Résumés
Résumé
Cette étude, mobilisant un modèle décisionnel novateur, analyse le rôle des Openlabs dans un écosystème à travers le regard des acteurs classiques de l’innovation. Notre méthode est fondée sur des entretiens semi-directifs auprès de ces acteurs au sein de la Métropole Européenne de Lille (France). Les résultats montrent que ces acteurs entretiennent des relations diversifiées avec les Openlabs, quoique souvent ponctuelles et épisodiques. L’apport des Openlabs se situe principalement dans le renforcement du système d’incubation et d’amorçage des entreprises. On assiste, par ailleurs, à un processus d’internalisation des pratiques, méthodes et outils des Openlabs au sein des entreprises et organisations.
Mots-clés :
- Créativité,
- Openlabs,
- Ecosystème d’innovation,
- Tiers-lieux,
- Réseaux,
- Fablab,
- Métropole Européenne de Lille,
- France
Abstract
Our study analyses the contribution of Openlabs through the viewpoint of traditional actors of an innovation ecosystem. We developed a novel Decisional Pyramid model to analyse the data. The research method is based on semi-guided interviews with innovative companies and organisations in the European Metropole of Lille (France). The results show that Openlabs have complex and, often periodical if not occasional, relationships with the ecosystem. The contribution of Openlabs is mainly in strengthening the business incubation system. Furthermore, there appears to be a setting up of internalised processes based on Openlabs practices, methods and tools within the companies and organisations.
Keywords:
- Creativity,
- Openlabs,
- Innovation ecosystem,
- Third places,
- Networks,
- Fablab,
- European Metropolis of Lille,
- France
Resumen
Este estudio, mediante el uso de un modelo innovador en la toma de decisiones, analiza el papel de Openlabs dentro de un ecosistema a través de la mirada de los actores de la innovación tradicional. Para ello, nos apoyamos en entrevistas semi-guiadas a los actores de la Metrópoli Europea de Lille (Francia). Los resultados evidencian que estos actores mantienen relaciones varias con Openlabs. La contribución de Openlabs es principalmente para fortalecer el sistema de incubación de las empresas. Sin embargo, se observa un proceso de internalización de las prácticas, los métodos y las herramientas de Openlabs en las empresas y organizaciones.
Palabras clave:
- Creatividad,
- Openlabs,
- Ecosistema de innovación,
- Terceros Espacios,
- Redes,
- Fablab,
- Metrópoli europea de Lille,
- Francia
Corps de l’article
Depuis plus d’une décennie de nouveaux « tiers-lieux » émergent sur les territoires. S’éloignant de la définition connue d’Oldenburg (1989), ils se caractérisent toutefois par une organisation à la fois différente du marché et de l’entreprise (Mérindol et al., 2016; p. 27). Dans cette mouvance sont désormais regroupés les fablabs, coworking space, makers space, hackerspaces, innovation lab, techshop, etc. Dans le cadre de cet article nous regrouperons ces dénominations plurielles sous le terme « Openlab » tel que Mérindol et al. (2016, p. 5) l’ont explicité : « Les Openlabs constituent un lieu et une démarche portés par des acteurs divers [qui se caractérisent par] la mise en oeuvre de processus collaboratifs et itératifs, ouverts et donnant lieu à une matérialisation physique ou virtuelle ». A ce titre de nombreux travaux scientifiques les abordent comme nouveaux objets de recherche. Certains se focalisent i) sur leurs revendications idéologiques et leur apport sociétal : notamment le collaboratif et replacer le citoyen et l’humain, au coeur des processus d’innovation (Gershenfeld, 2005; Mérindol et al., 2016); ii) d’autres sur les pratiques développées dans ces lieux : co-création, coworking, codesign, expérimentation, prototypage, open innovation,… (Bosqué, Noor, et Ricard, 2014; Buret, 2014); iii) d’autres encore sur la typologie de ces lieux (Bohas, Faure, et De Vaujany, 2017; Scaillerez et Tremblay, 2017) et iv) d’autres sur la performance et les outputs économiques qu’ils dégagent au sein des territoires (Suire, 2016).
Ainsi, à notre connaissance, aucune recherche n’a interprété les Openlabs comme étant des acteurs, agissant au sein d’un réseau stratégique complexe. Le terme acteur évoque l’idée des « … choses [qui] peuvent autoriser, rendre possible, encourager, mettre à portée, permettre, suggérer, influencer, faire obstacle, interdire, et ainsi de suite » (Latour, 2006, p. 103-104). Nous suggérons alors que les Openlabs sont comme des acteurs qui, par leur existence, possèdent un poids stratégique, une capacité à (inter)agir, et qui peuvent être des forces organisées s’imposant avec plus ou moins d’intensité dans le déroulement des interactions au sein d’un réseau stratégique complexe. C’est dans ce cadre-ci que nous avançons la problématique des rôles et des apports des Openlabs dans un écosystème d’innovation.
Un écosystème d’innovation se définit comme un réseau complexe composé d’un ensemble d’acteurs interdépendants, en interactions formelles et/ou informelles et co-évoluant dans un contexte stratégique dont le but est de développer des innovations (Moore, 1993, 1996; Adner, 2006; Jackson, 2011; Autio et al., 2014). Ainsi, dans la mesure où cette étude porte la question du poids stratégique des Openlabs au sein d’un réseau stratégique complexe, elle s’inscrit ainsi dans le courant des réseaux stratégiques, complexes et multi-acteurs, du concept d’écosystème d’innovation identifié dans les travaux de Tsujimoto et al. (2017) et De Vasconcelos Gomes et al. (2018). Ce courant va au-delà des relations stratégiques autour d’une firme focale et englobe des relations plus complexes entre un ensemble d’acteurs de nature différente, ayant des attributs, des comportements, des processus décisionnels différents. Par ailleurs, bien que la notion d’écosystème d’innovation rende poreux les contours territoriaux dans leurs délimitations et définitions des contextes stratégiques (Cohendet et Mehouachi, 2018), les territoires géographiques demeurent souvent un espace d’ancrage pour le développement de l’écosystème d’innovation, qui reste relié aux effets stratégiques non territoriaux (Asselineau et al., 2014; Boutillier et al., 2015; Tsujimoto et al., 2017). Afin de mieux étudier l’ancrage territorial d’un écosystème d’innovation, nous avons choisi le territoire de la Métropole Européenne de Lille (MEL) pour son dynamisme, sa diversité et des multiples relations entre acteurs (Paris et Stevens, 2000; Liefooghe, 2016). Cela nous conforte dans la présence d’un véritable écosystème d’innovation ancrée territorialement (voir la section Méthodologie, plus bas).
Dans cet ordre d’idée, notre problématique adresse la question spécifique de la place effective des Openlabs au sein des écosystèmes ancrés sur un territoire. Notre cas d’étude est l’écosystème d’innovation de la MEL, sachant que le territoire de la MEL a connu un développement rapide des Openlabs avec au moins une trentaine d’Openlabs en 2018. En ce sens notre étude se situe dans la lignée des travaux de Suire (2016) sur la performance des Fablabs, ou de Fabbri et Charue-Duboc (2016) avec les espaces de coworking comme des intermédiaires d’innovation au sein d’un réseau complexe et stratégique localisé.
Au-delà des considérations purement théoriques, notre problématique met en jeu l’intérêt et les attentes des pouvoirs publics vis-à-vis de ces nouveaux acteurs. À titre d’illustration, l’Etat français a annoncé une enveloppe de 110 millions d’euros pour accompagner la dynamique des Openlabs[1]. Cette décision évoque des questions constitutives de notre problématique, telles que : quels types de politiques publiques et méthodes d’accompagnement faut-il développer en faveur des Openlabs, compte tenu de leur hétérogénéité ? De quelles manières les Openlabs peuvent-ils s’insérer dans les écosystèmes d’innovation ancrés sur un territoire en synergies avec les autres acteurs ?
