Résumés
Résumé
L’article a pour objectif d’étudier l’émergence d’un Réseau Territorialisé d’Organisations (RTO) appartenant à l’économie sociale et solidaire (ESS). A travers une approche néo-institutionnelle, cette recherche étudie les différentes formes de travail institutionnel des acteurs de ce réseau (Lawrence et Suddaby, 2006; Cloutier et al., 2016) tout en questionnant les rôles que joue le territoire dans ce processus (Lawrence et Dover, 2015). L’étude menée permet d’identifier le travail territorial comme une forme particulière de travail institutionnel. La recherche permet aussi de relever les éléments fondateurs et structurants de la phase d’émergence d’un RTO spécifique, composé d’organisations sociales et solidaires.
Mots-clés :
- Réseau territorialisé d’organisations (RTO),
- phase d’émergence du RTO,
- organisations de l’économie sociale et solidaire (OESS),
- travail institutionnel,
- rôles du territoire
Abstract
The article aims to shed light on new insights about the emergence stage of a specific cluster, composed of cultural associations. Exploring a single arts and associative cluster, our findings contribute to reduce the lack of research on this specific field by means of an original theoretical approach based on neo-institutional theory. We focus on different types of institutional work (Cloutier et al., 2016), as well as different roles endorsed by the territory (Lawrence and Dover, 2015), which were required to set up the specific cluster. The findings lead to the identification of territorial work as a specific form of institutional work.
Keywords:
- Cultural and associative cluster,
- stage of emergence,
- institutional work,
- roles of territory
Resumen
El objetivo del artículo es estudiar la creación de una Red Territorializada de Organizaciones pertenecientes a la Economía Social y Solidaria. A través de un enfoque neoinstitucional, en este trabajo se investigan las diferentes formas de trabajo institucional de los actores de esta red (Lawrence y Suddaby, 2006; Cloutier et al., 2016) al tiempo que se cuestionan los roles que desempeña el Territorio en este trabajo institucional (Lawrence y Dover, 2015). El estudio de RTO Anim'assos contribuye a los trabajos recientes sobre el trabajo institucional en un enfoque territorializado. Permite poner de relieve los elementos fundacionales y estructurales de la fase de creación de una RTO y, más concretamente, de una red de organizaciones sociales y solidarias.
Palabras clave:
- Red territorializada de organizaciones,
- fase de emergencia,
- organizaciones de la economía social y solidaria,
- trabajo institucional,
- papeles del territorio
Corps de l’article
L’économie sociale et solidaire (ESS) désigne un ensemble d’organisations (coopératives, mutuelles, associations, fondations, etc.) qui évolue dans tous les secteurs d’activités de la vie économique et sociale. Ces organisations mettent en oeuvre des valeurs de solidarité, de justice sociale, d’autonomie et de responsabilité à travers des pratiques alternatives : projet collectif à finalité sociale, modes de décision participatifs, réinvestissement du résultat, absence de profit individuel, innovation sociale et développement territorial durable. L’on observe, par ailleurs, un déplacement général des organisations de l’ESS (OESS) d’auxiliaires des politiques publiques à des organisations qui acquièrent une relative autonomisation (Demoustier, 2010), notamment grâce à différentes mutations organisationnelles à l’oeuvre ces dernières années (Richez-Battesti et Malo, 2012). Ces mutations font écho à la crise de l’économie capitaliste et à l’intensification de la concurrence qui ont renforcé l’impératif d’efficacité des OESS (Richez-Battesti et Malo, 2012). Au sein de ces mutations, l’une d’elles retient plus particulièrement notre attention : la mise en réseau des OESS. Cette mise en réseau vise à répondre à un double impératif : la recherche d’efficacité à travers la mutualisation[1], couplée à une volonté de préserver l’autonomie des organisations associées (Richez-Battesti et Malo, 2012). Cette recherche vise ainsi à étudier l’émergence d’un Réseau Territorialisé d’Organisations (RTO) issues de l’ESS. Le cas étudié, Anim’Assos, correspond à une dynamique inter-associative qui émerge à partir de 2015 sur le territoire de Saint-Quentin-en-Yvelines (Figure 5). Ce réseau associatif a pour volonté de participer à la définition de la politique culturelle locale et d’être producteur de culture afin de favoriser le « vivre ensemble » et l’inclusion sur le territoire.
Les RTO sont entendus comme « des ensembles coordonnés d’acteurs hétérogènes, géographiquement proches, qui coopèrent et participent collectivement à un processus de production » (Ehlinger, Perret et Chabaud, 2007 : 156). Ils renvoient plus largement encore à l’agglomération de professionnels appartenant à la même communauté épistémique (Ritvala et Kleymann, 2012). En ce sens, les acteurs participent collectivement à la fois à un processus de production et à la construction même du sens donné à ce processus. Au-delà de l’enjeu productif, c’est la recherche de réponses collectives à des problématiques sociétales par définition ancrées sur un territoire qui caractérise le réseau étudié (Colletis, Gianfaldoni, Richez-Battesti, 2005; Arnaud et Serval, 2016).
A l’instar des autres formes de RTO (Chabault, 2010), les RTO de l’ESS sont dynamiques et évoluent tout au long des phases de leur cycle de vie. Parmi ces phases, la recherche menée se focalise sur l’émergence du réseau, reconnue comme une phase critique pour le développement du RTO (Ritvala et Kleymann, 2012) de par les sentiers de dépendance qui se construisent (Mendez et Mercier, 2006). Dans le contexte de l’ESS, cette phase apparaît particulièrement complexe car chaque organisation est souvent faiblement structurée et professionnalisée notamment dans le cadre des associations (Clergeau et Dussuet, 2004). Il est alors particulièrement difficile pour les acteurs d’assurer à la fois le fonctionnement interne de leur organisation et le « méta-management » (Ehlinger et al., 2007) que requiert le RTO. Or, indépendamment du dynamisme interne des organisations membres ou du dynamisme du secteur d’activité, les dimensions organisationnelles du RTO lui-même apparaissent comme des facteurs explicatifs de son échec ou de sa réussite (Menzel et Fornahl, 2010). Cette réussite dépend donc en grande partie de la qualité des modalités de régulation et de coordination entre les acteurs membres (Leloup et al., 2005; Ehlinger et al., 2007; Bocquet et Mothe, 2009; Chabault, 2010, Berthinier-Poncet, 2014). Il s’agit également, en externe, de veiller à construire la légitimité du RTO dans son environnement territorial (Berthinier-Poncet, 2014).
Dans la littérature, l’approche néo-institutionnelle permet justement d’étudier cet ensemble de règles, de normes et de valeurs qui correspond à des institutions (Scott, 1995). L’émergence d’un RTO de l’ESS renvoie à une phase de création d’institutions, soit à un travail institutionnel entendu comme l’action intentionnelle des acteurs de façonner les institutions (Lawrence et Suddaby, 2006). C’est pourquoi nous mobilisons ce concept afin de mieux comprendre la phase d’émergence d’un RTO de l’ESS et la manière dont le territoire est utilisé pour construire sa légitimité interne et externe. Pour ce faire, nous proposons d’étudier d’une part, les pratiques par lesquelles les acteurs construisent de nouvelles institutions (Cloutier et al. 2016). D’autre part, nous proposons d’encastrer cette analyse dans le territoire du réseau étudié, c’est-à-dire en intégrant les différents rôles que peut jouer ce territoire dans le travail institutionnel à l’oeuvre (Lawrence et Dover, 2015). Les spécificités du RTO de l’ESS marquent en effet l’importance de sa dimension territoriale. L’objectif est double; la recherche menée vise à étudier à la fois les formes de travail institutionnel à l’oeuvre (Lawrence et Suddaby, 2006; Cloutier et al., 2016) et les rôles du territoire (Lawrence et Dover, 2015) pour comprendre l’émergence d’un RTO de l’ESS.
