Corps de l’article
Longtemps, la linguistique et la traductologie ont vécu séparément, sans doute parce que la linguistique a été longtemps dominée par les approches issues de la grammaire générative transformationnelle, une linguistique formelle. Or, l’année où sortait l’ouvrage fondateur de Chomsky, en 1957, Firth publiait un ouvrage à l’origine de la linguistique de corpus britannique, fondant l’analyse de la langue d’un point de vue contextuel et non conceptuel. Cette approche permet de voir la langue comme un discours, qui est aussi le lieu d’étude de la traduction dite pragmatique. La traduction pragmatique se préoccupe de rendre l’intention de l’auteur de a manière la plus compréhensible possible pour le lecteur, en tenant compte des attentes de celui-ci. Il s’agit d’une approche particulièrement adaptée à la traduction spécialisée. Nous nous proposons de montrer comment une approche issue de la linguistique de corpus, qui analyse la phraséologie d’un domaine spécialisé et d’un genre textuel au travers des phénomènes collocationnels permet de mieux comprendre les préférences de choix d’une langue à l’autre, ainsi que d’appréhender les fonctions discursives des phénomènes collocationnels. Nous illustrons cette approche à l’aide d’exemples extraits d’un corpus comparable (non traduit) anglais-français en sciences de la terre en nous appuyant sur 15 ans d’expérience de l’application de la linguistique de corpus à l’enseignement de la traduction spécialisée. Les phénomènes collocationnels dépendent en effet du domaine spécialisé, comme dans l’exemple : rocks are more buyoant, où la collocation rock buyoant a pour équivalent flottabilité roche : une plus grande flottabilité de la roche ; d’autre part, un domaine de spécialité peut comporter plusieurs genres textuels dans lesquels les phénomènes collocationels prennent des fonctions discursives différentes selon le genre (nous les appelons alors des schémas lexico-syntaxiques, car ils font intervenir à la fois la collocation, la colligation, la préférence sémantique et parfois la prosodie sémantique). À l’aide des exemples, nous montrons comment l’analyse de phénomènes collocationnels permet d’expliquer les choix à faire en traduction pragmatique et comment cette description peut être utile aux apprentis traducteurs.
Parties annexes
Biographical note
Natalie Kübler is a Professor at the Intercultural Studies and Applied Languages Department at the University Paris Diderot. She is the Head of the CLILLAC-ARP research lab and has been the head of the language Resource Center since 2007. She teaches corpus linguistics, specialised translation and corpus linguistics for teaching English for Specific Purposes. Her research interests deal with corpus linguistics and pragmatic translation, and languages for specific purposes. Some reflexions on the use of corpus linguistics in translation teaching are given in Working with different corpora in translation teaching (2011). Dealing with semantic prosody in pragmatic translation is one of her special interests within corpus linguistics.