industrielles, attaques terroristes ou conflits armés, qui se réfèrent à des événements à fortes conséquences directes (par exemple, pertes humaines, matérielles, traumatisme profond) (Oh et Oetzel, 2011).

Tableau 8

Contextes de recherche (C)

Contextes de recherche (C)

Notes : Pour identifier les régions étudiées, nous utilisons la classification officielle des pays de la Banque Mondiale qui opère un classement par région géographique et distingue sept groupes de pays

Mandler et al., 2021

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Enfin, concernant les scénarios, ils correspondent à la manière dont l’événement de choc est étudié (Mandler et al., 2021). L’événement est pris soit comme un « contexte de recherche », c’est-à-dire le choc s’assimile au décor dans lequel s’inscrivent les relations étudiées (Hasija et al., 2020), soit comme un événement à part entière, qui est étudié pour son influence directe ou indirecte sur les relations (Dai et al., 2013). Plus de la moitié des articles considèrent le choc comme un « contexte de recherche » et l’assimilent plutôt à une temporalité de l’étude, ne mesurant pas son influence.

Caractéristiques (C)

Cette analyse des caractéristiques se focalise sur la mesure et les interactions des variables. Concernant les variables indépendantes liées à une forme de choc exogène, celles-ci se classent en trois catégories d’« effet » : la sévérité du choc exogène (Liu et Li, 2020), l’exposition/l’étendue du choc exogène (Dai et al., 2013) et l’expérience du choc exogène (Oh et Oetzel, 2017) (voir Tableau 9). De ces catégories, la sévérité du choc exogène est la variable la plus représentée dans notre corpus. Elle s’applique à toutes les formes de chocs et notamment à ceux relatifs aux attaques terroristes (Branzei et Abdelnour, 2010) et aux catastrophes naturelles et industrielles (Oetzel et Oh, 2014). Cette variable correspond à l’impact le plus immédiat découlant de l’apparition d’un tel phénomène. Sa mesure prend la forme d’une variable numérique, s’appuyant majoritairement sur le nombre de victimes par événement et permet de quantifier son ampleur de manière directe et concrète à l’aide de données secondaires extraites de bases de données accessibles (par exemple, Emergency Events Database) (Oh et Oetzel, 2011) (voir Tableau 10).

Concernant les variables modératrices relatives aux chocs exogènes, elles interagissent sur des variables liées à la stratégie de la firme (par exemple, diversification internationale), aux capacités de la firme (par exemple, son réseau de filiales) ou aux caractéristiques de l’environnement (par exemple, qualité des institutions politiques) sur les variables dépendantes décrites dans le Graphique 4. De plus, les formes de chocs exogènes les plus rencontrées parmi ces variables modératrices diffèrent de celles les plus étudiées en effet direct. Ici, ce sont les formes relatives aux turbulences environnementales et technologiques (Lee et al., 2008) ainsi que les événements de crise économique ou financière (Lee, Beamish, Lee et Park, 2009) qui sont les plus mobilisés dans les articles quantitatifs (voir Tableau 9). Cela s’explique par le fait que ces formes de chocs s’étirent dans le temps et peuvent être étudiées en « période », permettant la comparaison entre les temporalités à l’aide, par exemple, d’une variable binaire (voir Tableau 11).

Tableau 9

Caractéristiques (C) – Variables indépendantes et modératrices de choc exogène

Caractéristiques (C) – Variables indépendantes et modératrices de choc exogène

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Tableau 10

Caractéristiques (C) – Mesures des variables indépendantes de choc exogène

Caractéristiques (C) – Mesures des variables indépendantes de choc exogène

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graphique 4

Modélisation des différentes interactions et catégories de variables rencontrées dans la revue systématique

Modélisation des différentes interactions et catégories de variables rencontrées dans la revue systématique

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Concernant les variables dépendantes, nous classons les différentes variables observées sous les catégories de : (1) performance de la firme, (2) stratégie de la firme, (3) capacités organisationnelles et managériales et (4) caractéristiques du marché/environnement (voir Tableau 12). Les variables dépendantes les plus mobilisées concernent le niveau de performance de la firme au sens large (par exemple, sa performance internationale) et la stratégie de la firme (par exemple, son niveau d’investissement international). Les effets directs des chocs sont principalement étudiés sur la performance et la stratégie des firmes, au niveau de leur activité internationale, directement influencée par la survenue d’un choc exogène sur un marché étranger (Oh et Oetzel, 2011).

