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«Crise de confiance », « perte de confiance », « vote de défiance », … La question de la confiance, de façon générale dans les pays européens et en France plus particulièrement, est un objet de préoccupation central, traité par de nombreux articles de presse et par des études et des baromètres d’instituts de sondage (IPSOS-Steria, Fractures françaises 2013; TNS-Sofres, baromètre de la confiance depuis 2013; IPSOS, la confiance dans tous ses états 2011).

La confiance ou le manque de confiance est au coeur de la relation qui se noue entre les citoyens et leurs institutions. Des différences importantes de confiance existent selon les institutions publiques, et les français ont une meilleure confiance dans leurs institutions publiques locales au premier rang desquels la mairie. Plus celles-ci sont proches de leur lieu de vie, plus leur confiance est établie, comme en atteste les résultats de la 6e édition du baromètre de la confiance politique du CEVIPOF : 68 % des français font tout à fait ou plutôt confiance à leur mairie; 58 % pour le conseil général et 57 % pour le conseil régional; 41 % pour l’Assemblée Nationale; et seulement 38 % pour le Sénat.

Dans cette perspective, le baromètre du Service Public Municipal (BSPM) interroge les citoyens sur leur Service Public Municipal (SPM). Dans une même enquête, ce baromètre interroge l’attention que les citoyens-usagers français ont pour leur mairie, avec pour originalité de la mesurer à travers la confiance, les valeurs attendues du SPM, les attentes de consultation des citoyens, l’évaluation de la qualité du SPM, et l’attachement au SPM.

Fort de la présomption du lien entre la proximité et la confiance mis en évidence par les différentes études évoquées précédemment, notre recherche se propose d’explorer les données mises à disposition par le BSPM pour investiguer la relation entre les citoyens-usagers et leur mairie, à travers le prisme de la confiance et de la proximité. En effet, ce baromètre offre des données dans un cadre de proximité entre le citoyen et l’institution, révélateur d’une relation concrète fondée sur une rencontre régulière avec les agents municipaux, sur la réalisation de services de vie quotidienne, sur une fréquentation habituelle des bâtiments municipaux.

L’enjeu est ici de croiser les questions de la confiance et de la proximité envers cette institution publique pour dépasser les approches par indicateurs barométriques globaux sur la confiance dans les institutions. Une meilleure compréhension du rôle de la proximité dans la construction de la confiance devrait permettre d’analyser la construction du lien entre l’administration locale et ses usagers-citoyens.

Ainsi, notre recherche s’inscrit dans une démarche inductive se traduisant par l’exploration des données existantes du baromètre BSPM, qui doivent être entendues comme des données secondaires. Les résultats obtenus ne sont pas des vérifications d’hypothèses a priori mais des résultats émergents issus d’un matériau de données brutes.

Nous présenterons dans un premier temps notre cadre conceptuel articulé sur les notions de confiance et de proximité, et les questions de recherche qui émanent du croisement de ces notions. Dans un deuxième temps, nous exposerons les résultats du Baromètre national du Service Public Municipal (BSPM) sur lesquels nous nous sommes adossés pour investiguer la relation de confiance dans le contexte municipal. Enfin, nous qualifierons les résultats émergents que nous mettrons en regard de la littérature pour guider nos interprétations.

Cadre conceptuel de notre recherche 

La confiance et ses registres

Au-delà des distinctions classiques entre la confiance en soi (développement personnel), la confiance aux autres (interpersonnelle), la confiance dans les institutions et/ou leurs représentants, la confiance dans l’avenir collectif et/ou individuel, le progrès…; la littérature en gestion et management consacre de nombreux travaux aux processus de développement de la confiance au niveau des relations interpersonnelles, sociales et/ou institutionnelles. Ces derniers trouvent un écho dans leur transposition possible dans notre cadre d’analyse.

La confiance combine des éléments contributifs tels que l’expérience antérieure positive ou négative (Lewis et Weigert, 1985), la réputation (Kreps, 1996), les attributs partagés conférant une acceptation de règles collectives (Zucker, 1986; Brousseau, 2000) et l’intérêt réciproque (Thiébault, 2003). Plusieurs leviers, générateurs de confiance, peuvent alors être repérés pour venir alimenter notre référentiel : la propension à tenir ses promesses (Möllering, 2001) et à faire ce qui attendu de la fonction exercée, « être à la hauteur » (Rouban, 2010); la capacité à fournir un service de qualité (Garbarino et Johnson, 1999); la reconnaissance des qualités morales à faire et à bien faire ( Bouvier, 2007); la disposition à prendre en compte les besoins des bénéficiaires- usagers/clients (Geykens et al., 1998; Frisou, 2000).

Dans notre cadre d’analyse de la relation d’une mairie à ses usagers-citoyens, nous nous proposons, sur la base de cet état de la littérature et à travers les trois dimensions validées empiriquement par Gurviez et Korchia (2002), de retenir comme constituants de la confiance :

  • La crédibilité : cette dimension interroge la perception de fiabilité à pouvoir tenir ses engagements et d’efficacité à fournir un service de qualité;

  • L’intégrité : cette dimension interroge la perception d’honnêteté à faire face aux situations et de sincérité à prendre en considération le bien commun;

  • La bienveillance : cette dimension interroge la perception de recherche constante d’une amélioration du niveau de service en ayant la préoccupation de couvrir avec pertinence l’ensemble des besoins et de faire évoluer les services pour s’y adapter.

Le premier aspect met en relief « la confiance dans » l’aptitude à agir conformément à des principes et des méthodes; le second « la confiance en » une institution et ses représentants; le troisième combine les deux volets (Sako, 1991).

