Résumés
Résumé
Outre les méthodes d’expression du langage du droit, notamment la corédaction dont les tenants et aboutissants dans le contexte canadien ont été largement documentés, on ne sait pas grand-chose des professionnels, des professions et de l’industrie du langage du droit au Canada. Afin de remédier à cette situation, nous avons mené une enquête, dont nous dévoilons les résultats dans le présent article. Plus spécifiquement, il sera question des caractéristiques : 1) des professionnels qui jonglent au quotidien avec le langage du droit au Canada ; 2) de leurs activités professionnelles ; et 3) de l’industrie dans laquelle ils oeuvrent. Cette analyse qualitative et empirique fournit un portrait des multiples réalités du langage du droit au Canada, ainsi que de ses enjeux actuels et à venir.
Mots-clés :
- professionnels du langage du droit,
- professions du langage du droit,
- secteur du langage du droit,
- jurilinguistique,
- traduction juridique,
- Canada
Abstract
Aside from methods used by professionals to express the legal language—notably the method of co-drafting, whose ins and outs have been well documented in the Canadian context—we know little about legal language professionals in Canada, their professional activities, and the legal language industry in general. To gain insights, we conducted a Canada-wide survey, and we present our results in this article. More specifically, we will discuss trends pertaining to: 1) professionals whose daily job consists in balancing language and law in Canada; 2) their professional activities; and 3) the industry in which they work. This qualitative and empirical study sheds light on the many realities of the legal language in Canada, as well as current and foreseen challenges facing this industry.
Keywords:
- legal language professionals,
- legal language professions,
- legal language industry,
- jurilinguistics,
- legal translation,
- Canada
Resumen
A excepción de los métodos de expresión del lenguaje jurídico, en particular, la redacción conjunta cuyos entresijos en el contexto canadiense han sido bien documentados, poco se sabe sobre los profesionales, las profesiones y la industria del lenguaje jurídico en Canadá. Para subsanar la situación, hemos llevado a cabo una encuesta cuyos resultados se recogen en este artículo. En concreto, examinaremos las características de: 1) los profesionales que se ocupan a diario del lenguaje jurídico en Canadá; 2) sus actividades profesionales; y 3) el sector en el que trabajan. Este análisis cualitativo y empírico ofrece un retrato de las múltiples realidades del lenguaje jurídico en Canadá, así como de sus retos actuales y futuros.
Palabras clave:
- profesionales del lenguaje jurídico,
- profesiones del lenguaje jurídico,
- sector del lenguaje jurídico,
- lingüística jurídica,
- traducción jurídica,
- Canadá
Corps de l’article
1. Introduction
Le langage du droit au Canada a suscité l’intérêt de chercheurs de tous horizons, ceux du Canada comme d’ailleurs, issus de domaines aussi variés que la traductologie, la linguistique, le droit, les sciences politiques et autres. Or, les écrits et les recherches sur ce sujet commencent à s’empoussiérer, sans parler du fait qu’une grande partie d’entre eux s’intéressent essentiellement aux méthodes d’expression du langage du droit et à leurs produits, notamment aux méthodes et produits de la (co)rédaction et de la traduction juridique[1].
Mais que dire des personnes qui en font une profession, et de leurs contextes et conditions de travail ? Au Canada, par exemple, toute une industrie du langage du droit s’est organisée au fil des années autour de la cohabitation des langues et des systèmes juridiques, ainsi que des obligations qui en découlent, une industrie qui a des besoins et des enjeux, une industrie au sein de laquelle évoluent des professionnels[2] qui exercent tout un éventail de professions, une industrie dans laquelle se jouent et se concrétisent le bilinguisme et le bijuridisme canadiens[3].
Malgré leur rôle important pour la culture et la société canadienne, on en sait très peu sur les professionnels du langage du droit au Canada et leur profession. Qui sont-ils ? Quels sont leurs principaux rôles, fonctions ou tâches ? Pour qui travaillent-ils ? Quels types de textes juridiques traitent-ils ? Dans quelles sous-spécialités ? Dans quelles langues ? Quels sont leurs enjeux professionnels ? On n’en sait pas plus sur leur industrie (qu’on la désigne comme industrie de la traduction juridique, de la jurilinguistique[4] plus largement ou du langage du droit plus inclusivement[5]) si ce n’est que quelques rapports sur les langues officielles dans le domaine de la justice au Canada font état de besoins de formation en traduction juridique, ainsi que de la pénurie de professionnels dans ce secteur[6].
Le temps était ainsi venu de remédier à cette situation et de réactualiser la question du langage du droit au Canada en l’examinant sous un jour nouveau, soit celui des professionnels, des professions et de l’industrie du langage du droit. Dans ce qui suit, nous exposons brièvement l’étude qui, en raison de l’origine des données, est essentiellement descriptive et poursuit un objectif empirique (section 2). Le coeur de l’article est ensuite consacré à la présentation des résultats (section 3). Une analyse qualitative et des éléments de discussion sur les réalités et les enjeux de ce secteur sont présentés après chaque bloc de résultats, ainsi qu’en guise de conclusion (section 4).
2. Présentation de l’étude
Les données analysées dans le présent article ont été recueillies dans le cadre d’un sondage bilingue (français et anglais) mené en ligne entre juillet et août 2020[7]. Le sondage a été diffusé dans les réseaux du programme d’études supérieures en traduction juridique et de l’Université McGill, ainsi que par l’entremise des associations de traducteurs et de juristes du Canada[8].
D’emblée, nous admettrons que ce mode de collecte de données peut avoir un effet sur les résultats. L’échantillon de répondants ne présente peut-être pas de manière équilibrée les communautés de pratique (langue et droit). Il est notamment possible qu’un groupe ait été plus facile à joindre et plus motivé à répondre au sondage que l’autre. Dans l’analyse des données, nous avons tenu compte de cette limite, ainsi que des autres limites présentées dans ce qui suit, et nous avons apporté les nuances nécessaires.
Le sondage comportait 26 questions principales et secondaires, divisées en cinq parties : 1) langue et admissibilité ; 2) type de langagier, secteur d’activité et affiliation professionnelle ; 3) réalités professionnelles ; 4) activités de développement, besoins de formation et enjeux professionnels ; 5) démographie. La version française du sondage est fournie à l’annexe 1.
Pour rendre compte du plus grand nombre de réalités professionnelles possible, la question sur l’admissibilité a été formulée de manière à inclure toute personne qui se considère comme partie prenante de cette industrie, peu importe à quel titre et de quelle manière (question 2, annexe 1). La population cible du sondage possède ainsi trois caractéristiques : elle exerce des activités langagières (1) dans le domaine du droit (2) au Canada (3). Parmi les 293 personnes qui ont accédé au sondage, 251 ont répondu « Oui » à la question visant à déterminer l’admissibilité, et 190 ont répondu à toutes les questions du sondage. Dans cet article, nous présentons les résultats de l’analyse des 190 sondages complets.
En analysant les résultats, nous avons constaté que la formulation des questions et des éléments de réponse a pu faire l’objet d’une interprétation variable selon les communautés, ce qui constitue une autre limite dont nous avons tenu compte dans l’analyse. Par exemple, les langagiers ont pu donner le sens de « transfert d’un message oral » au terme interprétation générale (question 14) et les juristes, celui d’« interprétation de la loi ».
À l’origine, l’objectif du sondage était de mieux connaître la clientèle cible du nouveau programme d’études supérieures en traduction juridique de l’Université McGill et d’adapter son contenu aux besoins réels de l’industrie. À ce titre, l’étude ne s’appuyait pas sur une question de recherche formelle ni un cadre théorique en particulier. Elle ne visait pas non plus à contribuer au savoir scientifique ou théorique d’une discipline précise, comme celle de la sociologie des professions (Abbott 1988) ou de la traduction (Wolf 2010). Or, les résultats d’une très grande richesse dressent un portrait original et contemporain de l’industrie du langage du droit au Canada, ainsi que de la grande diversité de profils de ses acteurs et de leurs activités. Par conséquent, nous avons fait une utilisation secondaire de ces données[9] afin de les rendre accessibles, de manière structurée, à la communauté professionnelle, universitaire et scientifique.
Étant donné l’origine des données, le présent article demeure essentiellement descriptif (objectif de diffusion du savoir empirique). Il s’agit d’une autre limite de l’analyse. L’objectif empirique n’enlève pourtant rien à la valeur scientifique de l’analyse, puisque le droit et la langue sont des phénomènes sociaux (Cornu 2005 : 4) qu’il faut d’abord observer pour ensuite comprendre dans leur ensemble, notamment dans leur intersection. La théorisation part de l’observation systématique des phénomènes. La présente étude s’inscrit dans cet axe et, en ce sens, elle fournit de nombreuses pistes de recherche et d’analyse pour les communautés de pratique. En quelque sorte, elle est la première pierre de l’édifice. Aux acteurs et décideurs de l’industrie du langage du droit, les résultats fournissent par exemple des clés pour mieux comprendre les enjeux, réels et à venir, de leur industrie, notamment en matière de relève et de professionnalisation. Aux milieux universitaires, ils fournissent des stratégies et des outils pour s’adapter aux besoins de formation dans cette industrie. À la communauté scientifique, ils fournissent enfin des résultats empiriques qui appuient, réfutent ou nuancent certaines idées reçues ou perpétuées, comme « La demande est plus importante pour la traduction vers le français », « Il faut une formation en droit pour travailler avec le langage du droit »[10], « Au Canada, on traduit vers sa langue dominante », « Le texte juridique est un texte porteur de droit »[11], « Les traducteurs ont des lacunes en droit et les juristes, en rédaction »[12], etc.
3. Résultats de l’étude
À partir des 190 sondages complets, nous avons dégagé des tendances sur le profil des professionnels (3.1), des professions (3.2) et de l’industrie (3.3).
3.1 Profil des professionnels du langage du droit au Canada
Dans un premier temps, le sondage fournit des renseignements démographiques sur les répondants. Ils concernent l’âge (3.1.1), le lieu de résidence (3.1.2), la langue dominante (3.1.3) et le niveau et domaine d’études (3.1.4).
3.1.1 Âge
Des 190 répondants, 40,0 % ont 55 ans ou plus, suivis de 28,4 % qui ont entre 45 et 54 ans, puis de 21,6 % qui ont entre 35 et 44 ans. Seuls 10,0 % ont 34 ans et moins.
On en déduit qu’une plus grande part de répondants (68,4 %) est plus près de la retraite (45 ans et plus) qu’en début de carrière (44 ans et moins) (31,6 %).
3.1.2 Lieu de résidence
Les 190 répondants sont principalement résidents du Québec (34,2 %) et de la Colombie-Britannique (31,1 %). Dans une moindre mesure, ils résident en Ontario (13,2 %) et en Alberta (10,5 %)[13]. À titre de référence, une carte du Canada est fournie à l’annexe 2. À noter que le lieu de résidence ne doit pas être confondu avec la région de travail, qui sera traitée plus loin (3.3.2).