Concernant les effets de ces chocs exogènes sur les différentes variables dépendantes, nous notons une influence des chocs exogènes qui reste majoritairement négative. Les effets des chocs exogènes sur les variables relatives à la performance ou plus généralement à la stratégie d’internationalisation des firmes observent une tendance négative. Néanmoins, il est intéressant de noter que quelques travaux observent un effet positif de certaines formes de chocs exogènes sur des variables relatives aux capacités organisationnelles (Branzei et Abdelnour, 2010; Lee et al., 2008). Ces travaux étudient l’influence directe et positive que les turbulences environnementales, technologiques ainsi que terroristes ont sur, par exemple, les capacités d’innovation ou sur les capacités de résilience entrepreneuriale. De plus, même si peu d’études mesurent des effets positifs directs de ces événements de nombreux facteurs internes comme externes viennent atténuer ces tendances négatives. Ces facteurs internes correspondent par exemple, au capital social des firmes (Bader et Schuster, 2015), à l’expérience antérieure d’une forme de choc exogène (Oetzel et Oh, 2014), aux capacités dynamiques liées à la flexibilité opérationnelle (Chung et al., 2013), aux capacités de résilience organisationnelle (Dai et al., 2017). Quant aux facteurs externes, ils s’apparentent à des aspects macro-environnementaux comme par exemple, le type d’industrie (Fainshmidt et al., 2017), le type de choc exogène étudié (Oh et Oetzel, 2011), la qualité des instances gouvernementales (Oh et Oetzel, 2011) ou encore la proximité géographique de pairs ou de filiales soeurs (Dai et al., 2013).

Enfin, les travaux qualitatifs et conceptuels sont moins représentés (voir Tableau 14) et ne proposent pas de mesure de ces événements, c’est la raison pour laquelle il est difficile de les comparer avec les travaux quantitatifs. Cependant, ces travaux s’intéressent majoritairement aux effets bénéfiques qui ressortent de la confrontation avec une forme de choc exogène. Ainsi, les travaux qualitatifs et conceptuels s’attardent plus spécifiquement sur les effets indirects de ces événements et mettent en lumière deux grands types d’effets positifs : ceux relatifs aux apprentissages sur la gestion de crise et ceux relatifs à la découverte de nouvelles opportunités et aux transformations des pratiques organisationnelles. Pour les premiers, ceux-ci s’assimilent à des travaux portant sur les mécanismes d’adaptation aux chocs (par exemple, la reconfiguration de la chaine d’approvisionnement) (Tan et Enderwick, 2006), les pratiques liées à l’évaluation des événements de forte incertitude (par exemple, analyse par scénario) (Kunreuther et Bowman, 1997), le développement de plans de contingence et la diversification des risques (par exemple, par l’internationalisation) (Tan et Enderwick, 2006). Pour les derniers, ceux-ci correspondent à des travaux portant sur l’idée que « dans chaque crise, il y a une opportunité » (Fathallah, Branzei et Schaan, 2018, p. 629). Ces opportunités découlent du déploiement de capacités de prise de risque et saisie d’opportunité de croissance sur les marchés à haut risque (Fathallah et al., 2018), de transformations des pratiques organisationnelles (par exemple, pratiques de gestion des expatriés) (Suder, Reade, Riviere, Birnik et Nielsen, 2019), et d’orientation stratégique (par exemple, stratégie de pivot) (Morgan et al., 2020).

Tableau 11

Caractéristiques (C) – Mesures des variables modératrices de choc exogène

Caractéristiques (C) – Mesures des variables modératrices de choc exogène

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Méthodologies (M)

La majorité des travaux utilisent des méthodologies quantitatives (voir Tableau 13). Dans l’échantillon, les données sont majoritairement de type secondaire. Cela s’explique par l’importance des bases de données économiques et politiques pour la mesure des variables liées aux différentes formes de chocs exogènes (par exemple, ITERATE pour le recensement des victimes d’attaques terroristes). Les enquêtes sont aussi bien représentées, car elles constituent un outil pertinent pour capturer des dimensions liées à la perception de ces événements (par exemple, stress des expatriés, Bader et Berg, 2013) et à leur gestion (par exemple, capacités de résilience organisationnelle, Branzei et Abdelnour, 2010).