Les contributions de la recherche se situent à trois niveaux : théorique, conceptuel, et managérial. Concernant les contributions théoriques, l’article poursuit les efforts récemment entrepris visant à mieux comprendre le rôle du territoire dans le travail institutionnel (Lawrence et Dover, 2015). Les contributions d’ordre conceptuel se situent quant à elle autour des spécificités du concept de RTO de l’ESS et plus précisément à travers une meilleure compréhension de la phase d’émergence des RTO qui, selon Ritvala et Kleymann (2012), reste peu étudiée et nécessite des travaux complémentaires tant cette phase est déterminante pour leur développement. Enfin, les contributions d’ordre managérial sont relatives aux préoccupations des acteurs de l’ESS qui cherchent de plus en plus à s’organiser en réseau (Richez-Battesti & Malo, 2012). Ainsi, cette recherche leur apporte un éclairage sur la manière dont un RTO de l’ESS émerge et se structure. Il s’agit également d’apporter aux décideurs publics locaux une meilleure compréhension des comportements et des intentions de ces nouveaux acteurs de l’action publique locale.
La première partie de l’article revient sur les concepts mobilisés pour comprendre cette phase d’émergence. La deuxième partie présente la méthodologie de la recherche qui repose sur l’étude qualitative du RTO « Anim’Assos » ayant pour vocation de structurer l’offre culturelle sur son territoire. Enfin, les résultats sont présentés et discutés.
Une lecture néo-institutionnelle de l’émergence d’un RTO de l’ESS : les formes de travail institutionnel et les rôles du territoire
Les concepts liés aux formes de travail institutionnel et aux rôles du territoire sont successivement présentés afin de comprendre la phase d’émergence d’un RTO de l’ESS.
Une typologie du travail institutionnel
De manière traditionnelle, l’approche néo-institutionnelle revient à considérer que les institutions façonnent le comportement des individus en étant « des règles et des significations partagées [...] qui définissent les relations sociales, aident à définir qui occupe quelle position dans ces relations, et guident les interactions en donnant aux acteurs des cadres cognitifs et des ensembles de significations qui permettent d’interpréter le comportement des autres » (Fligstein, 2001 : 108). Les institutions fournissent à la fois signification et stabilité à la vie sociale; elles sont maintenues et reproduites, ce qui les rend relativement résistantes aux changements (Zucker, 1977; Scott, 1995). Les institutions peuvent être formelles et informelles; leur nature et leur mécanisme de fonctionnement se situent sur un continuum « allant du conscient à l’inconscient, du légalement imposé au pris pour acquis » (Hoffman, 1999 : 36).
Si les institutions peuvent apparaître marquées par l’inertie, les travaux plus récents tendent à mettre en lumière le rôle des agents qui ont la possibilité d’adapter et de transformer les institutions. A travers leurs pratiques, ils peuvent non seulement les maintenir, mais aussi les contester (Oliver, 1990), les détruire et en créer de nouvelles (Lawrence et Suddaby, 2006). L’étude de ces pratiques renvoie au concept de travail institutionnel, entendu comme « l’action intentionnelle des acteurs ou des organisations visant à créer, maintenir ou déstabiliser les institutions » (Lawrence et Suddaby, 2006 : 215).
Dans le cadre de l’étude de la phase d’émergence d’un RTO de l’ESS, l’intérêt se porte naturellement sur le travail des acteurs pour créer des institutions afin de construire et faire fonctionner le RTO. A cet égard, Cloutier et al. (2016) identifient différents types de travail institutionnel, visant à créer de nouveaux éléments institutionnels. Parmi d’autres typologies existantes (Lawrence et Suddaby, 2006; Slimane et Leca, 2014), nous retenons celle de Cloutier et al. (2016) car elle est englobante, inscrite dans une logique processuelle et longitudinale qui correspond à la fois aux attentes de l’agenda scientifique sur le travail institutionnel (Slimane et Leca, 2010), et aux besoins d’étudier la phase d’émergence d’un RTO de l’ESS (Ritvala et Kleymann, 2012). Enfin, cette taxonomie semble particulièrement pertinente en ce qu’elle résulte d’une recherche qualitative portant sur la mise en oeuvre d’une réforme publique locale au Canada, dans le secteur de la santé. Le contexte est donc similaire au nôtre dans la mesure où le RTO étudié a pour vocation la participation de la société civile à la construction de la politique culturelle locale. La typologie de Cloutier et al. (2016) repose sur quatre formes de travail institutionnel qui sont interdépendantes, s’articulent de manière dynamique et non linéaire, et sont labellisées « travail structurel », « travail conceptuel », « travail opérationnel », et « travail relationnel ».
Le travail structurel renvoie aux efforts managériaux visant à formaliser les rôles, les systèmes de règles, les principes d’organisation et les modèles d’allocation de ressources qui soutiennent le cadre des nouveaux éléments institutionnels. Selon les auteurs, le travail structurel est un travail précurseur dans la mesure où il paraît difficile « d’engager des efforts substantifs ou de changer quoi que ce soit » sans des rôles assignés et des règles de fonctionnement définies (Cloutier et al., 2016 : 266). Le travail structurel est également récursif (contraint par les structures antérieures qui peuvent plus ou moins être contradictoires avec les nouvelles), et disruptif (il s’agit d’un nouveau design organisationnel qui a pour point de départ les designs préexistants).
Le travail conceptuel correspond aux efforts déployés par les manageurs pour établir un système de croyances, de normes et de schémas d’interprétation cohérents avec les nouveaux éléments institutionnels. Le travail conceptuel est spécialisé et dédié à des personnes particulières ayant les compétences et le temps nécessaires. Le caractère spécialisé du travail conceptuel apparaît dans un environnement institutionnel élargi, impliquant des personnes extérieures aux organisations. Le travail conceptuel est également détaché des opérations existantes afin de produire la rupture souhaitée, et répétitif pour pouvoir lever les ambiguïtés induites par l’introduction de nouveaux éléments institutionnels.
Le travail opérationnel renvoie aux efforts managériaux visant à mettre en oeuvre des actions concrètes directement liées aux nouveaux éléments institutionnels et qui changent les comportements quotidiens des acteurs de terrain. Le travail opérationnel est fragmenté, sujet à controverse (conflictuel notamment avec les relations de pouvoir, les valeurs et intérêts structurés par les règles institutionnelles antérieures), et transactionnel (fondé sur des intérêts particuliers).
Enfin, le travail relationnel correspond aux efforts visant à construire des liens, de la confiance et de la collaboration entre les acteurs impliqués dans l’implémentation des nouveaux éléments institutionnels. Le travail relationnel est intégrateur et permet en ce sens de lier et soutenir les trois autres formes (figure 1).
Il s’agit donc de s’appuyer sur cette typologie pour déterminer quels types de travail institutionnel ont été mobilisés dans la phase d’émergence du RTO étudié.
Les rôles du territoire dans le travail institutionnel
Prenant en considération le fort ancrage territorial de notre objet d’étude (un RTO avec un objectif productif territorialisé) il semble incontournable de compléter la typologie du travail institutionnel par une réelle prise en compte du territoire. En effet, le territoire produit de profonds impacts sur les acteurs et leurs actions dans le champ de l’ESS (Demoustier et Richez-Battesti, 2010; Itçaina, 2010; Lawrence et Dover, 2015). Dans cette perspective, nous enrichissons les travaux de Cloutier et al. (2016) en intégrant les travaux de Lawrence et Dover (2015) qui constituent un réel développement du travail institutionnel en questionnant les rôles du territoire dans ces processus. Les auteurs fournissent ainsi un éclairage complémentaire sur les relations entretenues entre les acteurs (pour notre part d’un réseau territorialisé) et leur environnement territorial.