Le tableau 1 qui suit met en relief les données sur l’âge et le lieu de résidence des répondants (Québec, Colombie-Britannique, Ontario, Alberta et autres régions[14]). Dans le tableau, les données entre parenthèses indiquent le nombre total de répondants (p. ex., 65 répondants résident au Québec et 19 répondants ont entre 25 et 34 ans). Dans le centre, on indique le nombre de répondants en chiffre et en pourcentage. Le pourcentage indique la part qu’occupe le groupe d’âge au sein de la région. Autrement dit, il faut analyser les données par région ou rangée (p. ex., 8 des 65 résidents du Québec ont entre 25 et 34 ans [12,3 %]). Les cases foncées indiquent les principales tendances.
Tableau 1
Mise en relief du lieu de résidence et du groupe d’âge
On observe ainsi qu’il existe un déséquilibre entre les personnes qui sont plus près de la retraite (45 ans et plus) et celles en début de carrière (44 ans et moins) dans presque toutes les régions. C’est le cas en Alberta (85,0 % contre 15,0 %, respectivement), en Colombie-Britannique (67,8 % contre 32,2 %) et au Québec (67,6 % contre 32,4 %). On trouve en revanche un bon équilibre en Ontario (52,0 % contre 48,0 %).
3.1.3 Langue dominante
Quelque 85 personnes ont déclaré l’anglais comme langue dominante (44,7 %), 65 le français (34,2 %) et 40 une autre langue (21,1 %)[15]. À noter que la langue dominante ne correspond pas nécessairement à la langue de travail, comme nous le démontrerons plus loin (3.2.5).
Dans le tableau 2, nous mettons en relief les données sur la langue dominante et le lieu de résidence. Les données peuvent être analysées comme celles du tableau 1, c’est-à-dire par région ou rangée (p. ex., 14 des 65 résidents du Québec ont déclaré l’anglais comme langue dominante [21,5 %]).
Tableau 2
Mise en relief du lieu de résidence et de la langue dominante
On constate que les 85 personnes ayant déclaré l’anglais comme langue dominante habitent principalement en Colombie-Britannique (32) et en Ontario (19) (cases foncées). Sans surprise, les deux tiers des 65 personnes ayant déclaré le français comme langue dominante habitent au Québec (44). Enfin, les 40 personnes ayant déclaré une autre langue habitent principalement en Colombie-Britannique (24).
3.1.4 Niveau et domaine d’études
Nous avons demandé aux répondants quel était le diplôme correspondant au plus haut niveau d’études effectuées dans une discipline langagière, juridique ou autre, et quel était le domaine d’études plus spécifiquement.
En général, les personnes qui travaillent dans le secteur du langage du droit au Canada possèdent une formation assez avancée : 102 répondants (53,7 %) ont au moins un certificat des cycles supérieurs (diplôme d’études supérieures, maîtrise ou doctorat), y compris 65 ayant un diplôme de maîtrise (34,2 %). Un autre 28,9 % possède un diplôme de baccalauréat.
En ce qui a trait au domaine d’études, un peu plus de la moitié des répondants (52,1 %) a effectué des études dans une discipline langagière, 18,9 % dans un autre domaine[16] et 17,9 % dans le domaine du droit. Une plus petite proportion de répondants (11,1 %) a une double formation en langue et en droit.
Dans le tableau 3, nous avons combiné les données sur les niveaux et domaines d’études. Les chiffres en pourcentage expriment la part des données croisées (diplôme/domaine) par rapport à l’ensemble des répondants (190) (p. ex., 1 des 190 répondants possède un diplôme d’études collégiales ou professionnelles dans une discipline langagière [0,5 %]).
Tableau 3
Mise en relief du niveau et du domaine d’études
Les cases foncées mettent en évidence les principales tendances pour l’ensemble des répondants, soit dans l’ordre : 1) maîtrise dans une discipline langagière (21,1 %) ; 2) baccalauréat dans une discipline langagière (14,2 %) ; 3) maîtrise dans une discipline du droit (6,8 %) ; et 4) baccalauréat dans une discipline du droit (6,3 %).
3.1.5 Tendances et éléments de discussion
Nous avons désormais une meilleure idée des principales caractéristiques démographiques des professionnels du langage du droit au Canada : ils sont plus près de la retraite que du début de leur carrière ; ils habitent principalement au Québec et en Colombie-Britannique ; ils ont comme langue dominante autant une langue officielle qu’une autre langue ; et ils ont fait des études universitaires avancées.
Grâce à ces résultats et aux croisements de données, nous commençons à cerner quelques réalités et enjeux de l’industrie. Par exemple, les données sur l’âge montrent un déséquilibre entre les personnes en début de carrière et celles en fin de carrière, ce qui tend à appuyer l’hypothèse de la pénurie de professionnels exposée dans les rapports de l’industrie. En combinant ces données avec celles sur le lieu de résidence et la langue dominante, on repère même des régions dans lesquelles le déséquilibre est plus marqué et les langues concernées. De l’analyse des niveaux et domaines d’études, on observe que non seulement les professionnels du secteur du langage du droit au Canada ont mené des études avancées, mais encore qu’ils semblent principalement avoir étudié dans le domaine langagier, ce qui déboulonne l’idée reçue selon laquelle il faut une double formation pour travailler dans le secteur du langage du droit au Canada. Pour le moins, cela ne correspond pas au parcours universitaire de la majorité des répondants.
Bien qu’intéressantes, ces tendances ne dressent pourtant pas un portrait complet des réalités et enjeux du secteur. Les deux niveaux d’analyse suivants (professions [3.2] et industrie [3.3]) nous permettront en effet de les préciser ou de les nuancer. Par exemple, les résultats sur le lieu de travail (3.3.2) nuanceront les résultats sur le lieu de résidence, et ceux sur la langue de travail (3.2.5), les résultats sur la langue dominante.
3.2 Profil des professions du langage du droit au Canada
La grande majorité des questions du sondage visaient à relever non pas les caractéristiques démographiques des répondants, mais la nature et la portée des activités concrètes qu’ils exécutent. Dans cette deuxième section, il sera question de : rôles et fonctions (3.2.1) ; tâches spécifiques et fréquence d’exécution (3.2.2) ; place du langage du droit dans les activités (3.2.3) ; sous-domaines de spécialité (3.2.4) ; langues de travail (3.2.5) ; et développement professionnel (3.2.6).
3.2.1 Rôles et fonctions
Le sondage comportait deux questions visant à déterminer les rôles et les fonctions (rôle, dans ce qui suit) des professionnels du langage du droit au Canada.
D’abord, les répondants devaient indiquer le titre exact de leur poste. Or, comme les titres professionnels varient énormément d’un milieu de travail et d’une région à l’autre, nous avions l’intuition qu’ils ne nous fourniraient pas de points de comparaison pour tirer des tendances, ce qui s’est révélé exact. Cela constitue néanmoins une tendance et un constat en soi : il existe une très grande diversité de titres pour désigner les personnes qui travaillent dans le secteur du langage du droit au Canada. Deuxième constat intéressant : un certain nombre de titres font état d’une double fonction (traducteur-réviseur, traducteur-interprète, conseiller-réviseur, juriste-traducteur), ou précisent des conditions de travail (traducteur pigiste, traducteur agréé) ou un domaine de spécialité (interprète judiciaire, traducteur législatif, réviseur parlementaire, interprète en LSQ).
Pour obtenir des données comparables, nous avons, dans un deuxième temps, demandé aux répondants de sélectionner un ou des rôles clés qui correspondent à leurs réalités professionnelles[17]. Plus spécifiquement, nous avons fourni deux listes de rôles. La première était associée au secteur du droit et la deuxième au secteur langagier. Les deux listes comportaient également quelques rôles en commun (voir la question 3 en annexe 1).
Les répondants pouvaient sélectionner un rôle dans une seule liste ou un rôle dans chacune des listes[18]. Ils ne pouvaient pas choisir plus d’un rôle par liste. Cela constitue une limite liée à la collecte de données. Rappelons néanmoins que l’objectif de cette question était de mettre en évidence le rôle principal des professionnels du langage du droit et le secteur duquel il relève (langue ou droit). La diversité des « chapeaux » est pour sa part traitée au prochain point (3.2.2).
Parmi les 190 répondants, 107 ont choisi un rôle dans une seule liste (56,3 %), dont 100 parmi les choix du secteur langagier et 7 parmi ceux du secteur du droit. Les 83 autres répondants ont choisi des rôles dans les deux listes (43,7 %).
On précisera que les 100 répondants ayant choisi un seul élément dans la liste du secteur langagier ont plus spécifiquement indiqué qu’ils exercent un rôle de traduction (74) et, loin derrière, d’interprétation (16). Les 7 répondants qui ont indiqué exercer un rôle dans le secteur du droit exclusivement ont fourni les titres exacts suivants : légiste (3), avocat (2), conseiller juridique (1) et autre (1). Parmi les 83 personnes ayant choisi un rôle dans les deux listes, nous relevons quelques combinaisons récurrentes : avocat et traducteur (9), légiste et rédacteur (6), adjoint ou technicien juridique et traducteur (6), rédacteur et traducteur (4), et avocat et vulgarisateur juridique (4).
Les résultats des deux listes confondus, le rôle qui ressort le plus souvent est la traduction (108 sur les 273 réponses[19]). Suivent de très loin les rôles d’interprète (28), d’avocat (20), de rédacteur (13), de gestionnaire (12), d’autre rôle dans le secteur du droit (12) et de légiste (11).
3.2.2 Tâches spécifiques associées au langage du droit et fréquence d’exécution
Nous avons ensuite voulu connaître la nature exacte des tâches des répondants et leur fréquence d’exécution. Toujours dans le souci d’obtenir des données comparables, nous avons établi une liste de 16 tâches précises courantes et nous avons demandé aux répondants d’en préciser la fréquence d’exécution. Nous montrons les résultats dans le tableau 4. Les données en pourcentage révèlent la part de répondants qui effectuent la tâche à la fréquence indiquée (p. ex., 4,2 % des 190 répondants traduisent très souvent des lois ou règlements). Les cases foncées mettent en évidence les résultats égaux ou supérieurs à 20,0 %.
Tableau 4
Fréquence d’exécution des tâches associées au langage du droit
Premier constat : très peu de tâches affichent une fréquence élevée (très souvent ou souvent). En réalité, seules trois tâches sont exécutées très souvent par les répondants, mais à des taux dépassant à peine 15,0 % : 1) traduction d’autres documents juridiques (17,9 %) ; 2) révision, retraduction et réécriture (15,8 %) ; 3) interprétation générale (15,3 %). À cela s’ajoutent deux tâches exécutées souvent : 1) traduction d’autres documents juridiques (28,9 %) ; 2) traduction de contrats (20,5 %). En combinant les fréquences très souvent et souvent, on obtient en fait les tendances suivantes : 1) traduction d’autres documents juridiques (46,8 %) ; 2) traduction de contrats (30,5 %) ; 3) révision, retraduction et réécriture (26,3 %) ; 4) interprétation générale (24,8 %).
