Résumés
Résumé
Cet article analyse le comportement paradoxal des expatriés de retour frustrés mais fidèles à leur organisation à partir d’une théorie encore émergente en sciences de gestion, celle du don/contre-don de Marcel Mauss. En considérant une expérience d’expatriation comme un « fait social total » qui inclut le passé, le présent et le futur de l’individu et articule l’ensemble des dimensions personnelles et professionnelles, nous proposons une perspective renouvelée sur la période du retour d’expatriation et formulons des préconisations managériales qui prennent en compte les mécanismes nouveaux mis en évidence.
Mots-clés :
- Expatriation,
- Don/contre-don,
- Marcel Mauss,
- Carrière,
- Gestion internationale des ressources humaines
Abstract
This article analyzes the paradoxical behaviour of repatriates who are frustrated yet remain loyal to their organization, using Marcel Mauss’s gift/countergift theory, which is a still-emerging in management science. Considering an expatriation experience as a “total social fact” that includes an individual’s past, present and future and connects all their personal and professional dimensions, we set forth a renewed perspective on the period of repatriation and offer managerial recommendations that take into account the new mechanisms brought to light.
Keywords:
- Expatriation,
- gift/countergift,
- Marcel Mauss,
- career,
- international human resources management
Resumen
Este artículo analiza el paradójico comportamiento de los repatriados frustrados pero fieles a su organización, a partir de una teoría aún emergente en las Ciencias de Gestión, la del “don/contra-don”, de Marcel Mauss. Considerando una experiencia de expatriación como un “hecho social total” que incluye el pasado, el presente y el futuro del individuo y articula el conjunto de las dimensiones personales y profesionales, proponemos una perspectiva renovada sobre el periodo de regreso de la expatriación y formulamos preconizaciones que toman en cuenta los nuevos mecanismos puestos en evidencia.
Palabras clave:
- Expatriación,
- Don/contra-don,
- Marcel Mauss,
- Carrera profesional,
- Gestión Internacional de Recursos Humanos
Corps de l’article
D’abord concentrée sur les questions de sélection et d’adaptation des expatriés, la littérature sur l’expatriation souligne aujourd’hui que la phase du retour est cruciale (Barmeyer et Davoine, 2012; Breitenmoser et Bader, 2019; Chiang et al., 2018). Ces recherches montrent que, pour l’expatrié, cette phase du retour est souvent dominée par des frustrations à la fois sur le plan personnel et professionnel (Barabel et Meier, 2013; Davoine et al., 2018). Pour de nombreux auteurs, ces frustrations sont l’une des explications principales du turn-over élevé parmi les expatriés de retour (Jassawalla et Sashittal, 2009; Vidal et al., 2007, 2008; Yeaton et Hall, 2008). Plusieurs études évaluent en effet qu’entre 20 et 50 % des expatriés quittent leur entreprise dans les deux ans qui suivent leur retour d’expatriation (Kim et Mc Lean 2012; Stahl et al., 2009; Vidal et al., 2007).
Afin d’enrichir cette littérature sur le retour d’expatriation, notre article s’intéresse à une population singulière : les expatriés de retour frustrés mais fidèles à leur organisation. Sans considérer le turn-over comme nécessairement mauvais pour l’entreprise comme pour le salarié (Lazarova et Cerdin, 2007; Thévenet, 2003), l’étude de cette population est intéressante à la fois sur le plan managérial et conceptuel. En effet, les entreprises qui ont recours à l’expatriation considèrent généralement que les compétences acquises à l’étranger par les expatriés sont, lors du retour, une source d’avantage concurrentiel pour l’ensemble de l’entreprise (Berthoin Antal, 2001; Oddou et al., 2013; Reiche et al., 2009). Le transfert de ces compétences est toutefois un défi (Davoine et al., 2018) et ces entreprises ont donc grandement intérêt à éviter que des expatriés de retour frustrés refusent de s’engager activement dans ce transfert. L’étude de cette population est également intéressante sur le plan de la recherche. En effet, afin de comprendre le comportement des expatriés de retour frustrés mais fidèles, nous proposons de mobiliser une théorie encore émergente en sciences de gestion : celle du don/contre-don de Marcel Mauss. Parce qu’elle se focalise sur les liens sociaux qui perdurent, nous montrerons que cette théorie apparaît comme un cadre intéressant pour identifier les mécanismes sous-jacents qui expliquent le comportement de cette population. Le recours à cette théorie inédite dans les recherches sur l’expatriation est d’autant plus justifié que les caractéristiques de l’échange de type don/contre-don correspondent bien à ce qu’est et à ce qu’implique une expérience d’expatriation.
Si la littérature a bien défini et identifié les sources de frustrations des expatriés de retour, il est en revanche plus délicat de définir le concept de fidélité. En effet, comme l’écrit Petit (2012, p. 10) : « le concept de fidélité en gestion est complexe puisqu’il touche à l’affect et est difficilement mesurable ». Même si l’on considère uniquement le domaine de la Gestion des Ressources Humaines, plusieurs définitions de la fidélité coexistent (Colle, 2006; Dutot, 2004; Peretti, 2005). En nous basant sur les travaux de Colle (2006), la fidélité d’un salarié peut être définie à partir de deux dimensions : une dimension « attitudinale » qui renvoie à la non volonté du salarié de quitter son organisation du fait d’un sentiment d’appartenance fort et une dimension « comportementale » qui renvoie à l’absence de démarches entreprises dans le but de quitter l’organisation. A partir de ces définitions, cet article propose de répondre à la problématique suivante : « Comment peut-on expliquer le paradoxe des expatriés de retour frustrés mais fidèles à leur organisation ? ».
Revue de la littérature
Frustrations, brèches dans le contrat psychologique et turn-over des expatriés de retour
La littérature identifie que les frustrations des expatriés de retour s’expriment à la fois sur le plan personnel et sur le plan professionnel (Cerdin, 2010). Sur le plan personnel, le retour d’expatriation peut être marqué pour le salarié par une perte de statut social ainsi que par la baisse de son niveau de vie (Barabel et Meier, 2013; Cerdin, 2010; Vidal et al., 2008). En effet, pendant leur mobilité internationale, les expatriés bénéficient généralement de positions élevées au sein de la filiale leur conférant un statut social important à la fois au travail et dans le pays/la communauté d’accueil (Caligiuri et Lazarova, 2001).
Sur le plan professionnel, deux principales sources de frustrations ont été identifiées chez les expatriés de retour. La première tient au fait que les expatriés de retour n’ont pas toujours la possibilité de mobiliser les compétences qu’ils ont développées lors de leur mobilité internationale (Davoine et al., 2018). De nombreuses recherches ont été menées pour comprendre les raisons expliquant, au retour, la faible utilisation des compétences développées à l’international (Barmeyer et Davoine, 2012; Berthoin Antal, 2001; Burmeister et al., 2018). La littérature identifie alors trois éléments à considérer : la capacité et la motivation à transmettre de l’expatrié (Adler, 1981; Oddou et al., 2009); le contexte organisationnel (culture et structure) au sein duquel l’expatrié évolue (Berthoin Antal, 2001) et la nature des connaissances ou compétences développées (Adler, 1981).