A travers une recherche qualitative portant sur deux études de cas, les travaux de Lawrence et Dover (2015) permettent d’identifier trois rôles joués par le territoire dans le travail institutionnel : le territoire contient, médiatise et complique le travail institutionnel. A chaque rôle, les auteurs associent une ontologie particulière au territoire : il est une enceinte sociale, un signifiant, ou un objet pratique. Les paragraphes qui suivent présentent successivement les trois rôles et ontologies du territoire.
Les territoires contiennent le travail institutionnel « en établissant et maintenant des frontières autour des institutions et des efforts des acteurs pour affecter ces institutions » (Lawrence et Dover, 2015 : 382). En ce sens, les institutions soumises à un travail institutionnel sont problématisées de manière territoriale et les acteurs y apportent une réponse territoriale. Le rôle du territoire en tant que contenant du travail institutionnel implique une ontologie particulière; il est une enceinte sociale où les institutions, les acteurs, les ressources et les actions sont circonscrits par le territoire. Ce dernier implique, dans cette configuration, une identité collective et un ensemble de ressources et de routines (Lawrence et Dover, 2015). Les acteurs manifestent leur territorialité qui renvoie à l’expression d’une identité à base territoriale (Claval, 1995). Il s’agit de la relation vécue entre un individu ou groupe d’individus et son territoire d’appartenance (Di Méo, 2002). L’accent est mis ici sur les frontières géographiques et topographiques du territoire qui permettent de définir et de circonscrire l’action (figure 2).
Le second rôle identifié par les auteurs repose sur le fait que le territoire médiatise le travail institutionnel (figure 3) en agissant comme « un filtre interprétatif qui connecte le travail institutionnel aux institutions ciblées » (Lawrence et Dover, 2015 : 387). L’ontologie associée au territoire est de nature symbolique; le territoire est un signifiant. Le territoire permet de véhiculer une idée partagée par les acteurs qui leur apparaît « familière et confortable » (2015 : 390). Les éléments symboliques du territoire, partagés par les acteurs et pris pour acquis, permettent d’y associer des éléments institutionnels qui sont eux soumis à un travail et un effort des acteurs pour être légitimés. Nous retrouvons ici la logique du mimétisme dans le travail de création des institutions (Lawrence et Suddaby, 2006) où l’utilisation d’éléments institutionnels antérieurs et pris pour acquis (ici la dimension symbolique du territoire), facilite l’adoption de nouvelles institutions.
Le troisième et dernier rôle du territoire renvoie à sa dimension fonctionnelle, en tant qu’objet pratique, qui introduit une complexité inattendue et complique le travail institutionnel (figure 4). Il est un outil du travail institutionnel qui, à travers sa complexité, introduit à la fois des actions et des acteurs inattendus (Lawrence et Dover, 2015). En effet, la complexité est une caractéristique intrinsèque du territoire en ce qu’il est à la fois fermé et ouvert, mais aussi composé de multiples éléments tangibles (acteurs et éléments anthropisés) et intangibles (contenu symbolique et cognitif) en interaction permanente (Moine, 2007). Le territoire en tant qu’outil du travail institutionnel suppose en ce sens des actions territoriales qui sont davantage émergentes plutôt que planifiées. L’action collective se formalise a posteriori; elle se construit de manière incrémentale et itérative au gré des éléments territoriaux qui apparaissent chemin faisant et nécessitent d’être intégrés (Serval, 2018).
Ainsi, ces considérations théoriques permettent, au-delà de l’identification des types de travail institutionnel réalisés par les acteurs du RTO dans sa phase d’émergence, de déterminer quels sont les rôles successifs du territoire dans ce processus. La combinaison de ces deux grilles de lecture permet de territorialiser l’étude du travail institutionnel et donc d’y intégrer la dimension spatiale qui reste souvent un impensé des sciences de gestion. Rappelons que dans le cas des RTO, cette dimension est essentielle et permet d’en expliquer les dynamiques internes (Serval, 2018). A cet égard, dans la mesure où le territoire est un outil du travail institutionnel qui peut le contenir, le médiatiser, et le compliquer, alors les efforts consentis pour travailler le territoire peuvent constituer une forme de travail institutionnel en soi surtout lorsque l’objet est fortement territorialisé comme dans le cas d’un RTO de l’ESS. L’étude empirique proposée dans les paragraphes suivants permet d’apporter des éclairages dans ce sens.
Une approche qualitative à travers l’étude de cas unique du RTO « Anim’Assos »
Cette section est dédiée au protocole méthodologique à travers la présentation de l’étude de cas, la stratégie d’accès au réel, et la méthode d’analyse des données.
L’émergence d’Anim’Assos sur le territoire de Saint-Quentin-en-Yvelines
Le récit et la phase d’émergence du RTO porté à l’étude voient le jour suite à la production, en 2014, d’un « avis culture » par le CODESQY[2]. Cette instance citoyenne consultative a été saisie en juillet 2013 par le Président de la Communauté d’Agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines (SQY) afin d’établir « un état des lieux de l’offre et des pratiques culturelles dans l’agglomération [... en privilégiant] une approche du point de vue des habitants et des acteurs associatifs culturels et socio-culturels » (Avis du CODESQY : 4). Les conclusions de ce rapport ont conduit à l’émergence d’une dynamique inter-associative à partir de 2015. En effet, malgré le constat d’un niveau d’équipements culturels élevé sur le territoire, d’une offre culturelle riche et d’un vivier associatif dynamique, les membres du CODESQY mettent en avant deux enjeux fondamentaux nécessitant un approfondissement de la réflexion relative à la politique culturelle locale (Avis du CODESQY : 5). D’une part, l’impératif pour la communauté d’agglomération (SQY) de mener une réflexion sur l’identité du territoire et son rayonnement au regard de l’évolution des agencements territoriaux; d’autre part, le territoire est marqué par de fortes disparités sociales et culturelles, aggravées par une coupure urbaine.
De plus, cet avis permet d’éclairer la réflexion sur la politique culturelle locale et son histoire. En effet, il s’agit d’un territoire au statut de Ville Nouvelle, construit dans les années 70, ce qui marque le paysage culturel local. Au début de sa construction, la Ville Nouvelle est centrée sur le quartier des 7 Mares à Élancourt et Maurepas. Cette période est caractérisée par le CODESQY comme le « temps des acteurs culturels et socioculturels », et d’une culture créée « par » et « avec » les habitants (Avis CODESQY : 5). Le milieu des années 80 représente quant à lui un tournant majeur avec la transition vers le « temps des structures », caractérisé par la montée en puissance des communes dans le contexte de l’urbanisation de la partie « Est » de l’agglomération et de la construction des équipements culturels publics. Le territoire et ses habitants sont, aujourd’hui encore, tout particulièrement marqués par ces années qui ont bénéficié de l’arrivée du Théâtre de l’Unité sur le territoire en 1978 et de la création du Carnaval des Ténèbres. Le Théâtre de l’Unité est une compagnie pionnière et emblématique du théâtre de rue depuis 1972 avec le déploiement d’une création prolifique et multiforme : mises en scène en salle, en rue et à la campagne, événements, créations in situ, spectacles d’intervention, ateliers, caravane itinérante, etc.
Aujourd’hui, le paysage culturel se structure autour de deux dynamiques parallèles : l’une institutionnelle, l’autre portée par la société civile à travers les actions et activités du tissu associatif local. Malgré la qualité de l’offre existante, plusieurs acteurs culturels, issus du champ de l’économie sociale et solidaire et implantés sur le territoire depuis de nombreuses années, sont sensibles au manque de place accordée aux citoyens, non pas uniquement en tant que public passif, mais véritables acteurs de l’action culturelle locale, en capacité de construire, de manière collective, un récit de territoire. Ainsi émerge, en 2015, un premier groupe considéré comme le noyau dur du RTO étudié, nommé « Anima S.O.S. », ayant pour vocation de structurer l’offre culturelle sur le territoire.