Le deuxième constat concerne les valeurs élevées de la fréquence jamais. Une proportion élevée de répondants (50,0 % ou plus) n’exécutent jamais 11 tâches sur 16, notamment l’interprétation parlementaire (90,5 %), la corédaction (74,2 %), la prétraduction, la préédition ou la préparation de copie (72,1 %), le rôle-conseil (64,2 %) et la rédaction de textes juridiques (66,3 %). Les quatre exceptions correspondent aux quatre tâches que l’on vient de désigner comme ayant une fréquence élevée (traduction d’autres documents juridiques ; traduction de contrats ; révision, retraduction et réécriture ; interprétation générale).
Un dernier résultat éloquent concerne les fréquences associées à la tâche traduction d’autres documents juridiques. Près des trois quarts des répondants (74,2 %) traduisent très souvent, souvent ou parfois des documents juridiques autres que ceux proposés dans les autres réponses (lois ou règlements, jugements, contrats, valeurs mobilières). Il s’agit aussi de la seule tâche pour laquelle la fréquence jamais est inférieure à 20,0 %. On précisera néanmoins qu’il s’agit d’une réponse-valise, ce qui peut influencer le résultat élevé.
À une question subséquente, nous avons demandé aux répondants de préciser la nature de ces autres documents. Les réponses sont très variées. Nous les avons regroupées en catégories[20] :
décret, ordonnance et arrêté ministériel
résumé de décision
certificat et document officiel (certificat de mariage, de décès, de divorce, de naissance, etc., passeport, diplôme, dossier criminel, procuration, testament, mandat d’inaptitude, titre de propriété, contrat de mariage)
ouvrage de droit
article de vulgarisation
communication entre parties (lettre pour une instance, lettre d’une instance, lettre pour un client, courriel entre avocats, message par texte en preuve, transcription de conversation, déclarations assermentées)
document de cabinets d’avocats (document de marketing juridique, webinaire sur des questions juridiques, biographie de juriste, note d’allocution, avis juridique, commentaires à des propositions de règlement)
document lié aux affaires (politique interne, note de service, offre de services, bail, incorporation, produits financiers, mainlevée, quittance, entente de confidentialité, formulaire, concours, contrat d’adhésion, modalités d’utilisation, entente commerciale, entente de paiement)
document lié aux ressources humaines (convention collective, lettre d’embauche, contrat de travail, cessation d’emploi)
document des ordres de gouvernement (politiques, décision parlementaire, procédure parlementaire, règlement municipal, mesure d’expulsion, impôts)
3.2.3 Place du langage du droit dans les activités professionnelles
Une autre question d’intérêt est la place qu’occupe le langage du droit dans les activités professionnelles des répondants. Leurs activités concernent-elles exclusivement le langage du droit ou y consacrent-ils une partie de leur temps seulement (soit presque exclusivement, moitié du temps ou de temps en temps) ?
Parmi les 190 répondants, 36 travaillent exclusivement dans le domaine du droit (18,9 %). À l’opposé, une proportion bien plus importante (81 répondants ou 42,6 %) rapporte que la majorité de leur travail concerne d’autres domaines que celui du droit. Autrement dit, ils travaillent de temps en temps seulement avec le langage du droit. Entre ces deux extrémités, 43 répondants (22,6 %) consacrent la majorité de leur temps au langage du droit, mais pas tout leur temps, et 30 répondants (15,8 %) estiment y consacrer la moitié de leur temps.
Nous avons ensuite voulu déterminer s’il existe un lien entre la place du langage du droit dans les activités professionnelles, et les profils de tâches et fréquence établis précédemment (3.2.2). Dans le tableau 5, les données en pourcentage indiquent le nombre de répondants ayant rapporté une fréquence très souvent ou souvent pour la tâche en question (p. ex., parmi les 36 personnes ayant déclaré des activités langagières exclusivement dans le domaine du droit, 5 [ou 13,9 %] traduisent très souvent ou souvent des lois ou règlements). Les cases foncées indiquent les quatre principales tendances par groupe de répondants (colonne).
Tableau 5
Mise en relief des tâches (à fréquence élevée) et de la place du langage du droit dans les activités professionnelles
Rappelons que dans le tableau 4, nous avions relevé quatre tâches exécutées à des fréquences élevées (traduction d’autres documents juridiques ; traduction de contrats ; révision, retraduction et réécriture ; interprétation générale). Dans le tableau 5, seul le deuxième groupe (presque exclusivement) représente ces quatre tendances de base, dans un ordre d’importance similaire. Les tendances des deux derniers groupes (moitié du temps et de temps en temps) sont aussi similaires, mais la tâche traduction des jugements remplace la tâche révision, retraduction ou réécriture (traduction d’autres documents juridiques ; traduction de contrats ; traduction de jugements ; interprétation générale).
Pour les trois derniers groupes (presque exclusivement, moitié du temps et de temps en temps), on conclut qu’il existe un rapport équivalent entre la place du langage du droit dans les activités professionnelles et les profils de tâches à fréquence élevée. On note aussi que la traduction (autres documents juridiques, contrats et jugements) est leur principale activité, ce qui corrobore les données du tableau 4.
En ce qui a trait au premier groupe (exclusivement), les tendances sont somme toute très différentes : 1) rédaction de textes juridiques (52,8 %) ; et révision, retraduction ou réécriture (52,8 %) ; 2) corédaction (50,0 %) et interprétation générale (38,9 %). Digne de mention est le fait que les tâches de traduction ne sont pas du tout au premier plan des tâches de ce groupe, alors que la traduction est la principale tâche des trois autres groupes, de même que, rappelons-le, le principal rôle des professionnels du langage du droit en général (3.2.1).
3.2.4 Sous-domaines de spécialité
Outre cerner les principaux rôles et tâches des professionnels du langage du droit, nous voulions aussi connaître leurs sous-domaines de spécialité. En tant que langagiers du droit, se spécialisent-ils dans un ou plusieurs sous-domaines en particulier ou peut-on les considérer comme des généralistes du droit (tous les domaines) ? Pour répondre à cette question, nous avons fourni aux répondants une liste de 19 choix de réponses qui correspondent aux principales branches du droit[21]. Les répondants pouvaient sélectionner plusieurs branches.
Quelque 125 répondants ont sélectionné entre un et cinq sous-domaines de spécialité (65,8 %). Plus spécifiquement, 27 ont retenu un seul sous-domaine (14,2 %) ; 30 répondants en ont sélectionné deux (15,8 %) ; 26 en ont retenu trois (13,7 %) ; 20 en ont retenu quatre (10,5 %) ; et 22 en ont retenu cinq (11,6 %). Bien que la limite de cinq soit arbitraire, on dira que ces répondants sont spécialisés dans un nombre limité de sous-domaines.
D’un autre côté, 53 personnes ont sélectionné entre six et dix-huit sous-domaines (27,9 %). On tombe alors dans la catégorie des généralistes du droit. À cela s’ajoutent les 12 répondants qui n’ont retenu aucun sous-domaine (6,3 %). En effet, à la question de précision, ils ont indiqué travailler dans tous les domaines (p. ex., anything and everything, tous les domaines du droit, domaine juridique).
En ce qui a trait aux sous-domaines, les principaux sont les suivants : droit des affaires (88 répondants sur 190), droit de l’immigration (88), droit de la famille (79). De moindre importance, on trouve aussi : droit du travail (54), droit immobilier (52), droit criminel (48), litige civil et commercial (48), droit administratif et constitutionnel (47) et financement (43). En s’appuyant sur le principe de l’offre et de la demande, on peut conclure que les professionnels du langage du droit ont fait de ces sous-domaines leur spécialité, parce qu’ils correspondent à la principale demande pour des services langagiers dans le domaine du droit au Canada.
Nous avons ensuite voulu déterminer si ces tendances varient selon la place qu’occupe le langage du droit dans les activités professionnelles (3.2.3). Dans le tableau 6, nous avons dressé la liste des cinq principaux sous-domaines de spécialité pour chaque groupe (exclusivement, presque exclusivement, moitié du temps et de temps en temps). Les cases foncées mettent en évidence les trois tendances de référence (affaires, immigration, famille).
Les trois tendances de base correspondent en tous points aux trois principales tendances des deux derniers groupes (moitié du temps et de temps en temps) et en partie à celles du deuxième groupe (presque exclusivement). Ces trois derniers groupes sont ceux qui, rappelons-le, exécutent principalement des tâches de traduction (3.2.4).
Dans le premier groupe de professionnels qui travaillent exclusivement dans le domaine du droit, les tendances se démarquent tant en composition qu’en importance. Il existe sans doute un lien entre ces sous-domaines de spécialité et les principales tâches de ce groupe (rédaction ; révision, retraduction ou réécriture ; corédaction) (3.2.3), notamment la principale fonction rapportée par les membres de ce groupe (conseiller législatif) (question 4).
Tableau 6
Comparaison des sous-domaines de spécialité par place du langage du droit dans les activités professionnelles
3.2.5 Langues de travail
Qui dit professionnel du langage du droit dit également langue de travail. À cet égard, nous voulions en savoir plus sur : 1) le contexte de travail (unilingue ou plurilingue) ; et 2) les langues de travail (soit une langue si le contexte est unilingue [AN, FR ou autre] ou une combinaison de langues si le contexte est plurilingue [AN➔FR, FR➔AN, autre➔AN ou FR, AN ou FR➔autre, une ou plusieurs autres combinaisons]). Nous n’avons pas fixé de limite quant au nombre de réponses.
Des 190 répondants, 9 travaillent dans un contexte unilingue (4,7 %), 129 dans un contexte plurilingue (67,9 %), 49 à la fois dans un contexte unilingue et bilingue (25,8 %), et 3 n’ont pas précisé le contexte.
Les 9 répondants ayant déclaré un contexte unilingue travaillent avec une des deux langues officielles, soit 5 avec l’anglais et 4 avec le français.
Parmi les 129 répondants ayant déclaré un contexte plurilingue, 57 travaillent aussi exclusivement avec les langues officielles, dont 16 dans la combinaison FR➔AN ; 18 dans la combinaison AN➔FR ; et 23 dans les deux sens FR➔AN et AN➔FR. En ce qui a trait aux combinaisons avec d’autres langues (52 réponses en tout), 15 personnes ont déclaré travailler exclusivement dans la combinaison autre➔AN ou FR, 11 exclusivement dans la combinaison AN ou FR➔autre, et 26 dans les deux sens (autre➔AN ou FR et AN ou FR➔autre). Les 20 autres répondants oeuvrant dans un contexte plurilingue travaillent à la fois avec les langues officielles et une combinaison de langues officielles et d’autres langues (p. ex., FR➔AN et autre➔AN ou FR).
En ce qui a trait aux 49 répondants qui travaillent dans les deux contextes (unilingue et plurilingue), il s’en dégage une seule tendance : la moitié (25) travaillent exclusivement avec les langues officielles.
