Bien que la traduction soit entrée plutôt tardivement dans sa vie, Andrew Chesterman s’avère sans conteste l’un des traductologues les plus influents de la discipline. Né à Londres en 1946, il étudie d’abord les littératures française et allemande avant de s’installer en Finlande en 1968 où il passera finalement l’essentiel de sa carrière. Parallèlement à son enseignement universitaire en terre finlandaise, il obtient au Royaume-Uni d’abord une maîtrise en linguistique appliquée en 1973, puis un doctorat en linguistique contrastive en 1988. Dans une entrevue menée par Anthony Pym en 2006, Chesterman explique qu’il s’est intéressé à la traduction « because [he] had to teach it, not because [he] was doing it » (Chesterman 2014). Ses premières contributions d’importance concernant la traduction commencent d’ailleurs à apparaître seulement au début des années 1990, alors qu’il est dans la mi-quarantaine. Environ vingt ans plus tard, en 2010, Chesterman prend sa retraite de l’Université d’Helsinki, mais demeure actif dans le monde de la traductologie. Au fil des ans, il publiera abondamment au sujet de la traduction ; des livres, certes, comme son célèbre Memes of Translation (1997/2016), mais également des dizaines d’articles et de chapitres portant sur un vaste éventail de sujets traductologiques qui peuvent toutefois, pour la plupart, être regroupés sous quelques grands thèmes auxquels il restera fidèle tout au long de sa carrière. Comme son titre l’indique, Reflections on Translation Theory : Selected papers 1993-2014 concerne au premier chef la théorie de la traduction et rassemble les contributions les plus marquantes de Chesterman, publiées sur une période d’environ vingt ans. Les vingt-huit textes qui composent l’ouvrage sont distribués dans neuf parties, à savoir 1) « Some general issues », 2) « Descriptive and prescriptive », 3) « Causality and explanation », 4) « Norms », 5) « Similarities and differences », 6) « Hypotheses », 7) « Universals », 8) « The sociological turn » et 9) « Translation ethics ». Chacune de ces sections est mise en contexte par une courte présentation de nature rétrospective qui synthétise les articles à venir et en relate parfois la genèse. La préface d’à peine une page et demie cerne assez bien l’esprit du livre qui en compte quant à lui près de quatre cents. Chesterman y affirme d’emblée que les textes du recueil ont en commun le recours à l’analyse de concept (conceptual analysis), une méthode issue de la philosophie qui vise à étudier et à définir des concepts. Malheureusement, Chesterman n’explique jamais vraiment cette approche, pourtant au coeur de l’essentiel de ses travaux. Toujours dans la préface, Chesterman soutient que, « [i]n most cases, the articles do not represent empirical research and are not data-driven » (p. ix) ; en effet, bien qu’il suggère constamment des pistes ou des méthodes de recherche, Chesterman ne met presque jamais lui-même ses propositions en pratique. Quelque peu paradoxalement, il mentionne ailleurs dans l’ouvrage le fait que « [w]e have spent much time and energy honing our conceptual tools with more and more delicacy, but we have spent rather less time actually doing anything with these tools » (p. 98, l’italique est de l’auteur). À sa décharge, comme Chesterman le rappelle lui-même humblement dans une entrevue qu’il accorde en 2016 à Christina Schaeffner, « some people are drawn to work with masses of data, and other people are more drawn to ideas » (Chesterman 2018). En effet, s’il est indéniable que Chesterman garde les pieds bien sur terre en se montrant véritablement sensible aux enjeux pressants de la traduction professionnelle, le fait est qu’il demeure d’abord et avant tout un théoricien, voire un philosophe …
Parties annexes
Bibliographie
- Chesterman, Andrew (2014) : Andrew Chesterman (translation scholar). (Entrevue par Anthony Pym) YouTube (Transsfed). Consulté le 30 mars 2020, youtu.be/jm-9IbNVTj8.
- Chesterman, Andrew (1997/2016) : Memes of Translation : The spread of ideas in translation theory. 2e éd. Amsterdam/Philadelphie : John Benjamins.
- Chesterman, Andrew (2018) : Featured Interview : Andrew Chesterman. (Entrevue par Christina Schaeffner) JosTrans. 30. Consulté le 30 mars 2020, https://www.jostrans.org/issue30/int_chesterman.php.
- Holmes, James S. (1972/1988) : The Name and Nature of Translation Studies. In : James S. Holmes. Translated ! Papers on Literary Translation and Translation Studies. Amsterdam : Rodopi, 67-80.
- Kundera, Milan (1993) : Une phrase. In : Milan Kundera. Les Testaments trahis. Paris : Gallimard, 123-144.