Enfin, dans la littérature marketing, la confiance est souvent associée à l’engagement du client dans la relation de service, présenté comme un bon prédicteur de la fidélité (Doney et Cannon, 1997), ingrédient de la confiance dans l’entreprise. De même, les chercheurs en économie spatiale et régionale (Dupuy et Torre, 2004) mettent en exergue les interactions entre « dynamiques de proximité » et confiance. Tout ceci nous invite désormais à ouvrir notre propos sur la notion de proximité.

La proximité et ses attributs

« L’école de la proximité » selon le terme de Benko (1998) a, dans un premier temps, distingué deux types de proximités (Torre et Rallet, 2005) :

  • Celle géographique (Pecqueur et Zimmermann, 2004) fondée sur l’accessibilité physique et matérielle (en particulier à des infrastructures et services) et sur la réduction de la distance « sociale » entre des acteurs présents sur un espace favorisant ainsi le partage de références communes (réelles ou perçues) propres à des actions et projets susceptibles d’être menés ensemble, et donnant lieu à la possibilité de communiquer et/ou de vivre ensemble (Torre, 2008);

  • Celle organisée (Bouba-Olga et Zimmermann, 2004) qui fournit des mécanismes de coordination à longue distance à travers la conception de réglementations et la gestion de représentations collectives.

Si la plupart de ces auteurs conviennent que la coopération est rendue plus aisée par la proximité, « la force des intérêts et la proximité » ne permettent pas d’en expliquer la réussite, et particulièrement la diffusion des informations et des connaissances. Conscient de ces limites, Williamson (1993), invoque une autre hypothèse : « ce qui pousse les producteurs à coopérer, c’est l’existence un dispositif institutionnel doté d’un système collectif de sanctions ».

C’est ainsi que la littérature a envisagé d’autres formes de proximités affinant cette première distinction :

  • La proximité institutionnelle (Kirat et Lung, 1999; Talbot, 2008) dans laquelle c’est la représentation partagée des missions et objectifs (« roles » et « rules ») qui favorisent la capacité des acteurs à s’attacher aux institutions et à agir ensemble de façon durable;

  • La proximité organisationnelle (Bazzoli et Dutraive, 2002; Torre et Rallet, 2005) dans laquelle ce sont les règles de fonctionnement concret (« routines ») qui permettent d’apporter des réponses adaptées aux attentes des membres d’une ou de plusieurs organisations ou à celles des bénéficiaires de leurs actions;

  • La proximité relationnelle (Morgan et Hunt, 1994; Gruen, Summers et Acito, 2000) dans laquelle ce sont les répétitions des interactions (« relations ») permises par la mise en oeuvre de dispositifs réduisant la distance avec les parties prenantes qui contribuent à la participation et à la coopération soutenue de ces dernières, de même que le partage de valeurs.

Dans le cadre de notre recherche, nous pouvons alors retenir plusieurs formes ou dynamiques de proximité (Gilly et Torre, 2000) :

  • Celle relevant de la proximité géographique conférée par les effets « taille » (distance physique) et de la proximité sociale issue de la « composition sociodémographique » (distance sociale) de la municipalité où des références communes peuvent naître et se cristalliser de façon singulière;

  • Celle relevant de la proximité institutionnelle dans laquelle sont traitées les attentes et besoins des usagers-citoyens à travers les représentations qu’ils se font du rôle de leurs mairies dans l’apport de biens et de services collectifs (valeurs attribuées au service public municipal et attachement à celui-ci);

  • Celle relevant de la proximité relationnelle qui met lumière les relations entre usagers-citoyens et démarches de consultation-concertation;

  • Celle enfin relevant de la proximité organisationnelle qui considère la capacité à augmenter ou à réduire la satisfaction des usagers compte tenu de la qualité du service rendu et de l’utilité retirée de l’usage des prestations offertes.

Méthodologie et questions de recherche : une exploration de la relation entre la proximité et la confiance

La confiance est souvent présentée comme un ingrédient essentiel des interactions locales (Dupuy et Torre, 1998; 2004) nées de la proximité. Notre revue de la littérature a présenté, pour ces deux concepts, des approches multidimensionnelles qui nourrissent de nombreuses interrogations que nous caractériserons à travers les rapports entre l’institution publique-mairie et l’usager-citoyen.

Pour guider notre recherche, nous formulerons la question centrale de la façon suivante : La proximité engendre-t-elle la confiance par les attributs qui s’y attachent et, de façon plus générale, quel est le rôle des proximités géographiques et organisées dans la construction de la confiance des usagers-citoyens envers le SPM ?

Cette interrogation a émergé de la structure du questionnaire et des données issues du baromètre SPM où différentes questions peuvent, selon nous, être rapprochées des notions de confiance (en analysant celle figurant explicitement dans le questionnaire) et de proximité (en en interprétant d’autres qui font écho à nos distinctions conceptuelles).