On mentionnera enfin que plusieurs professionnels travaillent dans les deux sens, soit autant avec les langues officielles (38 réponses AN➔FR et FR➔AN) qu’avec une des langues officielles et une autre langue (38 réponses autre➔AN ou FR et AN ou FR➔autre), et même avec une combinaison des deux (3). Cela correspond à 41,6 % de tous les répondants. On précisera que parmi ce groupe de 79 personnes, 22 ont déclaré une fonction d’interprète, y compris 21 dans les combinaisons autre➔AN ou FR ou AN ou FR➔autre. Si on s’en tient au groupe de 38 personnes qui travaillent dans les deux sens avec les langues officielles, seul un petit nombre (9) a déclaré un titre de traducteur (question 4). Parmi les autres titres de ces personnes, on note surtout des titres liés à la gestion (directeur, adjoint administratif) et au droit (avocat, conseiller législatif, conseiller juridique).
3.2.6 Développement professionnel
Enfin, il est difficile de parler de professions sans parler de développement professionnel. Sur ce point, nous avons demandé aux répondants s’ils projetaient de participer à des activités de développement professionnel au cours des 24 prochains mois. Le cas échéant, nous leur avons demandé de préciser la nature de ces activités.
Les principales activités projetées sont, dans l’ordre : 1) connaissance du droit (46,8 %) ; 2) traduction spécialisée (36,3 %) ; 3) formation variée en vue de se conformer aux exigences de reconnaissance professionnelle (31,1 %)[22] ; 4) technologie langagière (23,7 %) ; et 5) révision (21,6 %).
Dans le tableau 7, nous comparons ces tendances générales aux résultats par domaine d’études (3.1.4). Nous voulons ainsi déterminer si les besoins de formation varient selon le domaine d’études. Plus précisément, nous montrons, par ordre d’importance, tous les résultats égaux ou supérieurs à 20,0 %. La première colonne reprend les résultats pour l’ensemble des 190 répondants. Dans les colonnes suivantes, nous présentons les résultats par domaines d’études. Les données en pourcentage indiquent le pourcentage de répondants appartenant au groupe de discipline qui a sélectionné la réponse (p. ex., 41,4 % des 99 répondants ayant étudié dans une discipline langagière ont sélectionné l’activité traduction spécialisée). Les cases foncées montrent la distribution des trois tendances de base (connaissance du droit, traduction spécialisée et formation pour la reconnaissance professionnelle).
Tableau 7
Comparaison des activités projetées de développement professionnel par domaine d’études
On note que les trois tendances de base arrivent aux trois premiers rangs dans le groupe de discipline langagière (deuxième colonne) et que deux d’entre elles figurent aux deux premiers rangs dans les trois autres groupes. On note aussi la récurrence des questions de technologie langagière et de révision (qui correspondent aux quatrième et cinquième tendances de base) dans tous les groupes de discipline, sauf celui du droit (troisième colonne).
3.2.7 Tendances et éléments de discussion
Cette section fournit un bel aperçu des principales caractéristiques des professions du langage du droit au Canada. Nous avons vu qu’il existe une très grande diversité de titres pour désigner les professions associées au langage du droit. En règle générale, le rôle principal qui y est associé relève avant tout de la langue, plus particulièrement de la traduction et, encore plus spécifiquement, de la traduction d’autres documents juridiques. Les disciplines langagières semblent la voie privilégiée vers des professions dans l’industrie du langage du droit. Le langage du droit n’est pas un domaine exclusif de travail. Les principaux sous-domaines de spécialité sont le droit des affaires, le droit de l’immigration et le droit de la famille. On observe un besoin équivalent dans les deux langues officielles, ainsi que pour des langues non officielles. Enfin, les besoins de formation demeurent pragmatiques : connaissance du droit et compétences en traduction.
Force est néanmoins d’admettre que la réalité est beaucoup plus complexe qu’il n’en paraît. L’analyse qualitative et croisée des données apporte en effet un éclairage nouveau sur ces tendances et, par effet de ricochet, des idées reçues sur l’industrie.
La première tendance à nuancer concerne le principal rôle des professionnels du langage du droit (traduction). En réalité, la traduction semble être le principal rôle des professionnels qui consacrent une partie de leur temps seulement au domaine du droit. Ceux qui y consacrent tout leur temps (exclusivement) s’adonnent plutôt principalement à la rédaction de textes juridiques, à la révision et à la corédaction. Rappelons que ces deux groupes ont aussi des sous-domaines de spécialité distincts : affaires, immigration et famille pour le premier (une partie de leur temps) ; administratifetinstitutionnel, travail et affaires pour le deuxième (exclusivement).
Une nette distinction s’établit ainsi entre les professionnels qui travaillent exclusivement avec le langage du droit et les autres qui n’y consacrent qu’une partie de leur temps. De cette distinction émergent plusieurs questionnements. Elle nous oblige entre autres à réfléchir à la manière d’interpréter les tendances dans le contexte des pénuries de professionnels. Comment expliquer par exemple que les professionnels du langage du droit ne consacrent pas plus de temps au langage du droit, alors que des rapports font état de pénuries de professionnels qualifiés dans ce secteur ? S’ils ne consacrent pas tout leur temps au langage du droit, est-ce parce que la demande n’est pas assez forte pour les occuper à temps plein (ce qui contredit les conclusions des rapports précités) ou, à l’opposé, parce que la pénurie de professionnels qualifiés dans le domaine du droit est telle que le travail est confié à des traducteurs qui n’ont pas fait du langage du droit leur spécialité, mais qui, par nécessité, traitent des textes juridiques de temps en temps ? Nous ne prétendons pas répondre à ces questions dans le cadre de la présente étude, mais ce sont certes des questions importantes que l’industrie du langage du droit au Canada se doit d’examiner davantage puisqu’elle met en jeu la qualité de la langue du droit et des systèmes de justice. Du moins, si l’industrie souhaite éviter de revenir à un état de dépérissement du langage du droit, comme ce fut le cas pendant des décennies (Gémar 1995 : 7-28).
Quoi qu’il en soit, qu’ils y consacrent tout leur temps ou une partie, les professionnels du langage du droit, à l’exception des interprètes, travaillent essentiellement avec le texte juridique (comme texte rédigé ou traduit). L’industrie du langage du droit s’articulerait ainsi principalement autour du texte juridique. En ce sens, un apport important de l’étude est de fournir une définition du texte juridique par les professionnels du langage du droit. Selon les données, le texte juridique ne se définit pas seulement comme un texte porteur de droit (loi, règlement, traité), mais il s’entend aussi de tout texte qui atteste, constate, concerne, présente un droit reconnu en vertu d’un acte juridique (jugement, certificat, testament, etc.), ainsi que de tout texte qui porte sur le droit (doctrine, article, résumé, etc.). Pour le moins, c’est la définition du texte juridique qui se dégage du sondage.
Dans un autre ordre d’idées, les résultats permettent aussi de nuancer des idées reçues sur le traitement des langues. Par exemple, des résultats sur les langues de travail, on déduit qu’au Canada, on continue de respecter le principe selon lequel on travaille dans ou vers sa langue dominante, notamment en traduction. L’exception est l’interprétation, notamment en contexte judiciaire, profession pour laquelle il est plus courant de travailler dans les deux sens et avec des langues non officielles. Ces résultats remettent aussi en doute l’idée reçue selon laquelle on traduit davantage vers le français que vers l’anglais au Canada. Suivant le principe de l’offre et de la demande, si des professionnels travaillent avec une combinaison linguistique, c’est qu’il existe une demande pour cette combinaison linguistique. S’il y a autant de professionnels qui offrent des services vers l’anglais, que vers une autre langue et que vers le français, comme le montrent les données de cette section, c’est qu’il doit exister une demande équivalente pour toutes ces combinaisons.
En ce qui a trait aux activités de développement professionnel, on note que les activités connaissance du droit arrivent au premier rang de tous les groupes, y compris les groupes de répondants ayant une formation en droit (droit et langue et droit). Étonnamment, l’exception concerne le groupe des langagiers (langue). Cela remet ainsi en question l’idée reçue selon laquelle les personnes ayant une formation en droit ont de bonnes connaissances en droit, mais des lacunes en rédaction, et que les personnes ayant une formation en langue ont principalement des lacunes en droit.
Force est d’admettre que ces résultats corroborent l’hypothèse selon laquelle il existe plusieurs réalités jurilinguistiques au Canada. Dans le troisième et dernier niveau d’analyse, qui porte sur l’industrie du langage du droit en général, nous contextualiserons ces résultats.
3.3 Profil de l’industrie du langage du droit au Canada
Dans cette dernière section, il sera question des réalités et enjeux de l’industrie en général, c’est-à-dire la situation d’emploi (3.3.1) ; le secteur d’emploi et la région de travail (3.3.2) ; le nombre d’années d’expérience (3.3.3) ; l’affiliation à des groupes de professionnels (3.3.4) ; et les enjeux professionnels (3.3.5).
3.3.1 Situation d’emploi
Nous avons d’abord demandé aux répondants quelle était leur situation d’emploi (avant la pandémie).
La grande majorité des répondants (132 sur 190) travaillent à temps plein. Plus spécifiquement, 68 occupent un travail à temps plein (35,8 %), 64 sont travailleurs autonomes à temps plein (33,7 %) et 11 ont à la fois un emploi et des activités autonomes qui les occupent à temps plein (5,8 %).
Des 44 répondants ayant déclaré des activités à temps partiel, 35 sont travailleurs autonomes (18,4 %), 8 ont un emploi et des activités de travailleur autonome (4,2 %) et 1 est en situation d’emploi (0,5 %).
Le croisement de ces données avec les titres spécifiques (question 4) permet de relever des tendances intéressantes. Par exemple, parmi les 68 personnes qui occupent un emploi à temps plein, 19 ont déclaré le titre de traducteur et 10 autres un titre comportant le rôle de traducteur (3 traducteurs-interprètes ; 3 traducteurs-réviseurs, 1 traducteur-adjoint juridique, 1 traducteur-conseiller en immigration, 1 traducteur-enseignant et 1 traducteur-vulgarisateur). On trouve ensuite, par ordre d’importance, les groupes : adjoints juridiques (7), conseillers législatifs (5) et rédacteurs législatifs (4).
Autre fait notable, peu importe leur situation d’emploi (temps plein et partiel), les travailleurs autonomes sont principalement des traducteurs ou interprètes. Parmi les 64 travailleurs autonomes à temps plein, on trouve 34 traducteurs et 15 interprètes, et parmi les 35 travailleurs autonomes à temps partiel, on compte 25 traducteurs et 5 interprètes.
Pour mieux cerner encore ces réalités d’emploi, nous les avons mises en relief, dans le tableau 8, avec les résultats sur la place du langage du droit dans les activités professionnelles (3.2.3). Les données en pourcentage doivent être analysées par colonne. Les cases foncées montrent la principale tendance par groupe de répondants (colonne).