Bien que ces obstacles au transfert soient multiples, les entreprises disposent de solutions pour les surmonter. Par exemple, dans un travail récent, Davoine et al. (2018) montrent que le transfert des compétences suite au retour est facilité lorsque les entreprises parviennent à développer le dialogue entre les pratiques de global talent management (GTM) et de global knowledge management (GKM). Les auteurs montrent alors que le programme d’experts pays (Country expert program), en identifiant comme experts d’anciens expatriés et ce afin qu’ils partagent leur expertise sur un marché ou une culture spécifique, qu’ils participent à la formation des futurs expatriés ou encore qu’ils mettent à disposition leur réseau développé à l’international, permet d’articuler en un processus d’apprentissage dyadique la vision organisationnelle du knowledge management et l’approche individuelle du talent management.
La seconde source principale de frustrations des expatriés de retour tient à la question de la gestion des carrières. La progression de carrière est l’une des principales motivations pour les salariés d’accepter ou de rechercher une mobilité internationale (McNulty et al., 2013). Les expatriés attendent donc que leur mobilité ait un impact significatif sur leur carrière dans l’organisation à court terme (Bader, 2017; Dickmann et al., 2008; Ren et al., 2013). Or, les recherches montrent que les expatriations ont un effet positif sur les carrières seulement pour une partie des expatriés (Barabel et Meier, 2013; Ramaswami et al., 2016; Suutari et Brewster, 2003). Ainsi, dans leur étude menée auprès de 121 anciens expatriés français travaillant pour une grande entreprise française appartenant au secteur de l’énergie, Barabel et Meier trouvaient que seulement 26.6 % de ces anciens expatriés considéraient avoir gagné en autonomie et en responsabilité suite à leur retour de mobilité internationale. Breitenmoser et Bader (2019) utilisent même le concept de « déraillement de carrière » pour caractériser de nombreuses trajectoires des expatriés à leur retour. Cet impact mitigé de l’expatriation sur les carrières est anticipé par les expatriés eux-mêmes. Alors qu’ils sont encore en expatriation, ils sont souvent pessimistes quant à l’intérêt du poste qui pourra leur être proposé à leur retour (Stahl et al., 2009). Une partie du turn-over des expatriés est d’ailleurs lié au fait que des expatriés de retour « proactifs » sont tellement pessimistes sur le poste que leur entreprise pourra leur proposer à leur retour qu’ils cherchent très rapidement un emploi dans une autre organisation (Lazarova et Cerdin, 2007). A nouveau, même si ces frustrations sont très nombreuses, les entreprises ne sont pas complètement démunies face à elles. Grâce à leur revue systématique de la littérature en Gestion des Ressources Humaines, Greer et Stiles (2016) proposent un système de gestion qui articule des pratiques de transfert, de développement des carrières et de développement organisationnel qui permettent de construire une stratégie concernant le retour d’expatriation et de limiter ainsi les frustrations.
Comme nous venons de le voir, les différentes sources de frustrations chez les expatriés de retour sont bien renseignées par la littérature en sciences de gestion. Cette littérature a montré que ces frustrations sont un facteur explicatif du turn-over important au sein de cette population (Jassawalla et Sashittal, 2009; Lazarova, 2015; Lazarova et Caligiuri, 2001; Vidal et al., 2007, 2008; Yeaton et Hall, 2008). Dans cette littérature, le lien entre ces frustrations et le turn-over des expatriés de retour est le plus souvent conceptualisé grâce à la théorie du contrat psychologique (Aldorassi et Robertson, 2016; Andresen et Göbel, 2010; Halsberger et Brewster, 2009; Jassawalla et al., 2004; Ren et al., 2013). Par exemple, Jassawalla et al. (2004) soulignent que des compétences peu valorisées ou des perspectives de carrières moins élevées que celles attendues par le salarié sont des éléments perçus par ce dernier comme autant de brèches dans le contrat psychologique qui s’est implicitement construit entre lui et son organisation. Les recherches menées dans le cadre de cette théorie montrent que les brèches ou la violation du contrat psychologique conduisent les salariés à adopter différents comportements. Ainsi, Shore et Tetrick (1994) distinguent cinq réactions possibles suite à la violation du contrat psychologique : la parole (voice), le silence (silence), le retrait (retreat), la destruction (destruction) et la défection (exit). Plus largement, l’essentiel des recherches montre que la violation du contrat psychologique se traduit par différents comportements ayant tous à voir avec du désengagement. En effet, suite à un travail de revue de littérature sur le sujet, Mullenbach-Servayre (2009) trouve que l’apparition de brèches dans le contrat psychologique provoquerait une diminution de la loyauté, une altération de l’implication organisationnelle affective ou encore l’intention de quitter l’entreprise.
Si la théorie du contrat psychologique est la théorie dominante et un cadre robuste pour l’analyse de la carrière des expatriés, nous considérons que la théorie du don/contre-don, encore émergente en GRH, est davantage adaptée à l’étude de notre problématique de recherche et ce pour deux raisons principales. Premièrement, nous étudions la population des expatriés de retour frustrés mais fidèles à leur organisation. Nous allons constater que, loin de se désengager, la plupart d’entre eux, s’investissent plus fortement dans leur organisation. Ceux-ci n’adoptent donc pas le comportement de désengagement qui est proposé par la théorie du contrat psychologique. En effet, alors que la théorie du contrat psychologique explique bien la dégradation voire la rupture du lien, la théorie du don contre-don analyse principalement les raisons pour lesquelles le lien social perdure. Elle propose donc des perspectives particulièrement intéressantes pour la population que nous étudions. Deuxièmement, l’expatriation nous semble particulièrement correspondre à une expérience professionnelle relevant davantage de l’échange généralisé (perspective maussienne) plutôt que de la simple réciprocité comme cela est le cas dans la théorie du contrat psychologique. A ce propos, il est intéressant de noter que l’article d’Andresen et Göbel (2010) qui présente la perspective la plus sociale et la plus collective pour l’analyse de la carrière des expatriés comprend de nombreuses références à la théorie du don/contre-don de Marcel Mauss.
Des expatriés de retour frustrés mais fidèles : enrichir l’analyse grâce au don/contre-don
De nature sociologique et anthropologique, la théorie du don/contre-don de Marcel Mauss (1923-1924/1950/1999) fait l’objet d’une mobilisation de plus en plus fréquente en sciences de gestion (Adla et Gallego-Roquelaure, 2018; Berthoin Antal et Richebé, 2009; Dodlova et Yudkevich, 2009; Göbel et al., 2013; Pihel, 2006, 2008, 2010). Cette théorie propose l’idée que le lien social est construit et entretenu par un système d’échange généralisé structuré par trois obligations formant « le cycle triadique du potlatch » : donner/recevoir/rendre. Pour Mauss, ce « cycle triadique du potlatch » présente une double ambivalence : « liberté/contrainte » et « gratuité/intérêt ». Premièrement, les donneurs comme les donataires sont à la fois libres et contraints de donner/de recevoir. En effet, comme l’explique Masclef (2013, p. 13), le donneur est contraint de donner « par une contingence quelconque (sociale, économique, religieuse...), mais il doit être libre en apparence ». Toutefois, le donneur est libre concernant le choix du donataire et l’objet donné. De son côté, le donataire est aussi « contraint » de recevoir le don. En effet, dans le cas contraire, le donataire s’expose à provoquer la déception, la méfiance, la rancoeur voire le conflit. La deuxième ambivalence concerne le caractère à fois gratuit (ou désintéressé) et intéressé du don. En effet, dans le cadre de l’échange généralisé, les acteurs doivent agir de façon désintéressée et gratuite sous peine d’être vus, dans le cas contraire, comme vulgaires et impolis. Or, dans la perspective de Mauss, le don ainsi que le contre-don restent « une manoeuvre éminemment intéressée et étrangère à toute forme d’altruisme ou de générosité » (Masclef, 2013, p. 14).