Présentation du baromètre BSPM

Le BSPM porte sur un échantillon de 1010 répondants, représentatif de la population française en termes d’âge, de catégorie socioprofessionnelle, de sexe, de répartition géographique (grandes régions) et de taille de la ville habitée. Ce baromètre mesure les principales dimensions de la relation entre les services des mairies et leurs usagers : les valeurs attribuées au service public municipal, l’attachement au SPM, l’importance accordée à la consultation citoyenne par la mairie, la satisfaction globale et détaillée des services publics municipaux et la confiance. La démarche menée par l’Observatoire des Services Publics Locaux (IAE-Université de Lille; Stratécom- cabinet d’étude spécialisé et Medias Conseil Action publique - Agence de communication / Concertation Publique) répond à un double objectif au coeur de l’actualité : écouter l’avis des usagers sur le fonctionnement du service public et imaginer des solutions pour en améliorer l’efficacité. L’investigation de notre problématique sur la proximité et la confiance s’appuie donc sur une analyse de données existantes du baromètre. Nous les aborderons de manière heuristique, en cherchant l’émergence de résultats à travers le sens théorique donné aux questions et l’interprétation des données ainsi analysées (Le Moigne, 1995).

Echantillon et modalités d’administration du baromètre BSPM

Le baromètre a été administré en octobre 2016, auprès d’une population de français de plus de 18 ans. Dans une volonté de représentativité nécessaire à la finalité professionnelle de ce baromètre, l’échantillon a été redressé sur les quotas des catégories socio-professionnelles principales du foyer, de l’âge, du sexe et de la taille de la ville d’habitation fournie par l’INSEE. La taille et les conditions de redressement permettent de poursuivre les objectifs académiques d’identification des liens entre les différentes variables et la confiance.

Le baromètre a été administré en ligne sur une base de données de 950 000 français appartenant à la société EasyPanel, développée par l’agrégation de bases clients de différentes entreprises. Le choix de cette base présente l’intérêt de croiser des clients de zones géographiques différentes et de profils différents, minimisant le biais de contexte du répondant. Par ailleurs, pour éviter un biais stratégique lié à la volonté du répondant d’ajuster ses réponses (dans l’exagération négative par exemple) pour qu’elles influencent les résultats dans l’intention d’une réponse appropriée de sa municipalité, il a été évité toute identification ou mention de collectivités dans le questionnaire. Enfin, la notion de Service Public Municipal a été définie en amont du questionnaire pour poser un repère commun aux répondants et améliorer la validité du questionnaire. 94 % de l’échantillon disent avoir une connaissance de leur SPM tel que défini (dont 65 % une bonne connaissance); ce niveau de connaissance déclaré constitue un critère de validité sur le coeur du sujet.

Contenu du baromètre BSPM pour une exploitation des données existantes

Le contenu du questionnaire du baromètre a fait l’objet d’un consensus entre les partenaires du BSPM. Les choix leur ont été soumis afin d’en déterminer une structure qui permette de répondre aux attentes de tous : une valorisation publique des résultats, des questionnements communs à d’autres baromètres pour faciliter l’étalonnage, et une robustesse des mesures. Dans ce cadre, le rôle des chercheurs a été de s’assurer que ces dernières soient éprouvées scientifiquement. Néanmoins, certaines d’entre elles ont fait l’objet de transposition au contexte public (le cas de la mesure sur la confiance, décrite ci-après). Le questionnaire est proposé en annexe 1.

  • La mesure des valeurs attendues du service public municipal par les usagers-citoyens a été construite de manière relative dans une approche préférentielle. Les répondants ont eu à sélectionner jusqu’à trois valeurs parmi une liste de valeurs proposées (Dupuis et al., 2015) : Efficacité; Compétence; Solidarité; Gratuité; Modernité; Egalité; Exemplarité; Continuité du service public; Qualité; Equité; Intérêt général; Laïcité; Respect de la diversité des situations; Adaptabilité. Ces valeurs ont été choisies par les partenaires du baromètre sur la base d’une liste de valeur proposées par le Réseau des Ecoles de Services Publics – RESP (2011)[1]

  • La mesure de l’attachement des citoyens-usagers au Service Public Municipal (SPM) est une adaptation au contexte du baromètre de l’échelle sur l’attachement à la marque développée par Lacoeuilhe (2000) dans un contexte marchand. L’attachement est ainsi mesuré par une question unique « vous sentez-vous très attaché au Service Public Municipal » avec des modalités de type Lickert sur le degré d’accord.

  • La mesure de l’importance accordée à la consultation des habitants a été appréhendée par une question unique sur une échelle d’importance en cinq points (de « tout à fait important » à « pas du tout important ») au libellé : « Pour vous, est-il important de consulter les usagers au sujet des services publics municipaux ? ».

  • La mesure de la perception de la qualité du Service Public Municipal de la commune du répondant a été évaluée en deux temps : dans un premier temps par une série de 14 items sur les différents attributs qui construisent la qualité de service (issus des travaux de Goudarzi et Guenoun,2010); dans un second temps, par une mesure de la qualité de service perçue. Cette seconde mesure est obtenue par une notation de 1 à 10 correspondant à l’évaluation globale perçue du service public municipal par les répondants.

  • La mesure de la confiance des citoyens-usagers dans la municipalité est une adaptation au contexte du service public municipal de l’échelle de Gurviez et Korchia (2002) sur la confiance dans la marque dans un contexte marchand. Cette mesure est structurée autour des trois dimensions de la confiance évoquées dans nos développements conceptuels : la crédibilité considérée comme la capacité de la collectivité à rendre un service performant et apprécié de la sorte, l’intégrité vue comme l’intention avérée de la mairie d’agir pour le bien commun et dans l’intérêt des administrés, et la bienveillance considérée comme la volonté et la démarche pour être au plus proche des besoins.

