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Ladmiral, Jean-René et Lipiansky, Edmond Marc (2015) : La Communication interculturelle. Paris : Les Belles Lettres, 330 p.[Notice]

  • Milouda Medjahed

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  • Milouda Medjahed
    Université de Montréal, Montréal, Canada

À la suite de l’épuisement de la première (1989), deuxième (1991) et troisième (1995) édition du présent ouvrage, une quatrième édition est parue en octobre 2015. Du côté du fond, cette édition prône l’osmose entre les études interculturelles et la traductologie, deux disciplines considérées à la fois connexes et distinctes dans les éditions antérieures. Quant à la forme, cette nouvelle édition a porté sur l’élimination des coquilles et l’amélioration de plusieurs formulations inadéquates tout en conservant la pagination originale. Le seul compte rendu du livre réalisé jusqu’alors est celui de Judith Woodsworth (1990), dans TTR, à propos de la toute première édition de 1989, une bonne raison de se livrer de nouveau à l’exercice en se basant sur la dernière édition. L’ouvrage est composé de trois parties et de onze chapitres. L’introduction porte sur la communication interculturelle comme enjeu et défi mondial, avec une attention particulière aux sociétés de l’Europe occidentale. Les auteurs définissent la notion de culture comme étant « les modes de vie d’un groupe social : ses façons de sentir, d’agir ou de penser ; son rapport à la nature, à l’homme, à la technique et à la création artistique » (p. 8). Quant au terme « interculturel », il est défini comme « un champ interactif, où l’on s’interroge sur les relations qui s’instaurent entre groupes culturellement identifiés » (p. 10). L’interculturel ici traité s’intéresse particulièrement à l’exemple paradigmatique des relations entre Français et Allemands menées dans le cadre des « programmes de formation-recherche » commandités par l’OFAJ (Office franco-allemand pour la jeunesse). Pour ce faire, les auteurs font appel à une approche psychosociologique qui s’appuie sur la dynamique des groupes binationaux et plurinationaux et concilie pratique et empirique. Les résultats de recherche ainsi analysés posent les bases d’une analyse sémiotique et sociohistorique intitulée l’« imagologie interculturelle » (p. 15). Dans le premier chapitre, « Pour une dynamique des groupes bilingues », Ladmiral traite des aspects psychosociologiques du bilinguisme qu’il qualifie d’« inédits ». Aidé par une équipe d’animation et de recherche bilingue et monolingue, il a étudié un groupe de 30 jeunes comprenant des unilingues francophones, des unilingues germanophones et des bilingues, vivant ensemble dans le cadre d’un stage résidentiel de huit jours. Des problèmes psychologiques émergent au cours du processus d’interprétation, appelé également « traduction orale ». En effet, l’analyse des motivations à interpréter (traduire selon Ladmiral) révèle que cette « médiation linguistique » est devenue un enjeu de pouvoir linguistique, voire une source de conflit (on en vient, par exemple, à privilégier l’allemand au détriment du français). On observe aussi l’interprète qui fait appel à son bagage culturel pour effectuer une traduction sélective ; la traduction joue alors le rôle d’un filtre de la communication interculturelle et devient elle-même la dynamique du groupe. L’auteur rappelle que « la communication est un cas particulier du malentendu » (p. 74) ; elle se trouve d’une part, devant un obstacle d’ordre parolique ou verbal (plurilinguisme), et d’autre part, devant une autre difficulté d’ordre culturel (ou socioculturel) se situant dans le paraverbal. Le deuxième chapitre, « Le corps entre deux langues », traite de la dimension corporelle vécue de la communication interculturelle. Ladmiral affirme que la voix humaine n’est que l’intersection, l’union paradoxale entre le corps, qui s’y spiritualise, et l’esprit, qui s’y incarne. Il se perd ensuite dans une discussion savante et métaphysique sur la voix humaine, cette « entité à deux faces », illustrée par de nombreuses références à saint Augustin, Kant, Hegel, Shelling, Barthes et Goethe. Dans le troisième chapitre : « De la langue à la culture », Lipiansky survole d’abord les …

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