Par ailleurs, ce « cycle triadique du potlatch » présente quatre autres caractéristiques qui nous semblent véritablement correspondre à ce qu’est une expérience d’expatriation et donc qui justifient la mobilisation de la théorie du don/contre-don pour analyser et comprendre la situation paradoxale des expatriés de retour frustrés mais fidèles à leur organisation.
Premièrement, les dons et contre-dons peuvent être de différentes natures : biens (coquillage, monnaie), services (travail), actions symboliques (reconnaissance d’un statut social), etc. Par exemple, les recherches récentes menées par Adla et Gallego-Roquelaure (2018) ont permis de montrer la nature variée des dons et contre-dons échangés entre le dirigeant d’une PME et ses salariés. En effet, pour les auteures, les dons sont portés par le dirigeant et s’expriment dans la politique de GRH mise en place. En retour, les contre-dons des salariés sont variés : participation active au comité santé bien-être, volontariat pour assurer le tutorat des nouveaux arrivants, etc. S’agissant des travaux portant sur l’expatriation, ces derniers ont également permis de mettre en évidence, sans pour autant recourir à la perspective maussienne, la grande variété des « éléments échangés » entre le salarié expatrié et son organisation. En effet, l’expatrié consent des dons divers comme par exemple des journées de travail souvent plus longues que dans son pays d’origine, l’éloignement géographique de ses proches, la perte du salaire de son-sa conjoint-e, etc. (Barabel et Meier, 2013). Les contre-dons consentis par son organisation sont également de nature variée : primes de mobilité, mise à disposition d’une voiture de service (parfois avec chauffeur), aide à la recherche d’emploi pour le-la conjoint-e, perspectives de carrière suite au retour, etc. (Andresen et Göbel, 2010 ; Cerdin, 1996).
Deuxièmement, dans le « cycle triadique du potlatch », ces trois obligations s’expriment avec des décalages temporels qui peuvent être importants : le contre-don ne suit pas de manière directe le don. Ainsi, comme le rappellent Bertoin Antal et Richebé (2009), le don/contre-don prend place à travers le temps comme une succession de dettes et de crédits et non de manière ponctuelle comme cela est le cas dans un échange simultané. A ce propos, l’expatriation correspond bien à une expérience dans laquelle les dons et les contre-dons sont également effectués de manière asynchrone. En effet, le salarié réalise ses dons durant sa mobilité internationale alors que l’un des principaux contre-dons ne pourra intervenir que suite à sa mobilité à travers le poste qu’il occupera à son retour.
Troisièmement, le don/contre-don fait de l’échange un « phénomène social total » (Mauss, 1923-1924/1950/1999). Ainsi, l’échange ne doit pas être analysé simplement comme un acte isolé qui se déroule entre deux individus mais comme un acte engageant l’ensemble de la société : toutes ses dimensions (sociales, symboliques, identitaires, affectives, relationnelles) et tous ses membres. Cette approche invitant à élargir la perspective nous apparaît comme particulièrement pertinente pour analyser les carrières des expatriés. En effet, une expérience d’expatriation se conçoit bien comme un échange qui ne peut être réduit à un acte isolé engageant seulement l’expatrié et son organisation. Ainsi, par exemple, la littérature discutant de la gestion de la rémunération des expatriés montre bien que les entreprises ont à veiller à ce que le mode de rémunération retenu ne vienne pas heurter les « valeurs et la culture du pays [d’accueil] » (St-Onge et al., 2002, p. 42). Par ailleurs, les travaux sur l’expatriation mettent également bien en évidence le fait qu’il s’agit d’une expérience complexe contenant de nombreuses dimensions. Par exemple, les recherches mentionnant la perte de statut social vécue par les expatriés suite à leur retour montrent bien la dimension symbolique que confère/contient une telle expérience. Enfin, l’expatriation est bien caractéristique d’une situation d’échange engageant des « tierces personnes ». En effet, d’une part, alors que c’est le site d’accueil qui reçoit les dons de l’expatrié, c’est le pays d’origine qui aura en charge d’assumer le contre-don et, d’autre part, l’expatrié n’est pas la seule personne à réaliser des dons dans la mesure où une expatriation signifie souvent la mise entre parenthèses de la carrière du-de la conjoint-e.
Quatrièmement, la théorie du don/contre-don insiste sur la nécessaire prise en considération du passé et du futur dans l’analyse du système d’échanges généralisés. L’échange correspond à un système de dettes différées qui fait que le contre-don, s’il est reçu un jour, ne le sera que dans l’avenir. Selon Pihel (2008, p. 504), cette approche permet ainsi de prendre en considération « la complexité de la relation » ainsi que « [sa] dynamique d’interaction durable ». Le concept de « chaîne des dons », proposé par Pihel, souligne que les situations actuelles, et notamment la volonté des salariés de donner un avenir à leur relation avec leur entreprise, prennent sens par rapport à « l’histoire de leur relation d’emploi » avec cette entreprise (Pihel, 2008, p. 518). Le concept de « chaîne des dons » lui a ainsi permis d’expliquer les « paradoxes d’engagement » des fonctionnaires de l’entreprise France Télécom alors que ces derniers vivaient une relation d’emploi accusant des déséquilibres en leur défaveur. Plus précisément, ses recherches ont montré que l’attentisme des agents en matière de carrière s’expliquaient par la combinaison d’éléments d’ordre identitaire, affectif, symbolique, social et relationnel. Elle explique alors : « la compréhension des comportements et des réactions des agents était inséparable d’une approche historique, globale et multidimensionnelle de la relation d’emploi durable, et qu’elle imposait de façon nécessaire de considérer la chaîne des dons spécifique qui unissait les agents à l’entreprise. » (Pihel, 2008, p. 519)
Au regard de ces différentes caractéristiques, la théorie du don/contre-don nous semble pertinente pour expliquer le maintien du lien social et ainsi enrichir la littérature sur l’expatriation à travers la problématique suivante : « Comment peut-on expliquer le paradoxe des expatriés de retour frustrés mais fidèles à leur organisation ? »
Nous proposons de décliner cette problématique en deux questions de recherche : Comment la théorie du don/contre-don permet d’appréhender l’émergence des frustrations fréquentes chez les expatriés de retour ? Et, comment la théorie du don/contre-don permet d’expliquer la fidélité des expatriés de retour malgré leurs frustrations ?