Pistes d’investigation qui ont guidé l’exploration des données brutes du baromètre BSPM

Dans le baromètre, aucune question n’a été pensée pour mesurer explicitement la proximité, néanmoins un certain nombre d’éléments de la littérature nous a amené à interpréter des questions du baromètre comme des mesures de formes de proximité. C’est dans ce sens que nous avons développé des pistes d’investigation pour l’exploration de nos données brutes et ainsi permettre une analyse des dynamiques de proximité qui viennent ou non consolider les liens de confiance entre les habitants et les mairies :

Piste d’investigation 1 : La proximité géographique et sociale est-elle de nature à favoriser la confiance dans le SPM ?

Nous avons mobilisé la notion de proximité géographique en considérant les questions sur la taille de la ville (en nombre d’habitants) et celle de proximité sociale en prenant en compte les critères sociodémographiques. L’objectif est ici de caractériser la relation de confiance des citoyens-usagers avec le SPM en fonction de la taille de la ville. L’objectif est d’étudier si la taille de la ville (en nombre d’habitants) ou les caractéristiques sociodémographiques, telles que l’âge, jouent un rôle dans la confiance perçue; 

Piste d’investigation 2 : La proximité institutionnelle joue-t-elle un rôle dans la relation de confiance avec le SPM ?

Nous avons traduit la proximité institutionnelle de la question sur valeurs que le citoyen-usager attribut au SPM. A travers elles, s’exprime la convergence de finalité attendue entre le citoyen-usager et le SPM. L’objectif est de comprendre le rôle des valeurs et de l’attachement aux SPM dans le jugement de confiance porté par les usagers-citoyens sur la mairie-institution;

Piste d’investigation 3 : La proximité relationnelle conforte-t-elle ou non la confiance dans le SPM ?

Nous avons traduit la proximité relationnelle en niveau d’attente des habitants d’être consultés par le SPM. En effet, la consultation nous apparait être l’expression d’un engagement mutuel et de la recherche d’avantages mutuels clefs de voute de la construction relationnelle. L’objectif est de savoir si la consultation des habitants est de nature à induire ou non de la confiance dans la mairie;

Piste d’investigation 4 : La proximité organisationnelle contribue-t-elle à la construction de la confiance dans le SPM ?

Nous avons traduit la proximité organisationnelle des questions du baromètre sur l’évaluation de la qualité de service rendu et de l’utilité perçue du SPM. En effet, il y a ici les moyens de saisir la convergence entre les attentes des habitants et les actions municipales. Nous considérons qu’il s’agit du reflet de la capacité perçue du SPM à être capable de produire de manière efficace les services. C’est une notion qui caractérise la proximité organisationnelle. L’objectif est donc de comprendre le rôle joué par la satisfaction dans les services rendus par la mairie sur le jugement de confiance des habitants.

Résultats

Analyse globale de la confiance

Nous n’avons pas retrouvé de manière distincte les dimensions initiales de Bienveillance, Intégrité et Crédibilité ayant donné lieu à nos éléments constitutifs de la mesure multidimensionnelle de la confiance. En effet, l’analyse en composante principale présente un niveau de corrélation important entre tous les items malgré des indicateurs de distributions Kurtosis et Skewness satisfaisants pour chacune d’elles. La distinction en trois dimensions présente un écart de valeurs propres par dimension trop important (5.28 et 77 % de variance expliquée pour la première dimension; 0.46 et 7 % de variance expliquée pour la deuxième; 0.33 et 5 % de variance expliquée pour la troisième). Le poids des contributions de chaque item à la première dimension étant d’importance comparable, nous avons fait le choix de maintenir l’analyse de la confiance sur un indicateur global obtenu par la moyenne des six items de l’échelle.

Bien que théoriquement la confiance apparaisse comme plurielle, permettant une approche plus fine de ce concept (Ducroux, 2004), notre analyse révèle que la distinction entre dimensions n’est pas fondée. On observe une imbrication forte entre la crédibilité qui est la présomption de compétence et de savoir-faire, l’intégrité qui est la présomption d’honnêteté et d’exemplarité, et la bienveillance qui est une capacité à savoir prendre en compte l’intérêt de l’usager dans le cadre de la relation entre ce dernier et son SPM. L’interdépendance entre ces trois notions peut signifier que l’usager place l’attitude de la mairie comme une compétence sociale au sens large du terme au même titre que la qualité de production du service. Ainsi, la capacité de bienveillance et d’intégrité seraient des compétences qui pourraient être mise au même rang que les critères habituels de performance de service, le savoir-être de la municipalité serait une capacité encapsulée dans un savoir-faire plus général. C’est là une différence importante avec le cadre de relation entre un consommateur et une marque où ces distinctions sont marquées (Frisou, 2000). Dans une certaine mesure, ces résultats rejoignent les travaux fondateurs développés en psychologie sociale dans le cadre de relations dyadiques (Larzelere et Huston, 1980) pour qui les dimensions d’honnêteté (au sens d’intégrité) et de bienveillance sont conceptuellement proches et difficilement dissociables, ce qui les rend opérationnellement inséparables; la dimension de compétence étant, pour ce cadre, moins prégnante.

Une proximité géographique entre les habitants et leur municipalité différente selon la taille de la ville à l’origine de la confiance, nuancée par l’âge des citoyens-usagers

La confiance accordée au SPM : un lien entre la taille des villes et le niveau de confiance des habitants

La moyenne générale est de 3.39 (médiane à 3.43) sur une base de Lickert (de 1 à 5) et un écart type de 0.87. La moyenne théorique étant à 3, les français ont une légère confiance dans leur SPM.