De plus, la majorité des études empiriques utilisent des données longitudinales. En effet, l’étude de ces événements fait souvent l’objet d’une étude sur les conséquences à long terme en raison de leur durée et de leur intensité qui se fait ressentir sur une longue période. C’est le cas des travaux de Dai et al. (2013) qui étudient sur la période 1987-2006, l’influence de différents conflits intraétatiques sur la survie des filiales situées dans ces zones hostiles.

Discussion et pistes de recherche

Dans cette partie, nous dressons les pistes de recherche qui découlent de l’analyse de contenu. Pour identifier chaque piste de recherche, nous suivons les étapes décrites dans le Graphique 2. Nous synthétisons les pistes de recherche dans le Tableau 14.

Tableau 12

Caractéristiques (C) – Variables dépendantes

Caractéristiques (C) – Variables dépendantes

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Tableau 13

Méthodologie de recherche (M)

Méthodologie de recherche (M)

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Pistes de recherche futures — Théories (T)

Nous nous questionnons sur l’adaptation de certaines théories au regard du phénomène soudain, brutal et inhabituel de choc exogène. Dans leur article, Lee et al. (2009) confrontent les cadres théoriques de la RBV à la théorie des options réelles pour traiter de la crise économique asiatique de 1997-1998. Ils démontrent la difficile application de la RBV face à des chocs exogènes. Les avantages concurrentiels, découlant des ressources et capacités des firmes, suffisent à se maintenir et à croitre sur un marché étranger en période de stabilité. Or, en période de très forte incertitude liée à la survenue d’un choc, les firmes ont davantage besoin de fortes capacités de flexibilité et d’adaptation face à ces contextes divers et variés. Cette vision très statique de la RBV s’accorde donc plus difficilement à expliquer et à comprendre la réactivité des réponses et des changements internes pour pouvoir maintenir ces avantages concurrentiels remis en question par la déstabilisation de l’environnement (Khan et Lew, 2018). Des théories plus orientées vers les capacités de flexibilité opérationnelle, de reconfiguration des ressources et sur l’évolution et les spécificités des contextes dans lesquels ces firmes opèrent, sont des théories plus à même de pouvoir étudier les chocs exogènes en MI (Dai et al., 2017). Elles font, par exemple, référence à la théorie des capacités dynamiques, la théorie de la contingence ou encore la théorie des options réelles. (Khan et Lew, 2018). Ces théories et les concepts rattachés sont plus adaptés pour répondre à l’environnement « dynamique » qui caractérisent l’environnement international soumis à des chocs exogènes (Dai et al., 2017). De plus, les travaux mobilisent souvent plusieurs cadres théoriques complémentaires. Cette tendance à combiner plusieurs théories permet d’expliquer et de comprendre au mieux la complexité des processus, des mécanismes et de l’environnement externe des firmes (par exemple, la théorie des capacités dynamiques en combinaison avec la théorie de la contingence; Lee et al., 2008).

Piste de recherche 1 : mobiliser des cadres théoriques « dynamiques » et complémentaires afin de mieux cerner la complexité des interactions entre l’entreprise internationalisée, ses activités internationales et l’environnement international bouleversé par une forme de choc exogène.

Tableau 14

Synthèse des pistes de recherche

Synthèse des pistes de recherche

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Pistes de recherche futures — Contextes (C)

En s’intéressant aux aires géographiques étudiées, cela nous amène à nous interroger sur l’origine des firmes étrangères étudiées. En effet, la provenance des firmes étrangères peut faire varier leur vulnérabilité face à l’apparition de certaines formes de chocs exogènes. Par exemple, des firmes en provenance de la région étudiée peuvent être moins sensibles à l’apparition de chocs exogènes en relativisant leur effet de choc inhabituel et augmentant leur réactivité ainsi que leur résistance face à l’apparition d’événements similaires et récurrents (Fathallah et al., 2018). De plus, cette relativisation voire « endogénéisation » de certaines formes de chocs en fonction de l’origine géographique des firmes, nous conduisent à nous questionner autour de la généralisation des travaux portant sur un marché étranger spécifique et sur l’aspect très contingent et unique de chaque choc exogène.