L’objet de cet article est d’analyser les rôles et apports des Openlabs dans les écosystèmes d’innovation à travers les relations, les activités et les initiatives nouvelles dans lesquelles les acteurs classiques se sont engagés, tout en tenant compte de la perception de ces derniers. Ainsi, notre grille d’analyse inclut la perception portant sur l’apport des Openlabs du point de vue des acteurs classiques, c’est-à-dire ceux ayant des pratiques d’innovation, connus et reconnus de par leur intégration dans les processus d’innovation. Nous citons ainsi : les entreprises, les investisseurs privés et les acteurs hors de la sphère des entreprises (universités, laboratoires de recherche, structures de transfert technologique, incubateurs de consortiums,…) qui interagissent sur un espace stratégique, qu’il soit géographique ou topologique (Tsujimoto et al., 2017). Cette étude est fondée sur 37 entretiens avec des laboratoires de recherche, organisations et structures dédiées à l’innovation, ainsi que 35 enquêtes par questionnaires auprès d’entreprises.
La présentation de notre étude débute avec le Cadre théorique, qui fait un point sur les débats théoriques sur la place et le rôle des Openlabs dans les écosystèmes d’innovation, puis présente une Pyramide décisionnelle qui nous permet d’analyser la place des Openlabs dans l’écosystème d’innovation. Nous poursuivons avec la Méthodologie de recherche, qui permet de mettre à l’épreuve notre modèle décisionnel à partir de données empiriques afin de déterminer les rôles et apports d’Openlabs au sein de l’écosystème.
Nous présentons ensuite les Résultats, puis la Discussion, où nous présentons les nouvelles tendances concernant les Openlabs et deux hypothèses de travail qui s’ensuivent.
Cadre théorique
Au coeur du cadre théorique explicatif, se trouve notre problématique de la place effective, à travers les rôles et apports, des Openlabs dans les écosystèmes d’innovations ancrés sur un territoire, ainsi que la manière de les caractériser.
Openlabs : intermediaires d’innovation ou acteurs alternatifs dans les écosystèmes ?
La problématique de la place effective, des rôles et apports des Openlabs dans un écosystème d’innovation reposent sur deux prémisses.
La première prémisse inscrit ces nouveaux acteurs dans le « mouvement des communs », qui s’est développé vers les années 1980 (Haven, 2008; Bottolier, 2012; Ferchaud, 2017). Ce mouvement est porté par des acteurs alternatifs luttant contre la raréfaction artificielle des ressources, le capitalisme cognitif (droits de propriété intellectuelle, brevets…) et les situations de rente de l’innovation. On assiste donc au développement de l’esprit hacker (acte de détourner les fonctions initiales d’un système), du copyleft (l’auteur laisse libre l’utilisation et la modification de son oeuvre), du collaboratif, du partage, de l’innovation ouverte,… dont héritent et se revendiquent certains dirigeants des Openlabs. La place effective de ces acteurs est alors marginale et alternative.
La seconde prémisse est portée par les travaux sur le rôle du middleground, ou des intermédiaires de l’innovation (Grandadam, Cohendet et Simon, 2013; Fabri et Charue-Duboc, 2016; Merindol et al., 2016; Suire 2016). Au sein des territoires créatifs, le middleground, correspond à un ensemble de lieux (épistémiques), d’espaces (physiques), d’évènements et de projets, facilitant la connexion entre l’underground (collectifs informels, individus talentueux, artistes essentiellement autonomes orientés vers l’exploration des idées, l’expérimentation) et l’upperground (acteurs stables et institutionnalisés de l’écosystème, disposant ainsi d’une force de standardisation, et portés plutôt sur une dynamique d’exploitation) (Sarazin, Simon, et Cohendet, 2017). Les acteurs de l’upperground apportent aux processus d’innovation des capacités de production, que les acteurs de l’underground viennent enrichir par leur créativité et démarche exploratoire. Les Openlabs auraient plutôt un rôle d’intermédiation dans les processus d’innovation comme le confirme Fabri et Charue-Duboc (2016) et s’efforceraient donc de s’adapter aux attentes croisées de l’underground et de l’upperground.
Si ces deux prémisses se distinguent sur la place et le rôle des Openlabs, où l’une donne un rôle marginal et alternatif, l’autre central, elles se rejoignent cependant pour i) signifier l’existence d’acteurs talentueux et créatifs qui promeuvent le collaboratif, les pratiques de coworking, le partage et qui s’impliquent dans les processus d’innovation, ii) partager une intention commune de valoriser des nouveaux acteurs, lieux et espaces à valeur potentiellement innovante, et enfin iii) plus politiquement, attirer l’attention des politiques publiques et des investisseurs privés pour accompagner le développement de ces nouveaux acteurs et lieux d’innovation.
La problématique de la place effective des Openlabs, de leurs rôles et apports dans un écosystème d’innovation pose aussi la question des cadres méthodologiques et conceptuels qui permettent de les caractériser.
Analyser l’apport d’un element dans un ecosysteme via son incidence sur le processus decisionnel
D’après certains travaux, comme ceux d’Adner (2006) et de Ritala et Almpanopoulou (2017), un écosystème d’innovation est composé d’un ensemble d’acteurs co-dépendants concourant au développement des processus d’innovation. Cette co-dépendance s’exprime par une boucle de rétroaction où les acteurs qui nourrissent l’écosystème sont eux-mêmes nourrit par ledit écosystème dans une forme de « cercle vertueux ». L’innovation étant souvent associée à une prise de décision réfléchie et risquée (Akrich, Calon, Latour, 1988; Labour, 2016, p. 180-181), un écosystème d’innovation, au travers de son tissu d’interactions complexes, peut ainsi aider les agents économiques dans leurs processus décisionnels, à identifier le moment, le lieu, les ressources et les outils pour innover (Adner, 2006; Jackson 2011).
Par ailleurs, les acteurs économiques étant dotés d’une rationalité limitée (Simon, 1984), leur perception ou leur représentation sociocognitive de l’écosystème d’innovation, de son évolution, de ses acteurs et du contexte stratégique, est fondamentale dans leur prise de décision en termes d’innovation.
Dans cette optique, notre étude de terrain a pour objectif d’étudier dans quelle mesure les Openlabs participent à un cadre relationnel et actionnel effectif et influence la décision d’innover des acteurs économiques.
Dans le but d’analyser les rôles et apports des Openlabs au sein des écosystèmes d’innovation, nous développons un modèle décisionnel et relationnel (Figure 1) qui met en évidence une interaction de quatre éléments clés non-exclusifs qui caractériseraient le processus décisionnel des acteurs au sein d’un écosystème d’innovation, à savoir : la perception sociocognitive des acteurs, le cadre de relations sociales, le domaine actionnel et le cadre décisionnel.
La perception sociocognitive. Une perception lucide de l’écosystème et du contexte stratégique est nécessaire pour chaque acteur évoluant dans l’écosystème. L’objectif est que la somme des perceptions individuelles permette d’arriver à une cohérence globale (Tsujimotoet al., 2017) et une vision partagée (Moore, 1996). Sous le terme de « perception » sont d’avantage considérées les représentations sociocognitives des acteurs, c’est-à-dire comment ceux-ci se représentent socialement ou comprennent les autres, leurs affordances et potentialités mutuelles selon leurs préoccupations stratégiques. Il renvoie aussi aux opportunités et risques perçus par les acteurs de l’écosystème et de ses composantes, évaluant ainsi un degré de pertinence dans leur stratégie propre. Les rôles et apports des Openlabs dans un écosystème peuvent être appréciées comme opportunités pour les processus d’innovation à travers la perception des autres acteurs évoluant dans cet écosystème.