Il existe une différence de moyenne de la confiance envers le SPM selon la taille des villes déclarée par les répondants, la relation est significative (F = 2.79; p=0.05). Elle traduit un niveau de confiance inverse au nombre d’habitants dans les communes, à l’exception des villes de 50 000 à 100 000 habitants. Ainsi, les grandes villes (100 000 habitants et plus) ont une confiance significativement moindre de leurs habitants, compris dans une moyenne de [3.18 – 3.26]. Les communes comprises entre 5 000 et 20 000 habitants ont un niveau de confiance de leurs habitants assez concentrées et meilleure que le groupe précédent. Enfin, les communes avec peu d’habitants (de 1 à 5 000) habitants ont, quant à elles, un niveau de confiance significativement plus important avec [3.45 – 3.54].

Une strate de communes déterminée par un nombre d’habitants compris entre 50 000 et 100 000 connait un niveau de confiance comparable aux toutes petites communes (cf. figure 1).

FIGURE 1

Niveau de confiance dans les SPM selon la taille des villes (définie par le nombre d'habitants) : une proximité physique

Niveau de confiance dans les SPM selon la taille des villes (définie par le nombre d'habitants) : une proximité physique

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Cet effet infère une forme de proximité géographique où les territoires plus restreints confèrent une plus grande confiance. Nous l’interprétons ici en termes de densité de population mais aussi en termes de proximité physique avec l’administration municipale (Gilly et Torre, 2000), même si nous n’ignorons pas qu’elle se combine avec d’autres formes de proximités telles que la littérature les présente.

L’âge, source de différences significatives de la confiance accordée au SPM qui nuance l’effet de la taille des villes

A l’instar des résultats sur l’effet générationnel sur les valeurs attendues du SPM étudiés sur la version précédente du baromètre (Dupuis, Carton et Saint-Pol, 2015), l’âge joue un rôle important dans la relation entre les usagers et leur SPM au regard de la confiance. On observe une progression quasiment linéaire du niveau de confiance des usagers à mesure que les âges considérés augmentent. Les différences observées sont significatives (F = 4.04, p =0.05). L’écart le plus important, de 0.28, s’observe donc entre les usagers de 18 à 29 ans et ceux de 60 à 75 ans (cf. figure 2).

Cette relation forte entre l’âge et la confiance est renforcée pour les communes de moins de 5000 habitants. En revanche, la relation entre l’âge et le niveau de confiance est plus contrasté sur les villes de plus de 5000 habitants (cf. tableau 1).

Sur l’ensemble des critères sociodémographiques disponibles, seul l’âge génère des différences significatives. Concernant les catégories socioprofessionnelles, les disparités constatées sont plus nuancées et sont portées principalement par les variations de l’âge dans chacune de ces catégories.

Nos résultats confirment l’importance de la proximité géographique embarquant la proximité sociale en termes de tranches d’âges, dans la confiance susceptible d’être attribuée aux services publics municipaux.

FIGURE 2

Niveau de confiance des habitants dans leur SPM selon leur âge

Niveau de confiance des habitants dans leur SPM selon leur âge

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Un niveau de confiance différent selon les valeurs attendues du SPM par les usagers-citoyens pouvant refléter une forme de proximité institutionnelle

Les valeurs attendues du SPM mesurées dans le baromètre représentent le cadre de référence définissant le périmètre des actions politiques, économiques et sociales que souhaitent les usagers-citoyens.

Les valeurs mesurées peuvent ainsi se répartir selon une classification proposée par Dupuis et al. (2014), qui distinguent d’un côté les valeurs modernes et les valeurs traditionnelles, et de l’autre la finalité des valeurs pour l’action publique ou pour le service public.

Dans ce cadre, lorsque les usagers-citoyens ont des attentes de valeurs traditionnelles, ils ont une confiance significativement meilleure dans leur municipalité que lorsque les attentes se portent sur des valeurs dites modernes (F = 1.55; p = 0.05). C’est ainsi que les valeurs d’Egalité, d’Intérêt général, de Continuité du service public et de Solidarité sont liées à des niveaux de confiance supérieurs (cf. tableau 2).

Les valeurs modernes attendues, et particulièrement les valeurs d’Efficacité, de Respect de la diversité des situations, d’Adaptabilité sont, quant-à-elles, moins associées à la confiance dans la municipalité. Plus encore, la valeur d’Exemplarité, lorsqu’elle est attendue, est associée à de la défiance (moyenne de 2.62> moy. Théorique – 3).

La proximité institutionnelle révélée par les valeurs que les usagers-citoyens du SPM lui attribuent est de nature à se traduire dans la confiance au SPM dès lors que l’attachement aux valeurs traditionnelles est privilégié. Les usagers-citoyens semblent ainsi dans une particulière inclinaison à considérer leur municipalité comme garante des valeurs de référence (RESP, 2011), caractéristique de la proximité institutionnelle qu’elle leur apporte à travers le respect des principes sous-tendant la production de biens et services collectifs.

TABLEAU 1

Moyenne de confiance des usagers pour le SPM par tranche d'âge selon la taille de la ville

Moyenne de confiance des usagers pour le SPM par tranche d'âge selon la taille de la ville

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TABLEAU 2

Moyenne de la confiance selon la nature des valeurs attendues du SPM par les usagers-citoyens

Moyenne de la confiance selon la nature des valeurs attendues du SPM par les usagers-citoyens
Adapté de Dupuis et al., 2014

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L’importance accordée à la consultation des usagers-citoyens par la mairie, signe de proximité relationnelle, reflet paradoxal de confiance et de défiance

86.4 % des répondants estiment plutôt important ou très important de consulter les habitants concernant les conditions d’exercice des services publics municipaux; nous nous sommes concentrés sur ces 86.4 % de répondants. Les résultats présentent une relation non linéaire entre l’importance accordée à la consultation des habitants et la confiance de ceux-ci pour leur municipalité. En effet, les personnes qui lui accordent le plus de poids ont un niveau de confiance moyen moindre. Ce rapport est particulièrement marqué pour les grandes villes où l’importance accordée à la consultation est synonyme de défiance envers la mairie (cf. figure 3).