Une étude de cas unique analysée grâce à une triangulation de données
L’exploration de l’émergence du RTO « Anim’Assos » s’inscrit dans une démarche qualitative et repose sur une étude de cas unique. Ce choix se justifie par le caractère exploratoire de la recherche, compte tenu du peu de travaux portant sur le type de RTO étudié lors de sa phase d’émergence. Largement répandue dans les sciences de gestion (Stake, 2003), l’étude de cas permet de proposer plus facilement de nouvelles conceptualisations (Miles et Huberman, 2003). En cela, elle est particulièrement recommandée lorsque la recherche a trait à un champ nouveau, complexe, où la littérature est peu étoffée et où le contexte est déterminant (Evrard, Pras et Roux, 2003).
En fonction de la question de recherche, l’étude de cas peut prendre différentes formes (Yin 2003). Le choix d’une étude de cas unique et holistique permet, à travers « la présentation de la particularité d’un contexte, la narration d’une histoire riche et singulière [... d’] augmenter la force de la démonstration » (Evrard, Pras et Roux, 2009 : 134). Ainsi, l’étude de cas unique permet « non seulement de révéler une histoire singulière en soulignant les conditions particulières de son déroulement, mais également de mettre en valeur à quels moments elle aurait pu bifurquer, se réorienter, créer d’autres irréversibilités… » (La Ville, 2000 : 79). Nous nous appuyons ici sur le potentiel scientifique de l’étude de cas unique qui tient en sa capacité à mettre en exergue la singularité du problème étudié et non pas dans une quelconque généralisation statistique (Chatelin, 2005). Enfin, selon Yin (2003), le cas unique doit remplir un certain nombre de critères afin d’être justifié : être critique, extrême ou unique, représentatif ou typique, ainsi que révélateur. Le RTO étudié est tout d’abord clairement représentatif de l’une des mutations organisationnelles observées par Richez-Battesti et Malo (2012) à savoir la mise en réseau. Dans le même temps, cette mutation a rarement pu être observée à l’échelle d’un RTO de l’ESS sectoriel (le secteur culturel) et comprenant majoritairement des structures associatives généralement en concurrence les unes avec les autres sur le territoire. Par ailleurs, il s’agit d’un cas particulièrement révélateur des enjeux d’évolution des politiques territoriales et de la place que peut prendre la société civile dans ces évolutions de par l’histoire et la trajectoire du territoire étudié (cf. présentation du cas). Enfin, les auteures ont profité d’un « opportunisme méthodique » (Girin, 1989) qui leur a permis de participer à l’émergence de ce réseau.
L’analyse du cas repose sur le recueil et la triangulation de données issues de multiples sources d’évidence :
L’observation de type « participante ouverte » (Soulé, 2007), menée depuis avril 2015. La chercheure, reconnue comme observatrice et participant entièrement aux réflexions et activités menées, de manière transparente et déclarée, s’est investie dans l’ensemble des réunions préparatoires du RTO, puis dans la création de l’association et dans la vie du RTO.
Les entretiens semi-directifs menés en deux vagues[5] : en 2016[6] avec le noyau fondateur du RTO (5 entretiens réalisés avec les représentants des associations fondatrices) ainsi que 2 représentants d’association engagés depuis l’élargissement du RTO début 2016; en 2017[7] avec les membres du Conseil d’Administration de l’association et le chef de projet du Festival Insensés, construit en partenariat avec Anim’Assos (9 entretiens). Ces deux vagues nous ont permis d’atteindre la saturation des données;
Les données secondaires : le travail réalisé par le CODESQY, les données publiques des collectivités locales, et les documents internes à Anim’Assos.
Analyse des données recueillies
Pour analyser les données, nous avons adopté une analyse de contenu thématique (Miles et Huberman, 2003) qui repose sur une approche en deux phases. Dans un premier temps, nous avons parcouru les entretiens, les notes prises et les compte-rendu de réunion afin de générer une première compréhension des données. Dans cette première phase, nous avons ensuite structurer les données de manière chronologique afin de décrire « ce qui se passe ici » (Wolcott, 1994 : p.12). Ainsi avons-nous constitué une base de données historique permettant de recenser les évènements et acteurs clés (Van de Ven et Poole, 1990). Une fois cette base de données constituée (Tableau 1), nous avons, sur la base des travaux de Ritvala et Kleymann (2012), déterminé les bornes des trois étapes clés de la phase d’émergence d’un RTO : la gestation du RTO, son installation dans son écosystème, ainsi que son déploiement opérationnel. La deuxième phase de l’analyse des données a consisté à étudier chaque étape de l’émergence du RTO comme un mini-cas (Stake, 2005) pour lequel nous avons focalisé notre analyse sur les deux concepts clés : le travail institutionnel et les rôles du territoire (Tableau 2).
Les étapes clés de l’émergence du RTO : travail institutionnel et rôles du territoire
Les résultats sont présentés de manière chronologique; nous revenons sur chacune des trois étapes (Tableau 1) à travers l’analyse des formes de travail institutionnel et des rôles du territoire pour permettre l’émergence progressive du RTO.
La gestation du RTO
L’émergence du RTO Anim’Assos est initiée par une phase de gestation, marquée par trois évènements majeurs.
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Comme évoqué dans la présentation du cas, l’émergence du RTO trouve son origine dans la production, en novembre 2014, d’un « avis culture » émis par le CODESQY. Il s’agissait « d’éclairer les élus sur l’importance d’un récit communautaire porté par des habitants » (J., V2) et de « produire un avis objectif, intelligible mais aussi apportant des arguments reflétant nos analyses et réflexions » (F., V2). Le premier travail institutionnel mis en oeuvre ici est de type conceptuel. A la fois processus et résultat, ce rapport est le fruit de la rencontre de nombreux acteurs du territoire, impliquant également un travail institutionnel relationnel.
Cet avis culture a permis de faire émerger les enjeux territoriaux fondamentaux sous-jacents à la création du RTO et de définir les institutions qui seront défendues ensuite dans le cadre du travail institutionnel d’Anim’Assos :
Participer à la construction identitaire du territoire en se positionnant comme un catalyseur de sens et porteur d’un récit du territoire;
Favoriser la participation citoyenne sur le territoire pour opérer une rupture du modèle classique de l’adhérent-consommateur en faveur d’un adhérent-citoyen-actif;
Opérer un décloisonnement des associations du territoire à travers la mutualisation de certaines activités et la construction d’une offre de service commune;
Favoriser l’innovation artistique et sociale.
La production de cet avis culture est clairement territorialisée. Le territoire se pose comme enceinte sociale et comme signifiant; il délimite la réflexion menée, définit le périmètre des actions proposées, et sert de filtre interprétatif des conclusions du rapport.
« L’arrivée programmée des 5 nouvelles communes dans l’espace de Saint-Quentin-en-Yvelines me semblait être une opportunité pour lancer la réflexion et tenter de mobiliser les institutions afin qu’enfin elles envisagent d’agir » (D., V2).
Pour autant, le territoire apparaît également comme un objet pratique qui complexifie le travail institutionnel : « la culture n’était pas un sujet important pour les membres du CODESQY » (F., V2). De même, les politiques culturelles locales menées sont contestées dans l’avis culture et la proposition même de créer ce RTO semble aller à contre-courant d’une partie des objectifs de L’EPCI.
Enfin, dès ce premier événement, le territoire porte un rôle complémentaire, il est la finalité du travail institutionnel des acteurs et contribuent à leur construction identitaire. Il est l’objet d’efforts particuliers, entrepris par les acteurs et correspond donc, en ce sens, à un ensemble de normes, de règles et de valeurs qui cimente le travail institutionnel (cf enjeux territoriaux listés ci-dessus).