Tableau 8
Mise en relief de la situation d’emploi et de la place du langage du droit dans les activités professionnelles
On observe que les personnes qui travaillent exclusivement avec le langage du droit sont principalement des salariés à temps plein (86,1 %). Rappelons que ces répondants ont un profil professionnel particulier (p. ex., tâches rédaction, révision et corédaction, domaines administratif et constitutionnel, travail et affaires). Les répondants qui travaillent presque exclusivement avec le langage du droit ont aussi principalement une situation d’emploi à temps plein (41,9 %). En revanche, les personnes pour lesquelles le langage du droit occupe une place secondaire (moitié du temps ou de temps en temps) sont principalement des pigistes à temps plein (56,7 % et 44,4 %, respectivement).
3.3.2 Secteur d’emploi et région de travail
Dans cette section, nous présentons les données sur le secteur d’emploi et la région de travail. Nous avons établi la distinction entre le lieu de résidence (3.1.2) et la région de travail afin de rendre compte du travail à distance (entre les provinces) qui est une réalité connue, notamment en traduction, et déjà corroborée par les résultats sur la pige de la section précédente (3.3.1). Au moyen de ces données, nous voulions savoir à quel point le travail est localisé ou, au contraire, délocalisé.
Des 190 répondants, 83 répondants travaillent dans le secteur privé (43,7 %), 51 dans le secteur public (26,8 %) et 56 dans les deux secteurs (29,5 %).
Des 83 personnes qui oeuvrent dans le secteur privé, 19 travaillent exclusivement au Québec, 18 en Colombie-Britannique, 7 en Ontario et 4 en Alberta. Quelque 34 autres ont déclaré avoir des donneurs d’ouvrage dans plusieurs régions du Canada ou à l’étranger, dont 32 sur 34 qui sont travailleurs autonomes.
Parmi les 51 personnes qui travaillent dans le secteur public, 44 travaillent pour une seule région, y compris 25 pour le gouvernement du Canada, 4 pour la Colombie-Britannique, 4 pour le Nouveau-Brunswick et 4 pour le Québec. Les 7 autres personnes travaillent à la fois pour le gouvernement du Canada et une ou plusieurs autres régions (Alberta, Colombie-Britannique, Québec, Nouveau-Brunswick et Ontario).
On ne dégage aucune tendance particulière pour le dernier groupe de 56 répondants qui oeuvrent dans les deux secteurs, si ce n’est que 18 d’entre eux travaillent à la fois pour le gouvernement du Canada et une ou plusieurs régions du Canada, et 17 autres travaillent à la fois pour le secteur public et le secteur privé au sein de la province de l’Ontario.
Ces résultats font état du caractère délocalisé de l’industrie, c’est-à-dire que les répondants ne travaillent pas nécessairement pour des employeurs ou clients de la région dans laquelle ils vivent, ce qui n’est pas étranger à la place qu’occupe le travail à distance dans cette industrie. Pour mieux comprendre cette réalité, nous avons mis en relief le lieu de résidence et la région de travail dans le tableau 9. Dans ce tableau, la région de travail (rangées) correspond au lieu d’où provient la demande de travail (demande) et le lieu de résidence (colonnes) correspond au lieu d’où proviennent les personnes qui répondent à cette demande (offre). Les lieux de résidence et les régions de travail sont classés par région du Canada (ouest, est, nord). En escalier, dans le centre du tableau, les chiffres dans les cases grises indiquent : 1) le nombre de répondants qui travaillent dans cette région ; 2) le nombre de répondants qui vivent dans ce lieu. Par exemple, la donnée 10/20 pour l’Alberta (Alb.) indique que parmi les 20 répondants qui résident en Alberta, la moitié (10) travaillent exclusivement dans cette région. Les cases plus foncées indiquent pour leur part toutes les autres régions de travail déclarées par les 10 répondants qui ont des activités l’extérieur de l’Alberta (soit Colombie-Britannique [C.-B.], Ontario [Ont.], Québec [Qc] et gouvernement du Canada [GC]).
Tableau 9
Mise en relief de la région de travail (demande) et du lieu de résidence (offre)
Seuls les répondants de la Saskatchewan (Sask.), de Terre-Neuve-et-Labrador (T.-N.-L.) et du Yukon (Yn) travaillent exclusivement dans leur région (travail localisé). Dans les autres régions, le territoire de travail dépasse les frontières provinciales (travail localisé et délocalisé). Le territoire de travail des résidents de l’Ontario, du Nouveau-Brunswick (N.-B.), de la Nouvelle-Écosse (N.-É.) demeure assez restreint (outre leur province, les professionnels de ces provinces répondent principalement aux besoins du Québec), alors que le territoire des résidents des autres régions est beaucoup plus vaste, notamment en Colombie-Britannique (9 régions et GC), au Québec (9 régions et GC), au Manitoba (Man.) (6 régions et GC) et en Alberta (4 régions et GC).
3.3.3 Nombre d’années d’expérience
Une autre information sur les conditions de travail dans l’industrie concerne le nombre d’années d’expérience. Nous avons établi une distinction entre l’expérience en langue et l’expérience en droit afin de dégager un cheminement professionnel type. On notera néanmoins le caractère imparfait de l’échelle utilisée pour mesurer l’expérience. Aux deux échelons inférieurs, la plage est de quatre années (0-3 ans et 4-8 ans), alors qu’aux échelons supérieurs, elle est plus vaste (9-20 ans, 21-30 ans et 31+). Pour atténuer les effets de cette limite dans l’analyse comparative, nous avons regroupé les résultats des groupes 0-3 ans et 4-8 ans, lorsque cela était pertinent.
En ce qui a trait à l’expérience dans le secteur langagier, les trois principales tendances sont : 1) 9-20 ans d’expérience (32,1 %) ; 2) 21-30 ans (27,4 %) ; et 3) 0-8 ans (25,3 %). Autrement dit, la majorité des 190 répondants (74,7 %) ont plus de 9 ans d’expérience en langue (9-20 ans, 21-30 ans et 31+).
En comparaison, les trois principales tendances en ce qui a trait à l’expérience en droit sont : 1) 0-8 ans d’expérience (46,3 %) ; 2) 9-20 ans (32,6 %) ; et 3) 21-30 ans (13,7 %). En général, l’expérience en droit est moins importante.
Dans le tableau 10, nous avons croisé les expériences dans les deux secteurs. En escalier dans le centre, les cases foncées indiquent les lieux de convergence entre le nombre d’années d’expérience en langue (rangées) et celui en droit (colonnes), c’est-à-dire une expérience équivalente dans les deux secteurs. Dans ce tableau, nous n’avons pas regroupé les données 0-3 ans et 4-8 ans afin de mettre en évidence une tendance intéressante en début de carrière.
Tableau 10
Mise en relief de l’expérience en langue et de l’expérience en droit
Parlons d’abord de l’expérience équivalente dans les deux secteurs (cases foncées en escalier) : 97 répondants (ou 51,1 % de tous les répondants) ont une expérience équivalente dans les deux secteurs.
Les autres répondants (93) ont presque tous (46,8 %) une expérience plus vaste dans le secteur langagier que dans celui du droit (ensemble des données sous les cases foncées), comparativement à seulement 2,1 % ayant plus d’expérience en droit qu’en langue (données au-dessous des cases foncées).
On se souviendra que 52,1 % des répondants ont une formation en langue (3.1.4). Une mise en relief de l’expérience avec le domaine d’études s’est donc imposée, ce qui a permis de constater que les personnes ayant une formation en langue (99) ont tendance à avoir plus d’expérience en langue qu’en droit (60 ou 66,7 % d’entre elles). On observe la même tendance chez les 36 personnes ayant fait des études dans un autre domaine : 21 (58,3 %) ont une expérience plus vaste dans le secteur langagier que dans celui du droit. Ce sont donc les personnes ayant une formation en droit qui ont principalement déclaré une expérience équivalente dans les deux secteurs (25 sur 34, ou 73,6 %), ainsi que celles ayant une double formation (17 sur 21, ou 80,9 % d’entre elles).
On constate ainsi que les personnes ayant un parcours en langue ont tendance à travailler dans le secteur langagier d’abord, avant de s’aventurer dans celui du droit, alors que les personnes qui ont une formation en droit ou une double formation semblent avoir occupé des fonctions qui correspondent à ce double secteur dès le début de leur carrière.
3.3.4 Affiliation à des groupes de professionnels
Nous aimerions ensuite présenter quelques données sur l’affiliation des répondants. Il faut cependant reconnaître que le mode de diffusion du sondage (c’est-à-dire en grande partie par l’entremise des regroupements professionnels) peut avoir influencé les résultats à cet égard, notamment se traduire par des résultats élevés en ce qui a trait aux taux d’affiliation. Les résultats sont quand même utiles pour dégager des observations préliminaires sur la professionnalisation de l’industrie.
Sous toute réserve de la mise en garde sur les taux d’affiliation, mentionnons que 161 répondants sont membres d’un groupe de professionnels[23] (84,7 %). De ce nombre, 120 sont membres d’un groupe du secteur des langues (63,2 %) et 27 d’un groupe du secteur du droit (14,2 %). Quelque 12 autres ont déclaré être membres de groupes des deux secteurs (6,3 %) et 2 d’un groupe d’un autre secteur (travail social et ingénierie) (1,1 %).
Quand on leur a demandé de désigner le ou les groupes dont ils font partie, les 27 répondants ayant déclaré une affiliation à un groupe du secteur du droit ont, en règle générale, indiqué une affiliation simple (24 sur 27), et plus spécifiquement à un barreau, dont 16 au Barreau du Québec et 4 à celui de l’Ontario.
Les 120 personnes ayant déclaré une affiliation à un groupe de l’industrie langagière ont elles aussi principalement déclaré une affiliation simple (77 sur 120), notamment, en ordre d’importance : 35 membres de la Society of Translators and Interpreters of British Columbia (STIBC) ; 13 de l’Association of Translators and Interpreters of Alberta (ATIA) ; 12 de l’Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes agréés du Québec (OTTIAQ) ; 9 de l’Association of Translators and Interpreters of Ontario (ATIO) ; et 5 de la Corporation des traducteurs, terminologues et interprètes du Nouveau-Brunswick (CTINB). Ensuite, 42 répondants ont déclaré une affiliation multiple (42 sur 120), dans laquelle on relève trois tendances : 1) l’agrément auprès de plusieurs ordres professionnels provinciaux (notamment la combinaison STIBC et ATIA) ; 2) l’agrément auprès d’un ordre professionnel provincial et d’un organisme à l’étranger (principalement l’American Translators Association [ATA]) ; et 3) l’agrément auprès d’un ordre professionnel provincial et l’adhésion à un autre réseau de langagiers (comme Association des conseils en gestion linguistique [ACGL], Association de l’industrie de la langue [AILIA], Carrefour des langagiers entrepreneurs [CLEF], Réseau des traducteurs en éducation [RTE], etc.).