Méthodologie de la recherche
Présentation du contexte de la recherche et justification des choix méthodologiques opérés
L’ambition de cet article est de montrer la pertinence de la théorie du don/contre-don de Mauss pour analyser le comportement des expatriés de retour frustrés mais fidèles à leur organisation. Pour ce faire, nous mobilisons un matériau empirique se composant d’entretiens semi-directifs ainsi que de données secondaires internes. Ce matériau empirique a été recueilli dans le cadre d’une recherche dont la problématique initiale ne faisait pas référence à la théorie du don/contre-don. En effet, la recherche menée portait de manière plus large sur la carrière des expatriés au moment du retour. La pertinence d’une lecture maussienne de nos entretiens a alors émergé lors des itérations entre nos lectures sur les champs de la carrière et de l’expatriation et les entretiens menés. Notre article s’inscrit ainsi dans la pratique de la réutilisation des données qualitatives (RDQ) (Chabaud et Germain, 2006). Chabaud et Germain (2006, p. 206) distinguent quatre formes de RDQ en fonction de leur finalité (identique ou différente) et de la diversité des données utilisées (données issues d’un même projet de recherche ou données issues de plusieurs projets de recherche). Notre article correspond alors à une « analyse supplémentaire » : les données sont issues d’un même projet de recherche mais la finalité est différente. En effet, nous traitons ici une problématique émergente qui n’avait pas été suffisamment considérée lors de l’analyse primaire. Cette pratique apparaît particulièrement légitime lorsqu’elle est réalisée par le chercheur qui a collecté les données. Corti et Thompson (2004, p. 335) parlent de l’importance du « être là » permettant au chercheur de générer une capacité d’interprétation réflexive.
Les entretiens menés dans le cadre de cette étude ont été réalisés à deux niveaux : au niveau organisationnel auprès notamment de responsables de la mobilité internationale, de gestionnaires de carrières, de DRH… (23 entretiens) et au niveau individuel auprès d’anciens expatriés (42 entretiens).
Concernant les entretiens menés au niveau individuel, notre ambition était d’explorer plusieurs grands thèmes en lien avec l’expatriation et/ou la carrière. Dans un premier temps, nos entretiens suivaient la logique du récit de vie (Bertaux, 2010). Pour Bertaux (2010, p. 10), il s’agit d’un entretien au cours duquel un chercheur demande à un sujet « de lui raconter tout ou partie de son expérience vécue. » Ainsi dans ce premier temps, nous demandions à nos interlocuteurs de nous raconter leur parcours et de nous expliquer comment leur(s) expérience(s) de mobilité(s) internationale(s) s’inscrivai(en)t dans ce parcours. En effet, en présentant leur parcours et les relations existantes entre les différentes étapes qui le composent ainsi qu’en insistant - comme demandé - sur la manière dont s’est inscrite leur expatriation dans ce parcours, les anciens expatriés interrogés nous ont permis de saisir la question du poste occupé au retour de manière non isolée de leurs expériences antérieures, ce qui fait parfaitement sens au regard de la notion de « chaîne des dons ». Ensuite, les entretiens suivaient une forme semi-directive plus classique et les questions posées permettaient alors d’aborder les sujets suivants : la responsabilité du salarié ainsi que celle de son entreprise dans la gestion de son expatriation, son appréciation concernant son poste de retour, la gestion organisationnelle de sa carrière, sa proactivité en termes de gestion de carrière, ses projets futurs, etc.
S’agissant des entretiens menés au niveau organisationnel auprès de professionnels occupant différentes fonctions (Responsables de Mobilité Internationale, DRH, HRVP, HRBP, etc.) notre ambition était d’explorer les thématiques suivantes : la présentation de la mobilité internationale au sein de l’entreprise, les politiques et pratiques de gestion de la mobilité internationale, le rôle attendu de la part des salariés dans la gestion de leur mobilité internationale. Ici aussi, une attention particulière était portée sur le retour d’expatriation.
L’ensemble des entretiens réalisés, à l’exception de deux d’entre eux, ont été enregistrés et ont fait l’objet d’une retranscription intégrale. Les entretiens non enregistrés ont fait l’objet d’une prise de notes active et de la rédaction d’une synthèse thématique.
Par ailleurs, nous avons également recueilli, pour les treize entreprises dans lesquelles des entretiens ont été menés, des données secondaires internes de nature variée : site Internet des entreprises, rapport annuel, politique de mobilité interne, politique de mobilité internationale, etc. Le tableau produit en annexe (Annexe 1) présente le matériau empirique recueilli.
Si dans l’ensemble du matériau recueilli il est possible de mettre en évidence les dons et contre-dons échangés entre l’expatrié et son organisation, il nous a aussi fallu, pour les besoins de cet article, identifier la population des expatriés que nous pouvions qualifier de « frustrés mais fidèles ». Dans le cadre de cet article, nous définissons comme « expatriés fidèles » les expatriés qui n’ont pas quitté leur organisation au moment de l’entretien, qui n’ont pas réalisé de démarches dans le but de quitter leur organisation et qui n’ont pas exprimé le souhait de le faire. Par ailleurs, nous définissons comme «expatriés frustrés» les expatriés qui ont fait émerger dans leurs propos des ressentiments importants quant aux conditions de leur retour de mobilité internationale. Ainsi, sur les 42 anciens expatriés interrogés dans le cadre de nos recherches, 11 correspondent à cette description. Ces 11 anciens expatriés travaillent pour 3 entreprises différentes : 8 d’entre eux travaillent pour l’entreprise Micro-Tech, 2 travaillent pour l’entreprise Energy et 1 pour l’entreprise Rails-Fil. Nous présentons en annexe en détail le profil de ces salariés ainsi que leur organisation (Annexe 2). Les récits recueillis auprès de ces 11 anciens expatriés ont pu être triangulés, d’une part, par les données secondaires internes recueillies sur leur organisation, et, d’autre part, par les entretiens que nous avons réalisés au sein de ces entreprises au niveau organisationnel. Le détail de ces entretiens est présenté en Annexes (Annexe 3).
Méthode d’analyse des données recueillies
L’analyse de notre matériau empirique a été réalisée par questionnement analytique. Selon Paillé et Mucchielli (2016, p. 213), cette démarche consiste en « l’étude du matériau, progressive et sensible, [sic] à l’aide de questions ciblées qui vont se multiplier à mesure de l’analyse, en prise ferme avec les données empiriques ». Pour ces auteurs, cette méthode d’analyse est pertinente lorsqu’ « un dialogue intime et fécond [avec le matériau empirique collecté] suffit à accéder directement au savoir recherché », ce qui correspond à notre cas.
Ainsi, conformément aux recommandations des auteurs, nous avons mis au point une « stratégie de questionnement analytique » en trois phases (Paillé et Mucchielli, 2016, p. 214). La première phase consiste à « formuler, sélectionner, ou adapter, selon le cas, les questions opérationnalisant le mieux possible les objectifs recherchés par l’analyste ». Dans la deuxième phase, il s’agit de « soumettre le corpus pertinent (transcriptions d’entretiens, documents, notes d’observation…) à ces diverses questions, de manière à générer de nouvelles questions, plus précises et en lien avec le corpus analysé, le tout constituant ce que nous appellerons un “canevas investigatif” ». Enfin, dans la troisième phase, il convient de « répondre progressivement à ces questions en générant, non pas des catégories conceptualisantes ou des thèmes, mais des réponses directes sous la forme d’énoncés, de constats, de remarques, de propositions, de textes synthétiques, et de nouvelles questions le cas échéant. »
Pour analyser ces données, nous avons été amenés à développer deux « canevas investigatifs », l’un pour les entretiens menés au niveau individuel auprès des anciens expatriés et l’autre pour le matériau empirique recueilli au niveau organisationnel : données secondaires internes et entretiens semi-directifs. L’ambition de cet article étant de comprendre comment la perspective maussienne permet d’expliquer le comportement des expatriés de retour frustrés mais fidèles, nos canevas investigatifs ont été construits afin d’obtenir des réponses aux questions que soulève ce paradoxe. Ils sont présentés dans les annexes 4 et 5. Les réponses obtenues au moyen de ces deux canevas investigatifs ont fait l’objet d’une analyse intra et inter-organisationnelle.
