DocumentationComptes rendus

Valero-Garcés, Carmen et Martin, Anne, dir. (2008) : Crossing Borders in Community Interpreting. Definitions and Dilemmas. Amsterdam/Philadelphie : Benjamins Translation Library, xii + 291 p.[Notice]

  • Marco A. Fiola

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  • Marco A. Fiola
    Université Ryerson, Toronto, Canada

Il peut paraître contradictoire que l’interprétation en milieu social, celle que l’on pourrait appeler la « doyenne des pratiques langagières », fasse l’objet depuis quelque temps d’une espèce d’engouement. En effet, au Canada, on vient d’y consacrer une conférence internationale, à Vancouver ; la série de conférences internationales Maillon essentiel/Critical Link se transportera à Birmingham l’an prochain ; on assistait en 2005 à la deuxième conférence internationale consacrée au sujet, à Alcalà (d’où sont inspirés les textes qui composent le collectif de Valero-Garcés et Martin) ; finalement, autrefois hermétiquement fermées à cette possibilité, certaines associations professionnelles canadiennes songent maintenant à demander aux gouvernements provinciaux la permission de protéger le titre d’interprète communautaire agréé. Certes, il y a loin de la coupe aux lèvres, et ce n’est pas demain la veille que des interprètes en milieu social seront agréés au Canada. Toutefois, il ne fait aucun doute que l’interprétation en milieu social intéresse et préoccupe de plus en plus. Or, on peut se demander ce que nous vaut ce regain de popularité. On peut supposer que cette « mode » s’explique par la reconnaissance accrue des droits des minorités, ou du moins l’intensification des débats sur le sujet, et du fait que la reconnaissance des droits et libertés s’accompagne de devoirs et de responsabilités. On notera aussi qu’avec l’Europe des 27, les mouvements de migration ne se limitent plus aux seuls pays d’immigrants comme le Canada, l’Australie et les États-Unis, mais c’est l’Europe tout entière qui s’éveille à ce phénomène. De pays d’émigrants, les membres de la Communauté européenne sont maintenant des pays d’immigrants, ce qui fait que les problèmes auxquels le Canada, le Royaume-Uni et l’Australie étaient, et sont, confrontés depuis des décennies frappent de plein fouet le vieux continent. La relative prospérité économique attribuable à une monnaie forte et à un énorme marché commun rend plus qu’attrayants certains pays hôtes qui, jusqu’à tout récemment, étaient de simples pays de transit. On pensera ici à l’Italie et à l’Espagne, entre autres. Ce n’est sans doute pas une coïncidence que les directrices de ce nouveau collectif sont rattachées à des universités espagnoles. En dépit de son titre, l’ouvrage que proposent Valero-Garcés et Martin porte presque exclusivement sur le rôle de l’interprète en milieu social. En effet, dans chacun des chapitres, qu’il soit question d’interprétation en milieu médical, d’interprétation judiciaire, ou encore d’interprétation en langue gestuelle, c’est en fait du rôle de l’interprète dont il est question. L’interprète doit-elle se porter à la défense des personnes avec lesquelles elle travaille ? Dans quelle mesure l’aspect culturel doit-il faire partie de la tâche de l’interprète ? etc. Ce sont là autant de questions et, plus rarement, de réponses qui témoignent d’une pratique (peut-on ici parler d’une profession ?) en profonde réflexion, d’une pratique qui tente de s’expliquer, d’abord à elle-même puis à ceux et celles qui la pratiquent, mais aussi à ceux et celles qui ont recours à ce genre de services. Le chapitre-préface de Pöchhacker, intitulé « Interpreting as Mediation », cherche à démythifier les perceptions à l’égard de l’interprétation. D’interprétation marginale, cette pratique langagière a sans doute souhaité se définir comme étant foncièrement différente de toute autre forme d’interprétation. C’est ce qui explique sans doute la pléthore d’appellations servant encore à désigner le travail de l’interprète en milieu social, et l’objet de son intervention : en français, on trouve médiation culturelle, interprétation communautaire, interprétation en milieu social, interprétariat, et l’anglais n’est pas en reste, utilisant cultural broker, cultural interpreter, community interpreter, public service interpreter, cultural mediator, etc. Cela ne peut que contribuer à semer la confusion parmi …