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L’économie des clusters de Jerôme Vicente[Notice]

  • Pascal Gaudron et
  • Aziz Mouline

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  • Pascal Gaudron
    Chaire de management stratégique international Walter J.-Somers, HEC MONTREAL

  • Aziz Mouline
    Centre de Recherche en Economie et Management, UMR CNRS 6211, UNIVERSITE de RENNES 1

Le temps où la priorité pratiquement absolue était accordée à la recherche de la grande taille par les firmes (économies d’échelle, effet d’expérience, compétitivité prix/volume, etc.) est en partie révolu. Le contexte concurrentiel et stratégique a profondément changé : complexité technologique, économie de la connaissance, différenciation des produits, cycles d’innovation de plus en plus courts, réduction des frontières entre des activités et des industries jusque-là séparées, etc. Voici venu le temps dominé par les réseaux d’acteurs et les interdépendances entre firmes, des start-up innovantes, de la désintégration des produits finals par des chaînes de valeur, de l’indispensable assemblage des ressources et compétences. Cette nouvelle configuration nécessite des formes renouvelées de coordination économique transectorielle : regroupement localisé d’organisations de différentes natures tourné vers un marché, une industrie ou un domaine technologique particulier. Des noms ? Silicon Valley, Silicon Saxony, Genome Valley par exemple. Oui, nous parlons bien de l’économie des clusters qui a fait l’objet d’un récent ouvrage passionnant à plus d’un titre. La relation entre les industries et les territoires n’est pas au coeur des préoccupations majeures des économistes et gestionnaires. De plus, le modèle économique de base qui a servi de pilier à la croissance du début de la période des « trente glorieuse » est construit sur les grandes entreprises avec les effets d’entraînement (effets revenus…) sans des considérations sur le territoire d’implantation. Les stratégies sont construites « dans l’espace interne global de la firme ou d’un groupe auquel elles appartiennent, lesquelles achoppent trop souvent à s’articuler avec les réalités économiques et sociales des territoires dans lesquels elles s’implantent ». Il faudra du temps pour que les asymétries territoriales soient totalement étudiées et intégrées dans l’action publique. Pourtant cette relation constitue un champ d’analyse intéressant pour de nombreuses disciplines scientifiques et une zone d’action (d’expérimentation) de la puissance publique. Certains économistes ont consacré des écrits pertinents (mais peu utilisés) à cette relation, qu’il s’agisse d’A. Marshall (1890) avec le concept de districts industriels ou de F. Perroux (1955) avec la notion de pôle de croissance; il s’agit en fait d’une dimension de concentration spatiale avec des firmes moteurs et les effets sur l’environnement immédiat. La crise des années 1970 qui traduit une forte mutation du système productif (ou régime de croissance), et ses conséquences sur les territoires (fermetures, délocalisations…) vont imposer une réflexion sur le développement économique du local (reconversions, nouvelles spécialisations…). Des travaux d’économistes (issus des approches spatiales) et de géographes vont fournir des cadres d’analyse à l’action publique avec la notion de districts industriels, de systèmes productifs locaux, de systèmes productifs territoriaux. Les années 1990 et suivantes vont faire émerger deux orientations avec d’une part l’école française de la proximité et d’autre part les travaux de M. Porter sur les clusters. Ce dernier souhaite mieux comprendre à partir des analyses de cas (il commencera par la Silicon Valley) pourquoi des regroupements sont efficaces. Pour M.E. Porter, un cluster est « un groupe géographiquement proche de firmes et d’institutions associées, interconnectées au sein d’un champ particulier et liées par des éléments communs et des complémentarités ». De nombreux travaux en France et à l’étranger vont reprendre et enrichir le concept de clusters. La puissance publique va aussi s’en servir comme base de ses actions territoriales (ou locales) avec le lien entre territoires et innovations comme l’illustre la politique française des années 2000 axée sur les pôles de compétitivité. Le livre de J. Vicente permet d’établir un état de l’art sur ce sujet essentiel aussi bien pour les théories de la localisation que pour les politiques de l’innovation. L’auteur fixe ainsi son cadre : « l’ouvrage propose une …

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