Résultats
La remise en cause du « cycle triadique du potlatch » comme cause de la frustration chez les expatriés de retour
Comme nous l’avons détaillé lors de la présentation du cadre théorique, le don/contre-don est structuré par une triple obligation : donner, recevoir et rendre.
L’expatriation conduit l’expatrié à faire de nombreux dons de nature variée
L’analyse de nos entretiens met en évidence le fait que l’expatriation est une expérience impliquant de nombreux dons/sacrifices de la part des salariés. Le récit de Sébastien R. (Micro-Tech) rend bien compte de ce processus. Il déclare que s’expatrier « n’est pas forcément une décision facile d’un point de vue familial ». Cette décision implique la mise entre parenthèses de la carrière du-de la conjoint-e : « il faut bouger la famille et quand votre épouse travaille, ce qui est mon cas, elle doit à un moment donné faire un peu une croix sur sa carrière au profit de la mienne ». De plus, elle nécessite de nombreux efforts : « l’installation sur place en fait a été en grande partie, pour ne pas dire en totalité, gérée par moi et mon épouse. »
Claire C. (Informatik) témoigne aussi d’une expérience internationale enrichissante mais exigeante : « C’est quand même épuisant dans le sens où tu vas chercher au fond de toi-même ce que tu es vraiment. […] Et puis pour mes enfants il leur faut de la stabilité jusqu’à ce qu’ils soient lancés dans leurs études donc voilà je vais vraiment digérer celle-ci d’abord. »
Le récit de Michel S. (Rails Fil) fait également bien ressortir que ce dernier a consenti des dons de natures diverses, personnelle et professionnelle, comme : vivre « loin de sa famille, […] loin de ses sources », « endosser des responsabilités comme jamais », supporter un « haut niveau d’activité et de stress ».
Les entreprises n’identifient souvent pas ces dons et, dans ce cas, ne les célèbrent pas
En échange de ces dons consentis pendant l’expatriation, nos entretiens montrent que les expatriés de retour attendaient d’une part la reconnaissance/célébration de leurs dons et d’autre part espéraient être destinataires de contre-dons de la part de leur organisation. La frustration exprimée par certains expatriés s’explique alors par une remise en cause du « cycle triadique du potlatch ». Plus précisément, nos entretiens font ressortir que c’est la non-célébration de leurs dons par leur entreprise qui est à l’origine de la remise en cause de la dynamique de l’échange. Cette non célébration est très largement partagée parmi les expatriés frustrés par leurs conditions de retour avec lesquels nous avons pu nous entretenir et est souvent la conséquence d’un suivi insuffisant des expatriés. Le verbatim suivant montre bien, à travers l’absence de suivi et la non proposition de formations, la non reconnaissance des nouvelles responsabilités assumées par Alexandre F. (Micro-Tech) durant son expatriation : « Par contre, là où j’ai dû faire face à des difficultés c’est plus au niveau des Ressources Humaines. […] Parce que j’ai pris un peu de galon en partant en Chine. […] Je me retrouvais à la tête d’une quinzaine de personnes. […] A aucun moment les RH sont venus me voir en me disant : “on sait que tu manages une équipe, que c’est la première fois, voilà on a telle ou telle chose à te proposer pour comment gérer une équipe.” […] Voilà, moi je me suis senti un peu délaissé. »
Comme en témoigne l’extrait précédent, et plus largement l’analyse de nos entretiens, les frustrations prennent leur source dans la non célébration des dons consentis par les salariés durant leur expatriation. Ainsi, nos recherches révèlent une dynamique de l’échange pas seulement fondée sur « le donner » et « le rendre » mais intégrant également « le recevoir ».
Les entreprises ne font alors souvent pas de contre-don ce qui renforce la frustration des expatriés
Logiquement, la non reconnaissance du don débouche très souvent sur l’absence de contre-don. Le récit de Giselle G. (Micro-Tech) montre l’articulation qu’elle établit entre ces deux éléments que sont la non célébration du don et l’absence de contre-don : « Il n’y a aucun suivi et on n’a absolument pas de visibilité sur ce qu’on va faire par la suite et on a aucun choix de missions possibles au retour. En fait, j’ai été un peu mise là parce qu’il y avait une place… mais il n’y a pas du tout de suivi. D’ailleurs la preuve c’est que le projet sur lequel j’ai travaillé aux Etats-Unis, donc qui était quand même une technologie qui était en R&D à R. [site de retour], ben je n’ai pas du tout travaillé là-dessus à mon retour. »
Les entretiens réalisés avec les services RH confirment que les entreprises éprouvent des difficultés à identifier les dons des expatriés, à les célébrer et donc à faire des contre-dons. Ainsi, la Directrice du Développement RH de Rails-Fil reconnait : « [Le suivi des expatriés] n’est pas encore structuré, on cherche à garder le contact avec la personne avec les entretiens annuels. […] Le besoin c’est faire que les expatriés qui sont loin depuis un an ou deux ans ne se sentent pas abandonnés par la maison-mère et surtout pour organiser le retour. »
Comme nous venons de le voir, la non célébration du don ainsi que l’absence de contre-don participent à créer de la frustration chez les expatriés de retour. Toutefois, nos recherches montrent que cette frustration n’empêche pas certains expatriés de retour à rester fidèles à leur organisation. Nos entretiens permettent alors d’identifier deux formes de fidélité.
Fidélité « passive » et « active » : deux formes de fidélité malgré la frustration
La fidélité passive caractérise la situation d’anciens expatriés frustrés par leurs conditions de retour, fidèles à leur organisation mais qui ne s’engagent pas dans des actions visant à faire évoluer la situation. Ce cas de figure concerne seulement deux expatriés parmi ceux avec lesquels nous nous sommes entretenus : David D. qui a vécu une expatriation à Singapour avec l’entreprise Micro-Tech et Alexandre F. qui a été expatrié en Chine puis à Taiwan également au sein de l’entreprise Micro-Tech.
Après huit ans passés à Singapour, David D. a dû rentrer en France pour des raisons financières : « Ils m’ont proposé un package sur lequel je ne pouvais plus rester à Singapour car entre les coûts qui étaient réduits et ce que j’avais à payer en plus ce n’était pas trop conciliable. » David D. rentre donc en France sur un poste ne valorisant pas son expérience internationale : « Pour le moment je fais à peu près la même que ce que je faisais avant. » Il exprime clairement son mécontentement : « En termes de carrière c’est zéro, sans valeur ajoutée ». Il n’engage toutefois pas d’action pour modifier la situation : « Ça fait trois fois que [la RH de mon site] demande un CV et puis je ne prends pas le temps de le faire. » Il justifie son non-activisme de carrière par son scepticisme quant aux chances de voir ses nouveaux dons récompensés d’un contre-don : « Toutes les HR de R. [site de départ] ne partagent pas les informations avec les HR de G. [site de retour] donc ce qui fait que mon dossier à G. il est blanc comme neige : elle ne m’a jamais vu, elle ne sait pas ce que j’ai fait, elle ne sait pas ce que je peux faire… »
A l’inverse, la fidélité active caractérise la situation d’expatriés de retour frustrés par leurs conditions de retour mais s’engageant dans des actions ayant pour objectif de relancer le « cycle du potlatch » avec leur organisation. Le récit de Michel S. illustre ce comportement. Bien que frustré par le déséquilibre qu’a créé l’absence de contre-don de la part de son entreprise, Michel S. n’a pas décidé de quitter Rails Fil. Il a, au contraire, fait de nouveaux dons afin de relancer le « cycle du potlatch » avec son organisation : « en ce moment je suis en train de faire un MBA à l’école des Ponts qui me coûte la peau des fesses. […] Mais c’est pas grave, je me dis : “j’ai des économies, je relance un peu la machine, ça va me donner, même si je n’ai plus trente ans, un plus et des arguments pour évoluer.” » De plus, il a accepté de prendre un poste de coordinateur technique, poste qui ne correspond pourtant pas à ses attentes en termes de carrière. Il explique : « Là, j’accepte le poste de coordinateur technique pour l’Espagne : l’Espagne c’est un de nos gros projets. […] Je peux imaginer qu’en étant coordinateur pour répondre aux appels d’offre, à un moment donné, je vais avoir des échanges même ponctuels avec le Président de Rails-Fil. […] Donc je serai plus connu et ça, à un moment donné, je peux imaginer que ça m’aide [ra]. » Ces deux nouveaux dons illustrent bien les efforts/sacrifices consentis par Michel S. pour obtenir le contre-don qu’il attend de la part de Rails Fil suite à son expérience d’expatriation en Inde.
