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Éminent naturaliste du xixe siècle, Charles Darwin publie en 1859 ce qui s’avérera être le texte fondateur des sciences de la vie : On the origin of species by means of natural selection, or the preservation of favoured races in the struggle for life. Cet ouvrage, que nous appellerons par commodité l’OS, pose les assises conceptuelles de sa théorie de l’évolution (TE). La TE darwinienne suscite encore de nos jours la controverse : certains la nient (créationnisme, dessein intelligent, etc.) et d’autres la poussent à l’extrême (eugénisme, darwinisme social, etc.). Vu la grande portée de l’OS, le problème de sa traduction en français se présente de lui-même. Ce champ d’étude reste pourtant largement inexploré. Seules Conry (1974), Miles (1988/1989) et Brisset (2002) s’y sont attardées, et toutes se sont penchées sur la controversée Clémence Royer, première traductrice de l’OS. Nous nous proposons donc d’étudier cinq des sept éditions anglaises de l’OS (1859, 1861, 1869, 1872 et 1876) et leurs sept traductions françaises, cinq contemporaines et deux modernes. Nous nous limiterons au quatrième chapitre, qui porte sur le concept clé de la TE : la sélection naturelle. Notre recherche se situe dans la lignée des travaux de Vandaele, eux-mêmes inspirés du cadre théorique de la sémantique cognitive, notamment les travaux de Lakoff et Johnson (1980/2003), et de Talmy (2000). Nous examinerons donc les métaphores conceptuelles employées par Darwin, dont Ruse va même jusqu’à dire qu’elles confèrent son pouvoir heuristique et sa valeur épistémique à la TE, bien qu’elles soient parfois également source de confusion (Ruse, 2000/2005/2010). Pour ce faire, nous employons une méthode déjà définie par Vandaele et Boudreau (2006). Cette méthodologie nous permettra de comprendre comment les notions propres à la TE sont conceptualisées métaphoriquement et de comparer les différentes traductions françaises de l’OS. Les résultats de notre recherche jettent une lueur inédite sur la traduction d’une des oeuvres scientifiques les plus marquantes des derniers siècles et contribuent aux connaissances sur l’histoire de la traduction.
Parties annexes
Notes biographiques
Eve-Marie Gendron-Pontbriand détient un baccalauréat en microbiologie et immunologie (mention Honours) de l’Université McGill, avec mineure en langue et traduction française. Après quelques années de recherche dans le domaine biomédical, elle s’est réorientée vers le domaine de la traduction, dans le but d’étudier spécifiquement la traduction scientifique. Après avoir obtenu son DÉSS en traduction en 2011, elle a poursuivi des études à la maîtrise en traduction, qu’elle a terminées en août 2013. Elle est actuellement dans sa deuxième année de doctorat en traduction.
Sylvie Vandaele a été directrice de Meta pendant six ans, de 2008 à 2014. Elle détient une double formation en sciences et en traduction. Après un diplôme de doctorat en pharmacie (Université de Marseille, 1982) et un doctorat ès sciences de la vie (pharmacologie moléculaire ; Université de Nice, 1987), elle mène des recherches en neurosciences à l’université Harvard, à l’université McGill et à l’Université de Montréal jusqu’en 1995. Après une reconversion en traduction et la constitution d’un cabinet indépendant, elle revient à la vie universitaire en 2000 au sein du Département de linguistique et de traduction de l’Université de Montréal. Elle y enseigne la traduction dans les domaines de la médecine et des sciences de la vie (biotechnologies) et elle dirige le groupe de recherche BiomeTTico. Son intérêt de recherche principal concerne les modes de conceptualisation métaphorique en sciences, envisagés dans une perspective synchronique autant que diachronique, c’est-à-dire sous l’angle de l’histoire des sciences, que complètent des recherches terminologiques ainsi qu’une réflexion continue sur l’enseignement et sur la pratique professionnelle. Traductrice et terminologue agréée, elle contribue régulièrement à la formation continue des professionnels dans le cadre de l’Ordre des traducteurs, terminologiques et interprètes agréés du Québec. Enfin, elle est membre de l’Association canadienne de traductologie et de l’American Translator Association, ainsi que de la History of Science Society (É.-U.) et de la Société française d’histoire de la médecine.