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Dans la lignée de la production de l’avis, il est décidé « d’inviter les associations à une réunion plénière ouverte du CODESQY » (D., V2), « Et si Saint Quentin avait une âme », afin d’échanger autour de deux questions centrales : Comment créer une ville animée et attractive à Saint-Quentin-en-Yvelines ? Comment donner une âme à la ville ?
Cette rencontre permet de lancer une réelle dynamique partagée, de réfléchir sur « le sensible, l’âme, l’immatériel d’une relation aux autres, à un espace public moins violent » (J., V2). En cela, il s’agit d’un travail institutionnel conceptuel fort, dans la lignée du précédent, et réalisé avec l’appui d’experts internes et externes au territoire qui étaient invités à la rencontre. Cet événement participe également d’un travail relationnel en ce qu’il a permis de « rassembler des acteurs de la culture, des membres d’assos, des habitants, des élus, des étudiants, et de créer les conditions pour que chacun s’exprime et que des échanges aient lieu » (F., V2). Un travail institutionnel opérationnel a donc été réalisé, à petite échelle, afin de mettre en oeuvre cette première action concrète sous la forme d’ateliers participatifs.
Le territoire est un signifiant en ce qu’il devient un filtre interprétatif qui relie le travail institutionnel aux institutions visées : ici le vivre ensemble, le récit de territoire, le dynamisme culturel. Au-delà, nous retrouvons les trois autres rôles du territoire évoqués précédemment.
Jusqu’au 26 mai 2015, les membres du pôle culture continuent de se réunir. Une enseignante-chercheure de l’Université de Versailles Saint Quentin (UVSQ) les rejoint.
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Le 26 mai 2015, une rencontre entre le pôle culture du CODESQY[8] et les associations du territoire est organisée. Elle a pour objectif de réfléchir de manière collective à l’émergence sur le territoire d’un événement culturel ambitieux et fédérateur à horizon trois ans. L’événement est à finalité territoriale à travers les acteurs impliqués : « impulsé par le CODESQY via l’avis culture, proposé et porté par les associations, accompagné par l’UVSQ, proposé aux élus et soutenu par la CASQY » (compte-rendu de la réunion). Cette réunion se veut l’incarnation d’un travail institutionnel conceptuel et structurel visant à construire un réseau d’associations et à définir de manière collective des objectifs partagés.
Le territoire médiatise ici le travail institutionnel puisque c’est grâce à l’appui du CODESQY, instance territoriale, reconnue par les collectivités territoriales, que des ressources non disponibles en interne sont obtenues (notamment un lieu pour la rencontre).
L’installation du RTO dans son écosystème
Ces trois premières étapes conduisent à l’émergence d’une dynamique inter-associative à partir d’avril 2015.
Ainsi naît un premier groupe – le noyau dur du RTO étudié – nommé « Anima S.O.S. ». Il réunit cinq acteurs culturels locaux, dont trois ont participé à la rédaction de l’avis culture du CODESQY et une enseignante-chercheure de l’UVSQ. Cette étape est marquée par un travail institutionnel conceptuel extrêmement fort qui cimente l’émergence du RTO; cette étape permet de poser « une base symbolique, hors dogmes en tous genres » (J., V2). Anima S.O.S est porteur d’une « vision à long terme de transformation des conditions d’expression de la vie culturelle locale et propose, à court et moyen termes, des actions pour mettre en oeuvre cette transformation » (extrait de la charte éthique produite). Une longue réflexion est menée autour du choix d’un nom qui fasse sens : une alerte est lancée et le noyau dur s’engage dans une démarche volontariste. Cette dernière vise, tout à la fois, à réunir un ensemble d’opérateurs culturels associatifs sur le territoire et à donner de la visibilité et du sens à leur démarche auprès des élus politiques et managers publics grâce à un processus ouvert et collaboratif. Un travail sémantique important est réalisé lors des réunions; des débats sur les termes de principe versus valeur au profit du mot principe, le rejet du terme d’identité territoriale (politiquement et négativement connoté pour les acteurs) au profit de l’expression « récit de territoire », etc. Malgré leur engagement politique personnel qui peut être fort, les membres tentent de s’extraire des discours idéologiques et affirment clairement leur positionnement : « une démarche citoyenne et non partisane » (F., V1), « a-politique » (J., V1). Ces controverses, nombreuses, constituent des occasions de régulation informelle et renvoient à la construction d’un cadre de référence commun. Le territoire, dans cette étape, endosse de nouveau les quatre rôles évoqués précédemment.
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Le 2 décembre 2015 marque, quant à lui, le début d’un travail institutionnel relationnel continu : l’organisation de rencontres avec les élus du territoire, en charge de la culture aux différents échelons territoriaux.
« Ces différentes rencontres avec les élus communautaires successifs donnent une visibilité à Anim’assos et cherchent à les rassurer sur nos projets si tel était le besoin. […] Nous nous sommes présentés sans urgence et surtout sans demande » (F., V2).
Ce travail itératif est essentiel afin de positionner la démarche et d’anticiper les soutiens lors des actions à venir. Il s’agit également d’un travail structurel particulier visant le territoire : structurer le projet à cette échelle, y intégrer les collectivités territoriales, positionner la démarche comme un projet de territoire. Le territoire est considéré ici comme complexifiant le travail institutionnel, de par les nombreux échelons territoriaux en charge de la compétence culture, des différents services pouvant intervenir sur les problématiques culturelles, ou encore de par les changements de majorité et d’élus.
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L’étape suivante vise à « garder les principes fondateurs et se développer » (J., V2). Ainsi, il s’agit d’élargir le réseau en organisant divers temps de rencontre et d’échange. Pour ce faire, une base de données des associations du territoire est construite. Au-delà de ce travail relationnel, le travail conceptuel continu. Au regard des retours négatifs sur le nom du RTO, il est choisi de le modifier : Anima S.O.S. devient Anim’Assos.
« Le changement de nom montre notre capacité à écouter les remarques faites lors des réunions collectives » (F., V2)
Le territoire reste l’enceinte sociale définissant les contours de la réflexion et des actions envisagées. Les types de travail institutionnel structurel et opérationnel restent limités.
La phase d’installation du RTO dans son écosystème se termine par le démarrage en mai 2016 d’une démarche de recherche-action avec le RTO impliquant directement l’université du territoire. Le territoire se veut ici le signifiant du travail institutionnel conceptuel engagé.
Le déploiement opérationnel du RTO
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Le déploiement opérationnel s’enclenche à travers le travail conceptuel lié à la création d’un événement culturel, un bal populaire (Anim’Assos ouvre le bal), au service des objectifs du RTO (construction du territoire, participation citoyenne, décloisonnement des associations et innovation artistique et sociale). Initialement prévu en juin 2016, il sera ensuite annulé pour raison de sécurité (Plan Vigipirate).
Néanmoins, la volonté d’Anim’Assos de produire un premier événement s’inscrit dans un besoin de voir et de montrer la capacité d’une trentaine d’associations à construire un évènement commun et à définir leur rapport à la production culturelle et à la participation citoyenne. En cela, il s’agit d’un travail institutionnel opérationnel et structurel à l’échelle du RTO. À cette occasion, une réflexion sur la structuration du RTO est menée : groupes de travail, moyens de communication, répartition des tâches, mutualisation des moyens associatifs, etc. Le travail relationnel en cours avec les élus territoriaux se maintient et s’élargit au partenaire principal de l’événement (location d’un lieu privé). Les efforts fournis s’inscrivent dans le temps et constitue une vraie capitalisation pour les actions qui seront déployées par la suite.
« Nous nous connaissons mieux, dans l’action, dans l’échec… » (J., V2); « Ce fut le premier test de notre capacité à mutualiser nos compétences pour réaliser ensemble un bel événement, nous sommes allés au bout de cette étape même si l’événement a été annulé. Notre accompagnement dans la création du festival a transformé ce qui aurait pu être ressenti comme un échec en premier essai… » (F., V2).