Piste de recherche 2 : comparer les origines géographiques des firmes afin d’étudier la perception et la gestion des chocs exogènes et de se questionner autour de la généralisation et/ou spécificité des résultats obtenus propre à un contexte géographique.

Concernant la perspective d’analyse, la prépondérance des études portant sur les multinationales et leurs réseaux de filiales incite à se focaliser davantage sur les PME et startups, organisations encore peu étudiées. Par leur forte participation aux échanges internationaux, les PME demeurent des acteurs exposés à ces turbulences sur les marchés étrangers (Yu et Lindsay, 2016). De plus, leurs ressources et capacités plus limitées, questionnent leur degré de vulnérabilité face à l’apparition de ces chocs exogènes. Cela peut rendre ces acteurs particulièrement vulnérables à l’apparition de chocs exogènes ou au contraire, plus flexibles et réactifs (Morgan et al., 2020). Le contexte de pandémie actuelle constitue un choc exogène à part entière et invite à s’interroger sur l’influence que ces événements peuvent avoir sur l’ensemble des acteurs participant au jeu international et ainsi, à élargir les études à d’autres typologies d’acteurs comme, par exemple, les firmes exportatrices ou institutions gouvernementales (Yu et Lindsay, 2016). L’étude de ces autres types d’acteurs permet de généraliser davantage les résultats et d’analyser des réponses et capacités d’adaptation différentes de celles observées chez les multinationales.

Piste de recherche 3 : étendre les études sur les entreprises de taille intermédiaires et PME pour diversifier les réponses apportées sur ces phénomènes de chocs et les capacités de gestion.

La plupart des études portent sur le niveau d’analyse de la firme, et plus particulièrement sur celui de la multinationale. Il est intéressant de noter que le niveau d’analyse bascule de plus en plus au niveau de l’entité présente sur le marché étranger, par exemple au niveau de la filiale. Il est pertinent de soulever la nécessité de focaliser ces études sur ces entités présentes sur les marchés étrangers, car elles se trouvent être directement confrontées aux chocs exogènes. Cela explique l’émergence d’une littérature autour de l’expatriation (gestion des ressources humaines), la gestion des chocs à échelle locale et la décentralisation de la prise de décision.

Piste de recherche 4 : incorporer un niveau d’analyse au plus près des marchés étrangers confrontés à un choc exogène.

Pistes de recherche futures — Caractéristiques (C)

Concernant les variables et leur mesure, les articles mobilisant des variables relatives à la sévérité ou l’étendue du choc exogène sont des travaux très récents. De nombreux articles ne mesurent pas ces variables de choc exogène mais utilisent la temporalité de l’étude pour décrire un « contexte » de choc (Li et Tallman, 2011). De ce fait, nous soulignons l’importance de pousser les recherches mobilisant les différents types de variables relatives aux chocs avec leurs effets directs comme indirects (Oetzel et Oh, 2014) (voir Tableau 8). Aussi, il est possible d’étayer ces variables numériques unidimensionnelles en y incorporant d’autres dimensions du choc comme le nombre d’incidents (Bader et Schuster, 2015), l’ampleur géographique (Dai, Eden et Beamish, 2013) ou encore la durée et la fréquence d’apparition (Branzei et Abdelnour, 2010). De même, d’autres types de variables peuvent aussi se référer au choc exogène et restent à exploiter pour enrichir les modèles conceptuels, comme par exemple, les variables d’exposition ou de sensibilité face à ces phénomènes au niveau individuel (dirigeant, équipe) (Reade, 2009) comme au niveau organisationnel (Dai et al., 2013) et des variables en lien avec les expériences et apprentissages passées de ces événements au niveau individuel comme organisationnel (Oh et Oetzel, 2017). La diversité de ces événements complexifie l’utilisation d’une mesure unique et incite donc à varier et à enrichir les mesures de ces événements pour pouvoir plus facilement les comparer en les intégrant dans les mêmes travaux de recherche (Oetzel et Oh, 2014).

Piste de recherche 5 : enrichir les mesures de choc exogène existantes en diversifiant les critères d’évaluation (par exemple, étendue, durée, intensité, niveau d’exposition géographique, sensibilité, expérience) à différents niveaux d’analyse (par exemple, individu, division d’entreprise, filiale, siège) pour permettre une comparaison de leurs différents effets.

