Présentation[Notice]

  • Sylvie Vandaele

Le présent numéro est essentiellement axé sur la traduction spécialisée, plus particulièrement la traduction juridique (Hjort-Pedersen et Faber, Medhat-Lecocq, Ferran Larraz, Bestué Salinas) et d’autres domaines proches ou connexes, comme les brevets (Aragonés Lumeras), la politique (Yener) et l’économie (Furió-Blasco), mais aussi la médecine (Miquel-Vergés et Sánchez-Trigo). Cette thématique recoupe tout naturellement celle de la documentation, qu’il s’agisse de dictionnaires (Humblé), de base de données documentaires (Monzó) ou de corpus bilingues (Miquel-Vergés et Sánchez-Trigo, Zhu et Yip) ainsi que celle de la formation (Gil-Bardají, Aragonés Lumeras, Hjort-Pedersen et Faber, Monzó, Zhu et Yip). Remarquons en premier lieu que, du point de vue théorique, plusieurs auteurs se penchant sur des questions touchant le droit s’accordent pour situer leur réflexion et leur pratique dans le cadre du fonctionnalisme (Ferran Larraz, Bestué Salinas, Aragonés Lumeras). Par ailleurs, souligner l’importance des différences culturelles, que ce soit sur le plan des institutions (Medhat-Lecocq), des lois (Ferran Larraz, Bestué Salinas), du contexte socio-politique (Yener) ou des pratiques discursives spécifiques (Aragonés Lumeras, Hjort-Pedersen et Faber) permet de prendre conscience que la traduction dite pragmatique est tout autant le véhicule de la culture que la traduction littéraire, comme l’a d’ailleurs souligné Marianne Lederer lors du récent 5e congrès latino-américain de traduction et d’interprétation qui s’est déroulé à Buenos Aires. Culturelles en effet – et affaires de vision du monde – sont en effet les façons d’envisager les relations contractuelles, le rapport aux délits et aux lois, la vie politique… On ne saurait donc sous-estimer la responsabilité et le travail ardu du traducteur, lequel est conduit à prendre en compte non seulement le sens du texte d’origine, le contexte de production et l’intention de l’auteur – pour autant qu’elle soit accessible – mais aussi l’ensemble de la situation de communication ciblée : paramètres communicatifs et rhétoriques (Aragonés Lumeras), implicite et explicite (Hjort-Pedersen et Faber), exigences des institutions et des destinataires (Aragonés Lumeras). Les limites de la situation communicative peuvent d’ailleurs être très variables, puisqu’une connaissance intime des contextes sociopolitiques touchant l’ensemble d’un pays peut se révéler indispensable (Medhat-Lecocq). Prendre un certain recul par rapport à des questions qui peuvent être perçues à tort comme étant très ponctuelles (comment traduire un terme ou une dénomination, comment interpréter la rhétorique d’un texte ou sa portée juridique) permet de resituer l’importance des connaissances extralinguistiques et du rôle fondamental du traducteur sachant « peser ses mots ». Plus que jamais, malgré Google et l’Internet (mais peut-être à cause de), le traducteur doit être en mesure de séparer le bon grain de l’ivraie. La traduction n’a jamais été, et ne sera jamais affaire de mot à mot, ni, nous en faisons le pari, d’automatisation extrême. Bien sûr, les interférences linguistiques, dont la diffusion est décuplée par la Toile, exercent une pression plus forte que jamais sur les professionnels et surtout sur les étudiants. Bien sûr, une uniformisation se fait jour dans certains cas, et plusieurs auteurs soulignent combien les systèmes juridiques eux-mêmes sont mis à l’épreuve par l’internationalisation des échanges. Faut-il souhaiter ou craindre une uniformisation de la res publica, ceci est une autre question… Et, bien sûr, les outils d’aide à la traduction – désormais indissociables de la pratique professionnelle – peuvent engendrer le pire et le meilleur. Il n’en reste pas moins qu’une réflexion sur les outils de formation et de documentation est plus que jamais pertinente. Dans certains cas, le mieux est l’ennemi du bien et l’accès à des ressources sélectionnées et validées favorise, sans nul doute, l’ancrage des connaissances extralinguistiques nécessaires à un apprentissage et à une pratique de qualité. La traduction spécialisée constitue ainsi un défi particulier …