Le cadre de relations sociales. Un écosystème d’innovation peut être vu comme un réseau stratégique complexe et multi-acteurs (Autio et al., 2014). La nature des relations (formelles, informelles) entre ces acteurs conditionne alors la dynamique d’un écosystème d’innovation. La nature et l’intensité de ces relations (de coopération, de collaboration, de confiance, de méfiance,…) que les acteurs classiques de l’innovation développent avec les Openlabs pourraient donc être considérées comme des indicateurs de leur intégration au sein de l’écosystème.
Le domaine actionnel. Il s’agit des actions engagées sur le terrain en constant changement. Une fonction fondamentale des écosystèmes d’innovation consiste à favoriser le développement planifié ou spontané, peu prévisible, de nouvelles technologies ou pratiques, et plus largement de l’innovation. Ainsi, l’émergence d’une innovation suppose un ensemble d’actions sur le terrain, de Recherche & Développement, d’idéations, d’expérimentations, de prototypages, de tests, de commercialisations de standardisations, etc. La participation des Openlabs dans ces actions avec les acteurs classiques de l’écosystème permet d’avoir une idée de leurs rôles dans les écosystèmes.
Le cadre décisionnel. L’acteur de l’innovation est amené, inévitablement, à décider de ses priorités. La prise de décision s’impose alors comme un processus qui permet de sous-peser, de pondérer, les enjeux et les risques (notamment, les risques perçus[2]), les incertitudes des actions possibles pour mieux sélectionner l’action la plus adaptée (Labour, 2016). Or, la « rationalité limitée » – sujet aux éléments imprévus et incertains – et les perceptions sociocognitives (Simon, 1984), comme contraintes cognitives représentent une des raisons pour lesquelles l’acteur de l’innovation peut avoir recours à un Cadre de relations sociales comme une aide à sa prise décision, y compris sur le plan affectif (ex. d’encouragement). Ainsi, le processus décisionnel est un passage indispensable de l’action potentielle en amont, à l’action réalisée en aval, dans un contexte d’espace-temps donné, c’est-à-dire au sein d’un Domaine actionnel (voir ci-dessus) propre à l’immédiateté du terrain, des grassroots socioculturels avec ses imprévus, ses incertitudes et ses savoirs tacites. En résumé, l’influence directe ou indirecte des Openlabs dans la décision d’innover de la part des organisations au sein d’un écosystème, pourrait être un proxy renseignant sur la place que ces Openlabs occupent dans l’écosystème.
La Pyramide décisionnelle (Figure 1) de l’acteur d’innovation comme décideur, peut se résumer en deux dimensions en interactions constantes.
La première dimension fait ressortir des ressources latentes clés de l’individu qui peuvent être schématisées par trois noeuds épistémiques autour de la décision. Cette dimension correspond aux liens (indiqués par des lignes continues) d’interdépendance reliant les trois noeuds qui se construisent du parcours et de l’évolution des préoccupations de l’individu. Le premier noeud met en évidence l’importance de la Perception, le deuxième noeud désigne le Cadre de relations sociales et le troisième noeud fait référence au Domaine actionnel (voir ci-dessus). Ces noeuds épistémiques ont une influence mutuelle et les jeux entre eux sont d’une intensité relative en fonction de la visibilité, de la compétence et de l’intérêt des projets de chacun. En somme, les liens entre les noeuds ne sont ni équidistants, ni de même valeur épistémique.
La seconde dimension de la Pyramide décisionnelle correspond à une dynamique situationnelle de la fabrication[3]-de-sens (sense-making, Labour, 2016), indiquée par des lignes pointillées, lors d’un processus décisionnel. Un tel processus est non-linéaire car il tient compte des imprévus et des incertitudes, des relations sociales et des perceptions des acteurs. Pour ce faire, le processus mobilise, selon la capacité acquise de l’individu, les trois noeuds épistémiques dans un but de répondre à une problématique décisionnelle. Cette fabrication de sens met en relation un ensemble de connexions « cortexiques » multidimensionnel, qu’il soit à la fois de l’ordre de l’intra-individuel (la Perception sociocognitive du champ des possibles), que de l’ordre de l’inter-individuel (le Cadre des relations), et de l’ordre du situationnel ponctuel (le Domaine actionnel). Dans ce sens, l’écosystème, en offrant ces ressources et ce contexte stratégique aux acteurs permet la transformation de la « vallée de la mort » en « bassin de challenge » pour les startups et le développement des innovations, comme le souligne Jackson (2011). C’est, donc à travers le prisme de la Pyramide décisionnelle (voir Figure 1), que notre étude s’efforce d’étudier la place des Openlabs dans un écosystème d’innovation.
Question de recherche
Le développement rapide des Openlabs au sein des territoires, leur intégration relative dans les écosystèmes d’innovation, l’intérêt et le débat qu’ils suscitent auprès des politiques publiques, des managers et au sein des communautés de chercheurs, nous amène à formuler la question empirique de recherche de la place effective, des rôles et des apports des Openlabs dans les écosystèmes d’innovation ancrés sur les territoires. De cette question découle une interrogation plus théorique issue de la discussion sur la « Pyramide décisionnelle » développée dans le cadre théorique : dans quelle mesure l’analyse de la perception et du processus décisionnel des acteurs classiques de l’innovation permet de caractériser les rôles et apports des Openlabs dans un écosystème d’innovation ? Et enfin, comme corolaires : peut-on situer les Openlabs en marge de l’écosystème (mouvement des communs); ont-ils plutôt une fonction de connexion, de conciliation, ou d’intermédiation (middleground, intermédiaire d’innovation) ?
Ces questions permettent d’adresser en même temps deux gaps dans la littérature en Economie et Management de l’innovation. Le premier, plus général, consiste à utiliser la perception et le processus décisionnel des acteurs comme prisme d’analyse d’un écosystème d’innovation. Le second, plus empirique, consiste à déterminer à travers ce prisme d’analyse, les rôles et apports des Openlabs en tant que nouveaux acteurs dans un écosystème.
Méthodologie de recherche
Pour analyser la place des Openlabs dans l’écosystème d’innovation de la métropole lilloise, nous avons testé la « Pyramide décisionnelle » développée dans notre cadre théorique. Notre point d’entrée est le processus décisionnel des acteurs classiques de l’innovation. Cette approche est originale et différente des travaux conduits jusqu’à ce jour sur les Openlabs, les utilisant systématiquement comme point d’entrée Fabbri et Charue-Duboc, 2016; Suire, 2016; Bohas et al., 2017). Il convient de souligner nous n’avons pas analysé les différents stades du processus décisionnel classiques tels que décrits dans la littérature (Simon, 1984). Nous avons étudié plutôt certaines dimensions mises en avant par les travaux de Labour (2016) qui constituent la base de notre Pyramide décisionnelle. Les quatre « noeuds » de la Pyramide décisionnelle et les liens éventuels entre eux sont analysés : 1) la perception des acteurs classiques des Openlabs, 2) la nature des relations qu’ils développent avec eux (Granovetter, 1973 : 1978), 3) les actions en cours, ou qui ont déjà été engagées avec ces nouveaux acteurs, 4) l’influence que les Openlabs ont sur leur prise de décision majeure en matière d’innovation.
Le premier axe de la méthodologie de recherche est exploratoire, compte tenu qu’il existe assez peu de travaux publiés sur le sujet. Cet axe a recours à une démarche inductive, ce qui implique l’élaboration des hypothèses issues des résultats empiriques du terrain. Le deuxième axe de la Méthodologie adopte une approche socioconstructiviste. Une telle approche considère que chaque individu possède un point de vue légitime sur le contexte et l’environnement (stratégique) dans lequel il se forme et évolue selon son parcours et ses préoccupations.
Par ailleurs, le fait que les Openlabs soient ancrés dans un espace territorial donné (Merindol et al., 2016) justifie le choix d’un écosystème ancré sur un territoire pour l’analyse.