FIGURE 3

Différences de moyennes de la confiance selon l'importance accordée à la consultation des habitants par la ville (selon la taille de la ville, pour les personnes)

Différences de moyennes de la confiance selon l'importance accordée à la consultation des habitants par la ville (selon la taille de la ville, pour les personnes)

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La consultation, souvent présentée comme une démarche de démocratie participative, est un vecteur de proximité relationnelle. Elle constitue une forme de considération de la parole des usagers-citoyens de nature à conforter la confiance mais aussi une forme de contrôle qu’ils peuvent exercer en réponse à une défiance ressentie. Dans la pratique, cela interroge le caractère consultatif ou décisionnel des consultations ainsi que l’objet mis en consultation. Dans ce cadre, il semble que les formes de consultation jouent certainement un rôle sur la confiance des habitants envers leur municipalité; pour autant, ce rôle est complexe. Les intentions de participation ne sont pas portées par les mêmes ressorts selon les habitants.

Nous pouvons ainsi considérer la consultation des habitants rejoint les caractéristiques de partage d’un espace commun, en termes de production et de décisions que Nooteboom (2000) définit comme étant un des constituants de proximité à l’institution. Néanmoins, le lien non linéaire entre l’importance accordée à la consultation et la confiance nous invite à être nuancés. Il peut être révélateur de nature relationnelle opposée, et rendre l’identification des signaux de la confiance difficilement repérables.

La relation de la qualité perçue du SPM et de la confiance : une forme de proximité organisationnelle singulière

Pour permettre d’expliquer dans quelle mesure les actions municipales et leurs modalités de réalisation confortent ou non la confiance dans la mairie; nous avons confronté la confiance aux variables d’attachement au SPM, d’utilité du SPM (pour soi en tant qu’usager), et d’évaluation de la qualité de service. Nous avons exploré ce modèle explicatif par une régression linéaire multiple (cf. tableau 3).

TABLEAU 3

Caractéristiques des variables explicatives et expliquées

Caractéristiques des variables explicatives et expliquées

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Le croisement entre l’évaluation globale et les évaluations détaillées de la qualité de service montre que l’évaluation globale s’explique principalement par la prise en compte pertinente des besoins, l’accompagnement adapté des usagers dans leurs démarches et la compétence avérée des agents (R² = 0.43; p-Value = <0.01).

Le modèle général rend compte de 59.35 % de la variance de la confiance [(Coefficient de corrélation multiple : R = 0.77, P-value de R : p(R) = <0.01); Coefficient de Fisher : F = 366.89 (P-value de F : p(F) = <0.01)].

Ainsi, notre équation du modèle peut s’énoncer comme suit :

TABLEAU 4

Contribution des variables à l'explication de la confiance

Contribution des variables à l'explication de la confiance

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La constitution de la confiance repose ainsi essentiellement sur l’évaluation de la qualité de service. Cependant, l’attachement au SPM et l’utilité du SPM jouent un rôle explicatif à ne pas négliger. A travers l’attachement au SPM s’incarnent l’importance attribuée au SPM comme un capital collectif et, à travers lui, le reflet d’une intention d’intérêt général (exprimée par les résultats sur les valeurs dans le paragraphe précédent). L’appréciation de l’utilité du SPM ancre aussi la relation de confiance des usagers-citoyens pour leur SPM. Dès lors cette forme de proximité organisationnelle considérée comme la capacité à rendre un service de qualité et apprécié de la sorte mais aussi comme celle à générer de l’attachement au service public municipal et de l’utilité pour ses usagers semble de nature à pouvoir expliquer la confiance relative dans le SPM.

Synthèse des principaux résultats

Mis à part pour la strate de 50 000 à 100.000 habitants, la confiance dans l’institution municipale décroît avec l’importance démographique; confortant l’idée (Rosanvallon, 2014, p.17) selon laquelle « les bases matérielles de l’établissement de la confiance sociale s’effritent » avec « l’éloignement ».

L’effet générationnel a été aussi repéré comme jouant un rôle majeur dans la confiance accordée par les usagers au SPM; pour les plus âgés, l’expérience plus étendue et plus nourrie de l’exercice de surveillance et de jugement des actions municipales comme celle de l’usage des services communaux semble pouvoir expliquer le niveau de confiance afférent fondé sur la crédibilité dans les compétences à rendre les services. Le capital social entendu comme « les traits de la vie sociale – réseaux, normes et confiance » (Putnam, 2007) de ce groupe d’âge entraîne dans sa progression les registres de confiance portée au service public municipal. Telles sont les conclusions à notre première question de recherche.

Pour ce qui concerne la seconde question de recherche, les valeurs qui fondent favorablement les jugements de confiance dans le SPM structurent les trois dimensions de cette dernière : compétence, efficacité et qualité pour la crédibilité; exemplarité, honnêteté et sens du bien commun pour l’intégrité; égalité, équité, adaptabilité et respect de la diversité pour la bienveillance. Toutefois, les valeurs traditionnelles attachées au service public peuvent être considérées comme modératrices de confiance.