Enfin, l’analyse des variables dépendantes établit la prépondérance des variables de « performance » et de « stratégie » et peuvent être mises en relation avec les formes de chocs exogènes étudiées ainsi que leur place dans les modèles conceptuels. En revanche, l’influence sur les capacités organisationnelles et individuelles sont moins étudiées (Bader et Berg, 2013). Il peut être intéressant d’explorer ces capacités internes, car elles peuvent contribuer à expliquer les différentes réponses, réactions (par exemple, adaptation, communication de crise) (Cros et Gaultier-Gaillard Cros, 2015; Mayrhofer et Urban, 2021) et degré de vulnérabilité des firmes face à ces chocs exogènes. De plus, le contexte actuel de pandémie met en avant ces nouvelles problématiques liées aux capacités internes de résilience et d’adaptation, comme des mécanismes de survie voire comme de nouveaux leviers de croissance (Morgan et al., 2020).

Piste de recherche 6 : exploiter des variables dépendantes comme indépendantes liées aux capacités organisationnelles (par exemple, résilience organisationnelle, capacité d’apprentissage) et individuelles (par exemple, niveau de stress des employés, performance des expatriés) dans les modèles conceptuels mobilisant l’influence des chocs exogènes.

Pistes de recherche futures — Méthodologies (M)

L’analyse des méthodologies révèle que les méthodes qualitatives et mixtes sont moins représentées. Celles-ci peuvent permettre de mieux comprendre les mécanismes liés aux capacités organisationnelles ou individuelles de perception, de gestion et d’adaptation face à ces phénomènes de choc (Jallat et Shultz, 2011). Ces méthodologies peuvent aider à mieux appréhender les réponses mais aussi les facteurs internes pouvant atténuer l’effet direct des chocs exogènes, en constituant des études en amont pour développer de nouvelles mesures qui pourront être testées, dans un second temps, par des études quantitatives.

Piste de recherche 7 : utiliser des méthodologies de recherche mixtes afin de mieux cerner les concepts et outils liés à la perception et à la gestion de ces événements par les acteurs concernés.

Concernant les méthodologies quantitatives, nous suggérons d’approfondir les modèles mobilisant des régressions en panel ou des études de cas avec une perspective historique, tous deux mobilisant des données longitudinales, qui permettent de retracer la performance, les stratégies internationales ou les réponses des firmes sur le long terme à la suite d’un choc (Dai et al., 2017).

Piste de recherche 8 : utiliser des modèles de régression en panel et des formes de données longitudinales pour enrichir les modèles existants en examinant sur le long-terme les réactions et stratégies des firmes face à ces événements.