La metropole de lille et son ecosysteme d’innovation
La MEL constitue à la fois un territoire qui connait un développement rapide des Openlabs, avec environ une trentaine d’Openlabs référencés[4] en 2017, ainsi qu’un espace d’ancrage pour un écosystème d’innovation jeune, complexe et foisonnant (Figure 2). Cet écosystème est le résultat du processus de « bifurcation métropolitaine » (Paris et Stevens, 2000), c’est-à-dire la reconversion du tissu productif (métallurgie, textile) et la recomposition des structures économiques, sociales et culturelles de la MEL vers des spécialisations industrielles innovantes. Quatre principales spécialisations structurent cet écosystème i) le numérique et l’internet des objets, ii) l’imagerie et les jeux vidéo, iii) la santé, l’alimentation et la longévité et iv) la chimie verte et les nouveaux matériaux. De ces principales spécialisations se dégagent des thématiques transversales comme la food-tech, la e-santé, la silver-economy, le e-commerce et plus récemment l’industrie 4.0.
La composante recherche de l’écosystème est constituée par des centres de recherche dédiés aux nouvelles spécialisations, comme : l’INRIA au numérique, l’IEMN à l’électronique, l’Institut Pasteur, l’Inserm et la CHRU aux sciences médicales, l’ENSAIT et le CETI à la recherche sur le textile technique, le CREPIB aux matériaux innovants agro-sourcés, et l’Institut des molécules et de la matière condensée de Lille, à la Chimie verte. Le CNRS (Hauts-de-France), quant à lui, est dédié à la recherche fondamentale de manière transversale.
La composante technologique est représentée principalement par la SATT-Nord (Société d’Accélération et de Transfert Technologique) qui valorise les résultats de recherche sous forme de brevets, licences, etc.; les pôles de compétitivité qui les valorisent à travers des projets technologiques entre entreprises et organismes de recherche; les incubateurs et accélérateurs qui favorisent la création d’entreprises, y compris à partir des résultats de recherche.
Les écosystèmes d’affaires sont constitués par des réseaux d’acteurs autours d’entreprises, d’organismes pivots ou de plateformes (Koenig 2012; Gawer et Cusumano, 2014). On peut citer le cas de l’écosystème du Clubster santé, la plateforme IOTcluster autour du CITC[5] ou l’écosystème du Pictanovo (imagerie).
Les incubateurs/accélérateurs constituent les poumons de l’écosystème d’innovation au sein de la MEL et les Parcs d’innovations en sont les orchestrateurs. Les Parcs d’innovation sont des arrangements institutionnels et stratégiques (qui sont une spécificité de la région des Hauts-de-France) qui rassemblent une diversité d’acteurs (laboratoires de recherche, structures de transfert technologique, hôtels d’entreprises, écosystèmes d’affaires, Openlabs internes,…) dans un même environnement physique (quartiers, sites) autour d’un domaine technologique, dont l’incubateur/accélérateur constitue l’élément fondateur. La MEL regroupe quatre principaux Parcs : EuraTechnologies, EuraSanté, Plaine Images et EuraMaterials (UpTex et Matikem). Ils assurent la fertilisation croisée de la composante recherche, la composante technologique et les écosystèmes d’affaires.
Au-delà des acteurs stables faisant partie de l’upperground, il existe clairement au sein des Parcs d’innovation, un middleground composé des éléments identifiés par Sarazin et al. (2017), à savoir, des incubateurs de projets, des places, des espaces et des évènements dédiés à la rencontre entre des acteurs de l’upperground et de l’underground. De plus, l’écosystème de la MEL possède un underground actif. On peut citer des communautés de Hackers/makers (Catalyst, Anis, Roumics), communautés de gamers (Lille - Meltdown), communautés dédiées à la transition et au développement durable (Transition 2030-Hauts-de-France), artistes, chercheur-entrepreneurs, étudiant-entrepreneurs, entrepreneur-sociaux, etc.
Afin d’éviter le biais de rationalisation post-hoc, nous n’avons pas étudié le processus décisionnel avec les quatre étapes classiques souvent mobilisé pour une entreprise isolée (Simon, 1984). Nous avons plutôt étudié des dimensions du processus décisionnel (décision d’innovation) des entreprises et organisations évoluant dans un écosystème d’innovation. L’hypothèse sous-jacente est que l’écosystème influence le processus décisionnel (décision d’innovation). Rappelons que la « décision » peut être un résultat ou un processus. En effet, nous entendons que chaque état des choses est le fruit de décisions antérieures, notamment dans le cadre d’une lecture stratégique des trajectoires des entreprises. Cela par ailleurs n’exclut pas les dimensions aléatoires, incertaines, systémiques, etc. Dès lors que l’on prend ce point de vue dynamique, la « décision » se place en élément de relation de tout évènement. C’est en effet dans cette optique-là que nous avons abordé, notamment de façon méthodologique, le phénomène décisionnel. De fait, les travaux sur la décision de Labour (2016) nous ont permis de repérer différentes dimensions : Perception/Relation/Action/Décision qui constituent la base de notre cadre analytique.
Corpus et méthodes de collecte des données
Par rapport à l’apparition récente et la multiplication particulièrement rapide de ces nouveaux acteurs avec des terminologies de plus en plus diverses (Fablab, Coworking Space, Maker-Space, Hacker-Space, Techshop, Lab, …), dont la différentiation reste souvent réservée à un cercle d’initiés seulement, il nous a semblé utile pour l’analyse, de regrouper cet ensemble sous le seul vocable d’Openlab, dans la lignée des travaux de Merindol et al. (2016). Toutefois, nous avons bien mentionné les principales terminologies associées à ces nouveaux acteurs dans les fiches d’enquêtes et les entretiens (voir la partie Résultats) afin de ne pas laisser de côté un certain nombre de ces acteurs. Enfin, dans la mesure où l’objet de cette étude traite des représentations des acteurs, dont les degrés de proximité avec les Openlabs sont différents, et non des caractéristiques propres de ces nouveaux acteurs, leur regroupement sous le nom d’Openlab reste approprié.
Notre étude a commencé avec une enquête exploratoire auprès des personnes ressources de la MEL (responsable de structures dédiées à l’innovation et au développement économique), complétée par une recherche documentaire pour identifier les principaux types d’acteurs qui composent l’écosystème. Ensuite, nous avons identifié les Openlabs qui existent au sein de ce territoire. Suite à ces démarches nous avons réalisé des entretiens semi-directifs et des enquêtes auprès des acteurs classiques de l’écosystème suivant quatre grands axes de la « pyramide décisionnelle ».
Premièrement, nous avons interrogé les acteurs classiques de l’écosystème sur la manière dont ils perçoivent les Openlabs au sein de l’écosystème. Ensuite, nous avons cherché à savoir dans quelle mesure sont connus les tiers-lieux, Maker-space, Fablabs, Techshops,… et leurs pratiques. Puis, nous avons interrogé les acteurs classiques sur l’apport des Openlabs dans l’écosystème.
Deuxièmement, nous avons questionné les acteurs classiques sur leurs relations et leurs collaborations avec les Openlabs. De plus, nous les avons interrogés sur la régularité et l’intensité (faible, moyenne, forte, très forte) et la nature des relations qu’ils entretiennent avec les Openlabs.
Troisièmement, le questionnaire s’est porté sur les actions engagées et la prise de décisions d’innover de la part des acteurs classiques de l’écosystème. Nous nous sommes donc intéressés aux actions passées (durant les trois dernières années) et actions en cours. Concernant la dimension décisionnelle, nous nous sommes focalisés sur la décision d’innover de l’acteur, en vue d’étudier l’influence qu’ont les Openlabs sur la prise de décision de ces acteurs.