Les 12 personnes ayant indiqué être membres de groupes des deux secteurs (langagier et juridique) ont mentionné principalement une affiliation à un ordre ou à un autre groupe régional (plus spécifiquement ACJT, ATA, ATIO, CTINB, OTTIAQ, STIBC), combinée avec l’adhésion au Barreau du Québec (4 cas – aucun autre barreau n’est mentionné) ou à un autre réseau de juristes ou conseillers en immigration (Canadian Association of Professional Immigration Consultants [CAPIC], Commonwealth Association of Legislative Counsel [CALC], Conseil de réglementation des consultants en immigration du Canada [ICCRC]).
Sans égard à la déclaration de l’affiliation simple ou multiple, c’est la STIBC qui récolte le plus de mentions (55). Ce n’est pas étonnant, puisque 59 répondants résident en Colombie-Britannique. Ce qui l’est en revanche, c’est le faible nombre de membres de l’OTTIAQ. Bien que 65 répondants résident au Québec (34,2 %), l’OTTIAQ récolte en tout et pour tout 26 mentions (13,7 %), y compris de 4 répondants qui ne résident pas au Québec.
3.3.5 Enjeux professionnels
Dans la dernière question du sondage, nous avons demandé aux répondants quels étaient leurs principaux enjeux. La question était ouverte pour éviter d’orienter les répondants. Quelque 171 personnes (90,0 %) ont indiqué un ou plusieurs enjeux, que nous avons regroupés en quatre grandes catégories aux fins de présentation : 1) connaissance ; 2) organisation de l’industrie ; 3) conditions de travail ; 4) relation avec la clientèle.
Parmi les réponses relevant de la catégorie connaissance, certaines personnes ont exprimé un besoin général de formation (droit [25] ou langue [3]) ou des besoins précis (méconnaissance des ressources — outils et experts — disponibles [3], de la terminologie [12], des deux systèmes juridiques [15], des ressources spécialisées [16]). Bon nombre d’entre elles (41) ont pour leur part exprimé l’enjeu de la connaissance sous un autre angle : celui de l’absence de formations ou de leurs lacunes. Plus spécifiquement, on exprime :
offre limitée de formations, notamment dans les langues non officielles et en interprétation ;
absence d’occasions de formation à l’extérieur du réseau des universités ;
caractère trop général des formations (ateliers) ;
caractère trop spécialisé des formations (programmes complets) ;
offre non adaptée aux besoins et contextes (p. ex., les gens de l’Ouest n’ont d’autre choix que de se tourner vers les formations de l’Est, des États-Unis ou de l’Europe pour se spécialiser, bien que ces formations ne soient pas adaptées à leur contexte).
En ce qui a trait à l’organisation de l’industrie, les obstacles sont multiples, mais on relève principalement le problème d’accès à la reconnaissance professionnelle (15) ou l’absence de reconnaissance professionnelle (18). Chez les répondants qui ne travaillent pas avec les langues officielles, la combinaison linguistique est un obstacle en soi (18), qui prend la forme de problèmes d’accès à la reconnaissance professionnelle ou d’accès à des ressources de formation. À cela s’ajoutent des réponses variées sur la culture de l’industrie. En voici un échantillon :
préférence pour des avocats sans formation en traduction ;
postes réservés à des diplômés en traduction ;
exigence de double formation (langue et droit) ;
concurrence par des non-professionnels (p. ex., personnes bilingues) ;
non-reconnaissance de l’expertise ;
difficulté de recrutement ;
peu de rigueur dans les exigences de qualification des gouvernements (p. ex., personnes bilingues ou sans formation adéquate) ;
traitements par les institutions gouvernementales (p. ex., rémunération insuffisante) ;
restrictions à l’emploi dans les autres provinces ;
absence de normes (p. ex., qualité variable des services de traduction et d’interprétation) ;
titre non réservé ;
besoin continu de sensibilisation (public, agences, juges, avocats) sur le rôle du langagier ;
facilité avec laquelle on peut s’improviser professionnel du langage du droit ;
processus non systématiques (p. ex., on ne traduit pas toutes les décisions) ;
problème systémique d’accès à des services en français ;
obstacle de protection des droits linguistiques et droits des langagiers.
Dans la troisième catégorie, conditions de travail, on a surtout relevé des enjeux très pratiques :
qualité des textes de départ (15 réponses en tout) ;
difficulté de trouver un emploi ou des contrats ;
manque de temps pour la formation continue ;
réduction des coûts ;
délais toujours plus serrés ;
évolution rapide de la technologie ;
surcharge de travail ;
sentiment d’isolement ;
absence de mentorat ;
besoin de se tenir à jour ;
obstacles physiques.
Les 17 réponses associées à la dernière catégorie, relation avec la clientèle, sont tout aussi variées. Fait notable, dans 9 réponses sur 17, on désigne expressément les clients comme des juristes. En voici des exemples :
méconnaissance des enjeux de la langue par les clients (vocabulaire, structure langagière) ;
interférences par des clients sans expertise langagière ;
clients unilingues (langue de départ) ;
méprise de la part des clients ;
absence de rétroaction de la part des clients ;
enjeu de fidélisation de la clientèle.
3.3.6 Tendances et éléments de discussion
Nous avons ainsi un bon portrait de quelques caractéristiques de l’industrie du langage du droit. Les professionnels du langage du droit travaillent surtout à temps plein (emploi et pige) et principalement dans le secteur privé. Le travail à distance et délocalisé (entre provinces) est une réalité bien présente dans ce secteur (et ce, bien avant la pandémie). Les professionnels ont tendance à avoir plus d’années d’expérience en langue qu’en droit. Ils sont membres d’une grande diversité de groupes de professionnels. Leurs enjeux professionnels sont tout aussi nombreux que variés.
Encore une fois, la réalité n’est cependant pas aussi simple. De l’analyse croisée et qualitative des données, se dégagent en effet quelques éléments de discussion qui sont d’intérêt pour l’industrie, notamment sur la spécialisation et la relève.
Dans un premier temps, les résultats portent à réflexion sur la spécialisation. Une bonne proportion des répondants travaillent en effet à leur compte (notamment des traducteurs et des interprètes), et les résultats montrent que les pigistes à temps plein ne semblent pas se consacrer pleinement au langage du droit ni les répondants qui ont une situation d’emploi ou de pige à temps partiel. On se demande alors dans quelles circonstances se qualifie-t-on de spécialiste ou peut-on devenir spécialiste du langage du droit ? Faut-il se concentrer sur ce domaine exclusivement et à temps plein pour en devenir spécialiste ? Si cela est vrai, alors seule une partie des répondants sont véritablement des professionnels du langage du droit. Or, ils s’autoqualifient de professionnels du langage du droit et se présentent comme tels dans le marché. Nous ne prétendons pas avoir le pouvoir de dire qui peut ou ne peut pas travailler avec le langage du droit, bien au contraire, mais nous pensons néanmoins que l’industrie devrait réfléchir à cette question et se doter de barèmes afin de guider les professionnels (Suis-je spécialiste ? Comment puis-je devenir spécialiste ?) et de protéger la langue et le public (Qui est spécialiste du langage du droit ?).
Ce constat sur la spécialisation nous ramène à l’hypothèse de la pénurie de professionnels (3.2.7) et nous force à observer le problème sous un autre angle, celui de la volonté, de la capacité et de l’intérêt. Selon notre analyse et les rapports de l’industrie, l’industrie du langage du droit semble suffisamment prolifique pour procurer du travail à temps plein aux professionnels du langage du droit au Canada. Mais alors pourquoi n’observe-t-on pas des proportions plus élevées de professionnels qui occupent un travail à temps plein dans ce domaine ou qui y consacrent tout leur temps ? Serait-ce parce que l’enjeu de la pénurie n’est pas tant une question de disponibilité des travailleurs, mais relève d’un autre ordre, comme celui de la volonté, de la capacité ou de l’intérêt des travailleurs ? La réalité est peut-être que, par la force des choses, les répondants ont plusieurs rôles, dont celui de traiter le langage du droit, mais sans vraiment avoir développé un intérêt pour le sujet. Malgré leur volonté, les répondants ne sont peut-être pas non plus en mesure de se perfectionner (manque de temps, de formation, etc.). Le fait est que les réalités professionnelles et de nombreux autres facteurs contribuent sans doute tout autant à la pénurie. Quoi qu’il en soit, cette contradiction entre, d’une part, la pénurie de professionnels et, d’autre part, la petite proportion de répondants qui se consacrent principalement au langage du droit mérite qu’on s’y attarde dans des études ultérieures.
Ensuite, bien qu’une étude complète soit nécessaire pour déterminer avec certitude la façon dont les besoins des provinces sont comblés, en tenant compte de facteurs comme l’aménagement des langues et les politiques linguistiques de chaque région, on peut quand même dégager des observations préliminaires sur les parts de marché des professionnels qui résident dans les différentes régions. On note par exemple une certaine concentration des parts du marché (ou de l’offre et de la demande) dans l’ouest du Canada, mais pas dans le reste du Canada. En effet, selon les données, les besoins de l’Alberta et de la Saskatchewan semblent comblés exclusivement par des résidents de l’Ouest, et ceux de la Colombie-Britannique et du Manitoba en partie par les résidents de l’Ouest, mais aussi par ceux du Québec. Les besoins du gouvernement du Canada semblent pour leur part comblés par des résidents des régions de l’Ouest comme de l’Est (Alb., C.-B., Man., Ont. et Qc). À l’opposé, les professionnels du Québec semblent avoir un vaste territoire de travail (le plus vaste), qui est bien établi dans l’Est et qui s’étend à l’Ouest et au Nord. Comment expliquer ce déséquilibre ? Faut-il y voir un rapport avec l’offre de programmes de formation (offerts principalement dans l’Est) ou les besoins variables entre l’Est (traduction) et l’Ouest (interprétation) ? L’étude fournit des données qui tendent à valider cette hypothèse, mais il faudra d’autres études pour obtenir des réponses définitives.
Au chapitre de la formation, on mentionnera un autre constat d’intérêt pour le milieu de la formation et l’industrie en général : les répondants ont rapporté des enjeux d’une très grande diversité et portée. Le seul fait que 90,0 % des répondants ont signalé des enjeux est d’intérêt, tout comme les contradictions dans leurs réponses. Cela pointe encore une fois vers la coexistence de réalités dans l’industrie du langage du droit et des besoins de formation spécifique variable. Les réponses ayant été librement rédigées, il est difficile de cerner des enjeux plus précis pour les différents groupes de professions et professionnels. Il n’en reste pas moins que ces enjeux doivent être pris au sérieux, notamment les nombreuses insatisfactions. Sans une remise en question par et pour l’industrie, on peut se questionner sur sa capacité à se renouveler dans l’avenir, notamment si elle a acquis la réputation d’être désorganisée et dévalorisée, comme le sous-entend un bon nombre de réponses. Tout effort d’attraction de la relève pourrait ainsi être vain, ce qui ne fera qu’exacerber la pénurie de professionnels. La roue tourne.
