DocumentationComptes rendus

Jenn, Ronald et Oster, Corine, dir. (2014) : Territoires de la traduction. Artois : Artois Presses Université, 212 p.[Notice]

  • Oumarou Mal Mazou

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  • Oumarou Mal Mazou
    Université de Liège, Liège, Belgique

Les directeurs de cet ouvrage dont l’objectif est d’établir le rapport entre la traduction et le territoire sont tous deux enseignants de traduction et de traductologie à l’Université Charles-de-Gaulle de Lille. Jenn s’intéresse à la pseudo-traduction et aux rapports entre idéologie et traduction, notamment dans les échanges entre la France et les États-Unis. Oster, elle, est agrégée d’anglais et ses domaines de recherche incluent notamment les femmes en traduction, le cinéma féminin et le cinéma de la marge. L’ouvrage commence par une introduction digeste, brève et concise, dans laquelle les compilateurs lillois définissent ce qu’ils entendent par territoire, c’est-à-dire « un espace pensé, approprié et imaginé par l’homme » (p. 7). Ensuite, ils établissent le rapport qui existe entre territoire et traductologie. Jenn et Oster, en observant la traduction, déduisent que celle-ci est une confirmation que le texte lui-même est un territoire avec ses caractéristiques propres. De même, la traductologie, en tant qu’espace théorique de la traduction, affirme sa territorialité à travers un ensemble de « provinces » que les différents contributeurs réunis dans cet ouvrage explorent de fond en comble. Partrizia de Capitani ouvre la voie et se penche sur la traduction en français de nouvelles et de comédies italiennes du xvie siècle, plus particulièrement la traduction des toponymes. L’auteure étudie les stratégies de traduction qui dépendent surtout du type de réception. De l’analyse, il ressort que les traducteurs de nouvelles respectent généralement la localisation du texte de départ en traduisant les noms des lieux en français, ou en les reportant tels quels. Les traducteurs de comédies quant à eux ont tendance à effacer la provenance italienne des toponymes dans le texte traduit : « [le traducteur] revendique son effort pour ancrer la comédie italienne dans le territoire littéraire français » (p. 31). Capitani pense que le moyen le plus sûr de faciliter la compréhension entre territoires linguistiques différents, c’est de rendre le texte étranger familier en réduisant les différences (p. 32). Mathilde Aubague consacre son étude à la traduction-adaptation de Guzmán de Alfarache d’Alemán faite par Albertinus. Elle montre que le système littéraire allemand n’est pas favorable à la réception du genre picaresque, pourtant en plein essor en Espagne. D’après l’auteure, le traducteur choisit la liberté en donnant de l’importance aux enjeux idéologiques, notamment le genre littéraire, la religion, la politique, l’espace géographique et l’aspect linguistique : « Albertinus, en publiant sa traduction, propose au public germanique un genre nouveau, mais qui est adapté aux conditions politiques et religieuses du Saint Empire du début du xviie siècle » (p. 41). Dans son analyse, Aubague constate que le traducteur donne une importance particulière à l’aspect religieux. En définitive, la traduction d’Albertinus vise à susciter auprès du public germanophone une adhésion à la foi chrétienne. Samuel Trainor, dans un article rédigé en anglais, plonge dans le xixe siècle et propose une étude sur le rapport entre la langue nationale et les patois régionaux dans les écoles en France sous la IIIe République. La politique de « l’aménagement du territoire » de cette époque procéderait, selon l’auteur, du défrichement linguistique à travers les exercices de traduction entre les patois et le français pour renforcer l’efficacité de la didactique normative. Faisant appel à un champ lexical agricole, il construit son analyse autour d’une métaphore champêtre, et sur les mots défrichement/déchiffrement, ou encore dépaysement/repaysement pour décrire la politique linguistique imposée aux provinces françaises du xixe siècle. Pour lui, « translation came to be seen as a metaphor for transformative culture and as a vital means for its propagation » (p. 67). Là encore, la traduction assure son rôle …