Les questionnaires et les entretiens ont été réalisé auprès de décideurs : dirigeants d’entreprises, directeurs de labo de recherche…, ou a minima responsables, décideurs stratégiques pour l’entreprise ou l’organisation.
D’une part, nous avons réalisé 37 entretiens en face-à-face avec des responsables de laboratoires de recherches, de pôles de compétitivité, d’incubateurs et de clubs d’entreprises, afin d’approfondir certaines questions. Nous avons envoyé des courriels à 60 laboratoires de recherche pris au hasard au sein de la MEL, ainsi que réalisé 19 entretiens avec des labos dont les recherches portent sur les principales spécialisations industrielles de l’écosystème. Nous avons pu interviewer la quasi-totalité des structures de gouvernance des Pôles de compétitivité (5) et des incubateurs (7); et six représentants de réseaux d’entreprises (Tableau 1).
Les questionnaires auprès des entreprises ont été réalisées avec le logiciel d’enquête en ligne Limesurvey. Nous avons utilisé une liste de 300 entreprises qualifiées d’ « innovantes », par la prospection réalisée de l’agence régionale d’innovation HDFID (Hauts-De-France Innovation et Développement)[6]. Nous avons récolté 35 réponses (soit 11,7 %).
Méthodes d’analyse des données
Nous avons réalisé les analyses qualitatives pour décrire les quatre noeuds épistémiques de la Pyramide décisionnelle de manière à caractériser les rôles et apports des Openlabs dans l’écosystème d’innovation de la MEL. En d’autres termes pour décrire les représentations sociocognitives des acteurs classiques sur les Openlabs, l’existence et la nature des relations qu’ils développent avec eux, la nature des actions qu’ils engagent avec eux et les décisions majeures qu’ils ont prises en lien avec ces derniers. Nous avons également utilisé le logiciel Gephi pour des analyses structurales de réseaux et, enfin Invivo, pour les analyses qualitatives.
Résultats
Perception des acteurs et types de relations ou d’actions avec les openlabs
Le premier jet de résultats concerne la première dimension de la « Pyramide décisionnelle » mobilisée qui comprend les trois noeuds épistémiques autour de la décision. Ces analyses montrent une interdépendance entre ces trois noeuds, et dévoilent une opposition entre les incubateurs/accélérateurs et les laboratoires de recherche, ainsi qu’une centralité du Techshop Leroy Merlin (depuis 2021, TechShop Leroy Merlin devient officiellement TechShop Lille) dans les rapports acteurs classiques/Openlabs (voir plus bas).
Sur le plan de la perception des acteurs interrogés, nos résultats permettent d’identifier que ces derniers savent qu’il existe une diversité d’Openlabs au sein de l’écosystème d’innovation de la MEL : Fablab, Hakerspace, Makerspace, Living lab, Techshop, Learning center, coworking space, … A l’exception de quatre dirigeants d’entreprises, aucun acteur ne considère les Openlabs comme acteurs clés de l’innovation. Presque tous les acteurs interrogés déclarent être au moins « un peu familier » avec les Openlabs, à l’exception des responsables de laboratoires, dont presque la moitié disent ne pas être « du tout familier ».
Les Fablabs et Coworking space représentent les terminologies les plus « familières » pour les acteurs classiques (voir Figure 3). Le TechshopLeroy Merlin, (avec plus de 32 occurrences), les Adicode[7] (18 occurrences), le Mutualab (11 occurrences) et le FablabLille (9 occurrences) sont les Openlabs dont les acteurs sont le plus proches (Tableau 2). Cependant les entreprises placent les Adicode en quatrième position. Cette différence de position peut s’expliquer du fait que les Adicode, portés par l’UCL, se situent en amont de l’écosystème. La première place du TechshopLeroy Merlin permet de souligner une certaine distorsion dans la perception des acteurs classiques. Les répondants ne différencient pas réellement les terminologies telles que Fablab, Techshop, et autres. Plusieurs fois les entreprises mettent le Techshop Leroy Merlin dans la catégorie des Fablabs. Cela légitime d’autant plus le fait de rassembler, dans ce travail, les nouveaux acteurs sous le vocable Openlabs.
Concernant le rôle des Openlabs pour l’écosystème, environ la moitié des acteurs classiques reconnaissent que ces Openlabs jouent un rôle important dans l’écosystème (55 %) et admettent qu’ils peuvent être pertinents pour leurs activités stratégiques (46 %). Les acteurs classiques estiment que les rôles et les apports de ces Openlabs dans l’écosystème sont principalement : l’open innovation, le partage, le collaboratif et l’intelligence collective, l’apprentissage, la créativité, l’aide à l’entreprenariat, etc. (Tableau 3).
Concernant les relations et les collaborations avec les Openlabs, un peu plus de la moitié des acteurs (55 %) déclarent avoir des relations avec eux, dont la moitié d’entre elles sont des relations informelles. 90 % des responsables d’entreprises qui développent des relations avec les Openlabs expliquent plutôt que ces relations sont ponctuelles ou épisodiques. Il y a ainsi très peu de « fortes » relations développées entre les acteurs classiques de l’écosystème et les Openlabs. Aucun acteur n’indique que les Openlabs font partie de leurs principaux partenaires. Au regard de notre cadre théorique, cette énonciation donne un indicateur de la place actuelle de ces Openlabs dans l’écosystème. Toutefois, tous les incubateurs disent développer des relations formelles ou informelles avec les Openlabs (Tableau 4).
Pour les entreprises, les relations avec les Openlabs sont très hétérogènes (voir Figure 4). Ces relations peuvent être de nature contractuelle (ex. client-fournisseur, expertise), d’apprentissage (ex. séminaire, formation professionnelle, atelier…), ou sous forme de participations dans des réseaux formels, des relations lors d’un projet (ex. dans le cadre de réponse lors d’un appel d’offre,...), des relations communicationnelles (ex. salons, presse, veille,…), etc. Il est difficile d’identifier clairement des types de relations dominantes.
En revanche, les autres acteurs classiques semblent développer distinctement deux principaux types de relations : des relations d’apprentissage et des relations informationnelles. En effet, ces relations tournent souvent autour des workshops, avec le recours aux Openlabs pour former des salariés sur les méthodes de créativité, d’intelligence collective, de prototypage, etc. Il y a aussi beaucoup de veille autour des dynamiques des Openlabs, et certaines organisations et entreprises s’abonnent afin que leurs salariés puissent rester en contact avec les nouvelles méthodes et des nouveaux outils développées au sein des Openlabs.
Dans le cas des incubateurs/accélérateurs, nous pouvons souligner premièrement des relations informationnelles et communicationnelles. Ces relations consistent à partager des informations pour l’accompagnement des start-ups. En fonction de ces informations, l’équipe d’accompagnement des incubateurs peut orienter les porteurs de projets suivants leurs besoins de matériels ou de compétences, vers un Openlab précis. Deuxièmement, il y a des relations sur projets. Cette forme de collaboration consiste à travailler ensemble dans l’accompagnement d’un ou plusieurs projets portés par des start-ups, dans le cas où du matériel est disponible (pour des tests, expérimentations) ou que des compétences sont complémentaires. La troisième forme de collaboration est une collaboration pré-incubation ou post-incubation. Cette forme de relation est consubstantielle aux relations informationnelles et communicationnelles. Elle consiste, dans le cas de la pré-incubation, lorsque le projet du porteur de projet n’est pas encore mature pour postuler au concours d’entré à l’incubateur, d’orienter ce dernier vers un Openlab pour arriver à une certaine maturité lors du concours suivant. Dans le cas de la post-incubation, c’est le fait d’aider la start-up n’ayant pas encore atteint sa masse critique, à utiliser le matériel des Openlabs (logiciel, imprimante 3D, découpeuse laser, four, scanner 3D,…) pour produire des mini-volumes avant de pouvoir produire à de plus grandes échelles en fonction de son marché cible.