Cette revue systématique contribue à dresser une liste non-exhaustive de pistes de recherche qui permettent d’approfondir la recherche sur ce sujet, en guidant les choix théoriques, empiriques et méthodologiques. Le contexte actuel de pandémie mais aussi le conflit très récent en Ukraine, ramènent sur le devant de la scène l’intérêt d’étudier ces événements de choc. Ces contextes particuliers amènent ainsi à, d’une part, une évolution des thématiques de recherche vers de nouvelles formes de chocs exogènes (par exemple, pandémies, conflits armés, catastrophes climatiques) et d’autre part, à une extension des modèles d’internationalisation existants pour reconsidérer ces risques discontinus dans la prise de décision internationale. Dans cette lignée, Li et al. (2005) questionnent le paradigme OLI au regard de la prise de conscience de nouvelles incertitudes sur les principales questions du MI : le choix du marché étranger, des ressources et compétences spécifiques, du moment et du mode d’entrée. De même, le modèle d’internationalisation Casino, qui s’inscrit dans la lignée du modèle d’Uppsala, s’intéresse aux stratégies d’internationalisation et notamment de diversification des marchés comme un portefeuille d’« options », un moyen de réduire l’exposition à des risques internationaux (Håkanson et Kappen, 2017). Ce contexte de pandémie et de conflit très récent en Europe incite les managers et gouvernements à prendre conscience de ces formes d’incertitudes difficilement mesurables et très souvent évolutives, ne réapparaissant pas telles qu’elles ont déjà été observées par le passé (par exemple, pandémies et les diverses mutations de virus) (Tan et Enderwick, 2006). Ce travail relève ainsi d’une dimension managériale forte. Tout d’abord, il permet de développer une typologie de chocs et une définition qui permettent de les identifier pour prendre conscience de leur existence, de leur variété et de leur spécificité. Ensuite, ce papier contribue à apporter des recommandations sur les pratiques en MI découlant de l’exposition à un choc exogène. En effet, les managers sont amenés à repenser leur stratégie d’internationalisation. Sur le court terme, les entreprises et managers sont conduits à développer de fortes capacités d’adaptation en fonction des changements dits transitoires qui suivent la survenue d’un choc. Comme nous avons pu l’observer dans ce contexte de pandémie avec le détournement de compétences et ressources internes vers de nouvelles activités (par exemple, production de masques). Sur le long terme, les managers prennent peu à peu conscience des profonds changements environnementaux et managériaux que produisent ces événements sur les décisions d’investissement à l’international (par exemple, perturbations du commerce international, surcoût des couvertures d’assurance à l’international, tensions géopolitiques). Diverses nouvelles pratiques et outils découlent de cela, comme le développement de stratégies de gestion de crise (par exemple, stratégie de diversification des marchés, stratégie d’imitation des concurrents), le rôle de l’expérience dans l’amélioration de la gestion des chocs, l’effet positif de ressources et capacités spécifiques comme la résilience organisationnelle ou la communication de crise, la décentralisation de la prise de décision pour une meilleure compréhension des problématiques locales, la préparation organisationnelle au travers de la collecte d’information, la coopération avec des acteurs locaux ou encore la planification stratégique par scenarios. De ces pratiques managériales, nous mettons l’accent sur deux points essentiels. D’une part, nous mettons en avant le rôle de la préparation et notamment l’intérêt d’adopter une approche par options réelles pour mieux gérer la survenue de choc exogène sur les marchés étrangers. Cette approche incite à créer des solutions (« options ») avant même l’apparition des problèmes, de sorte à développer des fortes capacités de flexibilité et de redondances, dans la dispersion géographique des activités de la firme, afin de réduire l’exposition à ces événements mais aussi de saisir de nouvelles opportunités dans ces contextes de fortes incertitudes (Lee et Makhija, 2009). D’autre part, le rôle de la perception managériale des divers chocs, sujet à différents biais cognitifs et à la subjectivité individuelle, peut faire fortement varier les réponses et réactions apportées.

Conclusion

Ces dix dernières années, la publication sur le concept multiforme de choc exogène s’est accélérée. Cet intérêt marqué dans le champ du MI s’explique par la propagation de ces événements et l’ampleur mondiale de leurs conséquences avec la toute dernière illustration correspondant à la pandémie actuelle. D’une part, la forte contextualisation des articles de recherche, influencés par l’évolution des événements marquant l’actualité des firmes internationalisées et d’autre part, la fréquence d’apparition de ces événements, réduisent l’effet inhabituel de ces chocs exogènes et diminuent ainsi leur impact en lien avec le développement de connaissances sur les modes de gestion et de préparation face à ces phénomènes. L’analyse de contenu nous a permis de mettre en évidence une définition précise des chocs exogènes avec une classification des événements s’y rapportant dans la littérature en MI. A l’aide du modèle TCCM, nous avons pu déceler huit pistes de recherche concernant les cadres théoriques, les contextes de recherche, les caractéristiques des variables et des interactions à étudier ainsi que les méthodologies et outils à privilégier. La principale limite de cet article est que compte tenu de la sélection d’articles par des critères d’inclusion stricts (choix de mots-clés, sélection de revues, langue), nous avons pu exclure certains travaux de notre analyse. Ce travail pourra faire l’objet de travaux complémentaires avec d’autres analyses bibliométriques de type analyse de co-citation ou de couplage bibliométrique pour évaluer la structuration de cette littérature. Aussi, l’aspect pluridisciplinaire du concept de « choc exogène » peut inciter les chercheurs à dialoguer avec d’autres champs disciplinaires, comme les sciences économiques ou politiques, pour s’intéresser aux apports théoriques et empiriques de ces champs sur les travaux en MI (Egger et Gassebner, 2015).