Frustrés mais fidèles : un paradoxe qui prend sens avec le concept de « chaîne des dons »
La théorie du don/contre-don conduit à considérer l’ensemble de « l’histoire de la relation d’emploi » (Pihel, 2008) entre le salarié et son entreprise. Ainsi, il ressort de nos analyses que pour justifier leur attitude présente – la fidélité malgré la frustration – les expatriés de retour convoquent le passé et invoquent l’avenir de leur relation avec leur entreprise.
Quand le présent trouve son explication dans le passé
Nos résultats montrent que la fidélité de certains expatriés de retour frustrés trouve une explication dans le passé de leur relation d’emploi avec leur entreprise. Cela est notamment le cas de Michel. S. En effet, Michel S. a rejoint le Groupe Rails en 1999 « par la porte RH ». Après plusieurs années, il considère en avoir « fait le tour » et souhaite « se rapprocher du coeur de métier de [son] entreprise qui est le transport ». Il a alors eu à cette époque « le soutien d’un décideur qui [lui] a fait confiance même si [il] n’étai [t] pas de formation, de background technique ». Ce soutien lui a alors permis d’« être formé à l’intérieur de Rails » et ainsi par la suite de pouvoir « aller faire un petit peu de management sur des lignes pour ensuite être mobilisé sur des missions à l’étranger et partir sur des missions d’expatriation. » Il déclare alors : « Moi je suis attaché à ma boîte parce qu’elle m’a donné la chance d’être formé aux trains, de prendre des responsabilités dans ce domaine qui n’était pas mon domaine initial. » Ainsi, c’est en partie le passé de Michel S. au sein de Rails et l’existence de ces « anciens dons » de la part de son entreprise qui explique sa volonté de maintenir sa relation d’emploi suite à son retour.
La convocation du passé peut aussi entremêler le registre professionnel avec le registre plus personnel ou intime. Ainsi, lorsque nous demandons à Daniel H. qui a vécu une expatriation de 10 ans à Singapour au sein de l’entreprise Micro-Tech s’il pense à quitter son organisation du fait d’un retour qu’il qualifie de « frustrant », ce dernier explique : « Quitter Micro-Tech ? […] Micro-Tech ne m’a apporté que des bonnes choses : moi, j’ai rencontré ma femme à Micro-Tech, j’ai évolué comme je n’ai jamais évolué, Micro-Tech m’a apporté une expérience professionnelle en Asie de 10 ans qui est assez exceptionnelle. »
Quand l’avenir envisagé permet d’accepter le présent
L’analyse de nos entretiens montre également que les expatriés de retour peuvent invoquer l’avenir pour justifier leur engagement à maintenir leur relation d’emploi avec leur entreprise. Cela est le cas notamment de Luc D. (Energy) qui est rentré des Emirats sur un poste qui ne l’intéresse pas vraiment. Toutefois, il s’en accommode car il considère que son poste de retour l’aidera à repartir à l’international, ce qui est son souhait. Ainsi, il explique : « Je suis persuadé que dans 2/3 ans je voudrais repartir en expatriation. […] [Aujourd’hui] je suis dans un poste plus Corporate, et en contact avec beaucoup plus de contacts finalement au sein du Groupe. Donc pouvoir repartir sera entre guillemets plus simple. »
Plus largement, les expatriés de retour frustrés mais faisant preuve d’une fidélité active évoquent tous l’avenir de leur relation d’emploi avec leur entreprise pour justifier leur comportement : en consentant de nouveaux dons, ils espèrent relancer le « cycle du potlatch » et ainsi bénéficier de contre-dons.
Comme nous venons de le voir, le concept de « chaîne des dons » permet de se saisir de « la dynamique d’interaction durable avec le contexte situé dans lequel s’insère la relation » (Pihel, 2008, p. 504) et d’enrichir l’analyse des carrières des expatriés en expliquant des situations dans lesquelles l’expatrié de retour peut être à la fois frustré et fidèle.
Discussion
Donner, recevoir, rendre – le « cycle du potlatch » comme cadre d’analyse de l’émergence des frustrations des expatriés
Depuis plusieurs années, la littérature considère le retour comme un moment crucial de l’expatriation (Barmeyer et Davoine, 2012; Breitenmoser et Bader, 2019; Chiang et al., 2018). Cet intérêt a permis de produire des résultats probants. En particulier, il a permis d’identifier plusieurs sources de frustrations suite au retour d’expatriation.
Nos résultats enrichissent cette littérature en proposant d’utiliser le « cycle du potlatch » (Mauss, 1923) pour analyser ce « moment ». En effet, le triptyque « donner, recevoir, rendre » permet une analyse enrichie des mécanismes qui construisent les frustrations des expatriés. Nos entretiens permettent alors d’identifier de très nombreux dons que les expatriés réalisent aussi bien sur le plan personnel que professionnel. Plus encore, les entretiens menés auprès des anciens expatriés font bien ressortir que le salarié expatrié n’est pas seul à réaliser des dons. Par exemple, en mettant leur carrière entre parenthèses, les conjoint-e-s des expatriés sont également impliqué-e-s dans le « cycle du potlatch ». Toutefois, nos résultats soulignent aussi clairement que les entreprises échouent assez souvent à identifier ces différents dons. N’ayant pas identifié et célébré les dons, les entreprises éprouvent alors des difficultés à considérer comme nécessaire la délivrance de contre-dons provoquant ainsi de la frustration chez les expatriés de retour. Les personnels RH que nous avons interviewés soulignent eux-mêmes les failles du système de suivi des expatriés qui favorisent ces non-célébrations et ces absences de contre-don. Ainsi, notre recherche montre qu’il est nécessaire de considérer le « recevoir » et pas uniquement le « donner » et le « rendre » si l’on souhaite comprendre les frustrations des expatriés de retour. En effet, comme l’écrit Pihel (2010, p. 6), « le fait de recevoir envoie symboliquement un signal positif et indique que l’on accepte d’entrer en relation en s’engageant dans le même temps à rendre. »
La « chaîne des dons » comme cadre d’analyse de la fidélité des expatriés de retour
A travers la mobilisation de la théorie du don/contre-don de Mauss, notre article permet de donner une explication au comportement paradoxal des expatriés de retour frustrés mais fidèles. En effet, le concept de chaîne des dons permet ici d’envisager qu’en mobilisant le passé et/ou le futur de leur chaîne des dons, ces expatriés de retour frustrés restent fidèles et, pour l’essentiel d’entre eux (9 sur 11), s’engagent dans des actions ayant pour objectif de relancer le « cycle du potlatch ».