Le travail institutionnel est ici particulièrement intense dans toutes ses formes, à la fois en interne au RTO mais aussi en externe sur le territoire. Ce dernier, tout à la fois, médiatise, circonscrit et complexifie le travail institutionnel mené, en étant également la finalité même des actions entreprises.
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L’Assemblée Générale Constitutive de l’association se déroule le 19 juin 2016. Elle incarne un travail institutionnel structurel indispensable :
« Etape indispensable pour rendre notre mouvement compréhensible pour les élus, les associations, les habitants ». (F., V2)
Il s’agit également de formaliser le travail conceptuel démarré bien en amont. Dans les statuts déposés, « L’association Anim’Assos a pour objet de favoriser une dynamique collective, artistique et culturelle entre les associations, les habitants et les acteurs locaux de Saint-Quentin-en-Yvelines en créant des événements, des réalisations, entre autres un grand événement culturel fédérateur, pérenne. Le « bien vivre ensemble » des Saint-Quentinois est la préoccupation essentielle de l’association qui se veut apolitique, laïque, et imperméable à toutes idées partisanes ».
Le territoire joue ici un rôle limité et constitue essentiellement une enceinte sociale qui circonscrit l’action de l’association créée.
Le 8 novembre 2016, Anim’Assos organise, en partenariat avec l’université, une conférence intitulée : « Art, culture, territoire et population : les enjeux du commun » au cours de laquelle sont questionnés « cette dynamique inter-associative et le vivier local existant à l’aune de la problématique d’une vie associative créative; le lien entre art, culture, territoire et populations autour des espaces permettant ou non les rencontres et le rassemblement des citoyens, ainsi que des lieux accueillant et stimulant la créativité » (programme de la conférence). Il s’agit d’une étape supplémentaire dans le travail opérationnel engagé. Cette action permet une réflexion collective (travail conceptuel) au sein de laquelle le territoire endosse de nouveau les quatre rôles, dont celui d’institution, projetée et défendue dans les débats.
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La dernière étape à ce jour dans l’émergence du RTO est la co-organisation d’un événement : le festival Insensés (24-26 mars 2017). Anim’Assos est partenaire principal d’un festival pluridisciplinaire, gratuit et intergénérationnel porté par des étudiants de l’université. Il s’est construit grâce aux multiples collaborations entre l’association porteuse et Anim’Assos ainsi que la participation d’une trentaine d’associations locales et d’associations étudiantes. Le festival a le soutien de la communauté d’agglomération, de la ville de Guyancourt, de l’Université et intéresse largement le département qui espère pouvoir soutenir la deuxième édition.
Cet événement a permis de mobiliser tous les registres du travail institutionnel de manière concomitante : travail conceptuel dans l’élaboration de l’événement; opérationnel dans sa réalisation; structurel à l’échelle de l’organisation (l’organisation de l’événement nécessite de structurer Anim’Assos, dans des comités différents, de penser son management du bénévolat, de réfléchir à l’allocation de diverses ressources, de développer des outils de suivi et de pilotage, etc.) et du territoire (multiples parties prenantes territoriales impliquées, organisation d’une déambulation dans la ville, communication à l’échelle du territoire, etc.); et relationnel (auprès des partenaires publics et privés).
Le territoire apparaît ici comme l’enceinte sociale ayant permis de définir le périmètre d’action du festival. Il se veut également objet pratique qui a complexifié la mise en oeuvre du festival (autorisation d’utilisation de l’espace public; problématique de la communication institutionnelle; rencontres multiples avec les élus, etc.). Enfin, à travers les acteurs impliqués, le territoire sert de filtre interprétatif facilitant la coordination des parties prenantes et se veut l’objet même du travail institutionnel de par les finalités poursuivies par l’événement.
Discussion
Nous discutons les résultats autour de deux axes; les spécificités du travail institutionnel lié à l’émergence d’un RTO de l’ESS ainsi que les rôles du territoire et la manière dont il reconfigure les formes de travail institutionnel.
Le processus et les formes de travail institutionnel nécessaires à l’émergence d’un RTO de l’ESS
Les résultats de la recherche vont dans le sens des travaux de Cloutier et al. (2016) tout en apportant des nuances et des compléments à la typologie des auteurs relative aux différentes formes de travail institutionnel. D’abord, les résultats témoignent de l’interdépendance et de l’articulation dynamique des différentes formes de travail institutionnel pour un processus non linéaire (Tableau 2).
Ensuite, les résultats de la recherche tendent à présenter le travail conceptuel comme travail précurseur et dominant. Contrairement aux travaux de Cloutier et al. (2016), le travail structurel n’est, dans notre cas, ni précurseur ni dominant. En effet, c’est bien la construction collective du sens même du réseau qui est d’abord objet d’un travail institutionnel. Il s’agit d’engager, en première intention, une réflexion sur ce que devrait être une politique culturelle locale. La mise en réseau nécessite la définition de l’objectif productif du RTO de l’ESS dans une logique territorialisée et prend du temps. Il apparaît crucial pour les acteurs de prendre ce temps afin d’être en capacité de travailler en réseau pour un but territorial élargi. Par ailleurs, le travail structurel n’apparaît pas comme dominant dans cette phase d’émergence à la fois en raison de la nature même des organisations membres, et des caractéristiques de la phase d’émergence d’un RTO. En effet, l’action collective est faiblement structurée, les flux d’information sont flexibles, les règles d’échanges sont davantage informelles, et les rôles et fonctions des acteurs sont marqués par la polyvalence (Larson, 1992; Assens, 2003). Les logiques managériales ne sont pas des allant de soi; les types de travail institutionnel structurel et opérationnel sont relativement peu présents (tableau 2). Ils apparaissent plus particulièrement dans la dernière phase de déploiement opérationnel. Sans doute amorcent-ils la voie vers la prochaine phase du cycle de vie du RTO. D’ailleurs, le prochain événement clé à avoir lieu constitue un véritable point d’achoppement en ce qu’il s’agit de l’Assemblée Générale Ordinaire à laquelle s’adosse une Assemblée Générale Extraordinaire (le 9 juin 2017) visant la refonte des modalités de gouvernance. Ainsi, le travail structurel, s’il n’est pas prégnant dans la phase d’émergence, va devoir prendre toute sa place afin de permettre une structuration et ainsi une pérennisation du RTO. Or ce travail s’annonce particulièrement difficile dans des organisations marquées par leur faible structuration et parfois peu « professionnalisées » en raison de la mixité des statuts des membres (salariés / bénévoles) qui témoignent de degrés d’implication et de qualification différents.
Le travail relationnel est à la fois prégnant et continu. Il se retrouve à chaque étape de la phase d’émergence (cf. Tableau 2). Ce travail relationnel est un travail intégrateur (Cloutier et al., 2016), qui se joue à l’intérieur et à l’extérieur du RTO. Il se joue à la fois à l’intérieur, à travers les actions collectives menées et la construction de règles informelles et de la confiance dans les relations interpersonnelles, et à l’extérieur où se joue la construction de la légitimité territoriale du RTO (Human et Provan, 2000; Berthinier-Poncet, 2014). Il est question pour ce dernier de devenir un acteur de la gouvernance territoriale en accompagnant des projets associatifs et culturels sur le territoire. L’enjeu vise à s’ancrer sur le territoire à la fois pour influencer les politiques publiques, mais aussi pour obtenir des ressources auprès des organisations publiques territoriales; la forte dépendance aux ressources publiques demeure une caractéristique du champ de l’ESS. Ce travail relationnel est un travail continu et chronophage en raison d’abord de la multiplicité des acteurs publics territoriaux, mais aussi du fait, à l’échelle politique, du changement d’élus.
