Rendre la justice et laisser croire que justice a été faite (MacMillan 1948, cité dans Berry). Communiquer et persuader. Conscience et présence. Voilà tout l’art de la rédaction des motifs. Des principes de rédaction juridique que les professeurs Edward Berry, auteur, et Jean-Claude Gémar, auteur, adaptateur et traducteur, nous proposent de (re)découvrir dans cet ouvrage sur la rédaction des motifs, soit l’« ensemble des explications données par un juge, tant de fait que de droit, pour justifier sa décision » (GDT 2015). La rédaction communicative procède d’une aptitude à écrire de façon claire, concise et cohérente, à se détacher du flux de conscience, à répondre aux besoins du lectorat. La communication persuasive, quant à elle, résulte de la capacité à donner de la présence, du style au texte dans le but de capter l’attention et de favoriser la mémorisation. Bien que fondamentale, la maîtrise de ces principes n’est pourtant pas donnée à tous. Les juges, notamment, marqués par des années de formation et d’habitudes juridiques, ont du mal à transposer leurs schémas juridiques en structures rhétoriques. Ils ont plutôt tendance à confondre jugement et déroulement du procès, à procéder par induction, du particulier au général. Une rédaction fondée sur des schémas juridiques n’est pas mauvaise, mais elle donne l’effet et produit les effets de la pensée exprimée à voix haute : Certes, « penser, ce n’est pas communiquer », mais communiquer passe par la pensée. Le juge est donc invité à procéder en deux étapes dont les objectifs sont bien distincts : d’abord, une rédaction de découverte, un premier jet (comme le style de Proust) pour comprendre ce qu’il souhaite communiquer ; ensuite, une étape de réécriture pour communiquer et persuader (principes de clarté, de concision, de cohérence et de style) laquelle est axée sur les besoins du destinataire. Placer le destinataire au coeur de la rédaction est essentiel, car « communiquer, c’est collaborer avec les lecteurs qui participent activement à la création du sens ». Et persuader n’est possible que si l’on parle le langage du lecteur « en s’identifiant dans nos manières avec les siennes » (Burke, grand théoricien du xxe siècle, cité dans Berry). En d’autres termes, les fonctions de communication et de persuasion passent d’abord par la connaissance du destinataire. Procédés, fonctions et destinataires étant bien circonscrits, les professeurs Berry et Gémar peuvent alors s’engager dans des sujets plus techniques. Ils examinent d’abord la macrostructure (introduction, plan, section et conclusion) aux chapitres 1 à 3, puis la microstructure (paragraphes, phrases, mots et ponctuation) aux chapitres 4 à 6, et enfin des questions métatextuelles (audience, styles et révision) aux chapitres 7 à 9. Dans ce voyage au coeur du jugement, les auteurs engagent le lecteur dans un dialogue sur l’approche traditionnelle et les nouvelles approches de rédaction des jugements ; les deuxièmes ayant visiblement gagné les rédacteurs à leur cause et la première jouant le rôle d’adversaire coriace, mais défaillant. À l’issue de ce dialogue, le lecteur ne pourra qu’être convaincu de la pertinence des nouvelles approches et des imperfections de l’approche traditionnelle. Si les techniques qui favorisent la clarté, la concision et la cohérence (chapitres 1 à 7) sont décrites en des termes et exemples concrets, ce qui les rend a priori plus accessibles, voire reproductibles, la question du style (chapitre 8) est pour sa part plutôt abstraite. Des moyens pour améliorer le style (verbes forts, concret, métaphores et équilibre) et des exemples de style courant dans les jugements sont présentés, avec leurs points forts et leurs faiblesses, mais sans aller plus loin que la simple piste à explorer, car le style demeure foncièrement …
Parties annexes
Bibliographie
- Macmillan, Lord (1948) : The Writing of Judgments. Canadian Bar Review. 26(491).
- Office Québécois de la langue française (2015) : Motif. Le Grand dictionnaire terminologique. En ligne : www.granddictionnaire.com/. Consulté le 7 juillet 2015.