Encore une fois, quatre Openlabs se démarquent des autres (Figure 5) avec le Techshop Leroy Merlin qui confirme sa centralité en étant celui avec qui le plus grand nombre d’acteurs déclarent développer des collaborations (avec 25 acteurs enquêtés). Il est suivi par les Adicode (avec19 acteurs), puis le Mutualab et le FablabLille qui sont exaequo (avec 9 acteurs chacun). Il ressort nettement que le Techshop Leroy Merlin collabore avec une diversité d’acteurs de l’écosystème, puisqu’en effet tous les types d’acteurs que l’on a interviewés ont des liens avec ce dernier. Les Adicode, en revanche, s’ils sont en lien avec des acteurs divers, restent toutefois plus proches des acteurs en amont de l’écosystème. En revanche les Mutualab et Fablab Lille sont beaucoup plus proches des entreprises.
Par rapport aux actions engagées, moins d’un tiers des interviewés (30 %) déclarent développer des actions concrètes avec les Openlabs (Tableau 4, 5). Les incubateurs/accélérateurs publics sont les principaux acteurs qui engagent des actions avec les Openlabs. Les incubateurs intègrent les Openlabs dans le processus d’incubation et d’accélération des start-ups. Ces derniers interviennent principalement dans la phase d’idéation ou de maturation de l’idée des startupeurs. Les Openlabs interviennent aussi dans la phase de post-incubation, le prototypage et la production de mini volumes pour faire des tests sur le marché. Toutefois, seulement deux responsables de laboratoire déclarent avoir engagés des actions avec les Openlabs et tous les deux dans une optique d’intégration des lieux de coworking ou de mini fablabs au sein de la structure universitaire. Pour les entreprises, trois types d’actions ont été mis en évidence : le prototypage pour un nouveau produit à mettre sur le marché, le développement de maquettes et enfin le test d’une nouvelle solution en vue de diversifier leurs offres de produits ou de services.
A un deuxième niveau, comme le montre le tableau 4, tous les incubateurs/accélérateurs considèrent en effet les Openlabs comme pertinents pour l’écosystème et développent des relations avec ces derniers. De plus, à l’exception de deux, la quasi-totalité ont déjà engagé des actions concrètes avec eux. A l’inverse, les laboratoires de recherche estiment pour seulement un quart d’entre eux (26 %) que les Openlabs sont pertinents pour leurs activités (Tableau 4). Toutefois, cela ne veut pas dire que les laboratoires n’ont aucune relation avec les Openlabs, puisque la majorité des laboratoires considère les Openlabs en tant qu’objet de recherche, et non en tant que sources d’outils, de supports ou parties prenantes majeures aux actions scientifiques.
A un troisième niveau, il existe une centralité du TechshopLeroy Merlin dans les relations Acteurs/Openlabs. Cela s’explique par plusieurs facteurs : la taille, l’acteur qui le porte, et le support d’acteurs politiques et universitaires. Avec ses 2400m², le nombre et la qualité des machines, le TechshopLeroy Merlin constitue, selon certains, le plus grand techshop d’Europe. Cet Openlab est porté par Leroy Merlin, une enseigne de la grande distribution française spécialisée dans la construction, le bricolage et le jardinage, et qui se situe parmi les trois des plus grandes entreprises de la Région des Hauts-de-France. De plus, ce projet a trouvé l’appui de l’administration de la MEL, de l’UCL et du Parc d’innovation Euratechnologies, tous trois acteurs majeurs de l’écosystème. Enfin, le Mutualab et le Fablab Lille sortent du lot des autres Openlabs parce qu’ils sont des Openlabs historiques et emblématiques du territoire.
Influence des openlabs dans la prise de decision des acteurs
Au sujet du Cadre décisionnel (Figure 1), nous nous sommes focalisés sur des décisions que les acteurs considèrent comme majeures, c’est-à-dire réellement engageantes. Seulement 18 % des interviewés admettent que les Openlabs ont eu une influence sur les décisions majeures en matière d’innovation (Tableau 5). Cependant, nos résultats mettent en relief des apports importants que les Openlabs peuvent avoir dans un écosystème (Tableau 6). Un responsable d’entreprise fait mention de décision prise, de concert avec des Openlabs, de refonte de ses activités et de transformation de son business model. Un autre rapporte la décision d’étendre ses activités sur d’autres créneaux avec l’apport des Openlabs. Au-delà de ces décisions majeures, la plupart des décisions prises par les acteurs interviewés concernent le développement de lieux de créativité en interne et l’adoption des méthodes et pratiques inspirées des pratiques des Openlabs dans leur management. On assiste, donc, à un phénomène d’internalisation des méthodes et des pratiques des Openlabs au sein des organisations et des entreprises au niveau de l’écosystème.
Le phénomène d’internalisation des pratiques, des outils et des lieux de créativité touche tous les types d’acteurs interviewés, aussi bien les laboratoires de recherche que les incubateurs, les entreprises et les pôles de compétitivité.
Dans nos résultats, pas moins de sept Openlabs d’entreprises ou internes à d’autres structures sont cités : Adeo, Décathlon, Euratechnologies, Plaine Images, Serre Numérique, Auchan, Si-lab. De plus, les Parcs d’innovation, principaux acteurs de l’écosystème de la MEL (Euratechnologies, Eurasanté, Plaine Images, Euramaterials), internalisent la fonction de coworking, codesign, créativité, au sein de leur structure en y installant des lieux dédiés à cet effet. Nous pouvons citer entre autres : l’Atrium à Euratechnologies, la Saga Concept Room à Eurasanté, l’Imaginarium à la Plaine Images, et la Digital House d’Euramaterials.
Discussions
Notre étude exploratoire met en évidence la place et les apports des Openlabs dans l’écosystème d’innovation de la MEL à travers la perception et le processus décisionnel (innovation) des acteurs classiques (Labour, 2016, p. 180-181). Nous avons structuré cette section en deux grandes parties. Premièrement, nous arguons en faveur des Openlabs comme un nouvel élément clé d’un écosystème d’innovation. Deuxièmement, nous avançons deux hypothèses à partir d’une analyse de l’incidence des Openlabs dans les processus décisionnels des acteurs de l’écosystème.
Openlabs – nouvelle dynamique dans les écosystèmes ?
Les résultats de notre étude montrent que les acteurs de l’écosystème de la MEL reconnaissent que les Openlabs ont bien des rôles et apports dans l’écosystème notamment : renforcer la créativité, l’open innovation, l’innovation pédagogique (apprentissage), le travail collaboratif et l’intelligence collective (Ben Letaifa et Rabeau, 2012; Merindol et al., 2016). Ces résultats soulignent aussi le fait que les places et les formes d’intégration des Openlabs dans l’écosystème sont tellement diverses qu’il n’est pas possible d’affirmer de manière définitive si les Openlabs se situent en marge des écosystèmes d’innovation ancrés sur un territoire (Haven, 2008; Ferchaud, 2017), ou plutôt dans un middleground délimité (Grandadam et al., 2013; Sarazin et al., 2017). Cette diversité peut être schématisée par trois cas de figures.
Un premier cas de figure est celui des Openlabs de la MEL – peu ou pas référencés par les acteurs classiques enquêtés – qui conçoivent leurs processus d’innovation et output comme un « bien commun » de savoirs et de compétences au sein des communautés fondées sur des « valeurs humaines ». Ces Openlabs placent l’entraide, la mutualisation, la collaboration, ou la fédération de communautés créatives locales au-dessus des enjeux de marchandisation ou d’institutionnalisation (Bohas et al., 2017).
Le second cas de figure est celui du Techshop Leroy Merlin qui est très intégré et possède une forte centralité dans l’écosystème d’innovation de la MEL (voir point suivant). Il est à noter que Leroy Merlin a développé sa marque internationalement à une échelle bien au-delà de beaucoup d’autres structures.