L’émergence d’un nouveau rôle du territoire et d’une nouvelle forme de travail institutionnel : le territoire en tant qu’institution et le travail territorial
Le deuxième objectif de la recherche est lié aux rôles du territoire et à ses liens avec les formes de travail institutionnel. A cet égard, les résultats viennent confirmer la présence des trois rôles du territoire dans le travail institutionnel : le territoire contient, médiatise et complexifie le travail institutionnel (Lawrence et Dover, 2015). Aussi, l’étude du cas du RTO Anim’Assos tend à révéler un quatrième rôle du territoire qui vient compléter les travaux de Lawrence et Dover (2015) : le territoire en tant qu’institution (figure 9). Dans cette configuration, le territoire est l’objet des efforts entrepris par les acteurs et correspond en soi à un ensemble de normes, de règles et de valeurs. Dans cette configuration de rôle, la récursivité du territoire se révèle pleinement en ce qu’il correspond à la fois à la finalité poursuivie par le travail institutionnel des acteurs, à un signifiant, à un outil au service de ce travail, et à l’enceinte sociale qui le circonscrit. Le territoire en tant qu’institution se positionne comme un rôle englobant, spécifique du travail institutionnel ayant pour finalité la construction du territoire lui-même.
L’ontologie associée est ici celle de la finalité récursive; parce que le travail institutionnel vise la construction du territoire, ce dernier correspond à la fois à l’institution ciblée et aux éléments tangibles et intangibles mobilisés par les acteurs pour agir. Contrairement aux rôles identifiés par Lawrence et Dover (2015), le territoire en tant qu’institution n’est plus seulement un donné mais aussi un construit, « bricolé » par les acteurs (Rodriguez-Posé, 2013). Par exemple, contrairement au territoire en tant qu’enceinte sociale, le territoire en tant qu’institution suppose des frontières évolutives et mouvantes car elles sont construites et non simplement données a priori. Il s’agit en d’autres termes, de construire un « nous » et donc un dedans par rapport à un dehors afin de développer un sentiment d’appartenance au territoire dont les acteurs ont conscience (Leloup et al., 2005).
Il est aussi question d’insister sur le caractère « entrelacé » du territoire qui suppose d’imbriquer dans sa construction d’autres territoires qui peuvent lui être internes (le territoire de Saint-Quentin en Yvelines et ses communes) mais aussi externes (le département et la région dans le cas de Saint-Quentin en Yvelines, par exemple). Il s’agit alors de tenir compte d’un entrelacement des échelles institutionnelles (Gertler, 2010). Enfin, le territoire en tant qu’institution permet d’intégrer la dimension temporelle qui le caractérise; ce dernier est marqué par les sentiers de dépendance qui contraignent ses trajectoires d’évolution et requièrent une forme de plasticité institutionnelle (Strambach, 2010).
Par ailleurs, compte-tenu du rôle du territoire en tant qu’institution, le travail structurel lié à l’émergence du RTO Anim’Assos se joue à un double niveau : l’organisation (ici le RTO), mais également le territoire lui-même. En ce sens, le travail institutionnel vise à structurer le territoire, au-delà du RTO, à travers un maillage et une structuration de l’offre culturelle associative, avec pour finalité, la participation à la construction de la politique culturelle locale. Cet effort structurel visant le territoire apparaît dans un deuxième temps, une fois les premiers efforts structurels entrepris en interne, renvoyant ainsi à la phase de déploiement opérationnel.
Nous enrichissons donc les travaux de Lawrence et Dower (2015) d’un quatrième rôle du territoire qui non seulement contient, médiatise, et complique le travail institutionnel, mais aussi vient le finaliser en étant l’objet institutionnel même à construire. A travers nos résultats, le territoire passe alors du statut de « moyen » au service du travail institutionnel à celui de « fin » du travail institutionnel.
Ainsi, le RTO de l’ESS porté à l’étude témoigne d’un ancrage territorial particulièrement fort donnant au territoire un rôle important en ce qu’il est la raison d’être du travail institutionnel fourni. Il constitue en ce sens une forme de travail institutionnel en soi : le travail territorial. Ce travail territorial s’interprète en effet comme une forme particulière de travail institutionnel complémentaire aux autres. L’espace requiert alors un travail particulier qui consiste à mener des efforts de construction du territoire qui délimite, supporte et finalise l’action visant à introduire de nouveaux éléments institutionnels. En ce sens, le travail territorial vient compléter la typologie de Cloutier et al. (2016) et est issu de l’imbrication et de l’exploration à la fois des formes de travail institutionnel (Cloutier et al., 2016) et des rôles du territoire (Lawrence et Dover, 2015).
Le travail territorial est alors inextricablement relié aux autres formes de travail institutionnel (figure 10). En effet, le travail territorial est un médiateur qui permet de générer des significations qui servent de filtres interprétatifs pour les autres formes de travail institutionnel. Le travail territorial est situé et permet de circonscrire à la fois le travail conceptuel, structurel, opérationnel et relationnel en construisant in fine les frontières, toujours poreuses et évolutives, du travail institutionnel. Enfin, le travail territorial est incrémental en ce que le territoire se construit chemin faisant du fait de sa complexité qui complique les autres formes de travail institutionnel en faisant intervenir des actions et des acteurs non prévus a priori.
Conclusion
L’article visait à comprendre l’émergence d’un RTO de l’ESS à travers une lecture néo-institutionnelle. Deux objectifs ont été assignés : à travers l’étude du processus d’émergence du RTO, il s’agissait d’identifier les types de travail institutionnel à l’oeuvre, et les rôles endossés par le territoire.
Les résultats de la recherche qualitative menée, à travers l’étude du cas d’Anim’Assos, ont permis de mettre en lumière un processus non linéaire, impliquant différentes formes de travail institutionnel; un travail conceptuel, structurel, opérationnel, et relationnel (Cloutier et al., 2016). Dans le cas étudié, le travail conceptuel est à la fois précurseur et dominant en ce qu’il s’agit de construire collectivement, dans un premier temps, le sens du RTO. Par ailleurs, le travail relationnel est apparu comme une forme de travail institutionnel continu qui se joue à l’intérieur et à l’extérieur du RTO tant la construction d’une légitimité territoriale est un élément primordial pour l’action collective de ce type d’organisations issues de l’ESS. A cet égard, les résultats confirment les trois rôles du territoire dans le travail institutionnel (Lawrence et Dover, 2015).
Davantage encore, sur le plan théorique, les résultats de la recherche menée viennent enrichir la littérature. En effet, les spécificités du RTO de l’ESS permettent d’identifier un nouveau rôle du territoire : le rôle d’institution en soi. Le territoire est la finalité du travail institutionnel des acteurs. Il s’agit alors de concevoir une nouvelle forme de travail institutionnel que constitue le travail territorial. Nous l’avons défini comme consistant à mener des efforts de construction du territoire qui délimite, supporte et finalise l’action visant à introduire de nouveaux éléments institutionnels. En ce sens, le travail territorial vient compléter la typologie de Cloutier et al. (2016) et est issu de l’imbrication et de l’exploration à la fois des formes de travail institutionnel (Cloutier et al., 2016) et des rôles du territoire (Lawrence et Dover, 2015). En ce sens, nos travaux viennent prolonger les travaux antérieurs portant sur la prise en compte du territoire et propose dans cette perspective une version « territorialisée » du travail institutionnel. Ainsi, sur le plan théorique, la version « territorialisée » peut servir de grille de lecture pour l’étude d’objets de recherche inscrits dans une approche néo-institutionnelle et dont la dimension territoriale est prégnante.
Sur le plan conceptuel, la recherche menée permet à la fois de contribuer aux travaux académiques visant à étudier l’émergence des RTO, et de comprendre les dynamiques organisationnelles à l’oeuvre au sein du champ de l’ESS. La phase d’émergence s’inscrit sur le temps long, requiert de travailler l’ancrage territorial, et témoigne d’une dynamique à la fois interne et externe d’acteurs et d’actions engagés, pour une grande partie, dans la construction du sens du RTO.