On déduit de ces données et éléments de discussion, tout comme de ceux des sections précédentes, que l’étude donne lieu à plus de questionnements que des réponses. On les résumera d’ailleurs dans la conclusion, comme des pistes pour des réflexions plus poussées.
4. Conclusion
L’étude n’avait pas la prétention de fournir des réponses à toutes les questions. Elle n’avait pas non plus celle de dire de quoi sera fait l’avenir. Bien au contraire, l’objectif était de contribuer au savoir empirique. Pour l’heure, notre rôle n’aura été que de mettre en lumière les réalités et enjeux des professionnels, des professions et de l’industrie du langage du droit au Canada. En ce sens, l’objectif est atteint : l’étude fournit un aperçu original et contemporain des profils des professionnels, des professions et de l’industrie du langage du droit au Canada. Elle esquisse ainsi le portrait d’une industrie très diversifiée, qui a de solides bases, mais qui est aussi aux prises avec de nombreux enjeux. Notre constat est donc le suivant : la situation canadienne est fort complexe et il serait par conséquent prématuré de fournir des conclusions définitives à partir de cette analyse préliminaire des données. D’autres études seront nécessaires pour comprendre véritablement toutes les dimensions du langage du droit au Canada. À défaut de fournir des réponses et solutions pratiques, qui ne seraient au demeurant pas applicables universellement dans une industrie aussi diversifiée, nous aurons quand même apporté des données concrètes et des pistes pour aider les milieux professionnels et universitaires à définir ce qu’est ou devrait être un professionnel et une profession du langage du droit, ainsi que quelques grands axes pour une réflexion et des études plus avancées, notamment sur les questions de pénurie, de spécialisation, de professionnalisation et de formation.
Parties annexes
Annexes
Annexe 1
Sondage sur la jurilinguistique au Canada (version française)
LANGUE ET ADMISSIBILITÉ
-
Souhaitez-vous répondre à ce sondage en anglais ou en français ?
Anglais
Français
-
Ce sondage est destiné aux personnes qui, quels que soient leur titre ou fonction, et leur situation d’emploi (à temps plein, à temps partiel ou autre), font de la traduction ou de l’interprétation ou exercent d’autres fonctions langagières dans le domaine du droit (p. ex., traduction juridique, interprétation judiciaire, jurilinguistique, etc.), mais pas exclusivement dans le domaine du droit, et qui travaillent, à la pige ou à l’interne, pour des entreprises ou organismes au Canada. Est-ce votre cas ?
Oui
Non
TYPE DE LANGAGIER, SECTEUR D’ACTIVITÉS ET AFFILIATION PROFESSIONNELLE
-
Parmi les titres ou fonctions de travail suivants, lequel ou lesquels décrivent le mieux votre situation ?
Secteur juridique
Secteur langagier
Avocat
Traducteur
Juriste
Interprète
Notaire
Terminologue
Juge
Jurilinguiste
Légiste
Linguiste
Corédacteur
Réviseur
Parajuriste
Correcteur d’épreuves
Conseiller juridique
Rédacteur
Adjoint ou technicien juridique
Vulgarisateur juridique (langage clair)
Attaché judiciaire
Autre langagier
Secrétaire juridique
Chercheur
Huissier de justice
Éditeur
Sténographe
Enseignant, chargé d’enseignement, professeur, formateur
Greffier
Gestionnaire
Autre profession du domaine juridique
Politicien
Chercheur
Autre (Précisez : ____)
Éditeur
Enseignant, chargé d’enseignement, professeur, formateur
Gestionnaire
Politicien
Autre (Précisez : ____)
Quel est le titre de votre emploi ?
-
Avant la crise de la COVID-19, quelle était votre situation d’emploi ?
Emploi à temps plein
Emploi à temps plein et pigiste
Emploi à temps partiel
Emploi à temps partiel et pigiste
Pigiste à temps plein
Pigiste à temps partiel
Autre Expliquez : -
Dans quel secteur travaillez-vous principalement ?
Secteur public
Secteur privé
Secteurs public et privé -
De quelle(s) juridiction(s) relèvent vos principaux donneurs d’ouvrage ou votre employeur ?
Gouvernement du Canada (fédéral)
Alberta
Colombie-Britannique
Manitoba
Nouveau-Brunswick
Terre-Neuve-et-Labrador
Territoires du Nord-Ouest
Nouvelle-Écosse
Nunavut
Ontario
Île-du-Prince-Édouard
Québec
Saskatchewan
Yukon
Autre (À l’extérieur du Canada) -
Êtes-vous membre d’un ou de plusieurs ordres ou associations de professionnels ?
Oui
Non-
De quel(s) type(s) d’ordre ou d’association êtes-vous membre ?
Ordre ou association dans le secteur langagier
Ordre ou association dans le secteur juridique
Autre Précisez : Indiquez le nom des ordres ou associations dont vous êtes membre.
-
RÉALITÉS PROFESSIONNELLES
-
Quelle est votre langue dominante ?
Anglais
Français
Autre Précisez : -
Travaillez-vous dans un contexte unilingue (p. ex., révision de textes unilingues) ou plurilingue (p. ex., traduction, corédaction) ?
Unilingue
Plurilingue
Unilingue et plurilingue
Autre Précisez :-
Si vous travaillez dans un contexte unilingue, indiquez votre ou vos langues de travail.
Anglais
Français
Autre Précisez : -
Si vous travaillez dans un contexte plurilingue, indiquez votre ou vos combinaisons de langue.
Anglais ➔ français
Français ➔ anglais
Autre langue ➔ anglais ou français
Anglais ou français ➔ Autre langue
Une ou plusieurs autres combinaisons Précisez :
-
-
Combien d’années d’expérience possédez-vous en traduction, en interprétation ou dans d’autres fonctions langagières sans égard au domaine de spécialité ?
0 à 3 ans
4 à 8 ans
9 à 20 ans
21 à 30 ans
Plus de 30 ans -
Combien d’années d’expérience possédez-vous en traduction, en interprétation ou dans d’autres fonctions langagières dans le domaine du droit ?
0 à 3 ans
4 à 8 ans
9 à 20 ans
21 à 30 ans
Plus de 30 ans -
Parmi les énoncés suivants, lequel décrit le mieux la place qu’occupe le domaine du droit dans vos activités de traduction ou d’interprétation, ou vos autres fonctions langagières ?
Je travaille exclusivement dans le domaine du droit.
La majorité de mon travail concerne le domaine du droit, mais je travaille parfois dans d’autres domaines.
Le domaine du droit occupe environ la moitié de mon temps.
La majorité de mon travail concerne d’autres domaines, mais je travaille parfois dans le domaine du droit. -
En ce qui a trait spécifiquement à vos activités langagières dans le domaine du droit, indiquez dans quelle mesure vous effectuez les tâches suivantes.
Vous avez indiqué que vous traduisez d’autres documents de nature juridique. Pouvez-vous en décrire brièvement la nature ?
Vous avez indiqué que vous effectuez d’autres tâches dans le cadre de vos activités langagières dans le domaine du droit. Pouvez-vous en décrire brièvement la nature ?
-
En ce qui a trait spécifiquement à vos activités langagières dans le domaine du droit, sélectionnez la ou les principales branches du droit dans lesquelles vous travaillez.
Affaires
Propriété intellectuelle
Financement
Faillite et insolvabilité
Droit des assurances
Droit fiscal
Litige civil et commercial
Droit immobilier
Droit notarial
Droit de l’immigration
Droits de la personne
Droit de la famille
Droit du travail
Droit de l’environnement
Droit de la santé
Droit administratif et constitutionnel
Droit criminel
Droit international
Modes extrajudiciaires de règlement des différends
Autre Précisez :
ACTIVITÉS DE DÉVELOPPEMENT, BESOINS DE FORMATION ET ENJEUX PROFESSIONNELS
-
Au cours des trois dernières années, avez-vous participé à des activités de développement professionnel ?
Oui
Non-
Parmi les activités de développement professionnel suivantes, sélectionnez celles auxquelles vous avez participé au cours des trois dernières années.
Congrès ou conférence d’un ordre ou d’une association – secteur langagier
Congrès ou conférence d’un ordre ou d’une association – secteur juridique
Autre congrès ou conférence
Cours ou atelier d’un ordre ou d’une association – secteur langagier
Cours ou atelier d’un ordre ou d’une association – secteur juridique
Cours ou atelier d’un organisme privé (webinaires, formation en entreprise, etc.)
Cours ou programme d’un établissement d’enseignement reconnu
Programme de mentorat – secteur langagier
Programme de mentorat – secteur juridique
Autoapprentissage (p. ex., lectures, MOOC) – secteur langagier
Autoapprentissage (p. ex., lectures, MOOC) – secteur juridique
Autre Précisez : -
Avez-vous déjà été conférencier, formateur, enseignant ou animateur dans le cadre d’une activité de développement professionnel ?
Oui Précisez :
Non
-
-
Songez-vous à vous inscrire à une activité de développement professionnel au cours des 24 prochains mois ?
Oui
Non-
Parmi les propositions suivantes, laquelle ou lesquelles décrivent le mieux les activités de développement professionnel auxquelles vous songez vous inscrire au cours des 24 prochains mois ?
Formation en vue de la reconnaissance professionnelle
Traduction générale
Traduction spécialisée
Connaissance du droit
Interprétation
Rédaction
Langage clair
Terminologie
Postédition
Révision
Technologie langagière
Traitement de texte
Acquisition des langues
Perfectionnement des langues
Réseautage
Simulation, observation au travail, apprentissage par l’expérience
Autre Précisez :
-
Pouvez-vous décrire brièvement les principaux enjeux (obstacles, difficultés, formation, qualification, reconnaissance, etc.) de vos activités langagières dans le domaine du droit ?
DÉMOGRAPHIE
À quel groupe vous identifiez-vous le plus ? [Question exclue de l’analyse]
-
Quel âge avez-vous ?
17 ans ou moins
18 à 24 ans
25 à 34 ans
35 à 44 ans
45 à 54 ans
55 ans et plus -
Quel est votre province ou territoire de résidence ?
Alberta
Colombie-Britannique
Manitoba
Nouveau-Brunswick
Terre-Neuve-et-Labrador
Territoires du Nord-Ouest
Nouvelle-Écosse
Nunavut
Ontario
Île-du-Prince-Édouard
Québec
Saskatchewan
Yukon
Autre Précisez : -
Parmi les niveaux d’éducation suivants, lequel ou lesquels correspondent aux plus hauts diplômes que vous avez obtenus dans une discipline langagière ou juridique ?
Diplôme d’études collégiales ou d’études professionnelles
Certificat universitaire de premier cycle
Baccalauréat
Certificat universitaire de développement professionnel
Certificat ou diplôme d’études supérieures
Maîtrise
Doctorat
Aucun -
Dans quelle(s) discipline(s) avez-vous obtenu ce ou ces diplômes ?