Le troisième cas de figure, est le cas des ETI[8], des grandes entreprises (Adeo, Décathlon, Auchan), et des structures de transfert technologiques ou d’intermédiation (Euratechnologies, Plaine Images, Serre Numérique, Si-lab) qui commencent à s’emparer de l’esprit des Openlabs en développant en interne des Fablabs et autres types d’Openlabs comme outil organisationnel, et avec comme ambition de stimuler la créativité et renforcer l’intelligence collective des parties prenantes de l’entreprise (Zaïbet, 2007; Lo, 2014). Cette stratégie vise à développer une position avant-gardiste par rapport à l’émergence de nouvelles tendances à travers le développement des relations d’approfondissement des compétences nouvelles. Des collaborations d’apprentissage et de recrutement des talents issus de l’univers des Openlabs sont alors nécessaires, comme ce fut le cas pour Leroy Merlin à Lille avec les talents issus de la communauté des « makers ».
Dans ce même registre d’internalisation mais d’une autre façon, d’autres acteurs, tels que les PME, n’ayant pas les moyens de développer des lieux en interne, s’approprient des méthodes, outils et pratiques d’intelligence collective et d’open innovation qui constituent l’ADN des « Openlabs ». Ils développent des relations d’apprentissage, participent dans des workshops au sein des Openlabs et s’impliquent parfois dans les communautés avec des animateurs d’Openlabs.
Ainsi, ces processus d’internalisation constituent aussi une valeur ajoutée générée par ces Openlabs à différents niveaux de l’écosystème. Cela positionne donc ces Openlabs potentiellement comme un nouvel élément clé des nouvelles dynamiques des écosystèmes ancrés localement (Bouvier-Patron, 2015).
Apports strategiques des openlabs dans un ecosysteme
L’un des résultats majeurs de l’étude concerne l’implication des Openlabs dans les processus d’incubation et d’accélération en lien avec le réseau d’incubateurs. Les pratiques, les outils et les machines au sein des Openlabs sont très adaptés pour les startups dans leur phase d’incubation ou pré/post-incubation. Ainsi, les échanges entre les Openlabs et les incubateurs sont particulièrement importants car ils peuvent renforcer, voire accélérer, le développement des startups au sein d’un écosystème et, de surcroit, renforcer la capacité de génération ou de régénération de l’écosystème. Cette observation fait émerger une première hypothèse de travail : plus il existe une coordination étroite entre les Openlabs et les incubateurs, plus le développement des entreprises innovantes est favorisé (Hypothèse1 : la coordination Openlabs – Incubateurs et générativité d’un écosystème d’innovation).
Dans une considération autre, nous avons pu constater le cas du Techshop LeroyMerlin, très intégré au sein de l’écosystème d’innovation de la MEL. Cela peut s’expliquer par le fait que le Techshop est fortement porté par LeroyMerlin, une grande entreprise de la région, et avec le support d’un ensemble d’acteur institutionnels majeurs de la région, dont l’administration de la MEL. Soulignons aussi la dimension communicationnelle et marketing de ce soutien, puisque Techshop (terme peu usité par le grand public) est le seul à avoir pu adosser à son nom, le nom d’une entreprise déjà connue (et donc adosser à son nom un signal institutionnel et professionnel) et à avoir disposé de publicité. Ce cas emblématique semble indiquer le rôle que peut jouer le niveau d’institutionnalisation ainsi que la taille (nombre de m2, quantité et qualité des machines) d’un Openlab donné. Il existe d’autres cas, comme ceux de Mutualab et de Fablab Lille, qui montrent que les Openlabs de tailles « moyennes » semblent aussi s’orienter vers les entreprises. Les cas du Mutualab et du FablabLille, plus proches du concept de fablab référencés par les acteurs, peuvent s’expliquer par le fait qu’ils sont historiques (créés en 2011) et emblématiques de la MEL, qu’ils ont ainsi accompagné le mouvement au sein de ce territoire (Liefooghe, 2016), et ont donc fait l’épreuve du temps.
Suivant le niveau d’institutionnalisation, il serait donc possible de trouver des Openlabs qui soient plus proches de l’underground (avec des affinités aux idées des « communs »), ou plus proches de l’upperground (associés aux éléments stables). Cette observation permet de dégager une deuxième hypothèse de travail : les niveaux d’institutionnalisation, de taille et d’ancienneté d’un Openlab, représentent des variables déterminantes pour attirer les acteurs d’innovation, suivant leurs attributions (Hypothèse2 : Taille, ancienneté et niveau d’institutionnalisation desOpenlabs).
Conclusion
Notre article met en relief les rôles et les apports effectifs des Openlabs dans un écosystème d’innovation. Pour les acteurs classiques de l’innovation, l’apport des Openlabs dépasse les frontières sémantiques (Fablabs, Makers space, Techshop…) pour se focaliser sur leur valeur opérationnelle. Cette valeur opérationnelle apparait flexible et semble souvent sous-exploitée. Comme l’étude le montre, les Openlabs peuvent être source de transformation et d’adaptation des entreprises et des organisations innovantes au sein d’un écosystème d’innovation. Un exemple de rôle pertinent des Openlabs dans un écosystème d’innovation ancré sur un territoire se situe dans leur capacité à renforcer le système d’incubation et d’amorçage afin que les entreprises innovantes traversent avec succès la « vallée de la mort » de l’entrepreneur.
Cependant, cette conception n’exprime pas toute la richesse que peuvent apporter les fablabs, coworking space, makers space, hackerspaces, innovation lab, techshop … dans un écosystème en tenant compte les formes de spécificité liées à ces appellations. Cela peut s’expliquer du fait que le développement de ces nouveaux acteurs reste un phénomène très récent et ces formes de spécificités ne sont pas encore suffisamment perçues par les acteurs classiques de l’innovation. De plus les apports potentiels de ces différents types d’acteurs dans les processus d’innovation ne sont pas encore très connus par ces derniers qui sont habitués à des processus d’innovation plus classiques. Ces considérations ouvrent la voie à des travaux empiriques futurs qui approfondissent des liens entre les écosystèmes d’innovation et cette diversité d’acteurs qu’on a regroupée sous le vocable d’Openlab.
Cette étude met également en exergue l’internalisation du modèle innovant des Openlabs dans les entreprises et des organisations innovantes ou des structures d’accompagnement de l’innovation. Si cette tendance favorise la créativité et l’intelligence collective des entreprises, et plus largement des acteurs classiques, elle s’avère alors néfaste pour la survie des Openlabs qui semblent déjà peiner à trouver un modèle économique soutenable. Avec la disparation des Openlabs indépendants et périphériques, l’écosystème d’innovation pourrait être privé de certaines fonctions inspirantes que l’on trouve dans les Openlabs, telles que des fonctions de réservoirs d’idées nouvelles, d’intégration de talents créatifs marginaux et de laboratoire d’expérimentation et d’innovation sociale.
Cette considération vaut également pour la différentiation des Openlabs proches de l’upperground et ceux plus proches de l’underground qui drainent plus facilement des talents créatifs marginaux. Notre travail plaide plutôt pour la coexistence et de ces types d’Openlabs qui peuvent avoir des fonctions complémentaires dans les processus d’innovation. Il est donc vital pour les responsables de politiques publiques de prendre en compte cette diversité et ces complémentarités en vue d’exploiter les apports de ces Openlabs. Il en va de même pour les acteurs assurant l’orchestration de l’écosystème et les autres acteurs évoluant dans un écosystème d’innovation ancré sur un territoire au sein duquel on assiste à un développement de ces nouveaux acteurs. Enfin, notre travail suggère une proposition de typologie des Openlabs suivant leur proximité à l’upperground et l’underground. En effet, l’étude met en évidence des Openlabs avec une centralité dans un écosystème ancré territorialement, des Openlabs internes aux organisations et entreprises, des Openlabs faisant partie intégrante du middleground développant des relations très denses avec les incubateurs et accélérateurs d’entreprises par exemple, et enfin des Openlabs plus périphériques proche de l’underground. Cela ouvre la voie à des travaux futurs pour approfondir cette typologie et la confronter à une perspective dynamique et temporelle.