Certains éléments présentés ci-dessus avaient commencé à être aperçus dans les travaux qui ont recours à la théorie du contrat psychologique. Par exemple, la distinction entre contrat psychologique transactionnel et relationnel permettait d’avancer dans l’analyse du déséquilibre que nous avons identifié. Ainsi, par exemple, Yan et al. (2002) expliquaient que la frustration des expatriés de retour pouvaient s’expliquer par le décalage entre l’entreprise qui construit envers l’expatrié un contrat psychologique transactionnel (par exemple, en utilisant l’expatrié pour une mission précise pour laquelle il lui manque localement des compétences) tandis que l’expatrié construit avec son entreprise un contrat psychologique relationnel où c’est le renforcement du lien d’emploi qui est l’objectif et où il attend, en particulier, une progression de carrière (McNulty et al., 2013). Toutefois, si la théorie du contrat psychologique permet d’expliquer la frustration des expatriés, elle peine à expliquer les comportements observés parmi notre population, visant à renforcer la relation d’emploi avec leur entreprise. En effet, dans cette théorie, les frustrations conduisent très généralement à des comportements de désengagement (Mullenbach-Servayre, 2009). Or, si les comportements des expatriés de retour frustrés mais fidèles de manière passive peuvent se rapprocher d’une certaine forme de désengagement, cela n’est pas le cas pour les anciens expatriés faisant preuve d’une fidélité active. La théorie du don et contre-don permet donc d’enrichir l’analyse de ce comportement.
Améliorer la gestion de l’expatriation grâce à la théorie du don/contre-don
La mobilisation de la théorie du don/contre don permet de formuler des préconisations managériales précises. En effet, plusieurs caractéristiques de la perspective maussienne sont utiles pour améliorer la gestion de l’expatriation dans les organisations.
Tout d’abord, comme nous avons pu le montrer, une expérience d’expatriation s’apparente bien à un « phénomène social total ». Cette nouvelle manière d’appréhender l’expatriation doit conduire les organisations à se préoccuper des incidences qu’une telle mobilité professionnelle peut avoir sur la vie privée de leurs salariés expatriés et ce afin de les accompagner au mieux lors de cette expérience. Plusieurs pratiques peuvent alors être développées par les organisations. Par exemple, les entreprises peuvent effectuer, avant l’affectation du salarié, des entretiens avec le-la conjoint-e afin de s’assurer que le projet d’expatriation est bel et bien un projet souhaité par l’ensemble de la cellule familiale amenée à s’expatrier. Notre analyse encourage également les organisations, lorsque cela est possible et souhaité, à apporter une aide à la recherche d’emploi au-à la conjoint-e afin qu’il-elle puisse trouver un travail dans le pays d’accueil.
Ensuite, les trois obligations structurant le « cycle triadique du potlatch » doivent conduire les organisations à construire les politiques RH leur permettant de marquer ces différentes étapes : identifier les dons de différentes natures réalisés par les expatriés, recevoir/célébrer ces dons et faire des contre-dons. La question du suivi des expatriés est ici cruciale. En effet, c’est notamment à travers les entretiens d’évaluation et de carrière que l’organisation marque son ouverture à « recevoir » le don et donc sa capacité à réaliser les contre-dons. Il faut toutefois souligner que la distance rend parfois difficile la réalisation de ces entretiens et également nécessaire la communication des résultats de ces entretiens entre le site d’accueil et le pays d’origine de l’expatrié. Or, dans les pratiques actuelles, ces entretiens sont très largement effectués par le seul manager local de l’expatrié. Le contre-don peut donc difficilement être délivré par le pays d’origine lors du retour de l’expatrié. Il semble donc particulièrement intéressant de constituer une équipe ad hoc de suivi des expatriés qui serait composée de managers « home » et « host » ainsi que d’un ou plusieurs praticiens de la fonction RH.
Enfin, la notion de « chaîne des dons », qui invite à considérer à la fois le passé et le futur de la relation d’emploi et permet de comprendre la fidélité malgré la frustration, nous apparaît particulièrement riche d’enseignements managériaux. Tout d’abord, ce résultat invite les organisations à s’interroger sur les dons reçus ainsi que sur les contre-dons accordés tout au long de leur relation d’emploi avec leurs salariés expatriés afin de pouvoir apprécier les situations dans lesquelles un retour décevant peut représenter ou non une cause suffisante de départ pour le salarié. Par exemple, le récit de Michel S. montre bien que la frustration vécue suite au retour est dans une certaine mesure compensée par le passé de sa relation d’emploi avec son entreprise. Toutefois, à ce propos, un risque doit être soulevé : la chaîne des dons pourrait conduire à un positionnement cynique de la part des managers RH. En effet, constatant que même en l’absence de célébration du don et de contre don de la part de l’organisation, les salariés restent fidèles et acceptent même de réaliser un nouveau don, les managers RH pourraient être tentés d’attendre ce nouveau don pour relancer l’entretien du lien avec les expatriés. Or, cette utilisation de la chaîne des dons a un coût personnel et organisationnel important : un fort ressentiment des anciens expatriés envers leur organisation et le non transfert des compétences suite au retour. Il ne doit donc pas être sous-estimé. Enfin, la notion de chaîne des dons encourage les organisations à donner à leurs expatriés de retour de la visibilité au sujet de leur avenir. En effet, l’une des difficultés dans la gestion du retour des expatriés est d’assurer la synchronie entre le retour de l’expatrié et la disponibilité d’un emploi intéressant pour ce dernier. Cette difficile synchronie aboutit souvent au fait que les expatriés sont réaffectés sur des postes ne correspondant ni à leurs compétences ni à leurs attentes. De ce fait, assurer un suivi post-retour des expatriés afin de leur donner de la visibilité sur les opportunités pouvant survenir dans les mois à venir pourrait être perçu par certains anciens expatriés comme un contre-don ou, a minima, les rassurer sur la volonté de leur organisation de ne pas rompre le « cycle du potlatch ».
Conclusion
Notre article avait pour objectif d’analyser le cas des expatriés qui, à leur retour, sont frustrés mais restent fidèles à leur organisation. Pour cela, nous avons mobilisé la théorie du don/contre-don. Nos résultats ont montré que le concept de « cycle du potlatch » propose un mécanisme d’émergence des frustrations des expatriés de retour. Le concept de chaîne des dons permet lui d’expliquer la fidélité de certains de ces expatriés frustrés.