Logiquement, l’importance accordée à la consultation s’épanouit plus naturellement à l’échelle micro-locale (Blondiaux, 2008); les modalités développées dans les plus grandes collectivités laissant apparaitre plus de scepticisme. C’est ainsi qu’en réponse à la troisième question de recherche, la proximité (illustrée par le dialogue avec les habitants, leur participation aux décisions les concernant directement) reconnue comme catégorie majeure de discours et de pratique (Le Bart et Lefebvre, 2005) est une source de confiance dès lors que les mécanismes institutionnels ne viennent pas nuire à la crédibilité de celle-ci.

Le lien entre la satisfaction des services publics municipaux et la confiance dans les organisations municipales qui les mettent en oeuvre, que nous interrogions au titre de notre dernière question de recherche, est en grande partie vérifié; dans lequel apparaissent la qualité de prise en compte des besoins (adaptabilité et pertinence), l’accompagnement des usagers dans leurs démarches (serviabilité), la compétence des agents (savoir-faire et savoir être) et la crédibilité des réponses apportées (efficacité). C’est aussi plutôt le degré de satisfaction de la qualité (Bouckaert et al., 2002) que le simple fait d’être un usager de proximité de services publics qui inspire la confiance.

Discussion générale : Une relation fragile entre proximité et confiance

La compréhension de la relation de confiance entre l’usager-citoyen et le SPM n’est pas aisée et les résultats nous font observer la complexité et parfois les ambivalences entre le niveau de confiance et la perception du SPM. A travers l’interprétation que nous faisons des résultats, le cadre de la proximité émerge et nous avons pu distinguer des formes de proximités, géographiques, sociales, institutionnelles, organisationnelles et relationnelles. Globalement, ces formes de proximités que nous avons traduites des résultats ont des interconnexions et se co-développent. Bien qu’on n’ait pu mobiliser toutes les données suffisantes pour le mettre en évidence de façon incontestable, on peut supposer que la proximité géographique facilite la proximité institutionnelle, que la proximité relationnelle enrichit la proximité organisationnelle et réciproquement; donnant ainsi lieu à un renforcement mutuel entre celles-ci. Aussi, la proximité géographique augmente-t-elle l’accessibilité aux SPM, la connaissance du SPM et l’attachement à ce dernier; contribuant alors à l’utilité perçue des SPM. En outre, la qualité des services et la satisfaction qui en découle sont de nature à consolider les proximités institutionnelle et organisationnelle.

Une forme de proximité géographique et sociale dans la construction de la confiance : un enjeu de lien physique et de participation sociale

A ce stade des analyses, l’importance du niveau spatial (effets « taille » démographique et « âge » issu des caractéristiques sociodémographiques de notre panel) sur les attitudes de confiance est confirmé; ce qui conforte la pertinence de ce registre inducteur de participation sociale (Serra, 1995). La capacité à « faire » et à « bien faire » peut alors être identifiée comme élément déterminant de la confiance générée.

Une forme de proximité relationnelle dans la construction de la confiance : un enjeu d’engagement mutuel

Nous avons aussi mis en évidence l’existence d’un lien non linéaire entre la confiance et l’importance accordée à la consultation des habitants, gage de proximité démocratique. En effet, l’importance de la consultation est tout à la fois portée par les habitants qui ont le plus confiance en leur mairie, mais également ceux qui ont le moins confiance, et notamment sur la dimension sincérité. Ce résultat, qui mérite encore d’être vérifié par d’autres travaux, est un paradoxe; mais l’on peut supposer qu’il existe des attentes différentes quant à la méthode de consultation selon que les habitants ont une plus faible ou une plus forte confiance envers leur SPM. La démarche de consultation souvent associée à une forme de confiance mutuelle doit aussi être considérée à travers une démarche d’expression de défiance. C’est ainsi que la proximité, pouvant être dénommée de « politique », fondée ici sur la place privilégiée donnée à la consultation des habitants, laisse entrevoir une contribution contrastée à la confiance où se mêlent « démocratie utilitaire »[2] (clientélisme, influence des groupes de pression…) et démocratie délibérative.

Une forme de proximité institutionnelle dans la construction de la confiance : un enjeu de convergence entre les valeurs poursuivies par le SPM et celles attendues par les habitants

Par ailleurs, la confiance est en relation étroite avec la nature des valeurs sous-tendant le service public municipal, et l’intensité de l’attachement des usagers-citoyens à celui-ci. Nous pouvons déduire de nos résultats qu’émerge une convergence de valeurs entre celles attendues du SPM par le citoyen-usager et les valeurs fondamentales qui sont incarnées par le SPM, ciment dans la construction de la confiance dans l’institution-mairie. Nous pouvons aussi penser que la reconnaissance des missions de protection et de réparation reconnues aux mairies, relevant de la proximité institutionnelle est une source de confiance.

Une forme de proximité organisationnelle dans la construction de la confiance : un enjeu d’identification de la « capacité à faire » du SPM

La confiance est directement liée à la performance discernée en termes de qualité perçue du service fourni qui révèle une forme de proximité organisationnelle. Les résultats montrent la place importante accordée à la capacité à faire du SPM dans la construction de la confiance des habitants. C’est précisément la compétence des agents à leur contact et par voie de conséquence, leur capacité à apporter des réponses adaptées qui sont les critères qui contribuent le plus à la confiance. Ce point ouvre à des interrogations quant au(x) référentiel(s) mobilisé(s) pour constituer les attentes en termes de qualité de service rendu : les critères retenus et les niveaux par critères pour fonder la sensibilité des attentes. Nous présupposons, au regard de nos résultats, qu’une approche segmentée sur la base des valeurs serait pertinente.