Parties annexes
Remerciements
Nous sommes reconnaissants aux évaluateurs anonymes de leurs remarques et suggestions qui ont permis de renforcer la rigueur de l’article.
Notes biographiques
James Boyer est enseignant-chercheur en économie d’innovation et management de la technologie à l’Université Catholique de Lille (60 Boulevard Vauban, 59 800, Lille) et rattaché au laboratoire de recherche Lille Economie Management (LEM UMR-9221). Ses recherches portent principalement sur les écosystèmes d’innovation, leurs dynamiques et leur influence sur le processus décisionnel des acteurs économiques. Ses travaux portent aussi sur les conditions d’émergence des technologies de l’Industrie 4.0 au sein des écosystèmes, y compris les leviers et les mécanismes d’adaptation au de ces écosystèmes.
Michel Labour est enseignant-chercheur à l’Université Polytechnique Hauts-de-France où il enseigne à l’école de management IAE-Valenciennes. Il est aussi membre du laboratoire de recherche DeVisu de l’université et participe activement au groupe de travail « Enaction et Design ». Son domaine de recherche se focalise sur les dynamiques de sense-making et de meaning-making dans le processus d’aide à la décision organisationnelle. Les terrains de recherche tels que le design des parcours des visiteurs de musées, le design (et l’usage) des tableaux de bord de gestion, et l’Intelligence économique des PME.
Benjamin Astier est doctorant en troisième année de thèse en Sciences de l’Information et de la Communication au sein du laboratoire DeVisu — EA2445 et dans l’équipe d’Hémisf4ire à l’Université Catholique de Lille (60 Boulevard Vauban, 59 800, Lille). Ses recherches portent sur les écosystèmes d’innovation, les organisations, les tiers-lieux et les processus info-communicationnels. Le terrain de ses recherches se situe dans la Région des Hauts-de-France sur le secteur textile.
Bentley Douceur est MsC spécialisée en Économie Sociale et Solidaire. Actuellement, il travaille comme fonctionnaire au Ministère de l’Environnement (Haïti), où il contribue à la mise en oeuvre des stratégies d’accompagnement des acteurs de l’économie sociale et solidaire en vue de favoriser l’innovation sociale, le développement durable et la création d’emplois verts.
Notes
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[1]
Annonce faite le 19 septembre 2018 : https://www.la-croix.com/Economie/France/Coup-daccelerateur-travail-partage-tiers-lieux-2018-09-19-1200970049(consulté le 26 novembre 2018)
-
[2]
Les risques perçus s’opèrent dans une situation imprévue (la survenance et l’impact d’un danger n’est pas statistiquement prévisible) ou incertitude (absence de données fiables).
-
[3]
Le terme de « fabrication » est choisi pour souligner une notion étroite de making en anglais, ayant une signification de délibération et d’assemblage.
-
[4]
Le référencement de la trentaine d’Openlabs est issu de deux années de recherche en capacité d’innovation sur le territoire de la MEL.
-
[5]
Centre d’Innovation des Technologies sans Contact
-
[6]
Cette liste est établie à partir d’un outil (« Innoscope ») développé en interne par HDFID qui est « une méthode et un outil qui vise à répartir les entreprises selon leur capacité à innover, estimée à partir des données structurelles et économiques qui les caractérisent ».
-
[7]
Ateliers De l’Innovation et du CODEsign. Ce sont des ateliers de formation pour étudiants, portés par Yncrea Hauts-de-France, qui est une collaboration de trois écoles d’ingénieurs (HEI, ISA et ISEN, appartenant toutes trois au groupe de l’Université Catholique de Lille (UCL), acteur institutionnel bien implanté sur le territoire).
-
[8]
INSEE : Entreprise de Taille Intermédiaire, avec un nombre de salariés compris entre 250 et 4999 et un chiffre d’affaires pas au-delà de 1,5 milliard d’euros.
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Parties annexes
Biographical notes
James Boyer is an associate-professor in innovation economics and technology management at the Catholic University of Lille (60 Boulevard Vauban, 59800, Lille) and attached to the Lille Economy Management research laboratory (LEM UMR-9221). His research focuses mainly on innovation ecosystems, their dynamics and their influence on the decision-making process of economic actors. His works also focus on the conditions for the emergence of Industry 4.0 technologies within ecosystems, including the adaption mechanisms of these ecosystems.
Michel Labour is a Senior Associate-Professor at the University Polytechnic Hauts-de-France and member of the DeVisu research laboratory of the university. He participates actively in the “Enaction and Design” group of the laboratory. His research focuses on human and organisational factors in sense-making and meaning-making processes in view of developing (non-algorithmic) Decision-Aiding systems. His research applies to domains such as a user-centred design of visitor visits in museums, the design and (use) of management dashboards in business administration, and Economic Intelligence for SMEs.
Benjamin Astier is a third year PhD student in Information and Communication Sciences at the DeVisu - EA2445 laboratory, and at the Hémisf4ire team at the Catholic University of Lille (60 Boulevard Vauban, 59800, Lille). His research focuses on innovation ecosystems, organizations, third places, and info-communication processes. The field of his research is located in the Hauts-de-France Region on the textile sector.
Bentley Douceur is a MsC specialized in Social and Solidarity Economy. He currently works as a civil servant at the Ministry of the Environment (Haiti), where he contributes to the implementation of strategies to support social and solidarity economy actors in order to promote social innovation, sustainable development and the creation of green jobs.
Parties annexes
Notas biograficas
James Boyer es profesor de economía de la innovación y gestión de la tecnología en la Universidad Católica de Lille (60 Boulevard Vauban, 59800, Lille) y está adscrito al laboratorio de Lille Economía Management (LEM UMR-9221). Sus investigaciones se centran en los ecosistemas de innovación, su dinámica y su influencia en el proceso de toma de decisiones de los agentes económicos. Su trabajo también analiza las condiciones para el surgimiento de las tecnologías de la Industria 4.0 dentro de los ecosistemas, incluidos los medios y los mecanismos de adaptación a estos ecosistemas.
Michel Labour es investigador en la Universidad Politécnica Hauts-de-France (Francia). Es docente en la escuela de administración IAE-Valenciennes de la universidad. También es miembro del laboratorio de investigación DeVisu de la misma universidad. Participa en el grupo de trabajo “Enacción y Diseño”. Sus investigaciones se enfocan en la dinámica del sense-making y del meaning-making en el sistema de soporte a decisiones organizacionales. Sus áreas de estudio son el diseño de rutas de visitantes del museo, el diseño (y el uso) de paneles de gestión e inteligencia económica.
Benjamin Astier es estudiante de tercer año de doctorado en Ciencias de la Información y la Comunicación en el laboratorio DeVisu - EA2445 y en el equipo Hémisf4ire de la Universidad Católica de Lille (60 Boulevard Vauban, 59800, Lille). Sus investigaciones se centran en los ecosistemas de innovación, las organizaciones, los terceros lugares y los procesos de información y comunicación. Su trabajo de campo estudia el sector textil de la región Hauts-de-France (Francia).
Bentley Douceur es MsC especializado en Economía Social y Solidaria. En este momento trabaja como funcionario en el Ministerio de Medio Ambiente de Haití, donde contribuye a la aplicación de estrategias de apoyo a los actores de la economía social y solidaria para promover la innovación social, el desarrollo sostenible y la creación de empleos verdes.