Comme toutes les recherches, notre article présente plusieurs limites. Tout d’abord, dans la perspective maussienne, le don/contre-don est un phénomène social total. Cela signifie notamment que cette forme d’échange implique l’ensemble des membres de la société et pas seulement le donneur et le donataire. Ainsi, il aurait été idéal de pouvoir mener, pour chacun des expatriés frustrés mais fidèles composant notre population, des entretiens auprès de praticiens RH ayant « géré » leur mobilité internationale, de leurs managers (Home et Host), voire même de membres de leur famille. Ces entretiens complémentaires auraient alors permis de mieux appréhender les différents dons et contre-dons échangés ainsi que les différentes perceptions de la relation d’échanges entre l’expatrié et son organisation. Ensuite, la théorie du don/contre-don aurait pu être enrichie par une méthodologie longitudinale. En effet, mener auprès des anciens expatriés un nouvel entretien plusieurs mois suite à notre premier entretien aurait permis d’interroger et ainsi de connaître l’évolution de la relation d’emploi entre le salarié et son organisation suite à son retour. Enfin, bien que la pratique de la RDQ se justifie aisément dans notre cas, nos résultats auraient pu être plus riches si nos guides d’entretien avaient été construits dès le début pour investiguer la problématique traitée dans cet article. Ces guides d’entretien spécifiques nous auraient, par exemple, permis de recueillir de manière systématique des réponses sur l’existence ou non d’opportunités d’emploi à l’extérieur de leur organisation ainsi que sur le caractère intéressant – notamment en termes de rémunération et de responsabilités – de ces éventuelles opportunités.
Malgré ces limites, en proposant de mobiliser pour la première fois la théorie du don/contre-don pour analyser la carrière des expatriés et en offrant une explication à la situation paradoxale des expatriés de retour frustrés mais fidèles à leur organisation, notre article produit des résultats et ouvre de nouvelles voies de recherche. Nous précisons cet agenda de recherche en proposant quatre perspectives de travail. Premièrement, il serait intéressant d’interroger de manière systématique l’impact des facteurs contextuels dans la relation d’échanges entre l’expatrié et son organisation. Cette voie nous semble particulièrement prometteuse car ces facteurs ont émergé dans plusieurs de nos entretiens. Par exemple, Michel S. mentionne que le faible développement de son entreprise à l’étranger est l’une des explications de sa difficulté à délivrer le contre-don qu’il attendait c’est-à-dire une nouvelle mission à l’international. Deuxièmement, il serait enrichissant d’interroger les perceptions des différents acteurs impliqués dans la dynamique de l’échange : ce qui est perçu comme des dons par l’expatrié peut être perçu comme « normal » de la part de l’entreprise et ne nécessitant donc ni célébration ni contre-don. Troisièmement, la théorie de l’engagement de Meyer et Allen (1991) pourrait enrichir notre analyse par le don/contre-don de la situation paradoxale des expatriés frustrés mais fidèles. Ce modèle a d’ailleurs déjà été mobilisé dans plusieurs recherches portant sur la rétention des expatriés de retour (Lazarova et Caligiuri, 2001; Shen et Hall, 2009). En effet, en identifiant trois composantes (continue ou calculée/affective/normative) dans l’engagement des salariés envers leur organisation, le modèle de Meyer et Allen permettrait d’enrichir notre compréhension du comportement des expatriés de retour frustrés mais fidèles. Enfin, une quatrième perspective de recherche serait d’interroger si la logique du don/contre-don s’exprime différemment selon le motif d’expatriation. Ici, la typologie de Pucik (1992) qui distingue deux grands types d’expatriation (« learning-driven assignement » et « demand-driven assignment ») permettrait d’enrichir l’analyse en interrogeant, par exemple, si le « cycle triadique de potlatch » a plus ou moins de chance d’être rompu selon motif de l’expatriation.
Parties annexes
Annexes
Annexe 1. Présentation synthétique de l’ensemble des informations recueillies dans le cadre de notre recherche
Annexe 2. Présentation des expatriés frustrés mais fidèles ainsi que de leur organisation[1]
ANNEXE 3. Présentation des entretiens réalisés au niveau organisationnel au sein des organisations pour lesquelles des « expatriés frustrés mais fidèles » ont été identifiés
ANNEXE 4. Canevas investigatif _ Niveau individuel
ANNEXE 5. Canevas investigatif _ Niveau organisationnel
Notes biographiques
Jérémy Vignal est Maître de conférences en Gestion des Ressources Humaines à l’IAE DIJON, Université de Bourgogne. Directeur des études de la Licence 1 Gestion et du Master 1 Gestion des Ressources Humaines, il enseigne notamment la GRH, les théories des organisations et le comportement organisationnel. Ses recherches portent actuellement sur deux thématiques distinctes : la carrière des expatriés dans les entreprises présentes à l’international et les parcours professionnels des non-cadres dans les Usines du futur. Ses travaux ont fait l’objet de communications lors de conférences académiques ainsi que de publications dans différentes revues scientifiques.
Ewan Oiry est Professeur en GRH à l’ESG-UQAM. Ses recherches sont centrées sur le management des compétences. Il s’intéresse en particulier aux liens entre les dispositifs de gestion et le travail (employés et managers), la dynamique des équipes et la stratégie. Il travaille actuellement sur les effets de l’Intelligence Artificielle sur les compétences, les emplois et les organisations. Il est co-responsable du Groupe de Recherche Thématique de l’AGRH « Management des compétences – Didier Retour ». Il est également co-Rédacteur en Chef de la Revue Communication & Management (classée FNEGE et en Sciences de l’Information et de la Communication).
Note
-
[1]
Nous avons retenu l’année 2015 car les entretiens présentés ont été réalisés entre 2013 et 2016.
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Parties annexes
Biographical notes
Jérémy Vignal is Associate Professor in Human Resources Management at IAE DIJON, University of Burgundy. He is Director of Studies for the Licence 1 in Management and Master 1 in Human Resources Management, and teaches HRM, organizational theory and organizational behaviour. His research currently focuses on two distinct themes: the careers of expatriates in international companies and the career paths of non-executives in the Factories of the Future. His work has been presented in papers at academic conferences as well as publications in various scholarly journals.
Ewan Oiry is Tenured Professor in Human Resources Management at ESG-UQAM. His research focuses on competencies management. He is especially interested in the links between management tools and the work of employees and managers, team dynamics, and strategy. He is currently working on the effects of artificial intelligence on skills, jobs and organizations. He is co-head of the AGRH Didier Retour thematic research group on competencies management, and Co-Editor-in-Chief of Communication & Management journal (classified FNEGE and Information and Communication sciences).
Parties annexes
Notas biograficas
Jérémy Vignal es Profesor Titular de Gestión de Recursos Humanos en la IAE DIJON, Universidad de Borgoña. Director del primer año de Licenciatura en Gestión y del Máster 1 en Gestión de Recursos Humanos, principalmente imparte clases de GRH, de las teorías de las organizaciones y del comportamiento organizativo. Sus investigaciones se centran en dos temáticas distintas: la carrera profesional de los expatriados en las empresas internacionales y las trayectorias profesionales del personal no ejecutivo en las “Fábricas del futuro”. Sus trabajos han sido objeto de ponencias en conferencias académicas, así como de publicaciones en revistas científicas.
Ewan Oiry es Catedrático de Gestión de Recursos Humanos en la ESG-UQAM. Sus investigaciones se centran en la gestión de competencias. Se interesa especialmente en los vínculos entre los dispositivos de gestión y el trabajo (empleados y ejecutivos), la dinámica de equipo y la estrategia. En la actualidad, trabaja sobre los efectos de la Inteligencia Artificial en las competencias, los empleos y las organizaciones. Es co-Responsable del Grupo de Investigación Temática de la AGRH “Gestión de competencias – Didier Retour”. Es también co-Redactor Jefe de la Revue Communication & Management (catalogada en la FNEGE, Fundación Nacional para la Enseñanza en Administración de Empresas, y en Ciencias de la Información y de la Comunicación).