Ces deux dernières conclusions sont à mettre en regard des travaux de Heintzman et Marson (2005) et de Bouckaert et Van de Walle (2003) sur les facteurs de confiance; ceux-ci distinguant ceux liés à la reconnaissance de l’institution et ceux fondés sur l’efficacité de l’organisation. A l’issue de notre étude, ces derniers seraient de nature à générer de l’intérêt et de l’engagement ( à travers la capacité à être à l’écoute de la parole citoyenne, à rendre compte et à rendre des compte, à prendre des décisions fondées sur le bien commun et à tenir ses promesses); à générer de la compréhension de l’utilité des activités et prestations municipales (à travers la capacité à faire ce qu’il faut pour traiter les problèmes, se préoccuper du bien-être et à être honnête…); à générer de la satisfaction sur les services rendus (à travers la façon dont le personnel traite les gens, l’équité dans la réalisation des services et l’efficacité des réponses apportées).

Enfin, à l’issue de notre recherche, nous avons une imbrication des formes géographiques, organisationnelles et institutionnelles de la proximité des usagers à leur SPM qui s’appuient sur la taille de la ville (en nombre d’habitants), les valeurs attendues du service public et la qualité de service perçu. Ces trois dimensions sont constitutives de la confiance et de l’attachement au SPM et offre un portrait cohérent entre la définition du SPM et la qualité de celui-ci.

Conclusion : Apports et limites de notre recherche

Tout d’abord, nous pensons avoir levé dans notre questionnement les critiques énoncées sur le plan méthodologique par Laurent (2012) pour les enquêtes de confiance : la question de la confiance fut posée sur les mairies comme institution et organisation sans la mélanger à celle de leurs représentants élus ou agents territoriaux car nous aurions alors confondu « faire confiance » et « être digne de confiance » (Hardin, 2002); l’étendue du groupe interrogé est circonscrite aux usagers-citoyens du SPM, selon leur lieu d’habitation; l’échelle de confiance est précisée.

Ensuite, nous avons tenté d’éclairer les facteurs de confiance du SPM même si les liens de cause à effet méritent d’être prudemment énoncés, tant ces derniers sont « complexes, subjectifs, multidimensionnels et contestables » (Heintzmann et Marson, 2005, p.606).

Enfin, nous avons dressé un premier panorama, sur la base d’une enquête (2016), du rôle des types de proximité dans la construction de la confiance envers le SPM.

Cependant, ces résultats doivent être lus également à travers leurs limites.

Une première limite porte sur la mesure de la proximité. Nous l’avons appréhendée dans ses différentes composantes de manière déclarative et avec une reconstitution a posteriori, sur la base des données disponibles du baromètre BSPM. Nous l’avons interprétée par déduction des mesures sur la taille des villes en nombre d’habitants, sur les valeurs attendues des habitants du SPM, et sur la mesure de la satisfaction en lien avec la qualité de service perçue. Bien que cette recherche soit un apport sur la mesure de la proximité, la littérature n’offrant que peu de perspectives de mesure des formes de proximité, notre instrument de mesure utilisé mériterait d’être complété. La mesure de la proximité géographique mériterait d’être complétée pour affiner le cadre explicatif au-delà de la seule taille des villes (en nombre d’habitants), par exemple, en intégrant la distance qui les sépare d’un guichet ou le niveau de dématérialisation des SPM. La mesure de la proximité institutionnelle pourrait être affinée par la mesure conjointe entre les valeurs attendues sur SPM et les valeurs perçues des SPM. Enfin, la mesure de la proximité organisationnelle pourrait être étendue à la mesure des attentes. Dans le même ordre d’idée, si nous pouvons penser que les différentes formes de proximité sont de nature à influencer, à des degrés divers, chacune des dimensions étudiées de la confiance; nous ne sommes pas encore en mesure de l’estimer de façon probante.

Plus généralement, les mesures utilisées dans le baromètre sont issues de travaux académiques, avec un choix collégial entre les partenaires du BSPM. La mesure de la confiance est une adaptation de la mesure dans la marque (Morgan et Hunt, 1994) au secteur public local. L’analyse en composante, n’ayant pas permis de retrouver de manière fiable les trois dimensions initiales, peut être liée à cet effet de transposition.

Une autre limite porte sur la dimension conjoncturelle. Le SPM est à périmètre variable sous l’effet de transferts de compétences aux intercommunalités, et dans une conjoncture évolutive forte en termes de ressources. Les changements d’habitudes des usagers-citoyens en lien avec le SPM, induits par cette conjoncture, ne sont pas considérés dans notre recherche; or, ils peuvent se traduire par des perceptions inhérentes aux mutations organisationnelles et technologiques (par exemple, la création de guichets uniques, le déploiement de plateformes de services mutualisés, le développement récent de la dématérialisation). La question posée est alors de savoir si l’appréciation porte sur le changement de périmètre ou sur le service lui-même. L’approfondissement et la mise en contextualisation de la question de proximité par une approche qualitative par analyse de cas sur quelques villes permettraient d’enrichir nos résultats.

Enfin, une approche plus comparative dans le temps et plus intégrée (prenant en considération de façon méthodique les variables de socialisation politique et individuelles) mériterait d’être déployée (Christensen et Laegreid, 2005). Cette perspective de recherche serait alors de nature à mieux comprendre comment les facteurs de confiance sont liées à la fois au « micro rendement » (Bouckaert et al., 2002) i.e. la qualité des prestations rendues et aux dimensions de proximité, filtrés par les questions d’identité et de culture (facteurs sociaux, démographiques, caractéristiques personnelles…).