Enfin, sur le plan managérial, cette recherche permet aux acteurs de l’ESS de se saisir du récit de cette étude de cas afin de comprendre le processus d’émergence d’un RTO de l’ESS, et les efforts à mener. Tout d’abord, la définition de l’objectif productif du RTO est fondamentale. Cette définition s’inscrit dans un temps long et nécessite une vraie compréhension des enjeux du territoire et une identification de la demande sociale non satisfaite. Il est d’autant plus important de rappeler l’importance de ce temps collectif lorsque l’on évoque un RTO d’associations qui ne sont pas nécessairement habituées ou en capacité de travailler en réseau au service d’un but territorial élargi. De plus, malgré l’évolution des modèles économiques (forte hybridation des ressources dans l’ESS), la dépendance des structures associatives à la sphère publique reste forte, d’où l’importance d’un travail relationnel continu sur le territoire, notamment avec les institutions publiques. Parallèlement, cette recherche permet également aux acteurs publics de comprendre davantage les intentions et les comportements de la société civile qui peuvent venir bousculer leur schéma d’action et de prendre en considération l’importance de renforcer leur culture participative. Pour finir, le travail structurel, s’il n’est pas prégnant dans la phase d’émergence, devient essentiel afin de permettre une structuration et une pérennisation du RTO. Or il peut parfois être complexe, dans des organisations peu « professionnalisées » de développer ce travail structurel qui nécessite du temps, de l’énergie et des ressources.
Néanmoins, cette recherche comporte plusieurs limites liées à la méthodologie adoptée. En effet, si l’étude d’un cas unique et l’observation participante nous ont permis d’obtenir des données riches et approfondies, il n’en demeure pas moins que les résultats présentent une faible transférabilité. Il convient en ce sens de multiplier les investigations en étudiant d’autres RTO de l’ESS. Par ailleurs, le cas étudié ne porte que sur la phase d’émergence du RTO. Aussi, à l’instar des travaux portant sur les clusters industriels (Chabault, 2010; Menzel et Fornhal, 2010; Ritvala et Kleymann, 2012), serait-il intéressant de poursuivre les travaux à travers des études longitudinales et des protocoles méthodologiques mixtes afin d’augmenter la transférabilité.
Parties annexes
Notes biographiques
Charlène Arnaud est Maître de Conférences en Sciences de Gestion à l’Université de Versailles St Quentin en Yvelines au sein de l’Institut Supérieur de Management (ISM). Chercheur actif au sein du Laboratoire LAREQUOI (EA 2452), elle ancre ses travaux dans les champs du management public territorial et du management des organisations de l’économie sociale et solidaire avec une entrée sectorielle prioritaire : le champ culturel. Cela lui permet de participer à différentes démarches évaluatives sur les territoires. Elle est responsable du master « Management des Organisations Culturelles et Artistiques » à l’ISM depuis juin 2015.
Sarah Serval est Maître de Conférences en Sciences de Gestion et directrice adjointe de la Chaire Attractivité et Nouveau Marketing Territorial (A&NMT). Ses travaux de recherche portent sur le management stratégique de l’attractivité des territoires et de l’innovation territoriale. Elle exerce ses fonctions au sein de l’Institut de Management Public et Gouvernance Territoriale (IMPGT) d’Aix-Marseille Université.
Notes
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[1]
Dans le champ associatif (qui correspond au cas étudié ici), la mutualisation des moyens se traduit par l’émergence de nouvelles modalités de coopération allant d’une coopération contractuelle (regroupement qui vise la réalisation d’activités communes) à une coopération institutionnelle (priorité donnée à la mutualisation de moyens humains et/ou matériels afin de réaliser des économie d’échelle), voire la création d’une fédération ou d’une union d’associations (regroupement non intégré) (Tchernonog, 2010).
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[2]
Conseil de Développement de l’Établissement Public de Coopération Intercommunale (EPCI) de Saint-Quentin-en-Yvelines.
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[3]
Cette carte permet de prendre la mesure de la réforme territoriale et de visualiser les villes appartenant au territoire intercommunal, dont certaines ont largement été médiatisées et incarnent bien la fracture évoquée plus haut.
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[4]
http://www.78actu.fr/saint-quentin-en-yvelines-s-elargit-a-cinq-nouvelles-villes_30298/
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[5]
Les verbatims mobilisés dans la présentation des résultats sont codés de la manière suivante : initiale du prénom de la personne interrogée, vague (1 ou 2).
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[6]
Le guide d’entretien utilisé comprend les thèmes suivants : « vous et votre association »; « votre association et le territoire » (relations avec d’autres acteurs du territoire, ancrage territorial, regard sur le tissu associatif local); « Anim’Assos à la croisée de votre association et du territoire » (qu’est-ce qu’Anim’Assos, quelle est son histoire et ses temps forts, les types d’acteurs fédérés, pourquoi une implication dans le réseau, quelles relations aux acteurs publics); « pilotage et gouvernance d’Anim’Assos » (structuration, leadership, modalité d’organisation et de fonctionnement, problématiques observées).
-
[7]
Cette deuxième vague d’entretiens visait à valider avec les acteurs interrogés la chronologie des étapes de la phase d’émergence du RTO : la chronologie retracée est-elle correcte ? Voyez-vous d’autres étapes ou d’autres éléments qui ont marqué le développement d’Anim’Assos ? Puis pour chaque événement, nous avons interrogé la personne de la manière suivante : quel a été votre rôle ? Quels étaient vos objectifs ? Qu’avez-vous fait ? Quelles ont été les difficultés / les facilités rencontrées ?
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[8]
Communauté d'Agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines
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Parties annexes
Biographical notes
Charlène Arnaud (PhD) is Assistant Professor in Management Sciences at the Graduate School of Management (ISM), University of Versailles Saint-Quentin. Active member of the LAREQUOI research center (EA 2452), she is specialized in Territorial Public Management and Non-Profit Organizations. Her research deals specifically with the cultural field and she has participated to various processes designed to evaluate territorial projects. In addition to her academic work, she is in charge of the Master “Management of Cultural and Arts Organizations” since 2015.
Sarah Serval is PhD, Assistant Professor at the Public Management Faculty of Aix-Marseille University. Her field of research concerns the territorial management and how to foster territorial attractiveness and innovation. She has published book chapters and articles in refereed reviews in line with this field of research. She is also co-head of the “New Place Marketing and Attractivness” Chair. The Chair is supported by public and private businesses, it has a strong focus on innovation and follows an operational approach to regional marketing, addressing all attractiveness issues, whether increasing the ability of territories to develop and promote their offers, or attracting new stakeholders and capital.
Parties annexes
Notas biograficas
Charlène Arnaud es Maestro de Conferencias en Ciencias de Gestión en la Universidad de Versalles St Quentin en yvelines en el Instituto Superior de Gestión (ISM). Investigadora activa en el Laboratorio LAREQUOI (EA 2452), ancla sus trabajos en los campos de la gestión pública territorial y de la gestión de las organizaciones de la economía social y solidaria con una entrada sectorial prioritaria: el campo cultural. Ello le permite participar en diferentes enfoques evaluativos en los territorios. Es responsable del máster “Gestión de las Organizaciones Culturales y Artísticas” en el ISM desde junio de 2015.
Sarah Serval es Doctora y profesora adjunta de Ciencias de la Administración y Directora Adjunta de la Cátedra de Atracción y Nuevo Marketing Territorial (A&NMT). Su investigación se centra en la gestión estratégica del atractivo territorial y la innovación territorial. Trabaja en el Instituto de Gestión Pública y Gobernanza Territorial (IMPGT) de la Universidad de Aix-Marsella.