Traduction, interprétation, terminologie
Langues (autres)
Droit
Discipline parajuridique
Autre Précisez : Acceptez-vous que l’on communique avec vous pour obtenir un complément d’information par rapport aux renseignements fournis dans le présent sondage ? [données exclues de l’analyse]
Acceptez-vous que l’École d’éducation permanente de l’Université McGill communique avec vous pour vous informer de ses activités et de ses offres de développement professionnel dans le secteur de la jurilinguistique ? [données exclues de l’analyse]
À quelle adresse électronique peut-on communiquer avec vous ? [données exclues de l’analyse]
Annexe 2. Carte du Canada
Remerciements
L’auteure tient à remercier l’équipe du programme d’études supérieures en traduction juridique et des communications de l’École d’éducation permanente de l’Université McGill pour sa collaboration à la rédaction du sondage, ainsi qu’à sa mise en forme et à sa diffusion en ligne.
Notes
-
[1]
Voir entre autres Langage du droit et traduction – Essais de jurilinguistique (Gémar 1982) et La jurilinguistique : entre langues et droits (Gémar 2005). Sur la question spécifique de la corédaction, voir : Covacs (1979), Šarčević (1997 : 9-28), Labelle (2000), McLaren (2016) ; et celle de la traduction juridique, voir : Darbelnet (1979), Kerby (1979), Pigeon (1982), Lavoie (2002, 2003b), Sparer (1979, 2002).
-
[2]
Dans le texte, l’emploi du masculin pour désigner des personnes ou des professions n’a d’autre fin que celle d’alléger le texte et de préserver l’anonymat des répondants au sondage.
-
[3]
Au Canada, les deux langues officielles sont l’anglais et le français, et bijuridisme désigne la coexistence de système de common law et de droit civil.
-
[4]
S’entend de jurilinguistique tout traitement linguistique appliqué au texte juridique (Gémar 2011 : 10).
-
[5]
Ce qui comprend, par exemple, le traitement à l’oral du langage du droit au Canada, comme l’interprétation judiciaire.
-
[6]
Voir par exemple les rapports de PRA Inc. Publiés en 2009 et 2016. (PRA inc. (2009) : Analyse pan canadienne des besoins de formation en langues officielles dans le domaine de la justice. Rapport final soumis au ministère de la Justice du Canada. www.justice.gc.ca/fra/pr-rp/sjc-csj/franc/som-sum/index.html (consulté le 7 janvier 2022) et PRA Inc. (2016) : Analytical Survey of Training in Court Interpretation, Court Reporting and Legal Translation. Final report. www.rnfj.ca/wp-content/uploads/2016/11/AnalyticalsurveyInterpretation-reporting-translat.pdf (consulté le 7 janvier 2022)).
-
[7]
Ce qui correspond au début de la pandémie de la COVID-19 et à une période d’instabilité de l’emploi. Nous avons tenu compte de ce contexte dans la formulation des questions, par exemple à la question sur la situation d’emploi (question 5), mais nous admettons que cela a pu influencer les résultats (voir entre autres le point 3.3.1).
-
[8]
Voir les listes de groupes de professionnels en question au point 3.3.4.
-
[9]
Approuvée par Research Ethics Board Office de l’Université McGill.
-
[10]
Sur la question Faut-il être juriste ou traducteur pour traduire le droit ?, voir Lavoie (2003a).
-
[11]
Sur la définition du texte juridique, voir Gémar (2002 : 20-22) et Prieto Ramos (2009 : 6-7).
-
[12]
Sur les compétences pour la traduction juridique et les lacunes des professionnels, voir Prieto Ramos (2011 : 19).
-
[13]
Les sept autres réponses sont : Nouveau-Brunswick (6), Manitoba (5), autres pays (3 : 2 États-Unis, 1 Finlande), Nouvelle-Écosse (2), Saskatchewan (2), Yukon (1) et sans objet (1).
-
[14]
Pour préserver l’anonymat des répondants, les données des autres régions ont été regroupées.
-
[15]
Les autres langues sont : allemand, arabe, chinois ou mandarin, espagnol, hébreu, italien, japonais, khmer, LSQ, perse, polonais, portugais, russe, tagalog, tchèque.
-
[16]
Les autres domaines, par diplôme d’études, sont : DEC ou études professionnels en secretarial work ; baccalauréat en economics-political science, engineering, geography/history, geology, humanities, linguistics, regional studies, sciences politiques ; certificat de développement professionnel en economics, medecine, science, statistics ; diplôme d’études supérieures en business and computer science, philosophy ; maîtrise en business and English, communication and technology, educational technology, engineering, journalism, law and economics, MBA ; doctorat en healthcare and sociology research, littérature, political science and philosophy ; autres diplômes en business, communication, economics, engineering, international relations, music.
-
[17]
Ces listes ont été établies à partir de la Classification nationale des professions du gouvernement du Canada, plus spécifiquement la catégorie 4 pour le secteur du droit et la catégorie 5 pour le secteur langagier (version 2016.3., en ligne : https://noc.esdc.gc.ca/Accueil/Bienvenue?GoCTemplateCulture=fr-CA, consulté le 22 octobre 2021) et ont été adaptées après la mise à l’essai du sondage et des consultations auprès de professionnels des deux secteurs.
-
[18]
Aucun répondant n’a retenu les choix suivants : attaché judiciaire, huissier de justice, sténographe (liste secteur droit) ; et terminologue, autre langagier (liste secteur langagier).
-
[19]
C’est-à-dire une réponse comptabilisée pour les répondants ayant choisi un seul élément de la liste du secteur langagier (100) ou du droit (7) et deux réponses pour ceux ayant choisi un élément par liste (83 multiplié par 2).
-
[20]
Les données du sondage ne sont pas suffisantes pour produire une catégorisation systématique. La catégorisation est aux fins de présentation seulement et les éléments sont présentés sans ordre d’importance.
-
[21]
Droit des affaires, financement, faillite et insolvabilité, droit immobilier, droit du travail, propriété intellectuelle, droit des assurances, droit administratif et constitutionnel, droit criminel, droit de l’environnement, droit de la santé, droit de l’immigration, droit de la personne, droit de la famille, droit international, droit notarial, droit fiscal, litige civil et commercial, modes extrajudiciaires de règlement des différends, autres.
-
[22]
Par exemple, des crédits universitaires pour se conformer aux exigences de formation, des ateliers préalables à l’agrément (déontologie professionnelle), des ateliers pour se conformer aux exigences de formation continue, etc.
-
[23]
La question 8 a été formulée de manière à être inclusive de tout regroupement, y compris les ordres professionnels (de traducteurs ou les barreaux), ainsi que d’autres réseaux formels ou informels.
Bibliographie
- Abbott, Andrew (1988) : The system of professions. An essay on the division of expert labor. Chicago : The University of Chicago Press.
- Covacs, Alexandre (1979) : Bilinguisme officiel et double version des lois. Un pis-aller : la traduction. Une solution d’avenir : la corédaction. Meta. 24(1):103-108.
- Cornu, Gérard (2005) : Linguistique juridique. Paris : Montchrestien.
- Darbelnet, Jean (1979) : Réflexions sur le discours juridique. Meta. 24(1):26-34.
- Gémar, Jean-Claude (1982) : Langage du droit et traduction : Essais de jurilinguistique. Montréal : Linguatech.
- Gémar, Jean-Claude (1995) : Traduire ou l’art d’interpréter. Tome 2 : langue, droit et société : éléments de jurilinguistique : Application : traduire le texte juridique. Québec : Presses de l’Université du Québec.
- Gémar, Jean-Claude (2002) : Traduire le texte pragmatique : Texte juridique, culture et traduction. ILCEA. 3:20-38.
- Gémar, Jean-Claude (2005) : Jurilinguistique : entre langues et droits. Montréal ; Bruxelles : Éditions Thémis.
- Gémar, Jean-Claude (2011) : Aux sources de la « jurilinguistique » : Texte juridique, langues et culture. Revue française de linguistique appliquée. XVI(1):9-16.
- Kerby, Jean (1979) : Problèmes particuliers à la traduction juridique au Canada. Revue de l’Université de Moncton. 12(2 et 3) :13-20.
- Labelle, André (2000) : La corédaction des lois fédérales au Canada, Vingt ans après : quelques réflexions. In :La traduction juridique : Histoire, théorie(s) et pratique. Genève, Université de Genève, 17-19 février 2000.
- Lavoie, Judith (2002) : Le discours sur la traduction juridique au Canada. Meta. 47(2) :198-210.
- Lavoie, Judith (2003a) : Faut-il être juriste ou traducteur pour traduire le droit ? Meta. 48(3):393-401.
- Lavoie, Judith (2003b) : Le bilinguisme législatif et la place de la traduction. TTR. 16(1) :121-139.
- McLaren, Karine (2016) : La production de textes législatifs bilingues authentiques au Canada : la corédaction et la traduction démystifiées. Mémoire de maîtrise. Moncton : Université de Moncton.
- Pigeon, Louis-Philippe (1982) : La traduction juridique - L’équivalence fonctionnelle. In : Jean-Claude Gémar, dir. Langage du droit et traduction - Essais de jurilinguistique. Montréal : Linguatech, 271-281.
- Prieto Ramos, Fernando (2009) : Interdisciplinariedad y ubicación macrotextual en traducción jurídica. Translation Journal. 13(4):1-10.
- Prieto Ramos, Fernando (2011) : Developing Legal Translation Competence : An Integrative Process-Oriented Approach. Comparative Legilinguistics. 5:7-21.
- Šarčević, Susan (1997) : New approach to legal translation. Boston : The Hague : Kluwer Law International.
- Sparer, Michel (1979) : Pour une dimension culturelle de la traduction juridique. Meta. 24(1):68-94.
- Sparer, Michel (2002) : Peut-on faire de la traduction juridique ? Comment doit-on l’enseigner ? Meta. 47(2):266-278.
- Wolf, Michaela (2010) : Sociology of translation. In : Yves Gambier et Luc Van Doorslaer, dir. Handbook of Translation Studies. Vol. 1, John Benjamins Publishing Company. 337-343.
Liste des figures
Liste des tableaux
Tableau 1
Mise en relief du lieu de résidence et du groupe d’âge
Tableau 2
Mise en relief du lieu de résidence et de la langue dominante
Tableau 3
Mise en relief du niveau et du domaine d’études
Tableau 4
Fréquence d’exécution des tâches associées au langage du droit
Tableau 5
Mise en relief des tâches (à fréquence élevée) et de la place du langage du droit dans les activités professionnelles
Tableau 6
Comparaison des sous-domaines de spécialité par place du langage du droit dans les activités professionnelles
Tableau 7
Comparaison des activités projetées de développement professionnel par domaine d’études
Tableau 8
Mise en relief de la situation d’emploi et de la place du langage du droit dans les activités professionnelles
Tableau 9
Mise en relief de la région de travail (demande) et du lieu de résidence (offre)
Tableau 10
Mise en relief de l’expérience en langue et de l’expérience en droit